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29/04/2025 | FRANCE | N°23DA00691

France | France, Cour administrative d'appel de DOUAI, 3ème chambre, 29 avril 2025, 23DA00691


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision du 21 mars 2017 par laquelle le maire d'Halluin a prononcé son licenciement ainsi que la décision implicite par laquelle celui-ci a rejeté son recours gracieux formé contre la décision du 21 mars 2017 et refusé de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle. Elle a également demandé au tribunal d'enjoindre au maire de la commune d'Halluin de lui accorder la protection fonctionnelle

et de condamner cette commune à lui verser la somme totale de 58 000 euros en réparati...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision du 21 mars 2017 par laquelle le maire d'Halluin a prononcé son licenciement ainsi que la décision implicite par laquelle celui-ci a rejeté son recours gracieux formé contre la décision du 21 mars 2017 et refusé de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle. Elle a également demandé au tribunal d'enjoindre au maire de la commune d'Halluin de lui accorder la protection fonctionnelle et de condamner cette commune à lui verser la somme totale de 58 000 euros en réparation des préjudices qu'elle estimait avoir subis du fait de l'intervention de son licenciement, d'un harcèlement subi de la part de sa hiérarchie et d'un manquement de la commune à son obligation générale de sécurité à l'égard de ses agents.

Par un jugement n° 1709657 du 18 février 2020, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 20DA00782 du 9 juin 2022, la cour a annulé la décision du 21 mars 2017 par laquelle le maire d'Halluin a licencié Mme B... ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux, condamné la commune d'Halluin à lui verser la somme de 5 630,52 euros en réparation des préjudices subis du fait de son licenciement et mis à la charge de la commune d'Halluin le versement à Mme B... d'une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure d'exécution devant la cour :

Par une demande, enregistrée le 20 octobre 2022, Mme B..., représentée par Me Waban, a demandé à la cour d'enjoindre à la commune d'Halluin de prendre les mesures nécessaires à l'exécution de l'arrêt du 9 juin 2022.

Par une ordonnance du 21 avril 2023 la présidente de la cour a décidé l'ouverture d'une procédure juridictionnelle.

Par des mémoires, enregistrés les 9 mai 2023, 14 juin 2023 et 31 août 2023, Mme B..., représentée par Me Wabant, demande à la cour dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'enjoindre à la commune d'Halluin de la réintégrer avec effet immédiat, de procéder à la reconstitution de sa carrière, et de régulariser ses droits sociaux, notamment en versant les cotisations dues à la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL) et en procédant à la reconstitution de ses droits auprès de Pôle emploi ; de lui verser, avec effet courant à compter de la notification de son licenciement, une rémunération minimale calculée sur la base de la rémunération mensuelle moyenne nette de 1 143,93 euros, déterminée par la cour dans son arrêt du 9 juin 2022 pour ses périodes d'activité de décembre 2015 à juin 2016, augmentée de la prime de fin d'année égale au douzième de sa rémunération annuelle et indexée sur l'évolution des salaires horaires des assistantes maternelles depuis janvier 2016, dont, à titre de provision, une somme de 14 871 euros correspondant à une période de douze mois d'éviction illégale et de soumettre à sa signature un nouveau contrat d'engagement identique au contrat initial, sous réserve des seules modifications imposées par la loi, et en écartant les clauses figurant dans la proposition de contrat qu'elle avait refusé de signer en 2019 et jugées non conformes par la cour dans son arrêt du 9 juin 2022 ;

2°) d'assortir ces injonctions d'une astreinte de 50 euros par jours de retard ;

3°) de condamner la commune d'Halluin à lui verser une somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêt pour résistance abusive à l'exécution de l'arrêt du 9 juin 2022 ;

4°) de mettre à la charge de la commune d'Halluin la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'exécution de l'arrêt du 9 juin 2022 implique nécessairement l'ensemble des mesures sollicitées ;

- en ce qui concerne la période d'éviction antérieure à l'arrêt du 9 juin 2022, la commune d'Halluin n'a nullement besoin des éléments qu'elle lui réclame, relatifs aux revenus procurés par les activités professionnelles exercées durant la période d'éviction illégale, dès lors que l'arrêt dont l'exécution est demandée a déterminé le montant du préjudice subi, et que les éléments nécessaires ont été communiqués à la cour dans le cadre de la procédure ayant donné lieu à cet arrêt ;

- en ce qui concerne la période d'éviction postérieure à l'arrêt de la cour, l'exécution de l'arrêt ne passe pas, contrairement à ce que soutient la commune, par la signature d'un nouveau contrat ;

- ce nouveau contrat ne lui a été proposé que tardivement, par un courrier du 27 avril 2023 adressé le 5 mai 2023 et reçu le 9 mai suivant, soit plus de neuf mois après l'intervention de l'arrêt du 9 juin 2022 et postérieurement à la demande d'exécution ;

- ce nouveau contrat, qui ne pouvait comporter que les modifications imposées par l'évolution des textes applicables, dans les conditions admises par la cour dans son arrêt du 9 juin 2022, comporte des erreurs et des modifications non justifiées par rapport à sa situation initiale ;

- la commune multiplie intentionnellement les retards d'exécution, de manière à ce que celle-ci intervienne postérieurement à la réorganisation du service de petite enfance et à la suppression des postes des assistants maternels de la commune et, ainsi, à la priver des droits et éventuelles propositions de reclassement ou de rupture conventionnelle faites à l'ensemble de ses collègues ;

- du fait de l'annulation de son licenciement, elle a droit au paiement de ses rémunérations dans le cadre de la remise en vigueur de son contrat de travail, a minima sur la base de sa rémunération indiciaire déterminée par la cour d'après ses derniers bulletins de paie, et non, comme le soutient la commune d'Halluin, au versement d'une indemnité en réparation du préjudice subi ;

- la commune persiste à ne pas lui confier d'enfants ;

- la commune d'Halluin, qui s'est bornée à lui verser l'indemnité déterminée par la cour dans son arrêt du 9 juin 2022, au titre de la période d'éviction de 21 mars 2017, ne fournit aucun élément relatif à la reconstitution de sa carrière, notamment en ce qui concerne les évolutions d'indice et les cotisations aux régimes obligatoires ; aucune délibération n'a été soumise au conseil municipal ; la commune se borne à préciser que la reconstitution de droits sociaux est en cours, sans en justifier, plus d'un an après l'arrêt ;

- la commune d'Halluin n'a pas donné suite aux propositions de son conseil en vue de l'organisation d'une réunion pour déterminer les modalités d'exécutions de l'arrêt et persiste à multiplier les retards ;

- le comportement de la commune d'Halluin justifie sa condamnation au versement d'une somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts en raison de ses résistances à exécuter l'arrêt du 9 juin 2022.

Par des mémoires, enregistrés les 5 mai 2023, 30 juin 2023 et 5 et 29 septembre 2023, la commune d'Halluin, représentée par Me Balaÿ, conclut au rejet de la demande de Mme B... et demande, en outre, à la cour de mettre à la charge de Mme B... la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient, dans le dernier état de ses écritures, que :

- elle a proposé à Mme B..., le 27 avril 2023, la signature d'un nouveau contrat qui ne comportait plus les modifications qualifiées par la cour de substantielles, les autres modifications par rapport au contrat initial contenues dans ce nouveau contrat étant acceptables ;

- Mme B... n'est pas en droit de prétendre au versement des rémunérations qu'elle aurait dû percevoir en qualité d'assistante maternelle durant sa période d'éviction, mais à une indemnité prenant en compte ses rémunérations, à l'exception des primes et indemnités seulement destinées à compenser les frais, charges ou contraintes liées à l'exercice effectif de ses fonctions, sous déduction du montant des rémunérations qu'elle a pu se procurer par son travail au cours de cette période ;

- en ce qui concerne la période allant du 21 mars 2017 au 9 juin 2022, date de l'arrêt de la cour, elle a procédé au mandatement de l'indemnité d'éviction qu'elle a été condamnée, par cet arrêt, à verser à Mme B..., et de la somme de 2 000 euros mise à sa charge par le même arrêt au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

- elle a procédé à la reconstitution des droits sociaux au titre de la même période sur la base des salaires rétablis au titre de cette période, soit 4 630 euros ;

- à ce titre, aucune volonté de ne pas exécuter l'arrêt ne saurait lui être reprochée, dès lors qu'elle a procédé à cette reconstitution dès réception des éléments nécessaires ;

- en ce qui concerne la période postérieure au 9 juin 2022, elle a procédé, le 9 juin 2023, conformément à la fiche de paie établie, au mandatement de la somme de 8 688,36 euros, calculée sur la base d'un salaire net mensuel de 1 143,93 euros indexé, augmenté du montant de la prime mensuelle de fin d'année et diminué des revenus perçus entre juin 2022 et juin 2023, montant tenant compte de la part salariale et patronale des cotisations ;

- Mme B... a été réintégrée dans les effectifs en juin 2023 et, conformément à une fiche de paie établie en juin 2023, avec effet rétroactif au 9 juin 2022, tous les salaires de juin 2022 à juin 2023, ainsi que la prime annuelle de l'exercice 2022 lui ont été versés ;

- les conclusions de Mme B... tendant à l'indemnisation du préjudice résultant selon elle de l'inexécution de l'arrêt du 9 juin 2022 soulèvent un litige distinct des conclusions tendant à l'exécution de cet arrêt et ne peuvent qu'être rejetées.

Les parties ont été informées, par courrier du 25 mars 2025, que l'arrêt à intervenir était susceptible d'être fondé sur des moyens d'ordre public tirés de ce que relèvent de litiges distincts de celui qui a été tranché par l'arrêt du 9 juin 2022, dont l'exécution est demandée, d'une part, la contestation par Mme B... des conditions de sa réintégration effective, en l'absence de défaut d'équivalence manifeste entre l'emploi initialement occupé et l'emploi proposé, et, d'autre part, la demande de Mme B... tendant au versement de sommes dues par la commune d'Halluin au titre de la perte de rémunération qu'elle a subie du fait de son éviction illégale pour la période postérieure à l'arrêt du 9 juin 2022.

Des observations en réponse à ces moyens d'ordre public, enregistrées le 28 mars 2025, ont été présentées pour Mme B... qui reprend ses moyens tirés de ce que, du fait de l'annulation de son licenciement, elle a droit au paiement de ses rémunérations dans le cadre de la remise en vigueur de son contrat de travail, et de ce que la commune pouvait seulement lui proposer les modifications de son contrat imposées par l'évolution des textes applicables, dans les conditions admises par la cour dans son arrêt de 9 juin 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Dominique Bureau, première conseillère,

- les conclusions de M. Frédéric Malfoy, rapporteur public,

- et les observations de Me Wabant, représentant Mme B... et de Me Hermary, représentant la commune d'Halluin.

Considérant ce qui suit :

Sur les conclusions à fin d'exécution :

1. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ". Aux termes de l'article L. 911-4 du code de justice administrative : " En cas d'inexécution d'un jugement ou d'un arrêt, la partie intéressée peut demander au tribunal administratif ou à la cour administrative d'appel qui a rendu la décision d'en assurer l'exécution. / Si le jugement ou l'arrêt dont l'exécution est demandée n'a pas défini les mesures d'exécution, la juridiction saisie procède à cette définition. Elle peut fixer un délai d'exécution et prononcer une astreinte ". Aux termes de l'article R. 921-6 du même code : " Dans le cas où le président estime nécessaire de prescrire des mesures d'exécution par voie juridictionnelle, et notamment de prononcer une astreinte, ou lorsque le demandeur le sollicite dans le mois qui suit la notification du classement décidé en vertu du dernier alinéa de l'article précédent et, en tout état de cause, à l'expiration d'un délai de six mois à compter de sa saisine, le président de la cour ou du tribunal ouvre par ordonnance une procédure juridictionnelle. / (...) ".

2. Mme A... B..., assistante maternelle agréée, était employée par la commune d'Halluin depuis le 27 mars 2006 en vertu d'un contrat à durée indéterminée. Le maire de cette commune l'a licenciée, par décision du 21 mars 2017, au motif qu'elle refusait de signer un nouveau contrat. Par un jugement n° 1709657 du 16 février 2020, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant, notamment, à l'annulation de la décision du 21 mars 2017 ainsi que de la décision implicite rejetant le recours gracieux formé contre cette décision, et à la condamnation de la commune d'Halluin à l'indemniser des préjudices subis du fait de son licenciement. Par un arrêt n° 20DA00782 du 9 juin 2022, la cour administrative d'appel de Douai, réformant sur ces points ce jugement, a annulé les décisions contestées, a condamné la commune d'Halluin à verser à Mme B... la somme totale de 5 630,52 euros en indemnisation des préjudices subis par l'intéressée, du fait de son licenciement illégal, durant la période allant de la date de prise d'effet de ce licenciement à celle de l'arrêt, et a mis à la charge de la commune d'Halluin la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Le 20 octobre 2022, Mme B... a, sur le fondement des dispositions de l'article L. 911-4 du code de justice administrative, saisi la cour d'une demande tendant à ce qu'il soit enjoint à la commune d'Halluin de prendre les mesures nécessaires à l'exécution de l'arrêt du 9 juin 2022. Par une ordonnance du 21 avril 2023 la présidente de la cour a, en application des dispositions de l'article R. 921-6 du même code, décidé l'ouverture d'une procédure juridictionnelle.

3. En premier lieu, il résulte des termes mêmes de l'arrêt du 9 juin 2022 que, pour annuler la décision du 21 mars 2017, prononçant le licenciement de Mme B... à la suite du refus par cette dernière de signer le nouveau contrat d'assistante maternelle qui lui avait été proposé en 2016, la cour s'est fondée sur ce que ce nouveau contrat comportait des modifications portant sur des éléments substantiels des conditions d'engagement de l'intéressée, à savoir la multiplication des formules des contrats d'accueil des jeunes enfants, l'instauration d'un régime moins favorable des rémunérations forfaitaires dues en fonction des plages horaires d'accueil et la réduction du montant de l'indemnité de nourriture versée par la commune à l'assistante maternelle pour une journée d'accueil.

4. D'une part, alors que l'annulation de la décision du 21 mars 2017 a eu pour effet de remettre en vigueur le contrat à durée indéterminée en vertu duquel Mme B... exerçait ses fonctions d'assistante maternelle dans les services de la commune d'Halluin, cette dernière fait valoir qu'elle a réintégré l'intéressée dans ses effectifs en juin 2023. Cette affirmation est corroborée par les fiches de paie établies par la commune pour les mois de juin à septembre 2023, produites au soutien de son mémoire enregistré au greffe de la cour le 29 septembre 2023, à la suite duquel Mme B... n'a pas invoqué d'élément nouveau.

5. D'autre part, s'il résulte de l'instruction que, par un courrier du 27 avril 2023, la commune d'Halluin a proposé à Mme B... la signature d'un nouveau contrat, celui-ci ne comporte pas les clauses qui, figurant dans le contrat proposé en 2016, comportaient des modifications, par rapport à sa situation antérieure, qualifiées de substantielles par la cour dans son arrêt du 9 juin 2022, mais, sur les points concernés, reprend les clauses figurant dans le contrat initial. Mme B... soutient, en outre, que le nouveau contrat proposé est " truffé d'erreurs et de modifications par rapport à la situation antérieure contractuelle qui ne sont nullement justifiées " en mentionnant, à titre d'exemple, que les montants de prise en charge des frais de repas ou de rémunération n'ont pas été réactualisés par rapport à ceux appliqués en 2022 ou en 2023, que la modification de la classe d'âge des enfants susceptibles d'être accueillis, qui, initialement comprise entre deux ans et demi et six ans, concerne dans le nouveau projet de contrat les enfants de moins de trois ans, ainsi que la mise à la charge de l'assistante maternelle des matériels qui lui étaient fournis dans le cadre du contrat initial. Toutefois, aucune de ces clauses n'est au nombre des motifs relevés par la cour dans son arrêt du 9 juin 2022 et constituant le support nécessaire de l'annulation de la décision de licenciement du 21 mars 2017. Par ailleurs, la commune d'Halluin souligne, sans être contredite, que les montants des frais de repas sont supérieurs à ceux proposés en 2016 et équivalents à ceux qui étaient appliqués dans le contrat initial, que la modification de la classe d'âge des enfants susceptibles d'être accueillis concerne l'ensemble des assistantes maternelles. Il résulte des termes mêmes des nouveaux contrats que les indemnités destinées à l'entretien des enfants accueillis comprennent le coût des matériels et produits de couchage, de puériculture, de jeux et d'activités, à l'exception des couches, du lait en poudre et de l'eau à la charge des parents, une part afférente aux frais généraux du logement, concernant les matériels et investissement tels que le lit, poussettes, transats, parcs, chaises hautes, barrières, sièges auto, du ressort exclusif de la commune et comprennent un minimum garanti. Dans ces conditions, et en l'absence de précisions supplémentaires apportées par Mme B..., il ne résulte pas de l'instruction que la commune d'Halluin lui ait proposé un emploi caractérisé par un défaut manifeste d'équivalence avec celui qu'elle occupait précédemment. Par suite, l'appréciation du caractère effectif de la réintégration de cette agente soulève, en l'absence de défaut d'équivalence manifeste entre le nouvel emploi et celui occupé avant l'éviction, un litige distinct de celui tranché par le tribunal administratif.

6. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction, et notamment des fiches de paie établies par la commune d'Halluin pour les mois de juin 2023 et d'octobre 2023 et dont les montants ne sont pas contestés, que la commune a procédé à la reconstitution des droits sociaux de Mme B..., incluant notamment les cotisations à l'URSSAF, à la CNRACL et à Pôle emploi, pour la période antérieure à la réintégration de l'intéressée dans ses effectifs en juin 2023.

7. En dernier lieu, un agent public irrégulièrement évincé a droit, non pas au versement du traitement dont il a été privé, ainsi que le demande Mme B..., mais à la réparation du préjudice qu'il a effectivement subi du fait de la mesure illégalement prise à son encontre. A ce titre, la cour a seulement condamné la commune d'Halluin à verser à Mme B... la somme totale de 5 630,52 euros en indemnisation des préjudices subis par l'intéressée, du fait de son licenciement illégal, au titre de la période allant de la date de prise d'effet de ce licenciement au 9 juin 2022, date de l'arrêt. En tout état de cause, la commune justifie que le maire a procédé au mandatement de cette somme sur le compte CARPA de l'avocat de Mme B... le 18 janvier 2023. En outre, en admettant même que Mme B... puisse être regardée comme demandant à la cour de condamner la commune d'Halluin à lui verser l'indemnité qui lui est due du fait de son éviction illégale, pour la période postérieure au 9 juin 2022, ce litige, qui se rapporte à une période ultérieure à celle au titre de laquelle la cour a condamné la commune d'Halluin, revêt, pour l'application de l'article L. 911-4 du code de justice administrative, un caractère distinct de celui tranché par l'arrêt dont l'exécution est demandé.

8. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions à fin d'exécution sous astreinte de l'arrêté du 9 juin 2022 sont devenues sans objet.

Sur les conclusions à fin d'indemnisation :

9. Mme B... demande la condamnation de la commune d'Halluin à lui verser la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts au motif du délai mis à exécuter l'arrêt du 9 juin 2022 de la cour. Toutefois, la demande d'indemnisation du préjudice résultant des conditions éventuellement fautives d'exécution d'une décision juridictionnelle constitue un litige distinct de celui qui a été tranché par la décision dont l'exécution est demandée.

Sur les frais d'instance :

10. Eu égard à la circonstance que la commune d'Halluin n'a engagé les mesures d'exécution imposées par l'arrêt du 9 juin 2022 que postérieurement à la demande formulée auprès de la cour par Mme B... tendant à ce qu'il soit enjoint à la commune de procéder à cette exécution, l'intéressée ne peut être regardée comme la partie perdante dans la présente instance. En conséquence, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que les frais, non compris dans les dépens, exposés par la commune d'Halluin, soient mis à la charge de Mme B.... A l'inverse, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la commune d'Halluin, sur le fondement de ces mêmes dispositions, une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par l'intéressée et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande d'exécution présentée par Mme B....

Article 2 : La commune d'Halluin versera à Mme B... une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et à la commune d'Halluin.

Délibéré après l'audience publique du 1er avril 2025 à laquelle siégeaient :

- Mme Marie-Pierre Viard, présidente de chambre,

- M. Jean-Marc Guérin-Lebacq, président-assesseur,

- Mme Dominique Bureau, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 avril 2025.

La rapporteure,

Signé : D. Bureau

La présidente de chambre,

Signé : M.-P. Viard

La greffière,

Signé : C. Huls-Carlier

La République mande et ordonne au préfet du Nord ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Pour la greffière en chef,

Par délégation,

La greffière,

2

N° 23DA00691


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23DA00691
Date de la décision : 29/04/2025
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme Viard
Rapporteur ?: Mme Dominique Bureau
Rapporteur public ?: M. Malfoy
Avocat(s) : EDIFICES AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 04/05/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-04-29;23da00691 ?
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