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20/03/2025 | FRANCE | N°24DA00066

France | France, Cour administrative d'appel de DOUAI, 4ème chambre, 20 mars 2025, 24DA00066


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. C... B... a demandé au tribunal administratif d'Amiens de prononcer la décharge de la majoration de 80 % dont ont été assorties les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2014 à 2017.



Par une ordonnance n° 2302337 du 14 décembre 2023, le président de la 2ème chambre du tribunal administratif d'Amiens a rejeté cette demande.



Procédure devant la cour :


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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif d'Amiens de prononcer la décharge de la majoration de 80 % dont ont été assorties les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2014 à 2017.

Par une ordonnance n° 2302337 du 14 décembre 2023, le président de la 2ème chambre du tribunal administratif d'Amiens a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 11 janvier 2024 et un mémoire, enregistré le 11 juillet 2024, M. B..., représenté par Me Briche, demande à la cour :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) de prononcer la décharge de cette majoration ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le premier juge a méconnu la nature du recours porté devant lui en estimant qu'il entendait ouvrir un litige en matière de recouvrement alors que sa contestation portait sur l'assiette de la majoration pour activité occulte dont avaient été assorties les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il avait été assujetti au titre des années 2014 à 2017 ;

- la décision du 18 janvier 2023 rejetant sa réclamation d'assiette n'a été portée à sa connaissance que le 19 juin 2023 de sorte que sa demande n'était pas tardive ;

- la qualification d'activité occulte ne saurait être retenue dès lors que le taux d'imposition auquel il a été soumis en Pologne entre 2014 et 2017 était similaire au taux d'imposition en France et que la Pologne avait conclu avec la France une convention contenant une clause d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 juin 2024, et un mémoire, qui n'a pas été communiqué, enregistré le 16 juillet 2024, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- c'est à juste titre que le tribunal a considéré qu'il était saisi d'une contestation relative au recouvrement ;

- à titre subsidiaire, c'est à bon droit que l'administration a appliqué la majoration de 80 % prévue par l'article 1728 du code général des impôts en cas de découverte d'une activité occulte ;

- si la cour ne devait pas confirmer le bien-fondé de cette majoration, il demande que lui soit substituée la majoration de 10 % prévue par l'article 1758 A du code général des impôts.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pin, président-assesseur,

- et les conclusions de M. Arruebo-Mannier, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

Sur l'objet du litige :

1. M. et Mme B... ont fait l'objet d'un examen de leur situation fiscale personnelle au titre des années 2015 à 2017 qui a révélé que M. B... exerçait en France, depuis 2014, une activité individuelle dans le secteur du bâtiment. Parallèlement, l'entreprise individuelle exploitée par M. B... a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période couvrant les années 2009 à 2017, étendue au 30 novembre 2018 en matière de taxe sur la valeur ajoutée. A l'issue des opérations de contrôle, l'administration a notamment, selon la procédure d'évaluation d'office, réintégré aux revenus imposables des contribuables le montant des bénéfices industriels et commerciaux retirés par M. B... de son activité professionnelle au titre des années 2014 à 2017. En conséquence, M. et Mme B... ont été assujettis à des cotisations d'impôt sur le revenu au titre des mêmes années qui ont été assorties de la majoration de 80 % pour activité occulte prévue à l'article 1728 du code général des impôts et mises en recouvrement le 31 janvier 2020. Le 28 octobre 2020, M. B... a demandé le dégrèvement de ces impositions au directeur départemental des finances publiques de l'Oise qui a rejeté sa réclamation le 18 janvier 2023.

2. M. B... relève appel de l'ordonnance du 14 décembre 2023 par laquelle le président de la 2ème chambre du tribunal administratif d'Amiens, après avoir estimé que le litige qui lui était soumis concernait le recouvrement de l'impôt, a rejeté la demande présentée par le contribuable au motif qu'il n'avait présenté que des moyens inopérants ou irrecevables.

Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :

3. Dans la réclamation qu'il a adressée le 28 octobre 2020 au directeur départemental des finances publiques de l'Oise, M. B... contestait le bien-fondé des cotisations d'impôt sur le revenu qui lui avaient été réclamées au titre des années 2014 à 2017. A la suite du rejet de cette réclamation, le requérant a saisi le tribunal administratif de conclusions tendant à la décharge de la pénalité de 80 % pour activité occulte mise à sa charge pour un montant total de 158 000 euros.

4. Si M. B... s'est prévalu, dans ses écritures de première instance, d'un courrier du 19 juin 2023 par lequel le responsable du service du recouvrement de la direction départementale des finances publiques de l'Oise avait refusé de faire droit à sa demande d'opposition à poursuites, il résulte de l'instruction que le requérant n'a fait état de ce courrier qu'en tant qu'il faisait mention du rejet, le 18 janvier 2023, de sa réclamation contentieuse d'assiette dont l'intéressé soutenait qu'il n'en avait pas eu connaissance plus tôt afin de justifier de la recevabilité de sa demande.

5. Il suit de là qu'en regardant la demande comme soulevant un litige de recouvrement et en écartant en conséquence, sur le fondement du 7° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, les moyens invoqués comme inopérants ou irrecevables car relatifs à l'assiette de l'imposition, le premier juge s'est mépris sur la portée des conclusions de M. B....

6. Ainsi, l'ordonnance du 14 décembre 2023 du président de la 2ème chambre du tribunal administratif d'Amiens doit être annulée.

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif d'Amiens.

Sur la majoration pour activité occulte :

8. Aux termes de l'article 1728 du code général des impôts : " 1. Le défaut de production dans les délais prescrits d'une déclaration ou d'un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt entraîne l'application, sur le montant des droits mis à la charge du contribuable ou résultant de la déclaration ou de l'acte déposé tardivement, d'une majoration de : (...) c. 80 % en cas de découverte d'une activité occulte. (...) ".

9. Il résulte de ces dispositions que dans le cas où un contribuable n'a ni déposé dans le délai légal les déclarations qu'il était tenu de souscrire, ni fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce, l'administration doit être réputée apporter la preuve, qui lui incombe, de l'exercice occulte de l'activité professionnelle si le contribuable n'est pas lui-même en mesure d'établir qu'il a commis une erreur justifiant qu'il ne se soit acquitté d'aucune de ces obligations déclaratives.

10. S'agissant d'un contribuable qui fait valoir qu'il a satisfait à l'ensemble de ses obligations fiscales dans un État autre que la France, la justification de l'erreur commise doit être appréciée en tenant compte tant du niveau d'imposition dans cet autre État que des modalités d'échange d'informations entre les administrations fiscales des deux États.

11. Il résulte de l'instruction, et il n'est d'ailleurs pas contesté, que M. B... a, entre 2014 et 2017, exercé une activité d'entrepreneur dans le bâtiment exclusivement en France à partir d'un établissement stable, qu'il n'a pas fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce et qu'il n'a pas déposé de déclarations en matière de bénéfices professionnels ou de taxe sur la valeur ajoutée auprès de l'administration fiscale française.

12. Si, pour justifier que cette absence de respect par l'entreprise de ses obligations déclaratives en France procédait d'une erreur, le requérant fait valoir qu'il estimait, de bonne foi, n'être imposable qu'en Pologne à raison des résultats tirés de l'exercice en France de l'activité de son entreprise individuelle, il résulte de l'instruction que l'exercice exclusif de l'activité en France exclut qu'il ait subsisté, pour le contribuable, un doute raisonnable quant au principe de son imposition dans ce pays.

13. En outre, la différence de niveau d'imposition entre la France et la Pologne est importante, ainsi que l'atteste la comparaison entre le montant total de 70 187 euros relatif aux cotisations à l'impôt sur le revenu dont le contribuable s'est acquitté au titre des années 2014 à 2017 en Pologne et celui de 210 876 euros auquel l'administration fiscale française a entendu l'assujettir au titre des mêmes années, après reconstitution de ses chiffres d'affaires, ainsi qu'il résulte de la comparaison effectuée par l'administration dans la réponse aux observations du contribuable du 10 octobre 2019.

14. Contrairement à ce que soutient M. B..., il résulte de l'instruction, notamment des indications fournies dans la proposition de rectification du 21 juin 2019, que le vérificateur a déterminé ainsi le bénéfice imposable de l'activité individuelle de l'intéressé selon les principes d'une comptabilité d'engagement, en retenant un rattachement des produits et des charges à l'exercice au cours duquel ils devenaient certains dans leur principe et dans leur montant, indépendamment de leur encaissement ou de leur paiement.

15. Il suit de là, même sans tenir compte de l'application aux bénéfices reconstitués de la majoration de 25 % en cas d'absence d'adhésion à un centre de gestion prévue au 1° du 7 de l'article 158 du code général des impôts, dans sa rédaction alors en vigueur, que l'écart de niveau d'imposition entre la Pologne et la France était, contrairement à ce qui est soutenu, significatif.

16. Dans ces conditions, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les modalités d'échanges d'informations entre les administrations fiscales des deux États, M. B... n'établit pas avoir commis une erreur justifiant qu'il ne se soit pas acquitté de ses obligations déclaratives.

17. Dès lors, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve que M. B... exerçait une activité occulte en France au titre de la période de 2014 à 2017 justifiant l'application de la majoration de 80 % prévue au c du 1 de l'article 1728 du code général des impôts.

18. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander la décharge de la majoration de 80 % mise à sa charge à raison du caractère occulte de son activité d'entreprise du bâtiment.

Sur les frais liés au litige :

19. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administration font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

DECIDE :

Article 1er : L'ordonnance n° 2302337 du 14 décembre 2023 du président de la 2ème chambre du tribunal administratif d'Amiens est annulée.

Article 2 : La demande de M. B... devant le tribunal administratif d'Amiens et le surplus des conclusions de sa requête d'appel sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et à la ministre chargée des comptes publics.

Copie en sera transmise à l'administratrice de l'Etat chargée de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.

Délibéré après l'audience du 6 mars 2025, à laquelle siégeaient :

- M. Marc Heinis, président de chambre,

- M. François-Xavier Pin, président-assesseur,

- Mme Alice Minet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 mars 2025.

Le président-rapporteur,

Signé : F.-X. Pin

Le président de chambre,

Signé : M. A...La greffière,

Signé : E. Héléniak

La République mande et ordonne à la ministre chargée des comptes publics, en ce qui la concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Pour la greffière en chef,

Par délégation,

La greffière,

Elisabeth Héléniak

2

N°24DA00066


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 24DA00066
Date de la décision : 20/03/2025
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. Heinis
Rapporteur ?: M. François-Xavier Pin
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : RDB ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 30/03/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-03-20;24da00066 ?
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