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06/02/2025 | FRANCE | N°24DA00822

France | France, Cour administrative d'appel de DOUAI, 1ère chambre, 06 février 2025, 24DA00822


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... D... C... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 21 janvier 2022 par lequel le préfet du Nord a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement et d'enjoindre au préfet du Nord de lui délivrer une carte de séjour temporaire ou, à défaut, de procéder à un nouvel examen de sa situation, dans un délai

de quinze jours à compter de la notification du jugement et sous astreinte de 155 euros par jou...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... D... C... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 21 janvier 2022 par lequel le préfet du Nord a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement et d'enjoindre au préfet du Nord de lui délivrer une carte de séjour temporaire ou, à défaut, de procéder à un nouvel examen de sa situation, dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement et sous astreinte de 155 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 2201445 du 8 février 2024, le tribunal administratif de Lille a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 29 avril 2024, et des mémoires enregistrés les 4 et 14 octobre 2024, Mme D... C..., représentée par Me Navy, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet du Nord de lui délivrer le titre de séjour sollicité et à défaut de réexaminer sa situation sous astreinte de 155 euros par jour de retard et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisation à travailler ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- la décision de refus de titre de séjour est entachée d'une insuffisance de motivation ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;

- elle est entachée d'un vice de procédure en raison de l'absence de saisine de la commission du titre de séjour ;

- elle méconnaît les dispositions des articles L. 4351 et L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision l'obligeant à quitter le territoire français est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et elle est disproportionnée ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 26 septembre 2024, le préfet du Nord s'en remet à ses écritures de première instance.

Par une ordonnance du 17 décembre 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 6 janvier 2025.

Par une lettre du 16 décembre 2024, la présidente de la formation de jugement a demandé à Mme A... D... C... de bien vouloir produire des pièces justifiant de la durée de ses allers retour à Djibouti en 2011 et 2020, sur le fondement de l'article R. 613-1-1 du code de justice administrative.

A la suite de cette demande, Mme D... C..., représentée par Me Navy, a produit le 18 décembre 2024 des éléments qui ont été communiqués.

Mme A... D... C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 4 avril 2024 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Douai.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- et les observations de Me Guillaud, représentant Mme D... C....

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... D... C..., née le 30 novembre 1991, de nationalité djiboutienne, déclare être entrée sur le territoire français le 6 septembre 2010 munie d'un visa de long séjour. Elle a séjourné en France sous couvert d'un titre de séjour portant la mention " étudiant " délivré le 15 septembre 2011 et régulièrement renouvelé jusqu'au 15 octobre 2019, puis sous couvert d'un titre de séjour " étudiant en recherche d'emploi " jusqu'au 23 janvier 2021. L'intéressée a ensuite demandé la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le cadre de l'admission exceptionnelle au séjour. Par un arrêté du 21 janvier 2022 dont Mme D... C... demande l'annulation, le préfet du Nord a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité et l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de 30 jours en fixant le pays de destination. Mme D... C... relève appel du jugement du 8 février 2024 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté ses demandes.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Aux termes de l'article L. 432-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction applicable au litige : " Dans chaque département est instituée une commission du titre de séjour qui est saisie pour avis par l'autorité administrative : / (...) / 4° Dans le cas prévu à l'article L. 435-1. / (...) ". Aux termes de l'article L. 435-1 précité du même code : " (...) / Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14. / (...) ".

3. Il ressort des pièces du dossier que pour chacune des onze années précédant la décision attaquée du 21 janvier 2022, soit à compter de septembre 2010, Mme D... C... justifie suffisamment, par la diversité et le nombre de justificatifs probants qu'elle produit, consistant notamment en des avis d'imposition, des certificats de scolarité, des baux de location et avenants afférents, des avis d'échéance de loyers, des attestations d'assurance, des relevés attestant de mouvements bancaires, des ordonnances médicales et certificats, des récépissés de dépôt de titres de séjour, des factures nominatives, qu'elle réside habituellement sur le territoire français où elle disposait d'ailleurs de titres de séjour. Ses allers-retours à Djibouti en 2011 et 2020 n'ont pas excédé une durée correspondant aux congés et ne sauraient remettre en cause sa présence habituelle en France. Si elle s'est probablement également absentée de France du 26 juin 2012 au 4 septembre 2012 et du 13 juillet 2015 au 7 septembre 2015, c'est-à-dire pendant les congés universitaires comme semblent le montrer l'absence d'opérations sur son compte bancaire, elle y a maintenu un logement et a repris sa vie d'étudiante comme en témoignent les documents versés au dossier. Enfin, la circonstance qu'elle ait résidé en France sous couvert de titre étudiant n'est pas de nature à écarter l'application des dispositions de l'article L. 432-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dans ces conditions, Mme D... C... est fondée à soutenir qu'elle justifiait à la date de l'arrêté lui refusant la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, d'une résidence habituelle en France de dix ans et que faute d'une saisine de la commission du titre de séjour qui constitue pour elle une garantie, l'arrêté contesté a été pris au terme d'une procédure irrégulière.

4. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que Mme D... C... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lilles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination et à demander l'annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

5. Aux termes de l'article L. 614-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Si la décision portant obligation de quitter le territoire français est annulée, (...) l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas ".

6. Eu égard au motif d'annulation retenu, et après avoir vérifié qu'aucun autre moyen n'était susceptible d'être accueilli et d'avoir une influence sur la portée de l'injonction à prononcer, le présent arrêt annulant l'obligation faite à l'intéressée de quitter le territoire français et les décisions subséquentes implique seulement, en application de l'article L. 614-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que le préfet du Nord délivre, dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, à Mme D... C..., une autorisation provisoire de séjour dans l'attente du réexamen de sa situation. Il n'y a pas lieu, en l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés à l'instance :

7. Mme D... C... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Sanjay Navy, avocat de Mme D... C..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de celui-ci le versement à Me Sanjay Navy de la somme de 1000 euros

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2201445 du 8 février 2024 du tribunal administratif de Lille est annulé.

Article 2 : L'arrêté du 21 janvier 2022 du préfet du Nord est annulé.

Article 3 : Il est enjoint au préfet du Nord de délivrer, dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, une autorisation provisoire de séjour à Mme D... C... dans l'attente du réexamen de sa situation.

Article 4 : L'Etat versera à Me Navy une somme de 1000 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Sanjay Navy renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 5 : Le surplus des conclusions de Mme D... C... est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... D... C..., au ministre de l'intérieur, au préfet du Nord et à Me Sanjay Navy.

Délibéré après l'audience publique du 23 janvier 2025 à laquelle siégeaient :

- Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre,

- Mme Isabelle Legrand, présidente-assesseure,

- M. Vincent Thulard, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 février 2025

La présidente-assesseure,

Signé : I. LegrandLa présidente de chambre

Présidente-rapporteure,

Signé : G. B...

La greffière,

Signé : S. Pinto Carvalho

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.

Pour expédition conforme,

Pour la greffière en chef,

Par délégation,

La greffière,

Suzanne Pinto Carvalho

2

N°24DA00822


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 24DA00822
Date de la décision : 06/02/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Borot
Rapporteur ?: Mme Ghislaine Borot
Rapporteur public ?: M. Eustache
Avocat(s) : NAVY

Origine de la décision
Date de l'import : 16/02/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-02-06;24da00822 ?
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