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24/04/2025 | FRANCE | N°25DA00152

France | France, Cour administrative d'appel de DOUAI, 4ème chambre, 24 avril 2025, 25DA00152


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 18 avril 2024 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination en cas d'exécution d'office de cette mesure.



Par un jugement n° 2403306 du 7 janvier 2025, le tribunal administratif de Rouen a annulé cet arrêté, enjoint au préf

et de délivrer un certificat de résidence à M. A..., mis à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 18 avril 2024 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination en cas d'exécution d'office de cette mesure.

Par un jugement n° 2403306 du 7 janvier 2025, le tribunal administratif de Rouen a annulé cet arrêté, enjoint au préfet de délivrer un certificat de résidence à M. A..., mis à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au titre des frais de justice et rejeté le surplus de la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 24 janvier 2025, le préfet de la Seine-Maritime demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande de M. A... devant le tribunal administratif.

Il soutient que son arrêté n'est pas entaché d'une erreur manifeste d'appréciation dans l'exercice de son pouvoir de régularisation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 mars 2025, M. A..., représenté par Me-Cécile Madeline, conclut au rejet de la requête et à la confirmation du jugement attaqué.

Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal :

Il soutient que ce moyen est fondé dès lors qu'il vit en France depuis plus de neuf ans, qu'il exerce un emploi en tension, que sa conjointe est également intégrée socialement et professionnellement en France, que ses enfants ne maîtrisent que le français qui est la seule langue pratiquée au sein du foyer et qu'ils ne pourront pas poursuivre leur scolarité en Algérie.

Sur le refus de titre de séjour :

- la décision attaquée est insuffisamment motivée ;

- le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation ;

- la décision attaquée méconnaît le 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- elle méconnaît l'article L. 435-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation ;

- elle méconnaît le 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

- la décision attaquée est insuffisamment motivée ;

- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;

- elle méconnaît l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation ;

- la décision attaquée méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation ;

- elle méconnaît le 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

Sur la décision fixant le pays de renvoi :

- la décision attaquée est insuffisamment motivée ;

- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français.

M. A... a été maintenu au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Douai du 6 mars 2025.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- l'accord-franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Alice Minet, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant algérien né le 18 août 1986, est entré irrégulièrement en France, selon ses déclarations le 9 janvier 2016. Le 29 février 2024, il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des articles 6-5 et 7 b) de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 et du pouvoir de régularisation du préfet. Par un arrêté du 18 avril 2024, le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui accorder le titre de séjour sollicité, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

2. A la demande de M. A..., le tribunal administratif de Rouen a annulé cet arrêté par un jugement du 7 janvier 2025. Le préfet de la Seine-Maritime relève appel de ce jugement.

Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal :

3. Pour prononcer l'annulation de l'arrêté du 18 avril 2024, le tribunal administratif de Rouen a retenu que le préfet avait commis une erreur manifeste d'appréciation dans l'exercice de son pouvoir de régularisation.

4. Toutefois, en premier lieu, il ressort des pièces du dossier que M. A... est entré irrégulièrement en France en 2016 et n'a entrepris aucune démarche pour régulariser sa situation jusqu'à sa première demande de titre de séjour le 29 février 2024.

5. En deuxième lieu, si M. A... vit avec sa concubine et leurs trois enfants nés en France, dont deux sont scolarisés, l'ensemble de la famille est en situation irrégulière de sorte que la cellule familiale peut se reconstituer en Algérie.

6. En troisième lieu, si M. A... dispose d'un contrat à durée indéterminée en qualité d'agent polyvalent de restauration puis de cuisinier depuis le 7 janvier 2020, d'ailleurs sans lien avec son diplôme algérien en téléphonie, il ne démontre, ni même n'allègue qu'il ne pourrait pas poursuivre son activité professionnelle dans son pays d'origine.

7. Enfin, si M. A... bénéficie de soutiens amicaux, il ne se prévaut d'aucune attache familiale en France autre que celle mentionnée au point 5 alors qu'il ne démontre pas, ni même n'allègue, être dépourvu de telles attaches dans son pays d'origine.

8. Dans ces conditions, alors même que M. A... n'a jamais fait l'objet d'une mesure d'éloignement et qu'il ne constitue pas une menace pour l'ordre public, le préfet de la Seine-Maritime est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Rouen a estimé que la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour à M. A... était entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dans l'exercice de son pouvoir de régularisation.

9. Toutefois, il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... devant le tribunal administratif et la cour.

Sur le moyen commun aux décisions contestées :

10. Conformément aux articles L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration et L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'arrêté a énoncé dans ses visas, ses considérants ou son dispositif les motifs de droit et de fait qui ont fondé ses différentes décisions.

Sur la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour :

11. En premier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Seine-Maritime aurait entaché sa décision d'un défaut d'examen sérieux de la situation de M. A....

12. En deuxième lieu, M. A... ne peut utilement invoquer la méconnaissance des dispositions de l'article L. 435-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui sont inapplicables aux ressortissants algériens dont les conditions d'admission au séjour en France sont régies de manière complète par les stipulations de l'accord franco algérien du 27 décembre 1968.

13. En troisième lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord-franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention vie privée et familiale est délivré de plein droit : / (...) 5. Au ressortissant algérien qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ".

14. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ".

15. Compte tenu de ce qui a été dit précédemment et de ce qu'il n'est pas démontré que les enfants de M. A..., nés en 2018, 2019 et 2021, ne parleraient que le français et qu'ils ne pourraient pas, eu égard à leur jeune âge, poursuivre leur scolarité en Algérie quand bien même ils sont nés en France, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision attaquée a porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale garantie par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

16. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de l'erreur manifeste dans l'appréciation de la situation personnelle de l'intéressé doit être écarté.

17. En dernier lieu, aux termes du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions concernant les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

18. M. A... fait valoir que ses enfants nés en France ne maîtrisent que la langue française alors que l'enseignement en Algérie se fait exclusivement en langue arabe. Toutefois, il ne démontre ni que ses enfants ne parleraient pas l'arabe, ni qu'ils ne pourraient pas acquérir, le cas échéant, la pratique de cette langue, alors que les deux aînés étaient, à la date de l'arrêté attaqué, scolarisés seulement en classe de maternelle. Dans ces conditions, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision attaquée méconnaîtrait les stipulations citées au point précédent.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

19. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à invoquer l'illégalité de la décision attaquée par voie de conséquence de l'illégalité de la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour.

20. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Seine-Maritime aurait entaché sa décision d'un défaut d'examen sérieux de la situation de M. A....

21. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La décision portant obligation de quitter le territoire français est motivée. Elle est édictée après vérification du droit au séjour, en tenant notamment compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France et des considérations humanitaires pouvant justifier un tel droit ".

22. Il ressort de la motivation de l'arrêté que, conformément à l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et au regard des informations alors portées à sa connaissance, le préfet a vérifié le droit au séjour de l'intéressé, en tenant notamment compte de la durée de présence en France, de la nature et de l'ancienneté des liens avec la France et des considérations humanitaires pouvant justifier un tel droit.

23. En dernier lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés précédemment, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de la méconnaissance du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et de l'erreur manifeste dans l'appréciation de la situation personnelle de la requérante doivent être écartés.

Sur la décision fixant le pays de renvoi :

24. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à invoquer l'illégalité de la décision attaquée par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français.

25. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Seine-Maritime est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a annulé son arrêté du 18 avril 2024.

26. Par voie de conséquence, les conclusions à fin d'annulation et à fin d'injonction présentées par M. A..., ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative devant le tribunal administratif de Rouen et devant la cour doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2403306 du 7 janvier 2025 du tribunal administratif de Rouen est annulé.

Article 2 : Les conclusions de M. A... devant le tribunal et devant la cour sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et à Me Cécile Madeline.

Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Maritime.

Délibéré après l'audience publique du 3 avril 2025 à laquelle siégeaient :

- M. Marc Heinis, président de chambre,

- M. François-Xavier Pin, président assesseur,

- Mme Alice Minet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 avril 2025.

La rapporteure,

Signé : A. Minet Le président de chambre,

Signé : M. C...

La greffière,

Signé : E. Héléniak

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Pour la greffière en chef,

Par délégation,

La greffière,

Elisabeth HELENIAK

2

N°25DA00152


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 25DA00152
Date de la décision : 24/04/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Heinis
Rapporteur ?: Mme Alice Minet
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : EDEN AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 04/05/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-04-24;25da00152 ?
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