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24/04/2025 | FRANCE | N°24DA01050

France | France, Cour administrative d'appel de DOUAI, 4ème chambre, 24 avril 2025, 24DA01050


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La SARL Dalmau Montgriffon a demandé au tribunal administratif d'Amiens de prononcer la décharge de l'amende prévue au I de l'article 1737 du code général des impôts au titre de la période du 1er janvier 2018 au 31 décembre 2020.



Par un jugement n° 2201830 du 28 mars 2024, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté cette demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête, enregistrée le 29 mai 2024, la SAR

L Dalmau Montgriffon, représentée par Me Nahon, demande à la cour :



1°) d'annuler ce jugement ;



2°) de ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Dalmau Montgriffon a demandé au tribunal administratif d'Amiens de prononcer la décharge de l'amende prévue au I de l'article 1737 du code général des impôts au titre de la période du 1er janvier 2018 au 31 décembre 2020.

Par un jugement n° 2201830 du 28 mars 2024, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 29 mai 2024, la SARL Dalmau Montgriffon, représentée par Me Nahon, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge de cette amende ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le montant de l'amende est excessif ;

- l'amende prévue au I de l'article 1737 du code général des impôts ne saurait trouver application en l'absence de fraude ;

- l'activité de location qu'elle exerce, non soumise à la taxe sur la valeur ajoutée, ne peut être considérée comme une activité professionnelle au sens de l'article 1737 du code général des impôts ;

- les quittances de loyer sont assimilables à des factures, ainsi qu'il résulte de la documentation administrative référencée BOI-TVA-DECLA-30-20-10 ;

- l'amende infligée est sans objet compte tenu de la production de l'ensemble des factures ;

- la procédure d'imposition est irrégulière en ce qu'elle n'a pas été mise en demeure de produire les factures en cause ;

- cette amende a été déclarée contraire à la Constitution par la décision n° 2021-908 QPC du 26 mai 2021 du Conseil constitutionnel ;

- elle méconnaît le principe de proportionnalité des peines ainsi que le principe non bis in idem.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 août 2024, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la SARL Dalmau Montgriffon ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 30 janvier 2025, la clôture d'instruction a été fixée au 17 février 2025.

Par un courrier du 27 mars 2025, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de ce qu'il y avait lieu, conformément au principe de l'application immédiate de la loi répressive plus douce, de faire application, au présent litige, des dispositions de l'article 1737 du code général des impôts, dans sa rédaction issue de l'article 142 de la loi n° 2021-1900 du 30 décembre 2021 de finances pour 2022.

Par des observations en réponse à ce moyen soulevé d'office, enregistrées le 1er avril 2025, la ministre chargée des comptes publics soutient que l'application immédiate du I de l'article 1737 du code général des impôts, dans sa rédaction en vigueur au 1er janvier 2022, n'emporte aucune conséquence sur le montant des amendes en litige.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- la loi n° 2021-1900 du 30 décembre 2021 ;

- la décision n° 2021-908 QPC du Conseil constitutionnel du 26 mai 2021 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pin, président-assesseur,

- et les conclusions de M. Arruebo-Mannier, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

Sur l'objet du litige :

1. La SARL Dalmau Montgriffon, qui exerce une activité de location de biens immobiliers, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle l'administration lui a, notamment, infligé au titre de la période du 1er janvier 2018 au 31 octobre 2020 une amende à hauteur de 5 % du montant des transactions pour lesquelles elle n'avait pas délivré de facture, en application de la deuxième phrase du 3 du I de l'article 1737 du code général des impôts, dans sa rédaction en vigueur à la date des faits, dès lors que la société avait apporté la preuve que les opérations avaient été régulièrement comptabilisées. Cette amende a été mise en recouvrement le 14 janvier 2022.

2. La société relève appel du jugement du 28 mars 2024 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande de décharge de cette amende.

Sur le cadre juridique du litige :

En ce qui concerne la loi répressive nouvelle plus douce :

3. En matière d'édiction d'une sanction administrative, sont seuls punissables les faits constitutifs de manquement à des obligations définies par des dispositions législatives ou réglementaires en vigueur à la date où ces faits ont été commis.

4. Toutefois, en vertu de l'article 8 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen : " La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires ". Découle de ce principe la règle selon laquelle la loi répressive nouvelle doit, lorsqu'elle abroge une incrimination ou prévoit des peines moins sévères que la loi ancienne, s'appliquer aux auteurs d'infractions commises avant son entrée en vigueur et n'ayant pas donné lieu à des décisions devenues irrévocables.

5. Il appartient au juge du fond, saisi d'une contestation portant sur une sanction, de faire application, même d'office, d'une loi répressive nouvelle plus douce entrée en vigueur entre la date à laquelle l'infraction a été commise et celle à laquelle il statue.

6. D'une part, les dispositions du 3 du I de l'article 1737 du code général des impôts en vigueur à la date des faits reprochés à la SARL Dalmau Montgriffon prévoyaient l'application d'une amende non plafonnée égale à 50 % du montant de la transaction lorsque n'était pas délivrée une facture, et la réduction du taux de l'amende à 5 % de ce même montant lorsque le fournisseur apportait, dans les trente jours de la mise en demeure adressée par l'administration fiscale, la preuve que l'opération avait été régulièrement comptabilisée.

7. D'autre part, aux termes du I de l'article 1737 du code général des impôts dans sa rédaction issue de l'article 142 de la loi n° 2021-1900 du 30 décembre 2021 de finances pour 2022 : " Entraîne l'application d'une amende égale à 50 % du montant : (...) 3. De la transaction, le fait de ne pas délivrer une facture ou la note prévue à l'article 290 quinquies et de ne pas comptabiliser la transaction. Le client professionnel est solidairement tenu au paiement de cette amende, qui ne peut excéder 375 000 euros par exercice. Toutefois, lorsque la transaction a été comptabilisée, l'amende est réduite à 5 % et ne peut excéder 37 500 euros par exercice ".

8. Ces dernières dispositions, qui ont assoupli les conditions dans lesquelles le taux de 5 % peut être retenu au lieu du taux de 50 % et plafonné les montants de l'amende, constituent une loi répressive nouvelle plus douce que les dispositions antérieures dont l'administration a fait application.

9. Dans ces conditions, il y a lieu d'appliquer au litige les dispositions issues du I de l'article 1737 du code général des impôts, dans sa rédaction issue de l'article 142 de la loi n° 2021-1900 du 30 décembre 2021 de finances pour 2022.

En ce qui concerne la décision du Conseil constitutionnel du 26 mai 2021 :

10. La SARL Dalmau Montgriffon se prévaut de la décision n° 2021-908 QPC du 26 mai 2021 par laquelle le Conseil constitutionnel d'une part a déclaré contraire à la Constitution le 3 du I de l'article 1737 du code général des impôts, dans sa rédaction résultant de l'ordonnance n° 2005-1512 du 7 décembre 2005 relative à des mesures de simplification en matière fiscale et à l'harmonisation et l'aménagement du régime des pénalités, contraire à la Constitution, et d'autre part a reporté au 31 décembre 2021 l'abrogation de cette disposition.

11. Toutefois, les dispositions du 3 du I de l'article 1737 du code général des impôts dans sa rédaction résultant de l'ordonnance n° 2005-1512 du 7 décembre 2005 ne peuvent être utilement invoquées par la société requérante dès lors que, ainsi qu'il a été dit, il doit être fait application des dispositions de cet article dans leur rédaction issue de l'article 142 de la loi n° 2021-1900 du 30 décembre 2021 de finances pour 2022, en vigueur à la date de la présente décision. Ainsi, le moyen d'inconstitutionnalité invoqué doit être écarté comme inopérant.

Sur la régularité de la procédure :

12. La SARL Dalmau Montgriffon soutient que l'administration ne l'a pas mise en demeure d'apporter la preuve que les opérations en cause avaient été régulièrement comptabilisées, alors pourtant que l'ancien 3 du I de l'article 1737 du code général des impôts prévoyait une telle mise en demeure.

13. Toutefois, l'administration a admis spontanément, sans même une mise en demeure, la comptabilisation régulière des opérations à défaut de factures et a fait application à la société du taux d'amende de 5 %.

Sur le bien-fondé de l'amende :

14. En premier lieu, contrairement à ce qui est soutenu, les dispositions du 3 du I de l'article 1737 du code général des impôts ne subordonnent pas l'application de l'amende à l'existence de manœuvres frauduleuses ou d'une dissimulation d'imposition.

15. En deuxième lieu, la société requérante soutient que les opérations de location et de vente de biens en litige ne présentent pas le caractère d'une activité professionnelle, de sorte que l'amende ne pouvait pas lui être infligée en application du septième alinéa du I de l'article 1737 du code général des impôts, dans sa rédaction résultant de l'ordonnance n° 2005-1512 du 7 décembre 2005, selon lequel " Les dispositions des 1 à 4 s'appliquent aux opérations réalisées dans le cadre d'une activité professionnelle ".

16. Toutefois, il résulte de l'instruction que la SARL Dalmau Montgriffon, dont l'activité est la location de terrains et de biens immobiliers, a donné des locaux à bail aux fins d'être exploités à usage professionnel notamment en tant que cabinets dentaires. Il suit de là que l'activité de location exercée par la SARL Dalmau Montgriffon revêtait bien un caractère professionnel.

17. En troisième lieu, aux termes du I de l'article 289 du code général des impôts : " 1. Tout assujetti est tenu de s'assurer qu'une facture est émise, par lui-même, ou en son nom et pour son compte, par son client ou par un tiers : a. Pour les livraisons de biens ou les prestations de services qu'il effectue pour un autre assujetti, ou pour une personne morale non assujettie (...). 3. La facture est, en principe, émise dès la réalisation de la livraison ou de la prestation de services. (...) ".

18. Il résulte des indications fournies par le service vérificateur dans la proposition de rectification du 14 avril 2021 et dans la réponse aux observations du contribuable du 22 juin 2011, corroborées par un courriel adressé au représentant de la société le 9 février 2011, qu'à l'occasion du débat oral et contradictoire avec le vérificateur, la société a indiqué à plusieurs reprises que la vente d'un bien d'occasion ainsi que les prestations de services de location exercées par la SARL Dalmau Montgriffon et qui ont conduit à l'application de l'amende litigieuse, n'avaient donné lieu à l'émission d'aucune facture ou document en tenant lieu.

19. Si la société fait valoir que, pour l'ensemble de ces prestations, elle a fourni, postérieurement aux opérations de contrôle, une facture ainsi que des quittances de loyer, assimilables à des factures, l'administration a relevé que leur numérotation n'avait pas été reprise dans les écritures comptables et que ces écritures faisaient référence à des pièces dont la numérotation était différente de celles figurant sur les pièces produites.

20. Le service a déduit de ces éléments que la comptabilité avait été saisie au vu des comptes bancaires et en l'absence de factures ou documents en tenant lieu émis par la société au moment de la réalisation des prestations de services ou de la vente de biens.

21. En outre, le ministre relève, en appel, que les pièces produites par la société ne concernent que les loyers de deux des trois locataires identifiés lors du contrôle.

22. Au vu de l'ensemble de ces éléments, non contredits par la société, l'administration doit être regardée comme établissant que les transactions en litige ont été effectuées sans que n'ait été délivrée une facture ou un document en tenant lieu.

23. En quatrième lieu, si la société soutient que le montant de l'amende, fixé à 14 982 euros, est excessif, ce moyen n'est, en tout état de cause, pas assorti des précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé.

24. En dernier lieu, le moyen soulevé par la SARL Dalmau Montgriffon tiré de ce que l'article 1737 du code général des impôts, dans sa version applicable au litige, méconnaît les principes de nécessité et de proportionnalité des peines ainsi que de non-cumul des sanctions, garantis par l'article 8 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789, est, en tout état de cause, irrecevable, faute d'avoir été présenté par la voie d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par un mémoire distinct et motivé.

25. Il résulte de ce qui précède que la SARL Dalmau Montgriffon n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à la décharge de l'amende fiscale qui lui a été infligée sur le fondement du 3 du I de l'article 1737 du code général des impôts. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SARL Dalmau Montgriffon est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée Dalmau Montgriffon et à la ministre chargée des comptes publics.

Copie en sera transmise à l'administratrice de l'Etat chargée de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.

Délibéré après l'audience du 3 avril 2025, à laquelle siégeaient :

- M. Marc Heinis, président de chambre,

- M. François-Xavier Pin, président-assesseur,

- Mme Alice Minet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 avril 2025.

Le président-rapporteur,

Signé : F.-X. Pin

Le président de chambre,

Signé : M. A...La greffière,

Signé : E. Héléniak

La République mande et ordonne à la ministre chargée des comptes publics, en ce qui la concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Pour la greffière en chef,

Par délégation,

La greffière,

Elisabeth Héléniak

2

N°24DA01050


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 24DA01050
Date de la décision : 24/04/2025
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. Heinis
Rapporteur ?: M. François-Xavier Pin
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : NAHON

Origine de la décision
Date de l'import : 04/05/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-04-24;24da01050 ?
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