Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Rouen :
1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire ;
2°) d'annuler l'arrêté du 6 décembre 2023 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé son pays de destination ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime de procéder au réexamen de sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros à verser à son conseil, en application des dispositions combinées des dispositions de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n°2401003 du 28 juin 2024, le tribunal administratif de Rouen a jugé qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur les conclusions de Mme B... tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire et a rejeté le surplus des conclusions de sa requête.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 25 septembre 2024, Mme C..., représentée par la SELARL Eden Avocats, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 28 juin 2024 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 6 décembre 2023 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé son pays de destination ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " étudiant " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de huit jours à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou, à titre infiniment subsidiaire, de ne pas exécuter la décision d'éloignement dont elle fait l'objet ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son conseil, en application des dispositions combinées des dispositions de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision de refus de titre de séjour est entachée d'erreur d'appréciation dans l'application des dispositions de l'article L. 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 9 de la convention franco-gabonaise du 2 décembre 1992 ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- l'évolution de sa situation depuis l'édiction de l'arrêté litigieux fait obstacle à l'exécution de la décision portant obligation de quitter le territoire français.
Par un mémoire en défense, enregistré le 27 janvier 2025, le préfet de la Seine-Maritime demande à la cour de rejeter la requête d'appel de Mme C....
Il fait valoir que :
- il s'en rapporte à ses écritures de première instance relativement au bien-fondé des moyens d'annulation soulevés en appel par Mme C...,
- l'appelante ne justifie pas par les éléments qu'elle produit du sérieux dans ses études depuis l'intervention de l'arrêté litigieux du 6 décembre 2023, si bien qu'il n'y a pas d'obstacle à ce que la décision d'éloignement dont elle fait l'objet soit mise à exécution.
Le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Douai a accordé le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale à Mme C... par une décision du 26 août 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention franco-gabonaise relative à la circulation et au séjour des personnes du 2 décembre 1992 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Thulard, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... C..., ressortissante gabonaise née le 28 mars 1999, est entrée sur le territoire le 26 septembre 2019 munie d'un visa de long séjour valant titre de séjour valable du 20 septembre 2019 jusqu'au 20 septembre 2020 portant la mention " étudiant ". Son titre de séjour a été renouvelé jusqu'au 20 septembre 2023. Le 1er août 2023, elle a sollicité le renouvellement de son titre de séjour. Par un arrêté du 6 décembre 2023, le préfet de la Seine Maritime a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé son pays de destination. Mme C... a demandé l'annulation de cet arrêté au tribunal administratif de Rouen qui, par un jugement du 28 juin 2024, a rejeté sa demande. Mme C... interjette appel de ce jugement.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :
2. Les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatives aux titres de séjour qui peuvent être délivrés aux étrangers et aux conditions de délivrance de ces titres s'appliquent, ainsi que le rappelle l'article L. 111-2 du même code, " sous réserve des conventions internationales ". Aux termes de l'article 9 de la convention franco-gabonaise du 2 décembre 1992 : " Les ressortissants de chacune des Parties contractantes désireux de poursuivre des études supérieures ou d'effectuer un stage de formation de niveau supérieur sur le territoire de l'autre doivent, outre le visa de long séjour prévu à l'article 4, justifier d'une attestation d'inscription ou de préinscription dans l'établissement d'enseignement où s'effectue le stage, ainsi que, dans tous les cas, de moyens d'existence suffisants. / (...) ". Aux termes de l'article 12 de la même convention : " Les dispositions de la présente convention ne font pas obstacle à l'application des législations respectives des deux Parties contractantes sur l'entrée et le séjour des étrangers sur tous les points non traités par la convention ". Il résulte de ces stipulations, dont l'objet et la portée sont équivalentes à celles des dispositions de l'article L. 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qu'il appartient à l'administration, saisie d'une demande de carte de séjour temporaire en qualité d'étudiant par un ressortissant gabonais, de rechercher, à partir de l'ensemble des pièces du dossier et sous le contrôle du juge, si l'intéressé peut être raisonnablement regardé comme poursuivant effectivement des études sur le territoire français et d'apprécier la réalité et le sérieux des études poursuivies.
3. Ainsi que l'a précisé à raison le tribunal dans son jugement contesté, il ressort des pièces du dossier que Mme C... s'est inscrite en première année de licence de psychologie pour l'année universitaire 2019-2020 et qu'elle a été déclarée défaillante à la session 1 et ajournée avec une moyenne de 7,904 à la session 2. Elle a validé cette première année de licence de psychologie à l'issue de l'année universitaire 2020-2021, en obtenant une moyenne de 10,094. Inscrite en deuxième année de licence de psychologie en 2021-2022, elle a été ajournée à la session 1 avec une moyenne de seulement 5,514. Mme C... s'est réorientée en BTS management commercial et opérationnel en septembre 2022-2023 mais n'a pas achevé sa formation. Elle s'est de nouveau réorientée vers un autre BTS, en gestion de la PME/PMI, à la rentrée universitaire de septembre 2023. Ainsi, à l'issue d'un séjour de plus de quatre ans en France, Mme C... n'avait validé qu'une seule année de formation, n'était titulaire d'aucun diplôme et s'était déjà réorientée deux fois. Compte tenu de cette absence de progression et de cohérence dans ses études, le préfet n'a pas fait une inexacte application des stipulations précitées en estimant que l'intéressée ne remplissait pas les conditions pour obtenir le renouvellement de son titre de séjour.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
4. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1- Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2- Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
5. Mme C... est entrée en France afin d'y poursuivre des études et n'avait ainsi pas vocation à y demeurer. Par ailleurs, elle ne réside sur le territoire national que depuis septembre 2019, soit environ quatre ans et demi à la date de la décision attaquée. Elle n'est pas dépourvue d'attaches dans son pays d'origine, où réside sa mère. Si elle se prévaut de liens privés et familiaux en France, elle se contente de produire trois attestations de proches et n'en établit donc pas la particulière intensité. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales par la décision d'obligation de quitter le territoire français doit être écarté. Dans les circonstances de l'espèce, le préfet de la Seine-Maritime n'a pas davantage entaché cette décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'appelante.
6. Il résulte de ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté ses conclusions à fin d'annulation des décisions du préfet de la Seine-Maritime en date du 6 décembre 2023.
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
7. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. / (...). ". Son article L. 911-2 dispose : Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé. / (...). ".
8. Eu égard aux motifs qui le fondent, le présent arrêt n'implique aucune des mesures d'exécutions sollicitées par l'appelante, y compris celle tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de la Seine-Maritime de ne pas exécuter la décision d'éloignement dont elle fait l'objet.
Sur les frais de l'instance :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme demandée à ce titre par Mme C... soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C..., à la SELARL Eden Avocats et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera transmise pour information au préfet de la Seine-Maritime.
Délibéré après l'audience du 30 avril 2025, à laquelle siégeaient :
- Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre,
- Mme Isabelle Legrand, présidente-assesseure,
- M. Vincent Thulard, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 mai 2025.
Le rapporteur,
Signé : V. Thulard
La présidente de la 1ère chambre,
Signé : G. Borot La greffière,
Signé : N. Roméro
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
La greffière en chef,
Par délégation,
La greffière,
Nathalie Roméro
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N°24DA01977