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03/04/2025 | FRANCE | N°24DA00224

France | France, Cour administrative d'appel de DOUAI, 4ème chambre, 03 avril 2025, 24DA00224


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2016 ainsi que des pénalités et correspondants.



Par un jugement n°2105651 du 28 décembre 2023, le tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande.



Procédure devant la cour :



Par une re

quête, enregistrée le 2 février 2024, Mme A..., représentée par Me Priscille Ozan, demande à la cour :



1°) d'annule...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2016 ainsi que des pénalités et correspondants.

Par un jugement n°2105651 du 28 décembre 2023, le tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 2 février 2024, Mme A..., représentée par Me Priscille Ozan, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux et des pénalités correspondants en litige ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la proposition de rectification n'est pas suffisamment motivée en droit quant à l'imposition de la plus-value de cession dès lors qu'elle se borne à indiquer l'article de la loi qui renvoie au texte fixant le taux d'imposition applicable ;

- la procédure d'imposition est irrégulière dès lors que la réponse de l'administration à ses observations, en date du 18 juin 2019, qui procède à une substitution de base légale quant à l'imposition de la plus-value de cession, s'est bornée à indiquer qu'elle disposait d'un délai de trente jours pour adresser ses nouvelles observations et ne l'a pas informée qu'elle disposait de la possibilité de demander une prorogation du délai de réponse ;

- elle remplit les conditions de l'article 151 septies A du code général des impôts de sorte qu'elle bénéficie de l'exonération de la plus-value de cession prévue par ces dispositions ;

- la provision pour dépréciation de compte client d'un montant de 4 954 euros, qui a été constituée il y a plus de cinq ans, correspond à une créance sur la société SA Leveugle qui a été liquidée pour insuffisance d'actif par un jugement du 3 mai 2005 de sorte que la perte, devenue certaine, devait être comptabilisée en charge pour perte irrecouvrable et qu'il y a lieu de procéder à une compensation sur ce point.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 juin 2024, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au non-lieu à statuer à hauteur des sommes dégrevées en cours d'instance et au rejet du surplus des conclusions de la requête.

Il soutient que :

- les impositions relatives à la remise en cause de l'exonération de la plus-value étant abandonnées, un dégrèvement sera en conséquence prononcée ;

- les moyens de la requête relatifs à la provision ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Alice Minet, première conseillère,

- les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

Sur l'objet du litige :

1. Mme A... a fait l'objet d'un examen de comptabilité de son activité commerciale de service d'aménagement paysager au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2016. Par une proposition de rectification du 26 mars 2019, l'administration a remis en cause, d'une part, le bénéfice de l'exonération de la plus-value réalisée à l'occasion de la cession du fonds de commerce de Mme A... et, d'autre part, la provision pour dépréciation de compte client.

2. Mme A... a en conséquence été assujettie à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales, assorties d'intérêts de retard et d'une majoration de 10 % sur le fondement de l'article 1758 A du code général des impôts, qui ont été mises en recouvrement le 30 juin 2020. Elle relève appel du jugement du tribunal administratif de Lille du 28 décembre 2023 qui a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions.

Sur l'étendue du litige :

3. Par une décision du 11 juillet 2024, postérieure à l'introduction de la requête, le directeur régional des finances publiques des Hauts-de-France et du département du Nord a prononcé le dégrèvement, à concurrence des sommes de 12 629 euros en droits et 682 euros en pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux mises à la charge de Mme A... au titre de l'année 2016 et correspondant à l'exonération de la plus-value de cession du fonds de commerce de l'intéressée. Les conclusions de la requête de Mme A... sont, dans cette mesure, devenues sans objet. Dès lors, il n'y a pas lieu d'y statuer.

Sur les impositions restant en litige :

En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :

S'agissant des textes applicables :

4. Aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. Sur demande du contribuable reçue par l'administration avant l'expiration du délai mentionné à l'article L. 11, ce délai est prorogé de trente jours (...) ". Aux termes de l'article R. 57-1 du même code : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée. L'administration invite, en même temps, le contribuable à faire parvenir son acceptation ou ses observations dans un délai de trente jours à compter de la réception de la proposition (...) ".

S'agissant de la motivation de la proposition de rectification :

5. Il résulte des dispositions précitées des articles L. 57 et R. 57-1 du livre des procédures fiscales que, pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition, et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les redressements envisagés, de façon à permettre au contribuable de formuler utilement ses observations. Le caractère suffisant de la motivation d'une proposition de rectification doit être apprécié distinctement par chef de redressement.

6. Mme A... fait valoir que la proposition de rectification du 26 mars 2019 est insuffisamment motivée en ce qui concerne la remise en cause du bénéfice de l'exonération de la plus-value de cession prévue par l'article 151 septies A du code général des impôts.

7. Il résulte de l'instruction que l'administration a, par la décision du 11 juillet 2024, accordé un dégrèvement correspondant à l'exonération de la plus-value de cession du fonds de commerce de l'intéressée. Le caractère suffisant de la motivation d'une proposition de rectification devant être apprécié distinctement par chef de redressement, la requérante ne peut donc, en tout état de cause, à l'appui de ses conclusions tendant à la décharge des impositions relatives à la provision pour dépréciation de compte client, utilement soutenir que la détermination du montant des impositions relatives à l'exonération de la plus-value de cession de son fonds de commerce n'était pas suffisamment motivée.

S'agissant de l'absence de mention de la possibilité de demander la prorogation du délai de trente jours pour présenter des observations :

8. Il résulte des dispositions précitées des articles L. 57 et R. 57-1 du livre des procédures fiscales que, lorsqu'à la suite d'une première proposition de rectification et avant mise en recouvrement, l'administration modifie la base légale des rectifications qu'elle envisage, elle doit, à peine d'irrégularité de la procédure d'imposition, en informer le contribuable par la notification d'une nouvelle proposition de rectification ou, si cette modification intervient dans la réponse à ses observations, en accordant au contribuable un nouveau délai de trente jours pour lui permettre de formuler ses observations. L'absence de mention de la possibilité pour le contribuable de demander une prorogation du délai de réponse entache d'irrégularité la procédure d'imposition, à défaut de respecter l'exigence résultant de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales. Toutefois, cette irrégularité n'entraîne la décharge des impositions que si elle a eu pour effet de priver le contribuable du bénéfice d'une garantie attachée à la procédure d'imposition.

9. Il ressort des pièces du dossier qu'alors que la proposition de rectification du 26 mars 2019 visait l'article 151 septies du code général des impôts pour justifier la remise en cause de l'exonération de la plus-value de cession du fonds de commerce de Mme A..., la réponse aux observations de cette dernière en date du 18 mai 2019, qui a fondé la remise en cause de cette exonération sur l'article 151 septies A du même code, a procédé à une substitution de base légale et a accordé en conséquence à Mme A... un nouveau délai de trente jours pour présenter ses observations.

10. Mme A... soutient que la procédure d'imposition est irrégulière au motif que l'administration ne l'a pas informée, dans la réponse à ses observations, de la possibilité de demander la prorogation du délai de trente jours qui lui aurait permis d'apporter la preuve qu'elle remplissait les conditions lui permettant de bénéficier de l'exonération de la plus-value de la cession de son fonds de commerce, notamment s'agissant du départ en retraite de son époux.

11. Toutefois, Mme A... ne peut utilement faire valoir, à l'appui de ses conclusions tendant à la décharge des impositions relatives à la provision pour dépréciation de compte client, qu'elle a été privée du bénéfice d'une garantie attachée à la procédure d'imposition concernant le chef de redressement relatif à l'exonération de la plus-value de la cession de son fonds de commerce, lequel n'est plus en litige compte tenu du dégrèvement mentionné aux points précédents.

En ce qui concerne le bien-fondé de l'imposition :

S'agissant de la demande de compensation :

12. D'une part, aux termes du 1 de l'article 39 du code général des impôts : " Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment : / 5° Les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des événements en cours rendent probables, à condition qu'elles aient été effectivement constatées dans les écritures de l'exercice. (...) ".

13. D'autre part, aux termes de l'article L. 203 du livre des procédures fiscales : " Lorsqu'un contribuable demande la décharge ou la réduction d'une imposition quelconque, l'administration peut, à tout moment de la procédure et malgré l'expiration des délais de prescription, effectuer ou demander la compensation dans la limite de l'imposition contestée, entre les dégrèvements reconnus justifiés et les insuffisances ou omissions de toute nature constatées dans l'assiette ou le calcul de l'imposition au cours de l'instruction de la demande ".

14. Aux termes de l'article L. 205 du même livre : " Les compensations de droits prévues aux articles L. 203 et L. 204 sont opérées dans les mêmes conditions au profit du contribuable à l'encontre duquel l'administration effectue une rectification lorsque ce contribuable invoque une surtaxe commise à son préjudice ou lorsque la rectification fait apparaître une double imposition ".

15. Il résulte de ces dispositions qu'un contribuable qui a fait l'objet d'une procédure de reprise ou de rectification peut, à tout moment de la procédure et alors même que le délai de réclamation serait expiré, demander à bénéficier d'une compensation dans la limite de l'imposition qu'il a régulièrement contestée.

16. Il ressort des pièces du dossier que l'administration a remis en cause la provision pour dépréciation de compte client réalisée sur l'exercice 2016 à hauteur de la somme de 4 954 euros au motif d'une part qu'elle n'était pas justifiée et d'autre part que, compte tenu de la cessation de l'activité de Mme A..., cette provision devait être réintégrée dans le résultat imposable.

17. Mme A... sollicite la compensation de la reprise de la provision en litige par la comptabilisation, au titre des charges de son activité, d'une perte irrécouvrable depuis 2005 dès lors que cette provision correspond à une créance sur la société SA Leveugle qui a été liquidée pour insuffisance d'actif par un jugement du 3 mai 2005.

18. Toutefois, Mme A... n'apporte aucun élément permettant de démontrer que la provision pour dépréciation de compte client d'un montant de 4 954 euros est liée à une créance sur la société SA Leveugle auprès de laquelle elle aurait engagé vainement des démarches tendant à son recouvrement.

19. En tout état de cause, la liquidation de la société SA Leveugle étant intervenue en 2005, la perte de la créance invoquée aurait dû être constatée, lorsque cette créance est devenue irrécouvrable, au titre de l'exercice 2005.

20. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins de décharge, ainsi que celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu, à concurrence du dégrèvement de 12 629 euros en droits et 682 euros en pénalités, prononcé en cours d'instance, de statuer sur les conclusions de la requête de Mme A... tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux mis à sa charge au titre de l'année 2016.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme A... est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A... et à la ministre chargée des comptes publics.

Copie en sera adressée à l'administratrice de l'Etat chargée de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.

Délibéré après l'audience publique du 20 mars 2025 à laquelle siégeaient :

- M. Marc Heinis, président de chambre,

- M. François-Xavier Pin, président assesseur,

- Mme Alice Minet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 avril 2025.

La rapporteure,

Signé : A. Minet Le président de chambre,

Signé : M. B...

La greffière,

Signé : E. Héléniak

La République mande et ordonne à la ministre chargée des comptes publics, en ce qui la concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Pour la greffière en chef,

Par délégation,

La greffière,

Elisabeth Héléniak

2

N°24DA00224


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 24DA00224
Date de la décision : 03/04/2025
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. Heinis
Rapporteur ?: Mme Alice Minet
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : CABINET FIDAL ALENÇON

Origine de la décision
Date de l'import : 13/04/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-04-03;24da00224 ?
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