Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... C... a demandé au tribunal administratif d'Amiens de prononcer la décharge des cotisations primitive et supplémentaire d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2013 et 2014 ainsi que des pénalités correspondantes.
Par un jugement n° 2104101 du 7 décembre 2023, le tribunal administratif d'Amiens a déchargé M. C..., en droits et pénalités, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu mise à sa charge au titre de l'année 2014 dans la mesure d'une réduction de 14 000 euros de la base d'imposition et a rejeté le surplus de cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 7 février 2024 et des mémoires, enregistrés le 17 décembre 2024, le 19 décembre 2024, le 15 janvier 2025 et le 19 février 2025, ce dernier mémoire n'ayant pas été communiqué, M. C..., représenté par Me Zrari, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement en ce qu'il n'a pas intégralement fait droit à sa demande ;
2°) de prononcer la décharge des impositions, en droits et pénalités, restant en litige ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision admettant partiellement sa réclamation est insuffisamment motivée, en méconnaissance de l'article R. 198-10 du livre des procédures fiscales et de l'article L. 412-8 du code des relations entre le public et l'administration ;
- l'administration s'est à tort immiscée dans la gestion de son épargne et ses décisions ;
- la proposition de rectification du 12 décembre 2016 ne lui a pas été régulièrement notifiée dès lors que l'avis de réception comporte une signature qui n'est pas la sienne, que le cachet de la Poste n'y est pas apposé, que le contenu du pli n'est pas spécifié ni l'objet du courrier ;
- il a justifié, au cours de la procédure, de la nature et de l'origine des sommes taxées au titre de revenus d'origine indéterminée ;
- les sommes de 5 000 euros et 1 400 euros versées par son frère les 17 avril 2013 et 1er octobre 2013 sont présumées correspondre à un prêt familial ;
- le dépôt de la somme de 800 euros sur son compte le 2 avril 2013 correspond au remboursement d'un voyage ;
- les chèques de 41 700 euros et 41 800 euros, encaissés le 5 mars 2014, correspondent au remboursement d'un prêt consenti à l'un de ses amis pour l'acquisition d'un bien immobilier ;
- il est imposé deux fois à raison des intérêts dus sur ce prêt, en méconnaissance du principe d'égalité devant l'impôt ;
- la somme de 13 500 euros, encaissée le 23 octobre 2014, correspond au prix de vente d'un véhicule ;
- ainsi que l'a jugé à bon droit le tribunal, la somme de 10 000 euros correspond au remboursement d'un apport dans la société KH auto dont il est associé ;
- la substitution de base légale sollicitée par le ministre n'est pas justifiée en ce qu'elle implique une modification substantielle de la nature de l'imposition initiale ;
- dès lors qu'il n'a pas été destinataire de la proposition de rectification du 12 décembre 2016, les rehaussements de revenus de capitaux mobiliers qui y figurent sont irréguliers ;
- il n'est pas le maître de l'affaire de la société KH auto ;
- l'administration ne justifie pas de l'appréhension des distributions de la société KH auto ;
- les intérêts mis à sa charge sont excessifs ;
- la majoration pour manquement délibéré qui a été appliquée n'est pas justifiée.
Par un mémoire en défense et des mémoires, enregistrés le 10 juin 2024, le 26 décembre 2024 et le 27 janvier 2025, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête et, par la voie de l'appel incident, à l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il a prononcé la décharge à hauteur d'une réduction, en base, de 10 000 euros de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu mise à la charge de M. C... au titre de l'année 2014.
Il soutient que :
- les conclusions à fin de décharge excédant le montant du dégrèvement réclamé par M. C... dans ses réclamations des 21 octobre et 26 décembre 2019 sont irrecevables ;
- c'est à tort que les premiers juges ont estimé que la somme de 10 000 euros, encaissée par M. C... le 2 juillet 2014, provenait de la société KH auto de sorte qu'il convient de rétablir l'imposition de cette somme en tant que revenu d'origine indéterminée ;
- à titre subsidiaire, cette somme, dont la cause n'est pas établie, doit être imposée en tant que revenu distribué en application du 2° du 1 de l'article 109 du code général des impôts ;
- subsidiairement, si la cour estimait que la majoration pour manquement délibéré n'était pas justifiée, il conviendrait de lui substituer celle de 10 % prévue par l'article 1758 A du code général des impôts ;
- les autres moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 15 janvier 2025, la clôture de l'instruction a été fixée au 19 février 2025.
Une pièce, présentée pour M. C..., a été enregistrée le 12 mars 2025, postérieurement à la clôture de l'instruction et n'a pas été communiquée, en application de l'article R. 613-3 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Pin, président-assesseur,
- les conclusions de M. Arruebo-Mannier, rapporteur public,
- et les observations de Me Torres, représentant M. C....
Considérant ce qui suit :
Sur l'objet du litige :
1. M. C... a fait l'objet d'un examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle au titre des années 2013 et 2014, à l'issue duquel plusieurs sommes enregistrées sur ses comptes bancaires ont été taxées d'office comme revenus d'origine indéterminée ou imposées, selon la procédure contradictoire, dans la catégorie des revenus mobiliers sur le fondement du 1° et du 2° du 1 de l'article 109 du code général des impôts. Les redressements correspondants ont été assortis de la majoration pour manquement délibéré prévue à l'article 1729 du code général des impôts.
2. A la suite de l'admission partielle de ses réclamations contentieuses contre ces impositions supplémentaires, M. C... a contesté ces impositions devant le tribunal administratif d'Amiens qui, par un jugement du 7 décembre 2023, a prononcé la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu mise à sa charge au titre de l'année 2014 dans la mesure d'une réduction de 14 000 euros de la base d'imposition et a rejeté le surplus de cette demande. M. C... relève appel de ce jugement en tant qu'il n'a pas intégralement fait droit à ses conclusions à fin de décharge.
3. Par la voie de l'appel incident, le ministre de l'économie, des finances et finances et de la souveraineté industrielle et numérique demande l'annulation de ce jugement en tant que la réduction de la base imposable à l'impôt sur le revenu au titre de l'année 2014 qu'il a prononcée excède la somme de 4 000 euros.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
En ce qui concerne la notification de la proposition de rectification du 12 décembre 2016 :
4. Aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. Sur demande du contribuable reçue par l'administration avant l'expiration du délai mentionné à l'article L. 11, ce délai est prorogé de trente jours. (...) ".
5. Il résulte de l'instruction que le pli recommandé contenant la proposition de rectification du 12 décembre 2016, dont les mentions indiquent qu'elle annule et remplace celle du 15 septembre précédent, a été remis, contre signature, au contribuable le 14 décembre 2016, sans qu'ait d'incidence sur la régularité de cette remise la circonstance que le bordereau de l'avis de réception retourné à l'expéditeur ne comporte pas le cachet des services postaux.
6. Si M. C... conteste être l'auteur de la signature portée sur l'avis de réception du pli contenant la proposition de rectification, il ne soutient pas ce pli aurait été reçu par une tierce personne qui n'avait pas qualité pour recevoir les courriers recommandés qui lui étaient destinés.
7. M. C... n'apporte aucun élément au soutien de l'allégation selon laquelle un tel avis ne permet pas de tenir pour établi que le pli recommandé qui lui correspond contenait la proposition de rectification en cause, alors au demeurant que l'avis de réception du pli recommandé portait, dans l'encart intitulé " référence ", les mentions " 3924 " " le 12/12/2026 ", correspondant au modèle de la proposition de rectification et à la date de ce document, suivi du nom de l'inspecteur des finances publiques ayant signé cette proposition de rectification.
8. Dès lors, M. C... n'est pas fondé à soutenir qu'il n'a pas été destinataire de la proposition de rectification du 12 décembre 2016.
En ce qui concerne le recours à la procédure de taxation d'office :
9. En vertu de l'article L. 69 du livre des procédures fiscales, l'administration peut taxer d'office un contribuable à l'impôt sur le revenu si l'intéressé s'est abstenu de répondre aux demandes de justifications qui lui ont été adressées sur le fondement de l'article L. 16 du même livre.
10. Il résulte de l'instruction, en particulier des mentions de la proposition de rectification du 12 décembre 2016, que le service a adressé à M. C..., le 11 juillet 2016, une demande de justifications de sommes portées au crédit de ses comptes bancaires en 2013 et en 2014. M. C... s'est abstenu de répondre à cette demande, qui lui a été présentée le 13 juillet 2016 et a été retournée au service avec la mention " pli avisé et non réclamé ". Contrairement à ce qu'il soutient, il se trouvait ainsi dans le cas où l'administration, en application de l'article L. 69 du livre des procédures fiscales, pouvait taxer d'office les sommes pour lesquelles il n'avait pas répondu à cette demande.
En ce qui concerne la régularité de la décision admettant partiellement la réclamation :
11. Une insuffisance de motivation de la décision prise par le directeur départemental des finances publiques sur la réclamation du contribuable est sans influence sur la régularité de la procédure d'imposition ou sur le bien-fondé de l'imposition, qui seuls peuvent être utilement critiqués devant le juge de l'impôt à l'appui d'une demande en décharge ou en réduction de l'imposition contestée. Ainsi, les moyens tirés de l'insuffisante motivation de la décision prise sur la réclamation de M. C... et de ce que le directeur départemental des finances publiques de l'Oise se serait, par cette décision, immiscé dans la gestion de son épargne ne peuvent, en tout état de cause, qu'être écartés.
Sur le bien-fondé des impositions :
En ce qui concerne les revenus d'origine indéterminée :
12. Aux termes de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales : " En vue de l'établissement de l'impôt sur le revenu, l'administration peut demander au contribuable des éclaircissements. Elle peut, en outre, lui demander des justifications au sujet de sa situation et de ses charges de famille, des charges retranchées du revenu net global ou ouvrant droit à une réduction d'impôt sur le revenu en application des articles 156 et 199 septies du code général des impôts, ainsi que des avoirs ou revenus d'avoirs à l'étranger. (...) Elle peut également lui demander des justifications lorsqu'elle a réuni des éléments permettant d'établir que le contribuable peut avoir des revenus plus importants que ceux qu'il a déclarés (...) ".
13. Aux termes de l'article L. 69 du même livre : " Sous réserve des dispositions particulières au mode de détermination des bénéfices industriels et commerciaux, des bénéfices agricoles et des bénéfices non commerciaux, sont taxés d'office à l'impôt sur le revenu les contribuables qui se sont abstenus de répondre aux demandes d'éclaircissements ou de justifications prévues à l'article L. 16. ".
14. Il résulte de ces dispositions que l'administration peut régulièrement taxer d'office, en application de l'article L. 69 du livre des procédures fiscales, les sommes dont la nature demeure inconnue, au vu des renseignements dont elle disposait avant l'envoi de la demande de justifications fondée sur l'article L. 16 du même livre et des réponses apportées par le contribuable à cette demande.
15. Il est toutefois loisible au contribuable régulièrement taxé d'office d'apporter devant le juge de l'impôt la preuve que ces sommes ne constituent pas des revenus imposables. En revanche, il appartient à l'administration fiscale, lorsqu'elle entend remettre en cause, même par voie d'imposition d'office, le caractère non imposable de sommes perçues par un contribuable mais dont il est établi qu'elles ont été versées à l'intéressé par l'un de ses parents avec lequel il n'entretient aucune relation d'affaires, de justifier que les sommes en cause ne revêtent pas le caractère d'un prêt familial mais celui de revenus professionnels.
S'agissant de l'appel principal :
Quant à l'année 2013 :
16. En premier lieu, M. C... a fait valoir, dans ses écritures, que les sommes de 5 000 euros et de 1 400 euros, portées au crédit de son compte bancaire les 17 avril 2013 et 1er octobre 2013, avaient pour origine un prêt familial que son frère lui avait consenti et il a produit, à cet égard, deux reconnaissances de dette pour ces mêmes montants, qu'il a lui-même établies le 22 novembre 2021, et une attestation bancaire indiquant que la somme de 5 000 euros qui a été virée sur le compte du requérant provenait du compte bancaire de son frère.
17. Toutefois, s'agissant de la somme de 5 000 euros, le requérant a aussi exposé, dans ses mêmes écritures, qu'elle avait pour origine le remboursement d'un prêt qu'il avait lui-même auparavant consenti à son frère et l'ordre de virement produit à l'instance porte la mention " remboursement simple ".
18. En relevant le caractère contradictoire des explications et pièces ainsi fournies par M. C..., l'administration doit être regardée comme établissant que cette somme ne revêtait pas la nature d'un prêt familial non imposable.
19. S'agissant de la somme de 1 400 euros, M. C... s'est borné à produire une reconnaissance de dette établie par lui-même le 25 septembre 2013 au sujet d'un prêt que lui aurait consenti un tiers, distinct de son frère, et avec lequel il ne justifie pas de la relation qu'il entretient.
20. Dans ces conditions, les éléments produits par M. C... ne suffisent pas à établir que la somme en litige avait la nature d'un prêt et le requérant n'apporte pas la preuve, qui lui incombe, que cette somme n'avait pas le caractère d'un revenu imposable.
21. En second lieu, M. C... fait valoir qu'il a financé pour partie, avec plusieurs autres personnes, un voyage au profit d'un ami à titre de cadeau, qu'à cet effet il a versé le 29 mars 2013 la somme de 889,35 euros à une agence de voyages et que le dépôt, le 2 avril 2013, d'une somme de 800 euros sur son compte bancaire correspond à la quote-part versée par les autres participants à ce cadeau.
22. Toutefois, M. C... s'est borné, pour étayer ce récit, à produire une attestation de l'agence de voyages auprès de laquelle la réservation a été effectuée et selon laquelle le séjour en cause, pour un montant total de 4358 euros, s'était déroulé du 13 au 23 juillet 2012.
23. L'administration a relevé, sans être contredite, que les montants allégués par M. C... ne correspondaient pas au versement de la somme de 800 euros en cause et que le règlement auprès de l'agence de voyages, plus de huit mois après la réalisation de la prestation de services, n'était pas conforme aux pratiques commerciales observées dans le secteur du tourisme.
24. Dans ces conditions, M. C... ne justifie pas de l'origine et du caractère non imposable de cette somme de 800 euros.
Quant à l'année 2014 :
25. En premier lieu, M. C... soutient qu'il a consenti, de 2010 à 2013, un prêt à un ami à hauteur de 73 632,67 euros, assorti d'intérêts arrondis à 10 000 euros afin de lui permettre d'acquérir un bien immobilier, et que les deux chèques qu'il a encaissés le 5 mars 2014, pour un montant total de 83 500 euros, correspondent au remboursement de ce prêt.
26. Toutefois, M. C..., qui au demeurant ne produit pas de contrat de prêt, ne démontre pas la réalité du prêt amical qu'il allègue par la production d'une attestation de l'emprunteur, dépourvue de date certaine et se bornant à relever avoir emprunté de l'argent à l'intéressé à plusieurs reprises en 2010 et 2013, sans même préciser le montant de l'emprunt allégué. D'ailleurs, cette attestation mentionne que le prêt qui aurait été accordé en 2010 avait pour objet l'acquisition d'un véhicule alors que M. C... fait état d'un bien immobilier.
27. La production de la copie de deux chèques, non datés, correspondant au montant total encaissé le 5 mars 2014, n'est pas davantage de nature à justifier de la réalité de ce prêt. Il en va de même de la production d'extraits du compte bancaire du requérant, d'une part, et de celui de son épouse, d'autre part, faisant état de chèques établis les 23 juillet, 11 août et 10 septembre 2013, pour des montants de 6 929,21 euros, 35 650 euros et 13 000 euros, dont il n'a pas été justifié, avant la clôture de l'instruction, que ces sommes auraient été versées au titre d'un prêt amical.
28. En outre, le ministre relève, sans être contredit, que l'emprunteur supposé, qui a acquis le bien immobilier objet du prêt allégué par voie d'adjudication, s'est acquitté du prix de ce bien le 11 juillet 2013 alors que M. C... indique lui avoir prêté les fonds nécessaires à cette acquisition par trois versements postérieurs.
29. Si le requérant soutient que les intérêts de ce prêt ont fait l'objet d'une double imposition dès lors qu'il a déclaré, au titre de l'année 2014, des revenus de capitaux mobiliers à hauteur de 10 121 euros, il résulte de ce qui précède que la réalité du prêt invoqué n'est pas démontrée. En tout de cause, le requérant n'apporte aucun élément de nature à établir que cette somme inclurait les intérêts qu'il allègue.
30. Il suit de là que c'est à bon droit que le service a taxé d'office comme revenus d'origine indéterminée les sommes en cause de 41 700 euros et 41 800 euros.
31. En deuxième lieu, M. C... reprend en appel, sans apporter aucun nouvel élément nouveau en fait et en droit, le moyen qu'il avait invoqué en première instance tiré de ce que c'est à tort que la somme de 13 500 euros, qu'il a perçue le 23 octobre 2014, avait été qualifiée de revenu d'origine indéterminée.
32. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges au point 19 du jugement attaqué.
S'agissant de l'appel incident du ministre :
33. Aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital ; 2° Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices (...) ".
34. Les sommes inscrites au crédit d'un compte courant d'associé ont, sauf preuve contraire apportée par l'associé titulaire du compte, le caractère de revenus imposables dans la catégorie des revenus de capitaux mobilier.
35. Il résulte des pièces versées en première instance, en particulier de la copie du chèque de 10 000 euros établi le 2 juillet 2014 par la société KH auto à l'ordre de M. C..., de la mention figurant sur le talon de ce chèque " remboursement A... " correspondant au prénom du requérant, du relevé du compte bancaire de cette société, de celui de l'intéressé et de l'extrait des écritures comptables de la société, mentionnant que cette somme correspond à un remboursement du compte courant d'associé détenu par le requérant, que la somme en cause, créditée sur le compte bancaire de M. C... le 2 juillet 2014 et réintégrée par l'administration dans ses bases taxables en tant que revenu d'origine indéterminée, provenait du compte courant d'associé détenu par celui-ci dans la société KH auto.
36. Par suite, cette somme devait, ainsi que l'a jugé à bon droit le tribunal, être imposée dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers. Dès lors, le ministre n'est pas fondé à soutenir que l'imposition de cette somme doit être maintenue en tant que revenu d'origine indéterminée.
37. Toutefois, l'administration demande, pour la première fois devant la cour, que, par voie de substitution de base légale, l'imposition contestée soit maintenue dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, sur le fondement du 2° du 1 de l'article 109 du code général des impôts.
38. L'administration, qui ne peut renoncer à appliquer la loi fiscale, peut, à tout moment de la procédure, justifier l'impôt sur un nouveau fondement légal qu'elle a compétence liée pour appliquer, à condition de ne priver le contribuable d'aucune des garanties légales auxquelles il a droit.
39. La substitution de base légale demandée par l'administration en l'espèce ne privant M. C... d'aucune garantie, il y a lieu d'y faire droit.
En ce qui concerne les revenus distribués :
S'agissant des sommes imposées sur le fondement du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts :
40. Il incombe, en principe, à l'administration d'apporter la preuve que le contribuable a effectivement disposé des sommes regardées par elle comme distribuées par une société. Toutefois, le contribuable qui, disposant seul des pouvoirs les plus étendus au sein de la société, est en mesure d'user sans contrôle de ses biens comme de biens qui lui sont propres et doit ainsi être regardé comme le seul maître de l'affaire, est présumé avoir appréhendé les distributions effectuées par la société qu'il contrôle.
41. Il résulte de l'instruction que le service a estimé que les sommes correspondant aux recettes dissimulées et aux charges non justifiées de la société KH auto constituaient pour M. C... des revenus distribués au sens du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts.
42. Pour retenir que M. C... devait être regardé comme le seul maître de l'affaire et avait, à ce titre, appréhendé les distributions effectuées par la société KH auto, l'administration s'est fondée sur les circonstances qu'au cours des années en litige, celui-ci était associé de cette société dont il exerçait la direction de fait, en lieu et place de son frère, gérant de droit.
43. A cet égard, le service a relevé que M. C... concluait seul les ventes de véhicules avec la clientèle et négociait les achats de véhicules auprès des fournisseurs, avec lesquels il entretenait des relations privilégiées, que le gérant de droit l'avait désigné comme l'interlocuteur exclusif de l'administration au cours des opérations de contrôle, que sa rémunération mensuelle était supérieure à celle du gérant statutaire et qu'au cours d'une garde à vue, l'intéressé avait lui-même reconnu exercer la gérance de fait de cette société.
44. Eu égard à l'ensemble de ces éléments précis et concordants tirés du fonctionnement de l'entreprise, l'administration établit que M. C..., alors même qu'il ne détenait pas la signature sociale sur le compte bancaire de la société, a disposé des pouvoirs les plus étendus au sein de la SARL KH auto dont il a assuré la direction effective aux lieu et place du gérant statutaire.
45. Dès lors, dans les circonstances de l'espèce, l'administration a pu à bon droit regarder M. C... comme le seul maître de l'affaire. Elle apporte, ainsi, la preuve de l'appréhension par l'intéressé des revenus distribués par la société KH auto.
S'agissant des sommes imposées sur le fondement du 2° du 1 de l'article 109 du code général des impôts :
46. Il résulte de l'instruction, notamment de la proposition de rectification du 12 décembre 2016, que l'administration s'est fondée sur le 2° du 1 de l'article 109 du code général des impôts pour imposer les sommes de 2 478 euros et de 1 916 euros qui avaient été inscrites en 2013 et 2014 au crédit du compte courant d'associé de M. C... ouvert dans les écritures de la société KH auto.
47. Les sommes inscrites au crédit d'un compte courant d'associé d'une société soumise à l'impôt sur les sociétés sont, sauf preuve contraire, à la disposition de cet associé et ont donc le caractère de revenus distribués, imposables entre les mains de cet associé dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers en vertu du 2° du 1 de de l'article 109 du code général des impôts.
48. Pour que l'associé échappe à cette imposition, il lui incombe de démontrer, le cas échéant, qu'il n'a pas pu avoir la disposition de ces sommes ou que ces sommes ne correspondent pas à la mise à disposition d'un revenu.
49. Si M. C... soutient qu'il ne saurait être regardé comme le maître de l'affaire, une telle circonstance est, à cet égard, sans incidence. Le moyen ainsi soulevé ne peut, dès lors, qu'être écarté.
Sur les pénalités :
En ce qui concerne l'intérêt de retard :
50. Les intérêts de retard prévus par le premier alinéa de l'article 1727 du code général des impôts s'appliquent indépendamment de toute appréciation portée par l'administration sur le comportement du contribuable et n'ont, dès lors, pas le caractère d'une sanction mais d'une réparation du préjudice subi par le Trésor, à raison du non-respect par le contribuable de ses obligations déclaratives même pour la part qui excèderait l'application du taux de l'intérêt légal.
51. Par suite, le requérant ne peut utilement se prévaloir du caractère excessif des intérêts de retard qui ont été mis à sa charge.
En ce qui concerne la majoration pour manquement délibéré :
52. Pour justifier l'application de la majoration de 40 % prévue au a de l'article 1729 du code général des impôts aux compléments d'impôt sur le revenu dans les catégories des revenus d'origine indéterminée et des revenus de capitaux mobiliers auxquels M. C... a été assujetti au titre des années 2013 et 2014, l'administration s'est fondée sur le fait que les revenus en cause s'élevaient respectivement à 90 850 euros et 241 276 euros, alors que l'intéressé n'avait déclaré des revenus qu'à hauteur de 1 360 euros et 17 483 euros, que l'intéressé ne pouvait pas ignorer l'existence, la nature et l'origine de ces revenus d'origine indéterminée qui avaient constitué l'essentiel de son train de vie, et qu'en sa qualité de maître de l'affaire, il ne pouvait pas davantage ignorer l'existence et montant des revenus distribués qu'il avait perçus.
53. Dans ces conditions, l'administration doit être regardée comme établissant l'intention délibérée de M. C... d'éluder les impositions dont il était redevable, justifiant l'application des majorations en litige.
54. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre, d'une part que le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a réduit la base imposable de M. C... dans la catégorie des revenus d'origine indéterminée à concurrence de 10 000 euros sans y substituer une imposition dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, d'autre part, que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté le surplus de sa demande.
55. Par voie de conséquence, les conclusions de M. C... tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La somme de 10 000 euros, initialement taxée d'office dans la catégorie des revenus d'origine indéterminée au titre de l'année 2014 et dont le tribunal administratif a, dans cette mesure, prononcé la décharge, en droits et pénalités, des impositions correspondantes, est rétablie dans la base imposable de M. C... dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers.
Article 2 : Les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales mises à la charge de M. C... au titre de l'année 2014 ainsi que les pénalités correspondantes sont fixées conformément à ce qui a été dit à l'article 1er ci-dessus.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif d'Amiens du 7 décembre 2023 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : La requête de M. C... est rejetée.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et à la ministre chargée des comptes publics.
Copie en sera transmise à l'administratrice de l'Etat chargée de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.
Délibéré après l'audience du 20 mars 2025, à laquelle siégeaient :
- M. Marc Heinis, président de chambre,
- M. François-Xavier Pin, président-assesseur,
- Mme Alice Minet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 avril 2025.
Le président-rapporteur,
Signé : F.-X. Pin
Le président de chambre,
Signé : M. B...La greffière,
Signé : E. Héléniak
La République mande et ordonne à la ministre chargée des comptes publics, en ce qui la concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
Pour la greffière en chef,
Par délégation,
La greffière,
Elisabeth Héléniak
2
N°24DA00240