Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société par actions simplifiée (SAS) Sixt asset and finance a demandé au tribunal administratif d'Amiens de prononcer, à titre principal, la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution sociale sur l'impôt sur les sociétés, en droits et pénalités, auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2013 et 2014, à titre subsidiaire, la réduction de ces mêmes impositions en ce qui concerne les rectifications liées aux intérêts servis à sa filiale intégrée fiscalement, la SAS Sixt.
Par un jugement n° 2100900 du 7 juillet 2023, le tribunal administratif d'Amiens, après avoir donné acte du désistement de la SAS Sixt asset and finance à hauteur de 595 098 euros en base en ce qui concerne ses conclusions de décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution sociale sur l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2014, a réduit, en base, les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution sociale sur l'impôt sur les sociétés auxquelles la SAS Sixt asset and finance a été assujettie à hauteur de 477 171 euros au titre de l'exercice clos en 2013 et de 195 718 euros en base au titre de l'exercice clos en 2014, et a rejeté le surplus de cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 7 septembre 2023 et un mémoire, enregistré le 24 mai 2024, la SAS Sixt asset and finance, représentée par Me Meier, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il n'a pas intégralement fait droit à sa demande ;
2°) de prononcer la décharge des impositions et des pénalités correspondantes demeurant en litige ;
3°) de rejeter l'appel incident présenté par le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les transactions financières qu'elle a conclues avec la société Sixt international services doivent être considérées comme des financements à moyen terme et non à court terme ;
- les taux d'intérêt appliqués par la société Sixt international services au titre des exercices clos en 2013 et 2014 sont des taux de pleine concurrence, ainsi qu'elle en justifie par la production d'analyses financières réalisées sur la base de comparables internes et externes ;
- contrairement à ce que soutient le ministre dans son appel incident, le tribunal administratif n'a pas fait une application erronée des dispositions de l'article 223 B du code général des impôts ni de l'article 46 quater-0 ZG de l'annexe III à ce code.
Par un mémoire en défense, enregistré le 13 mars 2024, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut :
1°) au rejet de la requête ;
2°) par la voie de l'appel incident, à la réformation du jugement attaqué en tant qu'il a prononcé la réduction, en base, à hauteur de 477 171 euros au titre de l'exercice clos en 2013 et de 195 718 euros au titre de l'exercice clos en 2014 des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution sociale sur l'impôt sur les sociétés auxquelles la SAS Sixt asset and finance a été assujettie.
Il soutient que :
- dès lors que les intérêts supérieurs au taux prévu du 3° du 1 de l'article 39 du code général des impôts ne sont pas visées par les dispositions de l'article 46 quater-0 ZG de l'annexe III à ce code, c'est à tort que le tribunal a jugé que le montant des intérêts réintégrés dans le bénéfice imposable de la société Sixt asset and finance au titre des prêts qui lui avaient été consentis par la société Sixt au cours des exercices clos en 2013 et 2014 devait être neutralisé, en application du sixième alinéa de l'article 223 B du code général des impôts pour le calcul du résultat d'ensemble ;
- les autres moyens soulevés par la SAS Sixt asset and finance ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Pin, président-assesseur,
- et les conclusions de M. Arruebo-Mannier, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
Sur l'objet du litige :
1. La société par actions simplifiée (SAS) Sixt asset and finance, dont l'objet social est la location, l'achat, la vente et la gestion de parcs automobiles, est une société de portage de la flotte de véhicules mis en location sur le territoire français par sa filiale, la SAS Sixt. Pour financer l'acquisition de ce parc automobile, elle a bénéficié, au cours des exercices clos en 2013 et 2014, de prêts consentis par la SAS Sixt, ainsi que par les sociétés de droit allemand, Sixt GmbH etCo Autovermietung KG et Sixt financial services GmbH, qui appartiennent au même groupe (" Sixt "), rémunérés respectivement au taux de 3,65 % et de 3,40 %.
2. A la suite d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2014, l'administration a estimé que la société emprunteuse ne justifiait pas de ce que les taux ainsi pratiqués respectaient les conditions posées au a) du I de l'article 212 du code général des impôts. Le service a ainsi réintégré dans les résultats imposables de la société Sixt asset and finance la quote-part d'intérêts regardée comme non déductible en application de cette disposition.
3. L'administration a également estimé que la société emprunteuse ne démontrait pas que les sociétés étrangères Sixt GmbH etCo Autovermietung KG et Sixt financial services GmbH étaient imposées dans le pays tiers à un taux au moins égal au quart du taux français de l'impôt sur les sociétés, et a en conséquence réintégré, sur le fondement du b du I de l'article 212 du code général des impôts alors applicable, l'intégralité des intérêts versés à ces sociétés dans le bénéfice imposable de la société Sixt asset and finance.
4. Par une décision du 15 janvier 2021, l'administration a partiellement admis la réclamation formée par la société contribuable contre ces impositions supplémentaires et a renoncé à l'application des dispositions du b du I de l'article 212 du code général des impôts s'agissant des intérêts versés à la société Sixt financial services GmbH.
5. Par un jugement du 7 juillet 2023, le tribunal administratif d'Amiens a, à son article 1er donné acte du désistement des conclusions de la société Sixt asset and finance dirigées contre les rectifications fondées sur le b du I de l'article 212 du code général des impôts et afférentes aux intérêts versés à la société Sixt Gmbh et Co Autovermietung KG, à son article 2 prononcé la réduction des impositions contestées à hauteur, en base, des sommes de 477 171 euros au titre de l'exercice 2013 et 195 718 euros au titre de l'exercice 2014, correspondant au montant des intérêts facturés par la société SAS Sixt au cours de ces exercices au-delà de la limite prévue par le a du I de l'article 212 du code général des impôts, à son article 3 mis à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et, à son article 4, rejeté le surplus de la demande de la société Sixt asset and finance.
6. La société Sixt asset and finance relève appel de ce jugement en tant qu'il n'a pas intégralement fait droit à sa demande. Par la voie de l'appel incident, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique recherche l'annulation de l'article 2 de ce même jugement.
Sur l'appel principal de la société Sixt asset and finance :
En ce qui concerne le cadre juridique applicable :
7. Aux termes du 1 de l'article 39 du code général des impôts : " Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment : / (...) 3° Les intérêts servis aux associés à raison des sommes qu'ils laissent ou mettent à la disposition de la société, en sus de leur part du capital, quelle que soit la forme de la société, dans la limite de ceux calculés à un taux égal à la moyenne annuelle des taux effectifs moyens pratiqués par les établissements de crédit (...) pour des prêts à taux variable aux entreprises, d'une durée initiale supérieure à deux ans (...) ". En vertu du 12 de ce même article, des liens de dépendance sont réputés exister entre deux entreprises lorsque l'une détient directement ou par personne interposée la majorité du capital social de l'autre ou y exerce en fait le pouvoir de décision ou lorsqu'elles sont placées l'une et l'autre, dans les conditions définies précédemment, sous le contrôle d'une même tierce entreprise.
8. Aux termes du I de l'article 212 du même code : " Les intérêts afférents aux sommes laissées ou mises à disposition d'une entreprise par une entreprise liée, directement ou indirectement, au sens du 12 de l'article 39, sont déductibles : a) dans la limite de ceux calculés d'après le taux prévu au premier alinéa du 3° du 1 de l'article 39 ou, s'ils sont supérieurs, d'après le taux que cette entreprise emprunteuse aurait pu obtenir d'établissements ou d'organismes financiers indépendants dans des conditions analogues (...) ".
9. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que les intérêts afférents aux sommes laissées ou mises à disposition d'une entreprise par une entreprise qui en détient directement ou par personne interposée la majorité du capital social ou y exerce en fait le pouvoir de décision, ou qui est placée sous le contrôle d'une même tierce entreprise que la première, sont déductibles dans la limite des intérêts calculés à un taux égal à la moyenne annuelle des taux effectifs moyens pratiqués par les établissements de crédit pour des prêts à taux variable aux entreprises d'une durée initiale supérieure à deux ans ou, s'il est plus élevé, au taux que l'entreprise emprunteuse aurait pu obtenir d'établissements ou d'organismes financiers indépendants dans des conditions analogues.
10. Le taux que l'entreprise emprunteuse aurait pu obtenir d'établissements ou d'organismes financiers indépendants dans des conditions analogues s'entend, pour l'application de ces dispositions, du taux que de tels établissements ou organismes auraient été susceptibles, compte tenu des caractéristiques propres de l'entreprise, notamment de son profil de risque, de lui consentir pour un prêt présentant les mêmes caractéristiques dans des conditions de pleine concurrence. Ce taux ne saurait, eu égard à la différence de nature entre un emprunt auprès d'un établissement ou organisme financier et un financement par émission obligataire, être celui que cette entreprise aurait elle-même été susceptible de servir à des souscripteurs si elle avait fait le choix, pour se financer, de procéder à l'émission d'obligations plutôt que de souscrire un prêt.
11. Le profil de risque doit, pour l'application de ces dispositions, être apprécié en principe au regard de la situation économique et financière consolidée de l'entreprise emprunteuse et de ses filiales.
12. L'entreprise emprunteuse, à qui incombe la charge de justifier du taux qu'elle aurait pu obtenir d'établissements ou d'organismes financiers indépendants pour un prêt consenti dans des conditions analogues, a la faculté d'apporter cette preuve par tout moyen.
13. Pour apporter cette preuve, l'entreprise emprunteuse peut notamment s'appuyer sur les taux d'emprunts bancaires accordés, dans des conditions de pleine concurrence, à des sociétés relevant comme elle du secteur non financier, ayant obtenu des notes de crédit voisines de celle qui peut être déterminée pour elle, alors même que ces autres sociétés appartiendraient à des secteurs d'activité hétérogènes, dès lors que les systèmes de notation de crédit élaborés par les agences de notation visent à comparer les risques de crédit des entreprises notées après prise en compte, notamment, de leur secteur d'activité. L'entreprise emprunteuse peut également tenir compte du rendement d'emprunts obligataires émanant d'entreprises se trouvant dans des conditions économiques comparables, lorsque ces emprunts constituent, dans l'hypothèse considérée, une alternative réaliste à un prêt intragroupe.
En ce qui concerne la nature des emprunts en litige :
14. La société requérante soutient que les prêts qu'elle a conclus avec la société Sixt financial services GmbH doivent être regardés comme ayant une échéance à moyen-long terme.
15. Toutefois, il résulte de l'instruction, notamment des éléments issus de la proposition de rectification du 9 décembre 2016, que les demandes de paiement des intérêts de six prêts consentis par la société Sixt financial services GmbH au cours des exercices clos en 2013 et 2014 font état d'une maturité inférieure à un an. D'ailleurs, il résulte du rapport de gestion de la société Sixt financial services GmbH au 31 décembre 2014, dont l'administration a eu connaissance à la suite d'une demande d'assistance administrative internationale auprès des autorités maltaises, que les sommes mises à disposition de la société Sixt asset and finance ont été considérées comme des " actifs à court terme ".
16. Ainsi que le relève le ministre, les véhicules acquis par la société requérante au moyen de ces prêts sont immobilisés à l'actif pour une courte durée, dès lors qu'il résulte du contrat-cadre pour la location de véhicules conclu entre la société requérante et la SAS Sixt, que les constructeurs s'engagent à vendre des véhicules à la société Sixt asset and finance et à la racheter " après une période de détention d'environ six mois ".
17. Si la société requérante, qui au demeurant reconnaît le caractère saisonnier de son activité de location de véhicules, laquelle coïncide avec une maturité de court terme des emprunts en litige, fait valoir que son activité requiert des investissements significatifs ainsi qu'une situation d'endettement structurel, de telles circonstances ne sont pas de nature à démontrer que les prêts qui lui ont été consentis par la société Sixt financial services GmbH présentaient une maturité de moyen-long terme.
18. Dans ces conditions, c'est à bon droit que l'administration a considéré que les transactions en litige présentaient un caractère de court terme.
En ce qui concerne la notation de crédit de la société emprunteuse :
19. Pour justifier que les taux de 3,65 % et de 3,40 % servis aux sociétés appartenant au même groupe n'étaient pas supérieurs à ceux qu'elle aurait pu obtenir d'établissements ou d'organismes financiers indépendants dans des conditions analogues au titre des exercices clos en 2013 et 2014, la société Sixt asset and finance a produit un courrier électronique émanant d'un représentant de la banque UniCredit Bank AG identifiant, au titre de l'année 2017, la probabilité de défaut de la société requérante à 1,91 %, se traduisant par une note B+ (ou B1).
20. La société requérante fait aussi valoir que ce profil de risque est confirmé par la méthodologie de notation de crédit publiée par l'agence de notation Moody's pour les entreprises intervenant dans le secteur de " l'industrie de location d'équipement et de transport ".
21. La société requérante se prévaut également d'un courrier de la Banque de France du 13 août 2015 évaluant sa cotation, selon la banque de données Fiben, à E4, et soutient que celle-ci correspond, d'après une analyse effectuée par le cabinet KPMG, à une note variant entre Ba1 et Ba3, selon la grille de cotation utilisée par l'agence Moody's, soit un cran au-dessus de la note B1.
22. Toutefois, ainsi que l'a relevé l'administration, la probabilité de défaut de la société requérante telle qu'elle résulte de l'analyse effectuée par un représentant de la banque UniCredit Bank AG, au demeurant particulièrement sommaire, est fondée sur les résultats financiers de la société au titre de l'année 2017, alors que la société n'a versé aucun élément pour justifier de son allégation selon laquelle sa situation financière était alors comparable à celle des exercices clos en 2013 et 2014. En outre, il résulte de cette analyse même, traduite pour la première fois en appel, qu'elle s'avère " approximative " dès lors que la banque UniCredit Bank AG n'était en possession d'aucun autre élément que le bilan de la société ainsi que son compte de résultat, cette banque n'ayant aucun engagement de crédit avec la société Sixt asset and finance.
23. L'étude, réalisée par la société requérante elle-même, d'après les éléments de la méthodologie de notation de crédit publiée par l'agence de notation Moody's, au demeurant non traduite en langue française, ne tient pas compte, ainsi que le relève le ministre, de considérations qualitatives, pourtant prééminentes selon la présentation de sa méthodologie faite par cette agence.
24. En outre, alors qu'ainsi qu'il a été dit précédemment, pour l'application des dispositions des articles 39 et 212 du code général des impôts, le profil de l'entreprise emprunteuse doit en principe être apprécié au regard de la situation financière et économique du groupe que cette entreprise forme avec ses filiales, les éléments produits par la société Sixt asset and finance ne tiennent pas compte des états financiers agrégés du groupe qu'elle forme notamment avec sa filiale, la SAS Sixt, qu'elle détient intégralement.
25. Enfin, le ministre relève, sans être sérieusement contredit, qu'aucune correspondance ne saurait être établie entre les notes de crédit établies par les agences de notation et la cotation résultant de la banque de données Fiben. La circonstance que la Banque de France a attribué, en 2015, une cotation E4 est, en outre, dénuée de pertinence pour apprécier le taux de prêts consentis en 2013 et 2014.
En ce qui concerne la recherche de comparables :
26. Pour justifier du bien-fondé des taux d'intérêt retenus, la société se prévaut d'une offre de prêt émise par la banque Commerzbank au taux de 3,65 %, du rendement d'un emprunt obligataire d'un montant de 250 millions d'euros émis par la société Sixt GmbH etCo Autovermietung KG le 16 mai 2012 au taux de 3,75 %, et d'analyses effectuées à partir des bases de données LoanConnector d'une part et Bloomberg d'autre part.
27. Toutefois, il résulte de l'instruction que le courrier, au demeurant non traduit, établi par la banque Commerzbank le 3 mai 2016, soit postérieurement aux emprunts réalisés en 2013 et 2014, précise que le taux indiqué n'est qu'indicatif et qu'il ne constitue ni une offre contraignante ni un engagement de prêt. Au surplus, ainsi que le relève le ministre, ce courrier ne comporte aucun détail permettant de justifier de ce taux.
28. La société requérante, qui au demeurant se borne à produire un document non signé et seulement partiellement traduit, ne saurait faire état de manière probante, à titre de comparable, de l'emprunt obligataire émis antérieurement aux années en litige par la société Sixt GmbH etCo Autovermietung KG et dont la durée de maturité était à six ans alors que, ainsi qu'il a été dit, les transactions financières en litige présentaient une maturité à moins d'un an.
29. L'étude réalisée par la société Sixt asset and finance à partir de la base de données LoanConnector ne saurait davantage être prise en compte à titre de comparable dès lors qu'elle est fondée, ainsi que le relève le ministre, sur des données concernant des emprunts dont l'échéance est à moyen-long terme et qu'elle concerne des sociétés dont il n'est pas établi qu'elles présenteraient un niveau de risque et des conditions économiques semblables à celles de la société requérante.
30. Enfin, si la société requérante se prévaut d'opérations d'émissions d'obligations par des sociétés exerçant dans le secteur d'activité de la location de voitures, faisant ressortir un taux médian de pleine concurrence variant entre 3,70 % et 7,15 % sélectionnées dans la base de données Bloomberg par la société KPMG, il résulte de ces indications que cette analyse porte sur des obligations de maturité de moyen-long terme, différente de la maturité des emprunts en cause, de sorte qu'il ne saurait être reconnu une valeur probante à ce comparable.
31. Il résulte de ce qui précède que la société Sixt asset and finance n'apporte pas la preuve de ce que les taux appliqués aux prêts qu'elle a souscrits auprès d'entreprises auxquelles elle était liée au sens du 12 de l'article 39 du code général des impôts étaient ceux qu'elle aurait pu obtenir d'établissements ou d'organismes financiers indépendants dans des conditions analogues, et que c'est donc à bon droit que l'administration fiscale a limité la déduction des intérêts à hauteur du taux prévu par les dispositions du 3° du 1 de l'article 39 du code général des impôts précitées.
32. La société requérante n'est, par suite, pas fondée à demander l'annulation du jugement par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande dans cette mesure.
Sur l'appel incident du ministre :
33. Aux termes de l'article 223 A du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige : " Une société peut se constituer seule redevable de l'impôt sur les sociétés dû sur l'ensemble des résultats du groupe formé par elle-même et les sociétés dont elle détient 95 % au moins du capital, de manière continue au cours de l'exercice, directement ou indirectement par l'intermédiaire de sociétés ou d'établissements stables membres du groupe (...) ".
34. Aux termes du premier alinéa de l'article 223 B du même code, dans sa rédaction applicable au présent litige : " Le résultat d'ensemble est déterminé par la société mère en faisant la somme algébrique des résultats de chacune des sociétés du groupe, déterminés dans les conditions de droit commun (...) ". Selon le sixième alinéa de ce même article, alors applicable : " L'abandon de créance ou la subvention directe ou indirecte consenti entre des sociétés du groupe (...) n'est pas pris en compte pour la détermination du résultat d'ensemble (...) ".
35. Aux termes de l'article 46 quater-0 ZG de l'annexe III au code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige : " La subvention indirecte mentionnée au sixième alinéa de l'article 223 B et au premier alinéa de l'article 223 R du code général des impôts s'entend des renonciations à recettes qui proviennent des prêts ou d'avances sans intérêt ou à un taux d'intérêt inférieur au taux du marché. Elle s'entend également de la livraison de biens ou de la prestation de services sans contrepartie ou pour un prix inférieur à leur prix de revient ou, s'agissant de biens composant l'actif immobilisé, pour un prix inférieur à leur valeur réelle. / Constituent également une subvention indirecte au sens des articles 223 B et 223 R déjà cités les excédents de charges qui proviennent des emprunts contractés, des avances reçues qui sont assortis d'un taux d'intérêt plus élevé que celui du marché. Il en est de même des achats de biens ou de services pour un prix plus élevé que leur valeur réelle ".
36. L'option pour le régime dit de " l'intégration fiscale " ne dispense pas chacune des sociétés du groupe fiscal intégré de déterminer son résultat dans les conditions de droit commun, ainsi que le prévoit le premier alinéa de l'article 223 B du code général des impôts précité, sous la seule réserve des dérogations expressément autorisées par les dispositions propres à ce régime d'exception. Aucune de ces dispositions n'autorise une société membre du groupe à déclarer selon des règles différentes des règles de droit commun un abandon de créance ou une subvention qu'elle a consentie ou dont elle a bénéficié. La neutralisation d'un tel abandon de créance ou d'une subvention consentie entre sociétés du même groupe est effectuée, conformément aux dispositions du sixième alinéa de ce même article 223 B, pour la détermination du résultat d'ensemble, après l'établissement des résultats individuels des sociétés membres du groupe.
37. Il résulte des dispositions du second alinéa de l'article 46 quater-0 ZG de l'annexe III au code général des impôts que les excédents de charges qui proviennent des emprunts contractés à un taux d'intérêt plus élevé que celui du marché constituent une subvention indirecte au sens du sixième alinéa de l'article 223 B du code général des impôts.
38. Il résulte de l'instruction que la société Sixt asset and finance a conclu le 26 avril 2012 une convention d'intégration fiscale avec la société SAS Sixt et que la société requérante est la société mère de ce groupe. Pour les mêmes motifs que ceux exposés précédemment, les prêts consentis à la société Sixt asset and finance par la société SAS Sixt l'ont été à un taux d'intérêt supérieur au taux du marché. Dès lors, contrairement à ce que soutient le ministre, les excédents de charges provenant de ces prêts constituaient des subventions indirectes au sens du sixième alinéa de l'article 223 B du code général des impôts.
39. Il suit de là que le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, par le moyen qu'il invoque, n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a estimé que le montant des intérêts afférents à ces prêts constituait une subvention indirecte et ne devait pas être pris en compte pour la détermination du résultat d'ensemble après l'établissement des résultats individuels des deux sociétés membres du groupe.
Sur les frais liés au litige :
40. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande la société Sixt asset and finance au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête présentée par la SAS Sixt asset and finance est rejetée.
Article 2 : L'appel incident du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiée Sixt asset and finance et à la ministre chargée des comptes publics.
Copie en sera transmise à l'administratrice de l'Etat chargée de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.
Délibéré après l'audience du 20 février 2025, à laquelle siégeaient :
- M. Marc Heinis, président de chambre,
- M. François-Xavier Pin, président-assesseur,
- Mme Alice Minet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 mars 2025.
Le président-rapporteur,
Signé : F.-X. Pin
Le président de chambre,
Signé : M. A...La greffière,
Signé : E. Héléniak
La République mande et ordonne à la ministre chargée des comptes publics, en ce qui la concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
Pour la greffière en chef,
Par délégation,
La greffière,
Elisabeth Héléniak
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N°23DA01753