Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société par actions simplifiée (SAS) Vert-Marine a demandé au tribunal administratif d'Amiens, à titre principal, de condamner la communauté d'agglomération Thiérache Sambre et Oise à lui verser une somme de 330 000 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 16 septembre 2020 avec capitalisation, au titre du bénéfice attendu de l'exécution du contrat de concession de l'exploitation du complexe aquatique intercommunal Aquoisia situé sur le territoire de la commune de Guise (Aisne) pour une durée de six ans, à la passation duquel elle estime avoir été irrégulièrement évincée, à titre subsidiaire, de condamner la communauté d'agglomération Thiérache Sambre et Oise à lui verser une somme de 10 000 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 16 septembre 2020 avec capitalisation, au titre des frais d'études engagés pour la présentation de son offre, en toute hypothèse, de mettre à la charge de la communauté d'agglomération Thiérache Sambre et Oise une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement no 2100130 du 3 mai 2023, le tribunal administratif d'Amiens a condamné la communauté d'agglomération Thiérache Sambre et Oise à verser à la SAS Vert-Marine la somme de 10 000 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 16 septembre 2020, les intérêts échus à chaque date anniversaire ultérieure étant capitalisés à ces dates pour produire eux-mêmes intérêts, au titre des frais d'études engagés pour la présentation de son offre, a mis à la charge de la communauté d'agglomération Thiérache Sambre et Oise le versement, à la SAS Vert-Marine, de la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, enfin, a rejeté le surplus des conclusions de cette demande, de même que les conclusions présentées par la communauté d'agglomération Thiérache Sambre et Oise sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés le 30 juin 2023, le 6 janvier 2025 et le 28 février 2025, la SAS Vert-Marine, représentée par la SELARL Audicit, demande à la cour :
1°) à titre principal, d'annuler ce jugement, en tant qu'il ne fait pas entièrement droit à sa demande, et de condamner la communauté d'agglomération Thiérache Sambre et Oise à lui verser une somme de 330 000 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 16 septembre 2020 avec capitalisation au titre du bénéfice attendu de l'exécution du contrat ;
2°) à titre subsidiaire, de confirmer ce jugement ;
3°) de mettre à la charge de toute partie succombante la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- comme l'ont estimé, à bon droit, les premiers juges, la communauté d'agglomération Thiérache Sambre et Oise a retenu, à l'issue de la procédure de mise en concurrence préalable à la passation du contrat de concession en cause, une offre irrégulière, puisque celle-ci se référait à la convention collective des espaces de loisirs, d'attractions et culturels (ELAC), inapplicable aux entreprises privées exerçant, à but lucratif, l'activité de gestion d'installations sportives, qui doivent appliquer la convention collective nationale du sport ; l'autorité concédante était tenue d'écarter cette offre, sans qu'ait d'incidence le point de savoir si le règlement de la consultation prévoyait ou non un examen des candidatures au regard de la convention collective appliquée par les entreprises candidates ;
- l'application de la convention collective ELAC par la candidate dont l'offre a été retenue a eu des incidences substantielles sur la définition du contenu de cette offre, en ce qui concerne les conditions d'emploi des salariés amenés à assurer la gestion de l'équipement, et, par voie de conséquence, en ce qui concerne l'appréciation de la valeur des offres des entreprises candidates ;
- contrairement à ce qu'a estimé à tort le tribunal administratif, elle disposait, dans ces conditions, d'une chance sérieuse de remporter le marché, puisque son offre a été classée en deuxième position, ce qui démontre sa pertinence, et dès lors qu'il n'est pas démontré par la collectivité qu'elle aurait envisagé de demander une régularisation de l'offre irrégulière ou de déclarer la procédure infructueuse ;
- par voie de conséquence, elle a droit à être indemnisée du préjudice résultant de l'absence de conclusion du contrat, lequel préjudice recouvre son manque à gagner, dont elle établit la consistance par la production de son compte d'exploitation prévisionnel, que le contexte de la crise sanitaire de 2020 et de l'augmentation des prix du gaz n'auraient pu obérer que sur une partie seulement de la durée de la concession, et par une attestation établie par le commissaire aux comptes, sans qu'il y ait lieu à déduction de l'impôt sur les sociétés ; il doit être également tenu compte de ce que, confrontée à de telles circonstances imprévues, elle aurait été à même de se prévaloir, auprès de sa cocontractante, de la théorie de l'imprévision ; il incombera, le cas échéant, à la communauté d'agglomération Thiérache Sambre et Oise d'appeler en garantie le candidat irrégulièrement retenu.
Par un mémoire en défense, enregistré le 13 septembre 2023, et par un mémoire, enregistré le 25 février 2025, la communauté d'agglomération Thiérache Sambre et Oise, représentée par Me Salles, associé de la SELARL Axone Droit Public, conclut au rejet de la requête, par la voie de l'appel incident, à l'annulation du jugement attaqué, en tant qu'il la condamne à indemniser la SAS Vert-Marine, et au rejet des conclusions correspondantes de la demande présentée par cette société devant le tribunal administratif d'Amiens, enfin, à ce que soit mise à la charge de la SAS Vert-Marine une somme de 6 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la requête d'appel présentée par la SAS Vert-Marine, qui constitue, pour l'essentiel, la reprise littérale des écritures produites par cette société devant les premiers juges, est irrecevable comme insuffisamment motivée au regard de l'exigence posée par l'article R. 411-1 du code de justice administrative ;
- c'est à bon droit que le tribunal administratif a rejeté les prétentions de la SAS Vert-Marine aux fins d'indemnisation du manque à gagner qu'elle indiquait avoir subi en raison de l'absence d'attribution de la concession, après avoir estimé que cette société, quoique classée seconde à l'issue de la consultation, ne disposait pas d'une chance sérieuse de remporter le contrat, alors, d'une part, qu'il n'est pas démontré que l'application de la convention collective ELAC aurait eu une incidence sur la choix du délégataire, l'application de la convention collective ELAC n'ayant pas procuré un avantage à la candidate retenue, dont l'offre incluait une masse salariale supérieure à celle retenue dans l'offre de la SAS Vert-Marine et proposait des amplitudes horaires d'ouverture ainsi qu'une variété des animations proposées très proches de celles retenues par cette dernière, d'autre part, que la convention collective que les candidats se proposaient d'appliquer ne constituait pas un critère de sélection des offres et qu'il ne lui incombait pas d'exercer d'office un contrôle sur ce point, enfin, que l'offre de la société attributaire n'était pas dépourvue de chances sérieuses de régularisation et qu'elle avait une valeur notablement supérieure à celle de la SAS Vert-Marine au regard des deux critères de la consultation, comme en témoignent les appréciations contenues dans le rapport d'analyse des offres ;
- la réalité du manque à gagner dont fait état la SAS Vert-Marine à hauteur d'une somme de 330 000 euros ne peut être regardée comme suffisamment établie par le compte prévisionnel d'exploitation produit, qui fait abstraction de surcoûts, liés à la hausse du prix du gaz et à la crise sanitaire, qui n'étaient pas prévisibles à la date à laquelle son offre a été présentée mais qui doivent être pris en compte pour l'appréciation de l'étendue de son manque à gagner ; eu égard au résultat moyen de 3 550,50 euros par an réalisé, durant les premières années de la concession en cause, par la candidate choisie, tel qu'il ressort de ses rapports annuels des années 2019 et 2020, ce préjudice ne saurait être évalué à une somme supérieure à 21 303 euros ;
- c'est à tort que le tribunal administratif l'a condamnée à indemniser la SAS Vert-Marine des frais engagés par elle pour présenter son offre, dès lors, d'une part, que l'offre retenue ne pouvait être regardée comme irrégulière dans une situation dans laquelle le règlement de la consultation ne comportait aucun critère de sélection des offres lié à la convention collective que les candidats se proposaient d'appliquer, dans laquelle elle n'a commis aucune irrégularité fautive en ne contrôlant pas d'office ce point et dans laquelle il n'est pas suffisamment établi que l'offre retenue, qui répondait à une consultation portant sur l'exploitation d'un établissement à destination du grand public et dont la vocation principalement sportive n'est pas établie, ne pouvait valablement se référer à la convention collective ELAC, d'autre part, que la réalité des frais exposés par la SAS Vert-Marine pour présenter son offre n'est pas établie.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la commande publique ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code du travail ;
- l'ordonnance n° 2016-65 du 29 janvier 2016 ;
- le décret n° 2016-86 du 1er février 2016 ;
- l'arrêté du 21 novembre 2006 portant extension de la convention collective nationale du sport (n° 2511) ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller,
- les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public,
- et les observations de Me Leuliet, substituant la SELARL Audicit, représentant la SAS Vert-Marine, ainsi que celles de Me Fedida, représentant la communauté d'agglomération Thiérache Sambre et Oise.
Considérant ce qui suit :
Sur l'objet du litige :
1. La communauté d'agglomération Thiérache Sambre et Oise a engagé, au cours du mois de novembre 2018, une procédure en vue de l'attribution, pour une durée de six ans, de la concession de l'exploitation du complexe aquatique intercommunal Aquoisia situé sur le territoire de la commune de Guise (Aisne). L'avis d'appel public à la concurrence a été publié le 9 novembre 2018 au Bulletin officiel des annonces des marchés publics. Cinq sociétés ont présenté leur candidature dans ce cadre, mais, en définitive, seules deux d'entre elles, dont la société par actions simplifiée (SAS) Vert-Marine, ont déposé une offre. Au terme de cette procédure, l'offre présentée par la société ADL Espace Recrea a été retenue.
2. Ayant été dûment informée de ce choix, la SAS Vert-Marine, qui estime avoir été irrégulièrement évincée, a, par un courrier adressé le 15 septembre 2020 au président de la communauté d'agglomération Thiérache Sambre et Oise, demandé, par son conseil, de l'indemniser du préjudice correspondant au bénéfice, évalué par elle à la somme de 330 000 euros, attendu par elle de l'exécution du contrat de concession en cause. Cette demande préalable a fait l'objet d'une décision implicite de rejet.
3. La SAS Vert-Marine a alors porté le litige devant le tribunal administratif d'Amiens, en lui demandant, à titre principal, de condamner la communauté d'agglomération Thiérache Sambre et Oise à lui verser une somme de 330 000 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 16 septembre 2020 avec capitalisation, au titre du bénéfice attendu de l'exécution du contrat de concession en cause, à titre subsidiaire, de condamner la communauté d'agglomération Thiérache Sambre et Oise à lui verser une somme de 10 000 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 16 septembre 2020 avec capitalisation, au titre des frais d'études engagés pour la présentation de son offre, en toute hypothèse, de mettre à la charge de la communauté d'agglomération Thiérache Sambre et Oise une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
4. Par un jugement du 3 mai 2023, le tribunal administratif d'Amiens a condamné la communauté d'agglomération Thiérache Sambre et Oise à verser à la SAS Vert-Marine la somme de 10 000 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 16 septembre 2020, les intérêts échus à chaque date anniversaire ultérieure étant capitalisés à ces dates pour produire eux-mêmes intérêts, au titre des frais d'études engagés pour la présentation de son offre, a mis à la charge de la communauté d'agglomération Thiérache Sambre et Oise le versement, à la SAS Vert-Marine, de la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, enfin, a rejeté le surplus des conclusions de cette demande, de même que les conclusions présentées par la communauté d'agglomération Thiérache Sambre et Oise sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
5. La SAS Vert-Marine relève appel de ce jugement en tant qu'il n'a pas fait entièrement droit à sa demande. La communauté d'agglomération Thiérache Sambre et Oise conclut, par la voie de l'appel incident, à l'annulation du même jugement, en tant qu'il la condamne à indemniser la SAS Vert-Marine.
Sur la régularité de l'offre retenue :
6. Aux termes de l'article 1er de l'ordonnance du 29 janvier 2016 relative aux contrats de concession : " I. - Les contrats de concession soumis à la présente ordonnance respectent les principes de liberté d'accès à la commande publique, d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures (...) ".
7. Aux termes de l'article L. 2261-15 du code du travail, dans sa rédaction applicable au présent litige : " Les stipulations d'une convention de branche ou d'un accord professionnel ou interprofessionnel (...) peuvent être rendues obligatoires pour tous les salariés et employeurs compris dans le champ d'application de cette convention ou de cet accord, par arrêté du ministre chargé du travail, après avis motivé de la Commission nationale de la négociation collective. / (...) ".
8. Il résulte des dispositions du code du travail citées au point précédent que les stipulations d'une convention de branche ou d'un accord professionnel ou interprofessionnel rendues obligatoires par arrêté ministériel s'imposent aux candidats à l'octroi d'une délégation de service public lorsqu'ils entrent dans le champ d'application de cette convention. Par suite, une offre finale mentionnant une convention collective inapplicable ou méconnaissant la convention applicable ne saurait être retenue par l'autorité concédante et doit être écartée comme irrégulière par celle-ci.
9. Aux termes de l'article L. 2261-2 du code du travail : " La convention collective applicable est celle dont relève l'activité principale exercée par l'employeur. / En cas de pluralité d'activités rendant incertaine l'application de ce critère pour le rattachement d'une entreprise à un champ conventionnel, les conventions collectives et les accords professionnels peuvent, par des clauses réciproques et de nature identique, prévoir les conditions dans lesquelles l'entreprise détermine les conventions et accords qui lui sont applicables ".
10. Par un arrêté du ministre en charge du travail du 21 novembre 2006, la convention collective nationale du sport a été étendue et son champ d'application est ainsi défini par son article 1.1 dans sa version alors en vigueur : " La convention collective du sport règle, sur l'ensemble du territoire y compris les DOM, les relations entre les employeurs et les salariés des entreprises exerçant leur activité principale dans l'un des domaines suivants : / - organisation, gestion et encadrement d'activités sportives ; / - gestion d'installations et d'équipements sportifs. / (...) ".
11. Le champ d'application de la convention collective nationale des espaces de loisirs, d'attractions et culturels (ELAC), étendue par un arrêté ministériel du 25 juillet 1994, est ainsi défini par son article 1er, dans sa rédaction applicable au litige : " La convention collective nationale des espaces de loisirs, d'attractions et culturels règle, sur l'ensemble des départements français, y compris les DOM, les relations entre les employeurs et les salariés des entreprises de droit privé à but lucratif : / (...) - qui gèrent des installations et / ou exploitent à titre principal des activités à vocation récréative et / ou culturelle, dans un espace clos et aménagé avec des installations fixes et permanentes comportant des attractions de diverse nature (...). / Sont exclues du champ d'application les entreprises de droit privé, à but lucratif, répertoriées sous l'ancienne codification NAF 92.6 " gestion d'installations sportives " et " autres activités sportives ", remplacée par la codification suivante : 93. 11Z : " gestion d'installations sportives " (...) / gestion d'installations sportives à caractère récréatif et de loisir. / Et, plus précisément, les installations et les centres des activités suivantes : / les piscines ; les patinoires (...) ".
12. En vertu des articles 1er et 3 du règlement de la consultation, versé à l'instruction, cette consultation avait pour finalité de désigner, dans le respect des conditions de mise en concurrence prévues par les dispositions applicables, un délégataire ayant pour mission, d'exploiter, dans les conditions du futur contrat de concession, le complexe aquatique intercommunal Aquoisia situé sur le territoire de la commune de Guise, mis à disposition par l'autorité délégante, et d'en assurer la maintenance courante. L'avis d'appel public à la concurrence précise que le concessionnaire assurera les missions de service public attachées à l'établissement, ainsi que l'exploitation commerciale et technique du centre aquatique, et que l'équipement à gérer est un centre aquatique représentant une surface utile de 1 740 m², hors locaux techniques, et qui comporte notamment une halle bassin avec ses plages et locaux attenants divers pour une surface de 732 m², comprenant un bassin mixte de 280 m², destiné à l'apprentissage et aux loisirs, une pataugeoire de 25 m², ainsi qu'un pentagliss de 4 couloirs, un espace forme de 457 m² avec un secteur forme " sèche ", équipé d'une salle de cardio-musculation de 60 m² et d'une salle de cours collectifs de 81 m², et un secteur soins du corps " humide " avec son espace relaxation, comprenant sauna, hammam, un bassin balnéo de 61 m² et un jacuzzi de 10 m².
13. Eu égard aux caractéristiques de l'équipement et au contenu de la mission que la consultation avait pour objet de confier au futur délégataire, rappelés au point précédent, l'activité que ce dernier serait appelé à exercer dans ce cadre doit être regardée comme consistant en la gestion d'un équipement dont la vocation est principalement sportive, alors même que cet équipement comporte accessoirement des espaces ludiques et de détente et quand bien même les dimensions de ses bassins ne permettraient pas l'organisation de compétitions officielles. Cette mission, qui ne se confond pas avec celle consistant en la gestion des parcs aquatiques entrant dans le champ d'application de la convention collective nationale des espaces de loisirs, d'attractions et culturels (ELAC), relève ainsi de la convention collective nationale du sport.
14. D'une part, la communauté d'agglomération Thiérache Sambre et Oise n'a pas contesté en première instance, comme l'a relevé le tribunal administratif, et elle ne conteste pas davantage en appel, que l'offre retenue, présentée par la société ADL Espace Recrea, était définie, en ce qui concerne l'évaluation des coûts de fonctionnement, ainsi que la détermination des modes d'organisation choisis pour l'accueil du public, de même que la surveillance et l'encadrement des activités, en tenant compte des stipulations de la convention nationale ELAC.
15. D'autre part, il n'a été allégué ni en première instance, ni en appel, en tout état de cause, que cette société aurait pour activité principale la gestion de parcs aquatiques entrant dans le champ d'application de la convention collective nationale ELAC et que l'exploitation d'équipements sportifs tel celui en cause ne constituerait, pour elle, qu'une activité secondaire.
16. Dans ces conditions, en se référant, pour l'élaboration de son offre, à la convention collective nationale ELAC, alors que son activité relevait de la convention collective nationale du sport, la société ADL Espace Recrea a présenté, dans le cadre de la consultation en cause, une offre irrégulière et qu'il incombait à la communauté d'agglomération Thiérache Sambre et Oise d'écarter, sans qu'ait d'incidence le fait que le règlement de la consultation n'imposait pas aux candidats de préciser la convention collective dont ils entendaient faire application dans leurs relations avec le personnel affecté à la gestion de l'équipement en cause.
17. Par suite, comme l'ont retenu à bon droit les premiers juges, la SAS Vert-Marine est fondée à soutenir que la personne publique a, dans ces conditions, commis une irrégularité constitutive d'une faute de nature à engager sa responsabilité à son égard.
Sur le droit à indemnisation de la candidate évincée :
18. Lorsqu'un candidat à l'attribution d'un contrat public demande la réparation du préjudice né de son éviction irrégulière de ce contrat et qu'il existe un lien direct de causalité entre la faute résultant de l'irrégularité et les préjudices invoqués par le requérant à cause de son éviction, il appartient au juge de vérifier si le candidat était ou non dépourvu de toute chance de remporter le contrat. En l'absence de toute chance, il n'a droit à aucune indemnité. Dans le cas contraire, il a droit en principe au remboursement des frais qu'il a engagés pour présenter son offre. Il convient en outre de rechercher si le candidat irrégulièrement évincé avait des chances sérieuses d'emporter le contrat conclu avec un autre candidat. Si tel est le cas, il a droit à être indemnisé de son manque à gagner, incluant nécessairement, puisqu'ils ont été intégrés dans ses charges, les frais de présentation de l'offre, lesquels n'ont donc pas à faire l'objet, sauf stipulation contraire du contrat, d'une indemnisation spécifique. En revanche, le candidat ne peut prétendre à une indemnisation de ce manque à gagner si la personne publique renonce à conclure le contrat pour un motif d'intérêt général.
19. Il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'analyse des offres, établi en mai 2019 par le président de la communauté d'agglomération Thiérache Sambre et Oise à l'attention des membres du conseil communautaire et versé à l'instruction, que l'offre de la SAS Vert-Marine, qui n'était ni inappropriée, ni irrégulière, ni inacceptable, a été classée en seconde position sur les deux qui étaient en lice, et qu'elle a été regardée comme satisfaisante, à l'instar de celle de la candidate retenue, la société ADL Espace Recrea, notamment au regard du critère de la consultation relatif au montant et au coût à la charge de la collectivité.
20. Il ne résulte ainsi pas de l'instruction, et il n'est d'ailleurs pas sérieusement allégué, que la communauté d'agglomération Thiérache Sambre et Oise aurait été conduite à déclarer la procédure infructueuse ou sans suite si, comme elle aurait dû le faire, elle avait écarté l'offre de la société ADL Espace Recrea comme irrégulière. Il ne résulte pas davantage de l'instruction et n'est pas plus sérieusement allégué que l'offre de la société ADL Espace Recrea aurait pu, eu égard à la nature de l'irrégularité dont elle était affectée, être régularisée sans que son économie en soit bouleversée.
21. Dans ces conditions, la SAS Vert-Marine est fondée à soutenir que c'est à tort que, pour limiter à 10 000 euros, correspondant aux frais exposés par elle pour présenter son offre, l'indemnisation mise à la charge de la communauté d'agglomération Thiérache Sambre et Oise, le tribunal administratif d'Amiens a estimé que cette société n'avait pas de chance sérieuse de remporter le contrat.
22. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la SAS Vert-Marine tant devant le tribunal administratif d'Amiens que devant elle.
23. Il résulte des principes rappelés au point 18 et de ce qui vient d'être dit que la SAS Vert-Marine a, en principe, droit à l'indemnisation de l'intégralité du préjudice subi par elle en conséquence de l'absence d'obtention du contrat, lequel correspond à son manque à gagner.
24. Pour justifier la réalité de son manque à gagner, la SAS Vert-Marine a versé à l'instruction un compte de résultat prévisionnel, appuyé par une attestation de son commissaire aux comptes, présentant les résultats escomptés par elle au titre des six années incluses dans la période d'effet du contrat de concession, en identifiant la marge nette avant déduction de l'impôt sur les sociétés et de la participation des salariés aux bénéfices, et en précisant le détail des produits et charges attendus.
25. Toutefois, ainsi que le fait valoir la communauté d'agglomération Thiérache Sambre et Oise, il y a lieu de tenir compte, d'une part, du contexte de la crise sanitaire et de l'augmentation du prix du gaz, qui ont eu une incidence notable sur la rentabilité des établissements comparables au cours des années 2020 à 2022, d'autre part, du résultat moyen effectivement réalisé, durant les années de la concession en cause, par la société ADL Espace Recrea, la candidate choisie, tel qu'il ressort de ses rapports annuels des années 2019 à 2023 versés à l'instruction.
26. En prenant en considération l'ensemble de ces paramètres, de même que la possibilité, pour le concessionnaire, d'atténuer le surcoût de l'énergie par la mise en jeu les clauses d'indexation et de réexamen des conditions financières prévues par le contrat, il sera fait une juste évaluation de la réparation à laquelle peut prétendre la SAS Vert-Marine en fixant son préjudice résultant de son éviction irrégulière à la somme de 90 000 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 16 septembre 2020.
27. La SAS Vert-Marine a demandé, pour la première fois, la capitalisation des intérêts dans sa demande enregistrée le 15 janvier 2021 au greffe du tribunal administratif d'Amiens. A cette date, il n'était pas dû une année d'intérêts. Cette demande de capitalisation avait cependant vocation à prendre effet au 16 septembre 2021, date à laquelle une année d'intérêts a été due, de même qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date.
28. Il résulte de tout ce qui précède que, d'une part, la SAS Vert-Marine est fondée à soutenir, dans la mesure de ce qui a été dit, que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens n'a pas fait entièrement droit à sa demande et que, d'autre part, la communauté d'agglomération Thiérache Sambre et Oise n'est pas fondée, par la voie de l'appel incident, à soutenir que c'est à tort que, par le même jugement, ce tribunal l'a condamnée à indemniser la SAS Vert-Marine.
Sur les frais de procédure :
29. D'une part, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la SAS Vert-Marine au titre des frais non compris dans les dépens exposés par la communauté d'agglomération Thiérache Sambre et Oise, partie perdante dans la présente instance.
30. D'autre part, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la communauté d'agglomération Thiérache Sambre et Oise une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la SAS Vert-Marine et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La somme de 10 000 euros que la communauté d'agglomération Thiérache Sambre et Oise a été condamnée, par le jugement no 2100130 du 3 mai 2023 du tribunal administratif d'Amiens, à verser à la SAS Vert-Marine est portée à 90 000 euros. Cette somme, destinée à réparer l'ensemble des préjudices résultant, par la SAS Vert-Marine, de son éviction de la procédure de consultation en cause, portera intérêts au taux légal à compter du 16 septembre 2020, les intérêts échus au 16 septembre 2021 étant capitalisés, à cette date, ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date, pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 2 : Le jugement du 3 mai 2023 du tribunal administratif est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Les conclusions d'appel incident présentées par la communauté d'agglomération Thiérache Sambre et Oise sont, de même que celles qu'elle présente sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, rejetées.
Article 4 : La communauté d'agglomération Thiérache Sambre et Oise versera à la SAS Vert-Marine la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Vert-Marine et à la communauté d'agglomération Thiérache Sambre et Oise.
Copie en sera transmise au préfet de l'Aisne.
Délibéré après l'audience publique du 6 mars 2025 à laquelle siégeaient :
- M. Marc Heinis, président de chambre,
- M. François-Xavier Pin, président-assesseur,
- M. Jean-François Papin, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 mars 2025.
Le rapporteur,
Signé : J.-F. PapinLe président de chambre,
Signé : M. HeinisLe président de la formation de jugement,
F.-X. Pin
La greffière,
Signé : E. Héléniak
La greffière,
E. Héléniak
La République mande et ordonne au préfet de l'Aisne, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
Pour la greffière en chef,
Par délégation,
La greffière,
Elisabeth Héléniak
1
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N°23DA01264