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29/04/2025 | FRANCE | N°23DA01553

France | France, Cour administrative d'appel de DOUAI, 3ème chambre, 29 avril 2025, 23DA01553


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... F... a demandé au tribunal administratif de Lille, d'une part, d'annuler l'arrêté du 26 juillet 2021 par lequel le garde des sceaux, ministre de la justice, l'a révoqué de ses fonctions, d'autre part, d'enjoindre au garde des sceaux, ministre de la justice, de le réintégrer dans ses fonctions à la date du 31 août 2021 dans le délai d'un mois à compter du jugement à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard.



Par un jugement n°

2108398 du 29 mars 2023, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.



Procédu...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... F... a demandé au tribunal administratif de Lille, d'une part, d'annuler l'arrêté du 26 juillet 2021 par lequel le garde des sceaux, ministre de la justice, l'a révoqué de ses fonctions, d'autre part, d'enjoindre au garde des sceaux, ministre de la justice, de le réintégrer dans ses fonctions à la date du 31 août 2021 dans le délai d'un mois à compter du jugement à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 2108398 du 29 mars 2023, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 31 juillet 2023, M. F..., représenté par Me Stienne-Duwez, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Lille du 29 mars 2023 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 26 juillet 2021 ;

3°) d'enjoindre au garde des sceaux, ministre de la justice, de le réintégrer dans ses fonctions à la date du 31 août 2021 dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le tribunal administratif a omis de répondre au moyen tiré de ce que l'avis du conseil de discipline du 19 mai 2021 est insuffisamment motivé ;

- la sanction de révocation est insuffisamment motivée ;

- la procédure est irrégulière dès lors qu'il a transmis des observations écrites accompagnées de pièces qui n'ont pas été lues lors de la séance du conseil de discipline ;

- l'avis du conseil de discipline est insuffisamment motivé, en méconnaissance de l'article 8 du décret du 25 octobre 1984 ;

- le procès-verbal du conseil de discipline comporte des mentions erronées et contradictoires s'agissant des résultats du vote ;

- il n'est pas démontré que les représentants du personnel présents au cours de la séance du conseil de discipline appartenaient à sa " catégorie professionnelle " en méconnaissance des dispositions de l'article 12 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat ;

- le rapport disciplinaire contenait des pièces relatives à des faits prescrits qui ne pouvaient être retenus contre lui et dont il avait sollicité le retrait ; au contraire, ce rapport est incomplet faute de contenir certaines pièces, en particulier ses notations et évaluations, en méconnaissance des dispositions de l'article 39 du décret n° 82-451 du 28 mai 1982 ; les griefs relatifs à son comportement inadapté voire agressif à l'égard de sa hiérarchie ne sont pas suffisamment précisés, ce qui ne lui a pas permis de contester utilement les faits ;

- la sanction de révocation comporte un grief relatif à son comportement lors du conseil de discipline qui n'était pas mentionné dans le rapport disciplinaire, ce qui entache la régularité de la procédure ;

- les faits relatifs aux cumuls d'activités qui lui sont reprochés dans la décision étaient prescrits à la date du rapport de saisine du conseil de discipline ;

- les griefs tirés de la déclaration de fausses informations à l'administration fiscale et de son attitude lors du conseil de discipline ne sont pas matériellement établis ;

- les faits relatifs aux cumuls d'activités ne sont pas fautifs dès lors que son état de santé a altéré son discernement et qu'il a exercé ces activités sur les conseils de son médecin tandis que l'administration l'a empêché de reprendre ses fonctions dans de bonnes conditions ;

- la sanction qui lui a été infligée est en tout état de cause disproportionnée au regard des faits qui lui sont reprochés.

Par un mémoire en défense enregistré le 5 décembre 2023, le garde des sceaux, ministre de la justice, conclut au rejet de la requête et se réfère à ses écritures devant le tribunal administratif de Lille.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le décret n° 82-451 du 28 mai 1982 ;

- le décret n° 84-961 du 25 octobre 1984 ;

- le décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Marie-Pierre Viard, présidente de chambre,

- et les conclusions de M. Frédéric Malfoy, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. F..., titularisé dans le corps des éducateurs de la protection judiciaire de la jeunesse à compter du 1er octobre 2009, a été affecté à l'unité éducative d'hébergement collectif de Tourcoing à compter du 1er mars 2012. Il a été victime, le 17 avril 2013, d'un accident de service et a bénéficié, à ce titre, d'un congé de maladie du 17 avril 2013 au 19 juin 2017 avec maintien de l'intégralité de sa rémunération. Par un courrier du 7 octobre 2019 adressé à la ministre de la justice, garde des sceaux, le directeur interrégional de la protection judiciaire de la jeunesse Grand-Nord a demandé l'ouverture d'une procédure disciplinaire à son encontre pour des faits de cumuls d'activités exercés sans autorisation durant son congé de maladie. Par un avis du 19 mai 2021, le conseil de discipline s'est prononcé en faveur de la sanction d'exclusion temporaire de fonctions de 24 mois sans sursis. Par arrêté du 26 juillet 2021, le garde des sceaux, ministre de la justice, a prononcé à son encontre la sanction de révocation. M. F... relève appel du jugement du 29 mars 2023 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Dans son mémoire en réplique enregistré au greffe du tribunal administratif de Lille le 21 octobre 2022, M. F... avait soulevé, après avoir cité les dispositions du troisième alinéa de l'article 8 du décret du 25 octobre 1984 relatif à la procédure disciplinaire concernant les fonctionnaires de l'Etat, le moyen tiré de ce que la procédure disciplinaire était irrégulière, au motif que l'avis du conseil de discipline n'était pas motivé. Il ressort du jugement attaqué, que le tribunal a visé ce moyen sans y avoir répondu alors qu'il n'était pas inopérant. Par suite, M. F... est fondé à soutenir que ce jugement est irrégulier et à en demander, pour ce motif, l'annulation.

3. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. F... devant le tribunal administratif de Lille.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la légalité externe :

4. En premier lieu, aux termes de l'article 1er du décret du 27 juillet 2005 relatif aux délégations de signature des membres du Gouvernement, dans sa rédaction alors applicable : " A compter du jour suivant la publication au Journal officiel de la République française de l'acte les nommant dans leurs fonctions ou à compter du jour où cet acte prend effet, si ce jour est postérieur, peuvent signer, au nom du ministre ou du secrétaire d'Etat et par délégation, l'ensemble des actes, à l'exception des décrets, relatifs aux affaires des services placés sous leur autorité : / 1° Les secrétaires généraux des ministères, les directeurs d'administration centrale, les chefs des services à compétence nationale mentionnés au premier alinéa de l'article 2 du décret du 9 mai 1997 susvisé et les chefs des services que le décret d'organisation du ministère rattache directement au ministre ou au secrétaire d'Etat (...) ".

5. Par un décret du 9 septembre 2020, publié au Journal Officiel de la République française du 10 septembre suivant, Mme E... B... a été nommée directrice de la protection judiciaire de la jeunesse. Ainsi, Mme B... était compétente pour signer, au nom du ministre, l'arrêté du 26 juillet 2021 infligeant à M. F... la sanction disciplinaire de révocation. Le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte attaqué doit être écarté.

6. En deuxième lieu, en application de l'article 19 précité de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, la décision prononçant une sanction disciplinaire à l'encontre d'un fonctionnaire doit être motivée. Le législateur a ainsi entendu imposer à l'autorité qui prononce une sanction l'obligation de préciser elle-même, dans sa décision, les griefs qu'elle entend retenir à l'encontre du fonctionnaire de sorte que ce dernier puisse, à la seule lecture de la décision qui lui est notifiée, connaître les motifs de la sanction qui le frappe.

7. En l'espèce, la sanction de révocation vise les textes applicables ainsi que l'avis du conseil de discipline du 19 mai 2021, énonce les faits reprochés à M. F... et se prononce sur la qualification des manquements de nature à justifier le prononcé d'une sanction de révocation. Dès lors, l'arrêté contesté, qui comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, est suffisamment motivé. Une telle motivation a mis à même l'intéressé de connaître, à la seule lecture de l'arrêté contesté, les motifs de la sanction qui lui a été infligée. Si M. F... soutient que l'arrêté est insuffisamment motivé en l'absence d'indication de date ou de période des faits de cumuls d'activités qui lui sont reprochés, cette seule circonstance ne permet pas de considérer que l'intéressé n'était pas, à la lecture des motifs, informé de ces faits alors même que la décision mentionne, s'agissant de sa période de congé maladie pour accident de service, les différents employeurs concernés et les sommes perçues dans ce cadre entre 2015 et 2017 et la circonstance qu'il avait exercé, alors que son congé pour accident de service avait pris fin le 18 juin 2017 et qu'il était placé en congé, les missions de directeur du centre de vacances Québec-New-York en juillet 2017 pour le compte du comité inter-entreprises " Thalès et Adhérents ". Le moyen tiré du défaut de motivation de la sanction infligée doit, par conséquent, être écarté.

8. En troisième lieu, aux termes de l'article 2 du décret du 25 octobre 1984 relatif à la procédure disciplinaire concernant les fonctionnaires de l'Etat : " L'organisme siégeant en conseil de discipline lorsque sa consultation est nécessaire, en application du second alinéa de l'article 19 de la loi susvisée du 13 juillet 1983, est saisi par un rapport émanant de l'autorité ayant pouvoir disciplinaire ou d'un chef de service déconcentré ayant reçu délégation de compétence à cet effet. / Ce rapport doit indiquer clairement les faits reprochés au fonctionnaire et préciser les circonstances dans lesquelles ils se sont produits ".

9. Il ressort des pièces du dossier que le conseil de discipline compétent à l'égard du corps des éducateurs de la protection judiciaire de la jeunesse a été saisi par un rapport daté du 10 mai 2021 de M. C... D..., adjoint à la directrice de la protection judiciaire de la jeunesse, lequel a été nommé par un arrêté du 7 avril 2021, régulièrement publié au Journal Officiel de la République française le 9 avril suivant. Ainsi, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le conseil de discipline n'a pas été régulièrement saisi.

10. En quatrième lieu, aux termes de l'article 5 du décret du 25 octobre 1984 susvisé : " Lorsque le conseil de discipline examine l'affaire au fond, son président porte, en début de séance, à la connaissance des membres du conseil les conditions dans lesquelles le fonctionnaire poursuivi et, le cas échéant, son ou ses défenseurs ont exercé leur droit à recevoir communication intégrale du dossier individuel et des documents annexes. / Le rapport établi par l'autorité ayant pouvoir disciplinaire ou par un chef de service déconcentré ayant reçu délégation de compétence à cet effet et les observations écrites éventuellement présentées par le fonctionnaire sont lus en séance. / Le conseil de discipline entend séparément chaque témoin cité. / A la demande d'un membre du conseil, du fonctionnaire poursuivi ou de son ou de ses défenseurs, le président peut décider de procéder à une confrontation des témoins, ou à une nouvelle audition d'un témoin déjà entendu. (...) ".

11. Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie.

12. Il ne ressort pas du procès-verbal du conseil de discipline du 19 mai 2021 que les observations écrites adressées en prévision de sa convocation par M. F... aux membres du conseil de discipline par courriel du 16 mai 2021, réceptionné le 17 mai suivant, auraient été lues au cours de la séance ni même transmises préalablement aux membres de la commission. Toutefois, il résulte des termes mêmes du procès-verbal du conseil de discipline du 19 mai 2021, qui contient un exposé très précis des débats et observations concernant les faits reprochés, que l'intéressé et ses défenseurs ont été mis à même de lire leurs observations ou de développer leur argumentation en ce qui concerne les différents griefs. Dans ces conditions, la circonstance que les observations écrites de M. F... n'ont pas été lues au cours de la séance comme l'a été le rapport de saisine des membres du conseil de discipline n'a pas eu pour effet d'entacher d'irrégularité la procédure au regard des dispositions précitées de l'article 5 du décret du 25 octobre 1984.

13. En cinquième lieu, aucune disposition du décret du 25 octobre 1984 précité n'impose que la communication à l'agent de l'avis du conseil de discipline intervienne, à peine d'illégalité de la décision de sanction, avant que cette décision ne soit prise. Par suite, le moyen tiré de ce que la procédure serait irrégulière en l'absence de toute communication préalable de cet avis doit être écarté.

14. En sixième lieu, aux termes de l'article 19 de la loi susvisée du 13 juillet 1983 : " (...) Aucune sanction disciplinaire autre que celles classées dans le premier groupe par les dispositions statutaires relatives aux fonctions publiques de l'Etat, territoriale et hospitalière ne peut être prononcée sans consultation préalable d'un organisme siégeant en conseil de discipline dans lequel le personnel est représenté. / L'avis de cet organisme de même que la décision prononçant une sanction disciplinaire doivent être motivés ". Aux termes de l'article 8 du décret susvisé du 25 octobre 1984 : " Le conseil de discipline, au vu des observations écrites produites devant lui et compte tenu, le cas échéant, des déclarations orales de l'intéressé et des témoins ainsi que des résultats de l'enquête à laquelle il a pu être procédé, émet un avis motivé sur les suites qui lui paraissent devoir être réservées à la procédure disciplinaire engagée (...) ".

15. Il ressort des termes de l'avis du conseil de discipline du 19 mai 2021 qu'il mentionne les observations présentées par l'intéressé au cours de la séance du conseil de discipline et les votes émis à l'issue de la délibération, mais vise également le rapport introductif de saisine du conseil. Il énonce les différents faits reprochés à M. F... qu'il considère comme établis et identifie les manquements aux obligations professionnelles qu'ils constituent. Il fait enfin état de la proposition adoptée à la majorité des voix d'une exclusion temporaire de fonctions d'une durée de vingt-quatre mois sans sursis. Par suite, le moyen tiré de ce que cet avis ne serait pas suffisamment motivé au regard des dispositions précitées du décret

du 25 octobre 1984 doit être écarté.

16. En septième lieu, l'intéressé soutient que le procès-verbal du conseil de discipline est irrégulier dès lors qu'il mentionne que la sanction d'exclusion temporaire de fonctions de seize jours à vingt-quatre mois, sanction du 3ème groupe, a été évoquée lors de la séance sans qu'aucun des membres de la commission administrative paritaire (CAP) n'y soit favorable alors que, au regard des résultats du vote, cette proposition de sanction a reçu onze voix favorables et une voix défavorable. Toutefois, cette erreur matérielle est sans incidence sur la régularité du procès-verbal qui est suffisamment motivé et qui mentionne explicitement les résultats du vote, lesquels ont fait apparaître qu'une majorité s'était dégagée en faveur de l'exclusion temporaire de fonction de vingt-quatre mois sans sursis (onze voix pour, une voix contre), cet avis rendu à la majorité ayant ensuite été régulièrement communiqué à l'intéressé à l'issue des opérations et repris dans l'avis du conseil de discipline joint au procès-verbal. Ce moyen doit, par suite, être écarté.

17. En huitième lieu, en se bornant à soutenir qu'en application des dispositions de l'article 12 de la loi du 11 janvier 198, lesquelles liste les organismes consultatifs au sein desquels s'exerce la participation des fonctionnaires de l'Etat et fixe les règles applicables en matière de parité au sein des commissions administratives paritaires, seuls des représentants du personnel appartenant à sa catégorie peuvent siéger au conseil de discipline, le requérant n'assortit le moyen d'aucune précision permettant d'en apprécier le bien-fondé. En tout état de cause, et alors qu'eu égard au caractère réglementaire des arrêtés de désignation des membres d'une commission administrative consultative, et notamment d'une commission disciplinaire, le juge peut, sans méconnaître le caractère contradictoire de la procédure, se fonder sur l'existence de tels arrêtés alors même que ceux-ci n'auraient pas été versés au dossier par les parties, il ressort de l'arrêté du 31 décembre 2018 fixant la composition de la commission administrative paritaire compétente à l'égard du corps des éducateurs de la protection judiciaire de la jeunesse, publié au bulletin officiel du ministère de la justice du 31 décembre 2018, que le conseil de discipline qui s'est tenu le 19 mai 2021 était composé de représentants du personnel qui ont été régulièrement désignés au sein du corps des éducateurs de la protection judiciaire de la jeunesse, lequel ne comporte que deux grades.

18. En neuvième lieu, aux termes de l'article 39 du décret du 28 mai 1982 relatif aux commissions administratives paritaires : " Toutes facilités doivent être données aux commissions administratives paritaires par les administrations pour leur permettre de remplir leurs attributions. En outre, communication doit leur être donnée de toutes pièces et documents nécessaires à l'accomplissement de leur mission huit jours au moins avant la date de la séance. (...) ".

19. M. F... soutient que certaines pièces figurant dans son dossier disciplinaire soumis au conseil de discipline font état de faits datant de 2013 et de 2017 qui sont couverts par la règle de la prescription prévue à l'article 19 de la loi du 13 juillet 1983. Cependant, d'une part, il ne résulte pas des dispositions de l'article 19 de la loi du 13 juillet 1983 que l'expiration du délai de prescription de l'engagement de poursuites disciplinaires implique le retrait des pièces du rapport disciplinaire relatives aux faits passibles de telles poursuites prescrites. D'autre part, dès lors qu'aucune disposition ne prévoit que le fonctionnaire poursuivi doive recevoir communication, avant la séance du conseil de discipline, du rapport de l'autorité ayant saisi l'instance disciplinaire, sous la réserve que ce rapport ne comporte pas des griefs dont le fonctionnaire ne pouvait pas avoir connaissance en consultant son dossier individuel, le requérant, qui n'allègue pas que le rapport disciplinaire comporterait de tels griefs non mentionnés dans son dossier individuel, ne peut utilement soutenir que le rapport disciplinaire contenait des pièces relatives à des faits prescrits qui ne pouvaient être retenus contre lui. Par ailleurs, alors qu'il appartenait à l'intéressé, ainsi qu'il l'a fait, de présenter les observations qu'il estimait utiles, il ne peut utilement soutenir que ce rapport disciplinaire aurait dû comprendre l'ensemble de ses notations et évaluations. Il ne ressort d'ailleurs pas des pièces du dossier, notamment du procès-verbal de cette réunion, que les membres du conseil n'auraient pas reçu dans le délai de huit jours avant la séance, prévu par l'article 39 précité du décret du 28 mai 1982, tous les éléments nécessaires pour être en mesure d'émettre un avis éclairé sur la situation de M. F... quand bien même ses observations écrites envoyées le 16 mai 2021 ne leur auraient pas été préalablement transmises. Le moyen tiré du vice de procédure tenant à l'irrégularité du contenu du dossier disciplinaire soumis à l'avis du conseil de discipline doit par suite être écarté.

20. En dixième lieu, le rapport de saisine du conseil de discipline du 10 mai 2021 énumère de façon précise et circonstanciée les différents griefs reprochés à M. F..., tenant à la fois à l'exercice d'activités privées rémunérées durant son congé maladie pour accident de service sans en avoir informé sa hiérarchie, à la déclaration de fausses informations à l'administration fiscale et, enfin, à son comportement inadapté voire agressif à l'égard de sa hiérarchie et de ses collègues. S'agissant de ce dernier grief, il ressort des termes du rapport qu'il est reproché en particulier à M. F... d'être injoignable par téléphone, de manquer de respect à l'égard de la directrice en réunion, de s'adresser à sa hiérarchie et à ses interlocuteurs sur un ton inadapté et agressif et d'avoir adopté un comportement irrespectueux à l'égard d'une ancienne adjointe administrative. Si ces derniers faits ne sont pas précisément datés, il ressort du rapport qu'ils se sont produits sur une période s'étendant de la fin de l'année 2018 au début de l'année 2020, le dossier disciplinaire comprenant à cet égard un rapport hiérarchique du 24 décembre 2020 portant sur la manière de servir de M. F... au sein de l'unité éducative - centre éducatif renforcé - de Poix-du-Nord où il exerçait alors ses fonctions. En outre, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé a répondu à ce grief par la production de diverses attestations de ses collègues transmises à l'appui de ses observations écrites. Dans ces conditions, le moyen tiré du vice de procédure tenant à ce que le comportement inadapté qui lui est imputé dans le rapport disciplinaire n'est pas suffisamment précisé est en tout état de cause infondé et ne peut qu'être écarté.

21. En onzième lieu, M. F... fait valoir que la procédure est irrégulière dès lors que la décision contestée ne pouvait retenir à son encontre le grief tiré son attitude devant le conseil de discipline. Toutefois les arguments invoqués au soutien de ce moyen tirés, d'une part, de que ce grief n'apparaît pas dans le rapport de saisine du conseil de discipline, au demeurant nécessairement antérieur à la séance du conseil de discipline, d'autre part, de ce qu'il ne peut valablement être retenu parmi les motifs de la décision, ne sont pas de nature à entacher d'irrégularité la procédure suivie devant le conseil de discipline dans la mesure où l'intégralité des principaux griefs, dont celui relatif à l'adoption d'un comportement inadapté à l'égard de sa hiérarchie et de ses collègues, ont été, ainsi qu'il vient d'être dit, communiqués à l'intéressé. Par suite, ce moyen doit être écarté.

En ce qui concerne la légalité interne :

22. En premier lieu, aux termes de l'article 19 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, dans sa rédaction issue de la loi du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires : " (...) / Aucune procédure disciplinaire ne peut être engagée au-delà d'un délai de trois ans à compter du jour où l'administration a eu une connaissance effective de la réalité, de la nature et de l'ampleur des faits passibles de sanction. En cas de poursuites pénales exercées à l'encontre du fonctionnaire, ce délai est interrompu jusqu'à la décision définitive de classement sans suite, de non-lieu, d'acquittement, de relaxe ou de condamnation. Passé ce délai et hormis le cas où une autre procédure disciplinaire a été engagée à l'encontre de l'agent avant l'expiration de ce délai, les faits en cause ne peuvent plus être invoqués dans le cadre d'une procédure disciplinaire. (...) ".

23. Il ressort des pièces du dossier, et plus particulièrement du dossier disciplinaire, que dans le cadre de l'enquête administrative diligentée à la suite d'une information selon laquelle M. F... aurait exercé une activité professionnelle privée pendant son congé de maladie, la directrice territoriale de la protection judiciaire de la jeunesse du Nord a appris, par un courriel du 22 décembre 2017 d'un agent du ministère, que l'intéressé avait été salarié en tant que directeur du centre de vacances Québec-New-York durant le mois de juillet 2017, cette information résultant d'un échange téléphonique avec la société Thalès. Il ressort des pièces du dossier que cette information a ensuite été confirmée par une attestation écrite du 19 janvier 2018, réceptionnée par l'administration le 22 janvier suivant, selon laquelle le comité inter-entreprises de " Thalès et adhérents " avait employé l'intéressé en cette qualité du 8 au 28 juillet 2015, du 8 au 28 juillet 2016 et du 13 juillet au 3 août 2017. Ainsi, à supposer même, comme le soutient l'intéressé, que ces faits auraient été connus de sa hiérarchie dès décembre 2017, l'administration n'a eu une connaissance effective de la nature et de l'ampleur des faits de cumul d'activités commis par l'intéressé au sein de la société Thalès sur cette période qu'à compter du 22 janvier 2018. Or, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé a été informé de l'ouverture d'une procédure disciplinaire pour manquement à ses obligations professionnelles et de sa convocation en vue d'un conseil de discipline par un courrier du 7 décembre 2020. Par suite, alors que la prescription est interrompue par l'engagement des poursuites disciplinaires et non par la saisine du conseil de discipline comme le fait valoir le requérant, celui-ci n'est pas fondé à soutenir que les faits de 2017 qui lui sont reprochés étaient prescrits à la date du 7 décembre 2020. Il en est de même s'agissant des autres faits de cumul sans autorisation, révélés par la transmission le 22 février 2021 à la direction de la protection judiciaire de la jeunesse par l'administration fiscale des déclarations d'impôt sur les revenus pour les années 2015 à 2019 à la suite des demandes présentées au parquet de Lille sur le fondement de l'article L. 142 A du livre des procédures fiscales tendant à la levée du secret fiscal, ces faits ayant été portés à la connaissance de l'autorité disciplinaire, dont M. F... a été informé par des courriers des 23 février 2021 et 29 mars 2021 et pour lesquels il n'est au demeurant pas soutenu qu'ils seraient prescrits. Par suite, le moyen tiré de ce que la sanction litigieuse serait fondée sur des faits prescrits doit être écarté.

24. En deuxième lieu, il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.

25. Aux termes de l'article 29 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, applicable au litige : " Toute faute commise par un fonctionnaire dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions l'expose à une sanction disciplinaire sans préjudice, le cas échéant, des peines prévues par la loi pénale ". Aux termes de l'article 25 septies de cette même loi : " I.- Le fonctionnaire consacre l'intégralité de son activité professionnelle aux tâches qui lui sont confiées. Il ne peut exercer, à titre professionnel, une activité privée lucrative de quelque nature que ce soit, sous réserve des II à V du présent article. II. - Il est dérogé à l'interdiction d'exercer à titre professionnel une activité privée lucrative : (...) / (...) IV.- Le fonctionnaire peut être autorisé par l'autorité hiérarchique dont il relève à exercer à titre accessoire une activité, lucrative ou non, auprès d'une personne ou d'un organisme public ou privé dès lors que cette activité est compatible avec les fonctions qui lui sont confiées et n'affecte pas leur exercice. Par dérogation au 1° du I du présent article, ces activités peuvent être exercées sous le régime prévu à l'article L. 133-6-8 du code de la sécurité sociale. (...) ".

26. Il ressort des pièces du dossier, et en particulier des déclarations d'impôt communiquées à l'administration, que le requérant, placé en congé de maladie imputable au service du 17 avril 2013 au 19 juin 2017, a exercé des activités salariées en qualité de directeur de centre de vacances pour le comité inter-entreprises " Thalès et adhérents " du 8 au 28 juillet 2015 pour une rémunération de 1 493 euros puis du 8 au 28 juillet 2016 pour une rémunération de 1 565 euros, qu'il a également été employé par le centre d'entrainement aux méthodes d'éducation active Région Nord/Pas-de-Calais en 2015 pour une rémunération de 813 euros et en 2016 pour une rémunération de 854 euros et, enfin, qu'il a été employé par le comité central du comité d'entreprise d'Air France en 2016 pour une rémunération de 592 euros. Par ailleurs, le requérant, placé en autorisation de congé pour une durée de cinquante-et-un jours à compter du 20 juin 2017 puis en arrêt de travail de septembre 2017 à octobre 2018, a exercé des activités salariées en qualité de directeur de centre de vacances pour le comité inter-entreprises " Thalès et adhérents " du 13 juillet au 3 août 2017 pour une rémunération de 1 554 euros et a également été employé par le comité central d'entreprise d'Air France en 2017 pour une rémunération de 697 euros et en 2018 pour une rémunération de 1 819 euros. Il ressort enfin des pièces du dossier que, postérieurement à sa reprise de fonctions, l'intéressé a été de nouveau employé par le centre d'entrainement aux méthodes d'éducation en 2019 pour une rémunération de 559 euros. Il découle de l'ensemble de ce qui précède, que les faits reprochés à M. F..., qui ne sont au demeurant pas contestés s'agissant des activités exercées pour le comité inter-entreprises de " Thalès et adhérents ", sont matériellement établis.

27. M. F..., qui indique souffrir d'un syndrome de stress post-traumatique à la suite de son accident de service survenu en 2013, soutient néanmoins qu'il a exercé ces activités sur les conseils de son médecin en vue de reprendre à terme son activité professionnelle et que son état de santé ne lui permettait pas d'apprécier l'existence d'éventuels manquements à ses obligations professionnelles. Cependant, si l'intéressé a fait valoir devant le conseil de discipline qu'il avait formulé une demande de cumul en 2012, il ne le démontre pas alors qu'il ressort des pièces du dossier qu'il a été informé, par un courrier du directeur territorial

du 18 mai 2012, des dispositions applicables en matière de cumuls d'activités et de la procédure de demande d'autorisation. Il ne pouvait ainsi ignorer, dès cette date, que l'exercice d'une telle activité était soumis à autorisation. Par ailleurs, il ne ressort pas des éléments médicaux produits par l'intéressé que son état de santé aurait altéré son discernement alors même qu'il a été en mesure d'exercer à plusieurs reprises, entre 2015 et 2019, des activités privées rémunérées dans le secteur de l'animation dont certaines en qualité d'encadrant. A cet égard, si le requérant se prévaut des termes d'un certificat du 7 janvier 2021 dans lequel son médecin plébiscite " une reprise d'activités adaptées dans l'animation, voire crescendo dans l'encadrement de groupe " préalablement à un retour dans son environnement professionnel, ce dernier précise néanmoins ne pas connaître les spécificités de la procédure applicable aux fonctionnaires et relève également que cette immersion progressive est susceptible d'être réalisée dans des structures ou associations de quartier. En tout état de cause, de telles recommandations n'exonéraient pas l'intéressé du respect de ses obligations en matière de cumul d'activités. Enfin, les circonstances, à les supposer avérées, d'une part, que l'administration l'aurait empêché de reprendre progressivement ses fonctions en qualité d'éducateur spécialisé ainsi qu'en témoignerait le courrier du 8 novembre 2016 l'informant de la nécessité de prolonger son arrêt de travail dans l'attente de la saisine de la commission de réforme en vue de sa reprise sur un temps partiel thérapeutique, d'autre part, lui aurait proposé de reprendre son activité en septembre 2017 dans des conditions de travail dégradées, ne sont pas plus de nature à justifier les manquements qui lui sont reprochés. Dans ces conditions, les faits ci-dessus exposés reprochés à M. F..., dont la réalité matérielle est établie par les pièces du dossier et qui méconnaissent l'obligation statutaire consistant dans l'interdiction de se consacrer à une autre activité professionnelle que celle de son emploi public, sans autorisation, ainsi que l'obligation de loyauté et de probité qui s'imposent à tout agent public, sont fautifs et de nature à justifier l'application d'une sanction disciplinaire.

28. Aux termes de l'article 66 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes. / (...) Quatrième groupe : / (...) la révocation. (...) ".

29. Il résulte des éléments qui précèdent que les faits reprochés à M. F... tels qu'ils sont exposés aux points 26 et 27 sont établis et de nature à justifier à eux seuls le prononcé d'une sanction disciplinaire. Si le requérant invoque les difficultés liées à son état de santé qu'il a rencontrées au cours de cette période ou sa situation familiale, ces considérations ne sont pas de nature à amoindrir la gravité des faits qui lui sont reprochés. En dépit de l'absence de sanction disciplinaire antérieure et du soutien dont il a bénéficié de la part de quelques-uns de ses collègues qui attestent de ses qualités professionnelles, l'autorité disciplinaire n'a pas, eu égard au contexte dans lequel ils ont été commis et à leur réitération, pris une sanction disproportionnée en lui infligeant, au regard du pouvoir d'appréciation dont elle disposait, la sanction de révocation du quatrième groupe.

30. Il résulte de tout ce qui précède que M. F... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du 26 juillet 2021 par lequel le garde des sceaux, ministre de la justice, l'a révoqué de ses fonctions. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction doivent être rejetées.

Sur les conclusions relatives aux frais d'instance :

31. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que M. F... demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lille du 29 mars 2023 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. F... devant le tribunal administratif de Lille est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... F... et au garde des sceaux, ministre de la justice.

Délibéré après l'audience publique du 1er avril 2025 à laquelle siégeaient :

- Mme Marie-Pierre Viard, présidente de chambre,

- M. Jean-Marc Guérin-Lebacq, président-assesseur,

- Mme Dominique Bureau, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 avril 2025.

Le président-assesseur,

Signé : J.-M. Guérin-Lebacq

La présidente de chambre,

Présidente-rapporteure,

Signé : M.-P. ViardLa greffière,

Signé : C. Huls-Carlier

La République mande et ordonne au garde des sceaux, ministre de la justice, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

Pour la greffière en chef,

par délégation,

La greffière,

1

2

N° 23DA01553

1

3

N°"Numéro"


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23DA01553
Date de la décision : 29/04/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Viard
Rapporteur ?: Mme Marie-Pierre Viard
Rapporteur public ?: M. Malfoy
Avocat(s) : STIENNE-DUWEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 04/05/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-04-29;23da01553 ?
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