Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... et Mme E... D... ont demandé au tribunal administratif de Rouen de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2014 à 2016, ainsi que des pénalités afférentes.
Par un jugement n° 2200508 du 28 novembre 2023, le tribunal administratif de Rouen a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 26 janvier 2024, M. B... et Mme D..., représentés par Me Bouquet, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer la décharge de ces impositions et des pénalités correspondantes ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- la proposition de rectification est insuffisamment motivée au regard de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales ;
- ils n'ont pas bénéficié de la garantie d'un recours hiérarchique, tel que prévu par l'article 12 de la loi n° 2018-727 du 10 août 2018, ni de la saisine de la commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ;
- l'administration n'a pas apporté la preuve ni du montant ni de l'appréhension des revenus réputés distribués ;
- les dividendes appréhendés et imposables au titre de l'année 2015 ne sauraient excéder la somme de 5 100 euros et ceux au titre de l'année 2016 ne sont pas fondés ;
- les charges regardées comme non justifiées au niveau de la SARL Groupe Ecotel ayant été abandonnées par le service, l'administration aurait dû en tenir compte au titre des distributions ;
- les redressements au titre des dépenses personnelles figurant au débit du compte courant ne sont pas justifiés l'administration n'ayant pas fourni de détail des montants en cause ;
- les pénalités ont été infligées en méconnaissance de l'article L. 80 E du livre des procédures fiscales ;
- la majoration de 40 % qui a été appliquée n'est pas justifiée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 3 juin 2024, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. B... et Mme D... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Pin, président-assesseur,
- et les conclusions de M. Arruebo-Mannier, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
Sur l'objet du litige :
1. La SARL Groupe Ecotel, dont M. B... détient avec Mme D..., qui en est la gérante, l'intégralité du capital, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au titre des exercices clos de 2014 à 2016, à l'issue de laquelle l'administration a notamment réintégré dans les bases imposables de cette société des dividendes versés à ses associés, certaines dépenses qui n'étaient pas assorties de justifications ou dont il n'était pas justifié que ces charges avaient été engagées dans l'intérêt de l'entreprise ainsi que des dépenses présentant un caractère personnel payées par l'intermédiaire de comptes courants d'associés.
2. L'administration a qualifié ces sommes de revenus distribués, sur le fondement du 2° du 1 de l'article 109 et du c de l'article 111 du code général des impôts, au bénéfice de M. B... et Mme D... et a, en conséquence, assujetti leur foyer fiscal à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre des années 2014 à 2016, assorties de pénalités de 40 % pour manquement délibéré.
3. M. B... et Mme D... relèvent appel du jugement du 28 novembre 2023 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté leur demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, de ces impositions supplémentaires.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
En ce qui concerne la motivation de la proposition de rectification :
4. Aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. (...) ". Selon l'article R. 57-1 du même livre : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée. (...) ".
5. Il résulte de ces dispositions que l'administration doit indiquer au contribuable, dans la proposition de rectification, les motifs et le montant des rehaussements envisagés, leur fondement légal et la catégorie de revenus dans laquelle ils sont opérés, ainsi que les années d'imposition concernées. En cas de motivation par référence, l'administration doit, en principe, annexer les documents auxquels elle se réfère dans la proposition de rectification ou en reprendre la teneur.
6. La proposition de rectification du 20 décembre 2017 adressée personnellement à M. B... et Mme D..., laquelle précise aux contribuables les montants des revenus distribués, leur fondement légal, la catégorie de revenus ainsi que les années d'imposition et indique, contrairement à ce qu'ils soutiennent, qu'ils sont bénéficiaires de ces revenus en leur qualité d'associés à hauteur chacun de 50 % de la société distributrice, se réfère, pour le calcul des bases d'imposition, aux rehaussements envisagés par l'administration dans la proposition de rectification du même jour adressée à la société Groupe Ecotel à la suite de la vérification de comptabilité dont elle a fait l'objet, sans que ce document ait été joint à la proposition de rectification adressée personnellement à M. B... et Mme D... ou que la teneur de ce document y ait été reprise.
7. Toutefois, si la proposition de rectification concernant la société Groupe Ecotel avait été adressée à Mme D... en tant que représentante de cette société à l'adresse de cette société et non à l'adresse personnelle des requérants, M. B... et Mme D... ont fait référence à ce document dans les observations qu'ils ont transmises à l'administration les 19 février 2018 en réponse à la proposition de rectification concernant leur situation personnelle et auxquelles ils ont annexé les observations formulées pour le compte de la société.
8. Dans ces conditions, dans les circonstances de l'espèce, M. B... et Mme D... doivent être regardés comme ayant disposé des informations leur permettant de formuler leurs observations ou de faire connaître leur acceptation en application des dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales. Le moyen invoqué doit, dès lors, être écarté.
En ce qui concerne le recours hiérarchique ouvert au contribuable :
9. Aux termes de l'article L. 54 C du livre des procédures fiscales, introduit par l'article 12 de la loi n° 2018-727 du 10 août 2018 pour un Etat au service d'une société de confiance : " Hormis lorsqu'elle est adressée dans le cadre des procédures mentionnées aux articles L. 12, L. 13 et L. 13 G et aux I et II de la section V du présent chapitre, la proposition de rectification peut faire l'objet, dans le délai imparti pour l'introduction d'un recours contentieux, d'un recours hiérarchique qui suspend le cours de ce délai ".
10. En outre, l'article L. 284 du même livre prévoit que " Sauf disposition contraire, les règles de procédure fiscale ne s'appliquent qu'aux formalités accomplies après leur date d'entrée en vigueur, quelle que soit la date de la mise en recouvrement des impositions ".
11. M. B... et Mme D... ne peuvent utilement soutenir qu'ils ont été privés de la possibilité de saisir le supérieur hiérarchique dès lors que les dispositions de l'article L. 54 C du livre des procédures fiscales qui prévoient cette saisine en cas de contrôle sur pièces sont entrées en vigueur le 12 août 2018, soit postérieurement à la notification de la proposition de rectification du 20 décembre 2017.
En ce qui concerne la saisine de la commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires :
12. La mention, dans la réponse aux observations du contribuable, de ce qu'il est ou non possible à celui-ci de demander la saisine de la commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires compte tenu de la nature des rectifications maintenues et de la procédure utilisée, prévue par la charte des droits et obligations du contribuable vérifié, ne constitue pas une garantie dont la méconnaissance aurait le caractère d'une irrégularité de nature à entraîner la décharge de l'imposition, l'absence de cette mention n'étant pas susceptible de priver le contribuable du droit qu'il tient de l'article L. 59 du livre des procédures fiscales de saisir cette commission en cas de désaccord persistant.
13. Si le vérificateur a mentionné, dans sa réponse aux observations de M. B... et Mme D... du 20 juin 2018, que ceux-ci avaient la possibilité de saisir la commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, alors que le différend opposant les contribuables à l'administration fiscale portant sur les revenus distribués par la société Groupe Ecotel ne figure pas au nombre des matières relevant de la compétence de la commission en application de l'article L. 59 A du livre des procédures fiscales, une telle indication erronée, qui ne saurait avoir créé pour les contribuables un droit à obtenir un avis de la commission ni avoir eu pour effet de rendre la saisine de celle-ci recevable, n'a pas eu pour effet de priver les requérants d'une garantie.
14. Il suit de là que le moyen tiré de la violation de l'article L. 59 du livre des procédures fiscales doit être écarté.
Sur le bien-fondé des impositions :
15. Aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : (...) 2° Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices. (...) ". Aux termes de l'article 111 du même code : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : (....) c. les rémunérations et avantages occultes (...) ".
En ce qui concerne les revenus distribués résultant du versement de dividendes aux associés :
16. Le service a relevé que M. B... et Mme D... avaient perçu en 2015 et 2016 des sommes respectivement de 55 374 euros et de 19 973 euros de la part de la société Groupe Ecotel et qui les avait comptabilisées au débit du compte 457 " dividendes ". S'il résulte des mentions de la proposition de rectification adressée à la société que ces sommes n'ont fait l'objet d'aucune approbation par l'assemblée générale des associés, l'administration, en faisant valoir que les requérants étaient les deux seuls associés de la société Groupe Ecotel, doit être regardée comme apportant la preuve de l'appréhension de ces sommes par les intéressés.
17. Il résulte de l'instruction qu'à la suite de proposition de rectification adressée à M. B... et Mme D..., ceux-ci ont expressément accepté le redressement envisagé par l'administration au titre de la distribution de dividendes. Il suit de là qu'il appartient aux contribuables d'apporter, devant le juge de l'impôt, la preuve de l'exagération de l'évaluation faite par l'administration du chef de redressement dont il s'agit.
18. En se bornant à relever, sans en justifier, que les sommes en cause ne correspondent pas uniquement, au titre de l'année 2015, au versement de dividendes mais également au remboursement de frais kilométriques admis par l'administration, à des salaires et au règlement d'un fournisseur, M. B... et Mme D... ne justifient pas du caractère exagéré de la base d'imposition retenue par l'administration.
19. S'agissant de l'année 2016, si les requérants contestent le montant retenu par l'administration et produisent à cet effet un détail des mouvements du compte 457 édité le 19 avril 2019, soit postérieurement aux opérations de contrôle, ce document retrace des écritures qui sont différentes de celles issues du même compte tel qu'il avait été produit par la société Groupe Ecotel à l'occasion de la vérification de comptabilité, et dont les intéressés n'expliquent pas les discordances.
20. Dans ces conditions, c'est à bon droit que l'administration a estimé que les sommes de 55 374 euros et de 19 973 euros au titre des années 2015 et 2016 étaient constitutives de revenus distribués taxables sur le fondement du 2° du 1 de l'article 109 du code général des impôts entre les mains de M. B... et Mme D....
En ce qui concerne les revenus distribués résultant de charges non justifiées et de charges non engagées dans l'intérêt de l'entreprise :
21. Par un courrier du 6 août 2019, le service a adressé à M. B... et Mme D... de nouvelles conséquences financières prenant en compte, au niveau de l'imposition des intéressés à l'impôt sur le revenu, l'issue du recours hiérarchique formé par la société Groupe Ecotel.
22. Contrairement à ce que soutiennent les requérants, il ne résulte pas de l'instruction, en tout état de cause, que l'administration n'aurait pas tenu compte, s'agissant de leur imposition personnelle, de l'ensemble des charges admises en déduction du bénéfice imposable de la société à l'issue du recours hiérarchique formé par celle-ci.
En ce qui concerne les revenus distribués résultant du solde débiteur des comptes courants d'associés des requérants :
23. L'administration a regardé les sommes de 1 748 euros, 6 084 euros et 14 412 euros figurant, aux 31 décembre 2014, 31 décembre 2015 et 31 décembre 2016, au débit des comptes courants d'associés de M. B... et Mme D... dans les écritures de la société Groupe Ecotel comme ayant été mises à leur disposition au titre des années 2014, 2015 et 2016.
24. Contrairement à ce que soutiennent les requérants, il résulte de l'instruction, notamment de l'annexe 2 jointe à la proposition de rectification concernant la société Groupe Ecotel, que l'administration a fourni le détail des montants figurant au débit de ces comptes pour chacune des années d'imposition.
25. Dans ces conditions, c'est à bon droit que l'administration a considéré que M. B... et Mme D... avaient appréhendé le solde débiteur de leurs comptes courants d'associés au 31 décembre des années 2104, 2015 et 2016.
Sur les pénalités :
26. En premier lieu, aux termes du second alinéa de l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales : " Les sanctions fiscales ne peuvent être prononcées avant l'expiration d'un délai de trente jours à compter de la notification du document par lequel l'administration a fait connaître au contribuable ou redevable concerné la sanction qu'elle se propose d'appliquer, les motifs de celle-ci et la possibilité dont dispose l'intéressé de présenter dans ce délai ses observations ".
27. Aux termes de l'article L. 80 E de ce livre : " La décision d'appliquer les majorations et amendes prévues aux articles 1729 (...) du code général des impôts est prise par un agent de catégorie A détenant au moins un grade fixé par décret qui vise à cet effet le document comportant la motivation des pénalités ". Aux termes de l'article R. 80 E-1 du même livre : " La décision d'appliquer les majorations et amendes mentionnées à l'article L. 80 E est prise par un agent ayant au moins le grade d'inspecteur divisionnaire ".
28. Si les articles L. 80 E et R. 80 E-1 du livre des procédures fiscales prévoient que la décision d'appliquer les majorations prévues à l'article 1729 du code général des impôts doit être prise par un agent ayant au moins le grade d'inspecteur divisionnaire qui vise à cet effet le document comportant la motivation des pénalités, il résulte de l'instruction que, dans la réponse aux observations du contribuable du 20 juin 2018, visée par une inspectrice principale des finances publiques, l'administration a, en renvoyant aux motifs exposés dans la proposition de rectification du 20 décembre 2017, informé M. B... et Mme D... de son intention de leur appliquer la pénalité de 40 % pour manquement délibéré prévue au a de cet article 1729 et indiqué aux intéressés qu'ils disposaient d'un délai de trente jours pour faire valoir leurs observations sur cette sanction fiscale, conformément à l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales.
29. Dans ces conditions, la circonstance que la proposition de rectification du 20 décembre 2017 n'a pas été revêtue du visa d'un agent ayant au moins le grade d'inspecteur divisionnaire n'est pas de nature à entacher d'irrégularité la procédure d'établissement des pénalités dont il s'agit. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 80 E du livre des procédures fiscales doit être écarté.
30. En second lieu, pour appliquer la majoration de 40 % pour manquement délibéré prévue au a de l'article 1729 du code général des impôts aux cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu résultant de la distribution de revenus par la société Groupe Ecotel, l'administration s'est fondée sur la circonstance que cette société avait comptabilisé dans les charges des exercices clos entre 2014 et 2016 des dépenses personnelles engagées par M. B... et Mme D..., uniques associés de la société et dont la requérante était la gérante, correspondant à des frais d'habillement, des frais de bouche, des dépenses alimentaires, des dépenses d'achat de mobilier, de décoration, et d'aménagement intérieur et d'électroménager, qui ne répondaient à l'intérêt de l'entreprise.
31. En se bornant à soutenir qu'ils entendent contester l'application de cette pénalité, M. B... et Mme D... n'assortissent pas leur moyen de précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé.
32. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... et Mme D... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté leur demande. Par voie de conséquence, leurs conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. B... et Mme D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à Mme E... D... et à la ministre chargée des comptes publics.
Copie en sera transmise à l'administrateur de l'Etat chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Ile de France Est.
Délibéré après l'audience du 20 mars 2025, à laquelle siégeaient :
- M. Marc Heinis, président de chambre,
- M. François-Xavier Pin, président-assesseur,
- Mme Alice Minet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 avril 2025.
Le président-rapporteur,
Signé : F.-X. Pin
Le président de chambre,
Signé : M. C...La greffière,
Signé : E. Héléniak
La République mande et ordonne à la ministre chargée des comptes publics, en ce qui la concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
Pour la greffière en chef,
Par délégation,
La greffière,
Elisabeth Héléniak
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N°24DA00175