La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

30/04/2025 | FRANCE | N°24DA01923

France | France, Cour administrative d'appel de DOUAI, 1ère chambre, 30 avril 2025, 24DA01923


Vu la procédure suivante :





Par une ordonnance du 19 septembre 2024, le président du tribunal administratif de Rouen a transmis à la cour, en application du III de l'article R. 311-6 du code de justice administrative, le dossier de la requête enregistrée sous le n° n°2304374.





Par cette requête et un mémoire, enregistrés au greffe du tribunal administratif de Rouen le 4 novembre 2023 et le 7 janvier 2024, l'association Chanu Patrimoine Environnement a demandé au tribunal d'annuler l'arrêté du préfet de l'Eure en date du

4 mai 2023 portant enregistrement de l'installation de méthanisation de la SAS Energie Bio Norman...

Vu la procédure suivante :

Par une ordonnance du 19 septembre 2024, le président du tribunal administratif de Rouen a transmis à la cour, en application du III de l'article R. 311-6 du code de justice administrative, le dossier de la requête enregistrée sous le n° n°2304374.

Par cette requête et un mémoire, enregistrés au greffe du tribunal administratif de Rouen le 4 novembre 2023 et le 7 janvier 2024, l'association Chanu Patrimoine Environnement a demandé au tribunal d'annuler l'arrêté du préfet de l'Eure en date du 4 mai 2023 portant enregistrement de l'installation de méthanisation de la SAS Energie Bio Normandie située au lieu-dit La Côte de Bueil, à Villiers-en-Désœuvre (27640), ensemble la décision de rejet de son recours gracieux en date du 4 juillet 2023.

L'association requérante soutient que :

- sa requête n'est pas tardive dès lors que les dispositions dérogatoires mentionnées par la SAS Energie Bio Normandie portent atteinte aux droits de la défense et au principe de sécurité juridique, qu'à les supposer même applicables, ils ne lui sont pas opposables faute d'avoir été indiquées dans la mention par la décision qu'elle conteste des voies et délais de recours et qu'enfin, sa demande doit être considérée comme ayant été présentée dans ces délais dès lors qu'elle a introduit un précédent recours le 18 février 2023 ;

- le dossier d'enregistrement mis en consultation souffre d'insuffisances et d'erreurs quant à la justification du site retenu pour implanter l'installation de méthanisation en litige, quant à l'intérêt du projet pour la pétitionnaire et quant aux risques pour les tiers. Il méconnaît par ailleurs les dispositions de l'article R. 512-46-6 du code de l'environnement, en l'absence de justification du dépôt de la demande de permis de construire. Il est également incomplet en ce qu'il ne justifie pas que le projet serait situé en dehors d'un périmètre de protection rapprochée d'un captage d'eau, qu'il n'identifie pas clairement les zones présentant un risque de présence d'une atmosphère explosive, qu'il ne matérialise pas les canalisations de biogaz, qu'il ne justifie pas que la torchère projetée sera conforme à la norme ISO 16852, que l'étude de définition du système d'assainissement non-collectif est dépourvue de pertinence et, enfin, que la présentation des mesures de prévention et de gestion des risques est biaisée et incomplète ;

- l'arrêté litigieux est entaché d'un vice de procédure en l'absence de réalisation préalable d'une étude d'impact ;

- il a été pris à l'issue d'une procédure qui méconnaît les droits de la défense ;

- il méconnaît le principe de précaution et le devoir de vigilance qui incombe à l'administration ;

- il méconnaît l'article 7 de la charte de l'environnement et les dispositions législatives relatives à l'information du public en matière environnementale ;

- il méconnaît le principe de souveraineté alimentaire de la France ;

- il est illégal dès lors qu'il a été édicté après expiration des délais mentionnés à l'article R. 512-46-8 du code de l'environnement ;

- il est incompatible avec le plan local d'urbanisme communal ;

- il est illégal en ce qu'il porte atteinte aux paysages ;

- il est illégal compte tenu de la situation de conflit d'intérêts dans laquelle se trouve la commune de Villiers-en-Désœuvre ;

- il méconnaît les dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'environnement compte tenu des risques qu'il induit pour la sécurité publique.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 15 décembre 2023 et le 3 décembre 2024, la SAS Energie Bio Normandie, représentée par Me Gandet, conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que la requête est irrecevable en raison de sa tardiveté.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 décembre 2024 au greffe de la cour, la ministre de la transition écologique, de l'énergie, du climat et de la prévention des risques conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que la requête est irrecevable en raison de sa tardiveté.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement,

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Thulard, premier conseiller,

- les conclusions, de M. Eustache, rapporteur public,

- et les observations de Me Sicoli, représentant la SAS Energie Bio Normandie.

Considérant ce qui suit :

1. L'association Chanu Patrimoine Environnement a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du préfet de l'Eure en date du 4 mai 2023 portant enregistrement de l'installation de méthanisation de la SAS Energie Bio Normandie située au lieu-dit La Côte de Bueil, à Villiers-en-Désœuvre (27640), ensemble la décision de rejet de son recours gracieux en date du 4 juillet 2023. Faute pour ce tribunal d'avoir statué sur cette requête dans un délai de dix mois, celle-ci a été transmise à la cour par une ordonnance du président du tribunal administratif en date du 19 septembre 2024, conformément aux dispositions du III de l'article R. 311-6 du code de justice administrative.

2. En premier lieu, aux termes des dispositions de de l'article R. 311-6 du code de justice administrative : " I.- Le présent article régit les litiges portant sur les installations et ouvrages suivants, y compris leurs ouvrages connexes : / -installation de méthanisation de déchets non dangereux ou de matière végétale brute, à l'exclusion des installations de méthanisation d'eaux usées ou de boues d'épuration urbaines lorsqu'elles sont méthanisées sur leur site de production (...) / Il s'applique aux décisions suivantes, y compris de refus, à l'exception des décisions prévues à l'article R. 311-1 et des décisions entrant dans le champ de l'article R. 811-1-1 du présent code : / (...) 5° L'enregistrement d'installations mentionné à l'article L. 512-7 du code de l'environnement ; / (...) / II.- Le cas échéant par dérogation aux dispositions spéciales applicables aux décisions mentionnées au I, le délai de recours contentieux contre ces décisions est de deux mois à compter du point de départ propre à chaque réglementation. Ce délai n'est pas prorogé par l'exercice d'un recours administratif. / (...) IV.- Les dispositions du présent article s'appliquent aux décisions mentionnées au I prises entre le 1er novembre 2022 et le 31 décembre 2026 ".

3. En vertu des dispositions de l'article R. 514-3-1 du code de l'environnement : " Les décisions mentionnées aux articles L. 211-6 et L. 214-10 et au I de l'article L. 514-6 peuvent être déférées à la juridiction administrative : / 1° Par les tiers intéressés en raison des inconvénients ou des dangers que le fonctionnement de l'installation présente pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1 dans un délai de quatre mois à compter du premier jour de la publication ou de l'affichage de ces décisions ; / (...). ". Le I de l'article L. 514-6 du même code fait lui-même référence aux arrêtés d'enregistrement des installations classées pour la protection de l'environnement prise en vertu de son article L. 512-7-3.

4. En l'espèce, la décision attaquée par l'association Chanu Patrimoine environnement est un arrêté d'enregistrement au titre de la législation des installations classées pour la protection de l'environnement, qui porte sur une installation de méthanisation de déchets non dangereux ou de matière végétale brute et qui a été édicté le 4 mai 2023, soit postérieurement au 1er novembre 2022 et antérieurement au 31 décembre 2026. Il en résulte que la SAS Energie Bio Normandie est fondée à soutenir dans la présente instance que les voies et délais de recours à l'encontre de cet arrêté étaient fixées par les dispositions combinées du II de l'article R. 311-6 du code de justice et de l'article R. 514-3-1 du code de l'environnement.

5. En deuxième lieu, si le II de l'article R. 311-6 du code de justice administrative prévoit que le délai de recours contre les décisions concernées est de deux mois, par dérogation, le cas échéant, aux dispositions spéciales prévues par les dispositions réglementaires propres à certaines de ces décisions prévoyant un délai de recours d'une durée supérieure, le pouvoir réglementaire s'est borné à appliquer à ces décisions le délai de recours de droit commun résultant de l'article R. 421-1 du code de justice administrative, sans porter d'atteinte illégale au droit à un recours juridictionnel effectif. Les dispositions du décret attaqué prévoyant que le délai de recours contentieux contre les décisions concernées n'est pas prorogé par l'exercice d'un recours administratif ne portent pas davantage d'atteinte illégale à ce droit.

6. Dans ces conditions, l'association Chanu Patrimoine Environnement n'est pas fondée à soutenir qu'il y aurait lieu d'écarter l'application de ces dispositions en ce qu'elles porteraient atteinte aux droits de la défense ou, en tout état de cause, au principe de sécurité juridique.

7. En troisième lieu, contrairement à ce que soutient l'association requérante, l'arrêté litigieux, dont elle a elle-même fourni la copie, a fait une mention exacte des voies et délais de recours résultant de ces dispositions en précisant à son point 2.2 " Délais et voies de recours (article L. 514-6 du code de l'environnement) " que l'acte pouvait être déféré au tribunal administratif de Rouen par les tiers dans un délai de deux mois à compter de sa publication ou de son affichage, qu'il pouvait faire l'objet d'un recours gracieux ou hiérarchique dans un délai de deux mois et que ce recours administratif ne prolongeait pas les délais de recours. Ces délais lui étaient par conséquent bien opposables.

8. En quatrième lieu, il résulte de l'instruction et n'est d'ailleurs pas contesté par l'association requérante que l'arrêté du 4 mai 2023 portant enregistrement de l'installation de méthanisation de la SAS Energie Bio Normandie située au lieu-dit La Côte de Bueil, à Villiers-en-Désœuvre (27640) a été publié le 4 mai 2023. Le délai de recours contentieux de deux mois à son encontre courait donc à compter de cette date et n'a pas été prolongé par l'exercice d'un recours administratif le 4 juillet 2023, en application de l'article R.514-3-1 du code de l'environnement.

9. En cinquième et dernier lieu, l'association requérante se prévaut de l'existence d'un précédent recours contentieux qu'elle a introduit au greffe du tribunal administratif de Rouen le 18 février 2023. Toutefois, dès lors que ce précédent recours ne concluait pas à l'annulation de l'arrêté du préfet de l'Eure du 3 mai 2023, il ne saurait avoir interrompu les délais de recours contentieux contre l'acte objet du présent litige.

10. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que le délai de recours contentieux à l'encontre de l'arrêté litigieux du 3 mai 2023 était expiré le 4 novembre 2023, date d'enregistrement de la requête de l'association Chanu Patrimoine Environnement au greffe du tribunal administratif de Rouen.

11. La pétitionnaire et la ministre sont ainsi fondées à soutenir que la requête présentée par l'association Chanu Patrimoine Environnement est tardive et qu'elle doit, pour ce motif, être rejetée dans toutes ses conclusions.

DECIDE :

Article 1er : La requête de l'association Chanu Patrimoine Environnement est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à l'association Chanu Patrimoine Environnement, à la SAS Energie Bio Normandie et à la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche.

Copie en sera transmise pour information au préfet de l'Eure.

Délibéré après l'audience du 27 mars 2025, à laquelle siégeaient :

- Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre,

- Mme Isabelle Legrand, présidente-assesseure,

- M. Vincent Thulard, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 avril 2025.

Le rapporteur,

Signé : V. Thulard

La présidente de la 1ère chambre

Signé : G. Borot

La greffière,

Signé : N. Roméro

La République mande et ordonne à la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

La greffière en chef,

Par délégation,

La greffière,

Nathalie Roméro

2

N°24DA01923


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 24DA01923
Date de la décision : 30/04/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Borot
Rapporteur ?: M. Vincent Thulard
Rapporteur public ?: M. Eustache
Avocat(s) : AARPI LEXION AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 11/05/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-04-30;24da01923 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award