La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

24/04/2025 | FRANCE | N°24DA02384

France | France, Cour administrative d'appel de DOUAI, 4ème chambre, 24 avril 2025, 24DA02384


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lille, d'une part, d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 24 mars 2023 par lequel le préfet du Nord a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français avant l'expiration d'un délai de deux ans, d'autre part, d'enj

oindre au préfet du Nord de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, de procéder à un ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lille, d'une part, d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 24 mars 2023 par lequel le préfet du Nord a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français avant l'expiration d'un délai de deux ans, d'autre part, d'enjoindre au préfet du Nord de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, de procéder à un nouvel examen de sa situation dans le délai de quinze jours à compter de la date de notification du jugement, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, enfin, de mettre à la charge de l'État le versement à son conseil d'une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Par un jugement n° 2304820 du 31 octobre 2024, le tribunal administratif de Lille, d'une part, a annulé l'arrêté du 24 mars 2023 du préfet du Nord, d'autre part, a fait injonction au préfet du Nord de délivrer à M. A... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement, enfin, a mis à la charge de l'Etat le versement au conseil de M. A... d'une somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et a rejeté le surplus des conclusions de cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 29 novembre 2024, le préfet du Nord, représenté par la SELARL Centaure Avocats, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Lille.

Il soutient que :

- les premiers juges ont retenu à tort que la décision refusant de délivrer un titre de séjour à M. A... avait été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- les autres moyens soulevés par M. A... devant le tribunal administratif de Lille ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 5 mars 2025, M. A..., représenté par Me Fourdan, conclut au rejet de la requête, à la confirmation du jugement attaqué et à la mise à la charge de l'Etat de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ou, à défaut, de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le tribunal administratif n'a pas entaché son jugement d'irrégularité en se prononçant exclusivement sur la légalité de la décision de refus de séjour prise par l'arrêté contesté ;

- c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que la décision de refus de séjour avait été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- les autres moyens qu'il avait développés en première instance sont fondés.

Par une décision du 11 mars 2025, M. A... a été maintenu de plein droit à l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Par une communication, qui leur a été adressée le 5 février 2025 en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, les parties ont été informées de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de ce que, le tribunal administratif de Lille ayant omis de constater qu'en raison de la délivrance, le 1er juillet 2024, soit à une date postérieure à celle de cet arrêté, d'une autorisation provisoire de séjour à M. A... par le préfet du Nord, il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions de la demande de l'intéressé tendant à l'annulation de l'arrêté contesté du 24 mars 2023 du préfet du Nord en tant qu'il l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit et lui a interdit de revenir sur le territoire français avant l'expiration d'un délai de deux ans, son jugement du 31 octobre 2024 est, dans cette mesure, irrégulier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus, au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller,

- et les observations de Me Fourdan, représentant M. A..., présent à l'audience.

Considérant ce qui suit :

Sur l'objet du litige :

1. M. B... A..., ressortissant nigérian né le 4 avril 1992 à Benin City (Nigeria), est entré en France au cours du mois d'octobre 2016, selon ses déclarations. Sa demande d'asile a été rejetée le 27 juillet 2017 par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides confirmée le 26 février 2018 par la Cour nationale du droit d'asile et sa demande de nouvel examen de situation au regard du droit d'asile a été rejetée comme irrecevable par une décision du 28 octobre 2019 du directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides. S'étant maintenu sur le territoire français après ce rejet définitif et en dépit d'une décision du 18 août 2021 du préfet du Nord lui faisant obligation de quitter le territoire français, M. A... a noué avec une compatriote, avec laquelle il vit, une relation de laquelle sont nées, en 2016, 2019, 2020 et 2021, quatre filles. Il a formé le 12 juillet 2022 auprès du préfet du Nord une demande de régularisation de sa situation administrative, au titre de l'admission exceptionnelle au séjour, en faisant notamment état de cette situation familiale, de l'ancienneté de son séjour et en se prévalant d'une intégration, ainsi que de perspectives d'insertion professionnelle en France.

2. Par un arrêté du 24 mars 2023, le préfet du Nord a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français avant l'expiration d'un délai de deux ans. Le préfet du Nord relève appel du jugement du 31 octobre 2024 par lequel le tribunal administratif de Lille a annulé cet arrêté, lui a fait injonction de délivrer, à M. A..., une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " et a mis à la charge de l'Etat, sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, le versement d'une somme de 1 000 euros au conseil de l'intéressé.

Sur la régularité du jugement attaqué :

3. Il ressort des pièces du dossier de première instance, transmis à la cour, que, le 1er juillet 2024, c'est-à-dire à une date postérieure à l'arrêté du 24 mars 2023 contesté et également postérieure à la saisine du tribunal administratif de Lille par M. A..., le préfet du Nord a délivré, à ce dernier, une autorisation provisoire de séjour valable jusqu'au 30 septembre 2024. Il ressort également des pièces du dossier que cette autorisation provisoire de séjour a été renouvelée par cette autorité le 26 septembre 2024 jusqu'au 13 mai 2025. La délivrance, en cours de première instance, de cette autorisation provisoire de séjour a eu pour effet d'abroger les décisions, contenues dans l'arrêté du 24 mars 2023 du préfet du Nord, faisant obligation, à M. A..., de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, fixant le pays de destination de cette mesure et faisant interdiction à l'intéressé de revenir sur le territoire français avant l'expiration d'un délai de deux ans.

4. En omettant de constater que les conclusions de la demande de M. A... dirigées contre ces décisions relatives à l'obligation de quitter le territoire français, à la fixation du pays de renvoi et à l'interdiction de retour en France étaient devenues sans objet et qu'il n'y avait, par suite, pas lieu d'y statuer, le tribunal administratif de Lille a entaché son jugement d'irrégularité. Il y a lieu, dans cette mesure, d'annuler ce jugement, d'évoquer et de constater le non-lieu à statuer sur ces conclusions.

Sur la légalité du refus de titre de séjour :

En ce qui concerne l'atteinte portée à la vie privée et familiale :

5. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

6. Pour annuler, par le jugement attaqué, la décision de refus de séjour prononcée à l'égard de M. A..., le tribunal administratif de Lille a estimé que cette décision de refus de séjour avait été prise en méconnaissance des stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

7. M. A..., qui, ainsi qu'il a été dit, a indiqué être entré sur le territoire français en octobre 2016, fait état de la relation qu'il a nouée avec une compatriote, avec laquelle il vit maritalement depuis le 23 juin 2018, et il ajoute que quatre filles sont nées en France, en 2016, 2019, 2020 et 2021, de leur union et que les deux aînées sont scolarisées, respectivement, en école primaire et en école maternelle.

8. Toutefois, en admettant même que M. A... justifie, par les pièces qu'il a versées au dossier, d'une présence habituelle en France d'une durée de plus de sept années à la date de l'arrêté contesté, cette ancienneté résulte exclusivement de son maintien irrégulier sur le territoire français après le rejet définitif de sa demande d'asile et en dépit d'une décision portant obligation de quitter le territoire français prise à son égard le 18 août 2021, qu'il n'a pas contestée et à laquelle il n'a pas déféré.

9. Il ressort également des pièces du dossier que la compagne de l'intéressé était elle-même, à la date de l'arrêté du 24 mars 2023 contesté, à laquelle la légalité de la décision de refus de séjour qu'il comporte doit être appréciée, en situation irrégulière de séjour en France, sans qu'ait d'incidence la circonstance qu'elle a obtenu, depuis lors, du préfet du Nord, le 25 avril 2024, la délivrance d'une carte de séjour temporaire valable un an en tant que travailleur temporaire.

10. En outre, à la date de l'arrêté contesté, M. A... justifiait seulement d'un engagement bénévole auprès de l'association Emmaüs, qui hébergeait la famille dans l'un de ses établissements, et de la participation à des actions de formation à la langue française, qui ne pouvaient suffire, alors même que son implication et sa motivation sont soulignées par plusieurs attestations, à lui permettre de justifier de réelles perspectives d'insertion professionnelle, les contrats de travail à durée déterminée sur des emplois d'agent de service dont il se prévaut ayant tous été obtenus par lui à des dates postérieures à l'arrêté contesté.

11. Dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces du dossier que des circonstances particulières faisaient obstacle, à la date de cet arrêté, à la reconstitution de la cellule familiale des intéressés dans leur pays d'origine, dans lequel M. A..., dont la demande d'asile a été, de même d'ailleurs que celle de sa compagne et de ses enfants, rejetée, ne conteste pas disposer d'attaches familiales proches, à savoir ses parents, ses trois frères et ses trois sœurs, ainsi d'ailleurs que les parents et les frères et sœurs de sa compagne.

12. Il suit de là que, malgré l'ancienneté du séjour de M. A... en France, qui n'a été rendue possible que par son maintien irrégulier sur le territoire français, et eu égard aux conditions de ce séjour, le préfet du Nord est fondé à soutenir que c'est à tort que, pour annuler la décision de refus de séjour en litige, le tribunal administratif de Lille a retenu que cette décision avait porté au droit de M. A... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle était intervenue et que cette décision avait, dès lors, été prise en méconnaissance des stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

13. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A..., tant devant le tribunal administratif de Lille que devant elle, à l'encontre de la décision portant refus de séjour.

En ce qui concerne les autres moyens :

14. L'arrêté contesté du 24 mars 2023 a été signé par M. D... F..., attaché d'administration de l'Etat, adjoint à la cheffe du bure au du contentieux et du droit des étrangers de la préfecture du Nord, qui a agi dans le cadre de la délégation de signature qui lui avait été donnée par un arrêté du 15 février 2023 publié le même jour au n° 42 du recueil des actes administratifs de la préfecture du Nord et qui habilitait notamment M. F..., en cas d'absence ou d'empêchement de Mme E..., cheffe du bureau du contentieux et du droit des étrangers, à signer les décisions portant refus de délivrance d'un titre de séjour. Il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme E... n'aurait pas été absente ou empêchée. Il suit de là que le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision refusant de délivrer un titre de séjour à M. A... manque en fait.

15. Il ressort des mentions mêmes de l'arrêté du 24 mars 2023 pris à l'égard de M. A... que cet acte comporte, dans ses motifs, qui ne se bornent pas à reproduire des formules préétablies, l'énoncé des considérations de droit et de fait sur lesquelles le préfet du Nord s'est fondé pour refuser de régulariser la situation administrative l'intéressé au regard du droit au séjour. Le préfet n'avait pas, dans ces motifs, à se livrer à un exposé exhaustif des éléments caractérisant la situation de M. A... et de sa famille, mais il devait seulement y préciser ceux sur lesquels il avait entendu fonder sa décision. Il suit de là que le moyen tiré de l'insuffisante motivation de ce refus au regard de l'exigence posée par l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration manque, en tout état de cause, en fait.

16. Eu égard notamment à ce qui vient d'être dit au point précédent, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet du Nord ne se serait pas livré à un examen suffisamment attentif de la situation de M. A... avant de refuser de faire droit à sa demande de régularisation de situation administrative. En particulier, alors que les motifs de l'arrêté contesté témoignent notamment de ce que le préfet du Nord a tenu compte de l'ancienneté et des conditions de son séjour, de la présence, auprès de lui, de sa compagne et de leurs enfants, de la scolarisation des deux aînées, ainsi que de l'engagement bénévole de M. A... et de sa compagne au sein de l'association qui les hébergeait, il ne ressort des pièces du dossier ni que cette autorité n'aurait pas apprécié l'étendue de l'atteinte portée, par sa décision de refus de séjour, à la vie privée et familiale de l'intéressé, telle que protégée par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni que le préfet n'aurait pas pris en considération la capacité d'intégration et d'insertion professionnelle dont justifiaient M. A... et sa compagne, quand bien même les motifs de l'arrêté contesté ne précisent pas l'ancienneté de leur engagement bénévole, pour refuser de régulariser sa situation administrative au titre de l'admission exceptionnelle au séjour, après avoir estimé que M. A... ne justifiait pas de circonstances humanitaires ni de motifs exceptionnels de nature à justifier qu'il soit fait droit à sa demande.

17. Aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "salarié", "travailleur temporaire" ou "vie privée et familiale", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / (...) ".

18. En présence d'une demande de régularisation présentée, sur le fondement de ces dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, par un étranger qui ne serait pas en situation de polygamie et dont la présence en France ne présenterait pas une menace pour l'ordre public, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ". L'article L. 435-1 ne fait, en tout état de cause, pas obstacle à l'exercice, par l'autorité administrative, du pouvoir discrétionnaire qui lui appartient, dès lors qu'aucune disposition expresse ne le lui interdit, de régulariser la situation d'un étranger, compte tenu de l'ensemble des éléments de sa situation personnelle dont il justifierait.

19. Eu égard aux motifs énoncés ci-dessus, concernant la situation personnelle et familiale de M. A... à la date de l'arrêté contesté qui a refusé de faire droit à sa demande d'admission exceptionnelle au séjour, et en particulier à la situation irrégulière du séjour de M. A... et de sa compagne à cette date, à l'absence de perspectives sérieuses d'insertion professionnelle des intéressés en France à cette même date, le seul engagement bénévole des intéressés dans un cadre associatif, fût-il ancien, ne pouvant suffire à cet égard, au rejet définitif des demandes d'asile formées par M. A..., sa compagne et leurs enfants, ainsi qu'à l'absence de circonstances démontrées de nature à faire obstacle, à cette date, à la poursuite de leur vie familiale et de la scolarité de leurs filles aînées dans leur pays d'origine, l'admission exceptionnelle au séjour de M. A... a été à juste titre regardée par le préfet du Nord comme ne répondant pas à des considérations humanitaires et comme ne se justifiant pas au regard de motifs exceptionnels.

20. Par suite, pour refuser, par l'arrêté contesté, de faire droit à la demande d'admission exceptionnelle au séjour de M. A..., le préfet n'a pas méconnu les dispositions précitées de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ces dispositions. M. A... ne peut utilement se prévaloir, à cet égard, des énonciations de la circulaire du 28 novembre 2012 du ministre de l'intérieur, qui, quand bien même elles seraient reprises sur le site internet de la préfecture, ne comportent pas d'orientations qui s'imposeraient à l'autorité préfectorale dans son appréciation des situations des demandeurs à l'admission exceptionnelle au séjour.

21. Eu égard à ce que, comme il a été dit, aucune circonstance démontrée ne faisait obstacle, à la date du refus de séjour contesté, à ce que M. A... et sa compagne poursuivent, le cas échéant, leur vie familiale, avec leurs quatre filles, dans leur pays d'origine, où les intéressés ont conservé des attaches familiales proches et où leurs deux filles aînées étaient à même de continuer leur scolarité en école primaire et en école maternelle, il ne ressort pas des pièces du dossier que, pour refuser de faire droit à la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par M. A..., le préfet aurait porté une attention insuffisante à l'intérêt supérieur de ces enfants, en méconnaissance des stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

22. M. A... ne peut utilement soulever, au soutien de ses conclusions tendant à l'annulation de la décision de refus de séjour contenue dans l'arrêté contesté et seule en litige, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qui prohibent le renvoi d'un ressortissant étranger vers un pays dans lequel il démontre l'existence de risques avérés qu'il soit soumis à des traitements inhumains ou dégradants, dès lors que cette décision de refus de séjour n'implique pas, par elle-même, qu'il regagne son pays d'origine. Par suite et en tout état de cause, ce moyen ne peut qu'être écarté.

23. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Nord est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a annulé, pour excès de pouvoir, son arrêté du 24 mars 2023 en tant qu'il a refusé de délivrer un titre de séjour à M. A..., lui a fait injonction de délivrer à l'intéressé une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " et a mis à la charge de l'Etat, sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, le versement au conseil de M. A... de la somme de 1 000 euros.

24. Par voie de conséquence, en tant qu'elle est dirigée contre la décision de refus de séjour, la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Lille doit être rejetée.

Sur les frais liés à l'instance :

25. Par voie de conséquence de l'ensemble de ce qui précède, les conclusions que M. A... présente sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, doivent être rejetées.

26. Toutefois, le présent arrêt ne fait pas obstacle à ce que M. A..., s'il s'y croit fondé, fasse valoir auprès du préfet du Nord, à l'appui d'une autre demande de titre de séjour, les changements intervenus, depuis l'arrêté faisant l'objet du présent litige, dans sa situation et celle de sa famille.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2304820 du 31 octobre 2024 du tribunal administratif de Lille est annulé.

Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Lille en tant qu'elles sont dirigées contre les décisions du 24 mars 2023 du préfet du Nord lui faisant obligation de quitter le territoire français, fixant le pays de destination de cette mesure et lui faisant interdiction de retour sur ce territoire avant l'expiration d'un délai de deux ans.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Lille, ainsi que les conclusions présentées par lui en appel, sont rejetés.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, au préfet du Nord, ainsi qu'à M. B... A... et à Me Fourdan.

Copie en sera adressée à la SELARL Centaure Avocats.

Délibéré après l'audience publique du 3 avril 2025 à laquelle siégeaient :

- M. Marc Heinis, président de chambre,

- M. François-Xavier Pin, président-assesseur,

- M. Jean-François Papin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 avril 2025.

Le rapporteur,

Signé : J.-F. PapinLe président de chambre,

Signé : M. C...

La greffière,

Signé : E. Héléniak

La greffière,

E. Héléniak

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Pour la greffière en chef,

Par délégation,

La greffière,

Elisabeth Héléniak

1

2

No24DA02384


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 24DA02384
Date de la décision : 24/04/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Heinis
Rapporteur ?: M. Jean-François Papin
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : FOURDAN

Origine de la décision
Date de l'import : 04/05/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-04-24;24da02384 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award