La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

06/02/2025 | FRANCE | N°24DA00735

France | France, Cour administrative d'appel de DOUAI, 1ère chambre, 06 février 2025, 24DA00735


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Les communes d'Othis, de Mortefontaine, de Montagny-Sainte-Félicité et d'Ermenonville et l'association pour la défense du site d'Ermenonville ont demandé au tribunal administratif d'Amiens :

- d'annuler l'arrêté du 10 mars 2023 par lequel la préfète de l'Oise a fait droit à la demande de la société par actions simplifiée (SAS) Biogaz du Valois d'enregistrer son unité de méthanisation de déchets non dangereux ou de matière végétale brute sise sur le ter

ritoire de la commune d'Eve ;

- de mettre à la charge de l'Etat une somme de 10 000 euros ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Les communes d'Othis, de Mortefontaine, de Montagny-Sainte-Félicité et d'Ermenonville et l'association pour la défense du site d'Ermenonville ont demandé au tribunal administratif d'Amiens :

- d'annuler l'arrêté du 10 mars 2023 par lequel la préfète de l'Oise a fait droit à la demande de la société par actions simplifiée (SAS) Biogaz du Valois d'enregistrer son unité de méthanisation de déchets non dangereux ou de matière végétale brute sise sur le territoire de la commune d'Eve ;

- de mettre à la charge de l'Etat une somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 2301533 du 15 février 2024, le tribunal administratif d'Amiens a annulé l'arrêté du 10 mars 2023 en tant qu'il enregistre le plan d'épandage proposé par la SAS Biogaz du Valois en tant qu'il ne prévoit pas de zone d'exclusion de l'épandage le long des berges du ru de Longueau au sein de l'îlot n° 4 de la SCEA de Meslin (article 1), a rejeté le surplus des conclusions de la requête (article 2) et a mis à la charge des demanderesses la somme de 1 500 euros à verser à la SAS Biogaz du Valois au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative (article 3).

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 16 avril 2024, les communes d'Othis, de Mortefontaine, de Montagny-Sainte-Félicité, représentées par Me Vianney Cuny, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il prononce une annulation seulement partielle de l'arrêté du 10 mars 2023 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 10 mars 2023 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat et de la SAS Biogaz du Valois la somme de 10 000 euros en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- c'est à tort que le tribunal a écarté le moyen tiré de la méconnaissance par l'arrêté litigieux de l'article L.512-7-2 du code de l'environnement alors que, d'une part, l'aire d'impact du plan d'épandage présente une forte sensibilité environnementale, d'autre part, l'impact du projet est notable sur l'environnement ;

- c'est à tort que le tribunal a écarté le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 4° de l'article R. 512-46-3 et du 6° de l'article R. 512-46-4 du code de l'environnement : l'arrêté attaqué a été pris sur le fondement d'une demande incomplète dès lors qu'était insuffisante la présentation, premièrement, des incidences du projet sur les zones Natura 2000 voisines, deuxièmement, des incidences notables que le plan d'épandage était susceptible d'avoir sur l'environnement et la santé humaine ainsi que des mesures destinées à les éviter ou à les réduire, notamment en ce qui concerne la caractérisation des zones humides ;

- c'est à tort que le tribunal a écarté le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'annexe I de l'arrêté du 12 août 2010 relatif aux prescriptions générales applicables aux installations classées de méthanisation relevant du régime de l'enregistrement au titre de la rubrique n° 2781 de la nomenclature des installations classées pour la protection de l'environnement, alors que le risque d'érosion-ruissellement impliquant des ruissellements concentrés n'est pas écarté par l'étude pédologique ;

- c'est à tort que le tribunal a écarté le moyen tiré de la méconnaissance des articles L. 511-1 et L. 211-1 du code de l'environnement, en dépit de l'incidence du projet sur les masses d'eau souterraines, les cours d'eau et les milieux naturels et de l'absence de mesure d'évitement, réduction et compensation satisfaisante pour la pallier.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 août 2024, la SAS Biogaz du Valois, représentée par Me Bodart, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge solidaire des appelantes de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les moyens de la requête ne sont pas fondés ;

- sont inopérants, d'une part, l'argument tiré de l'importance des dimensions du projet pour justifier le basculement en procédure d'autorisation, d'autre part, l'argument tiré de l'insuffisance des dispositifs prévus par les prescriptions générales énoncées par l'arrêté du 12 août 2010 pour justifier l'illégalité de l'arrêté attaqué.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 octobre 2024, la ministre de la transition écologique, de l'énergie, du climat et de la prévention des risques conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 28 novembre 2024, la clôture d'instruction a été prononcée avec effet immédiat en application des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la directive 91/676/CEE du Conseil, du 12 décembre 1991, concernant la protection des eaux contre la pollution par les nitrates à partir de sources agricoles ;

- la directive 92/43/CEE du Conseil du 21 mai 1992 concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages ;

- la directive 2009/147/CE du 30 novembre 2009 du Parlement européen et du Conseil concernant la conservation des oiseaux sauvages ;

- le code de l'environnement ;

- l'arrêté du 12 août 2010 relatif aux prescriptions générales applicables aux installations classées de méthanisation relevant du régime de l'enregistrement au titre de la rubrique n° 2781 de la nomenclature des installations classées pour la protection de l'environnement.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Isabelle Legrand, présidente-assesseure,

- les conclusions de M. Stéphane Eustache, rapporteur public,

- et les observations de Me Salomé Legoff représentant les communes d'Othis, de Mortefontaine et de Montagny-Sainte-Félicité et de Me Chloé Guilbeau, représentant la SAS Biogaz du Valois.

La SAS Biogaz du Valois, représentée par Me Bodart a produit une note en délibéré le 31 janvier 2025.

Considérant ce qui suit :

1. La société par actions simplifiée (SAS) Biogaz du Valois a déclaré à la préfecture de l'Oise le 16 octobre 2018 l'exploitation d'une unité de méthanisation de déchets non dangereux dont la quantité maximale de traitement est inférieure à 30 tonnes par jour (t/j) au titre de la rubrique 2781-1 c) de la nomenclature des installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE) sur le territoire de la commune d'Eve (60330). Afin d'augmenter la capacité de traitement de cette unité et de diversifier la nature des déchets traités, la société a déposé le 25 juin 2021 une demande, complétée les 8 décembre 2021 et 23 février 2022, tendant à l'enregistrement d'une unité de méthanisation de déchets non dangereux ou de matière végétale brute dont la quantité de matières traitées est supérieure ou égale à 30 t/j et inférieure à 100 t/j au titre de la rubrique 2781-1 b) de la nomenclature des ICPE. Après que le dossier de demande d'enregistrement a été porté à la connaissance du public, la préfète de l'Oise a pris le 10 mars 2023 un arrêté portant enregistrement de l'installation de méthanisation et du plan d'épandage des digestats.

2. Saisi par les communes d'Othis, de Mortefontaine, de Montagny-Sainte-Félicité et d'Ermenonville et par l'association pour la défense du site d'Ermenonville, le tribunal administratif d'Amiens a, par son jugement n° 2301533 du 15 février 2024, annulé le plan d'épandage proposé par la SAS Biogaz du Valois enregistré par l'arrêté du 10 mars 2023 en tant qu'il ne prévoit pas de zone d'exclusion de l'épandage le long des berges du ru de Longueau au sein de l'îlot n° 4 de la SCEA de Meslin (article 1), rejeté le surplus des conclusions de la requête (article 2) et mis à la charge des demanderesses la somme de 1 500 euros à verser à la SAS Biogaz du Valois au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative (article 3).

3. Par la présente requête, les communes d'Othis, de Mortefontaine et de Montagny-Sainte-Félicité demandent l'annulation du jugement en tant qu'il n'a annulé que partiellement l'arrêté du 10 mars 2023. Dès lors, et en l'absence d'appel incident, il appartient au juge d'appel de n'examiner que les moyens invoqués en appel au soutien de la demande d'annulation totale.

Sur la régularité du jugement :

4. Hormis dans le cas où le juge de première instance a méconnu les règles de compétence, de forme ou de procédure qui s'imposaient à lui et a ainsi entaché son jugement d'une irrégularité, il appartient au juge d'appel non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis mais de se prononcer directement sur les moyens dirigés contre la décision administrative attaquée dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel.

5. Les moyens des communes appelantes tirés de ce que les premiers juges ont entaché leur décision d'erreur de droit, d'erreur d'appréciation et de contradiction de motifs ne ressortissent pas à la régularité du jugement mais à son bien-fondé. Il appartient donc à la cour de se prononcer directement sur les moyens dirigés contre l'arrêté du 10 mars 2023 dans le cadre de l'examen du bien-fondé du jugement.

Sur le bien-fondé du jugement :

6. Il appartient, au juge du plein contentieux des installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE) d'apprécier le respect des règles de procédure régissant la demande d'enregistrement ou d'autorisation au regard des circonstances de fait et de droit en vigueur à la date d'enregistrement ou de délivrance de l'autorisation et celui des règles de fond régissant l'installation au regard des circonstances de fait et de droit en vigueur à la date à laquelle il se prononce, sous réserve du respect des règles d'urbanisme qui s'apprécie au regard des circonstances de fait et de droit applicables à la date de l'autorisation.

En ce qui concerne la régularité de l'arrêté attaqué :

7. Les inexactitudes, omissions ou insuffisances affectant le dossier de demande d'enregistrement au titre de la législation des ICPE ne sont susceptibles de vicier la procédure et donc d'entraîner l'illégalité de la décision prise au vu de ce dossier que si elles ont eu pour effet de nuire à l'information complète de la population ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative. En outre, eu égard à son office, le juge du plein contentieux des ICPE peut prendre en compte la circonstance, appréciée à la date à laquelle il statue, que de telles irrégularités ont été régularisées, sous réserve qu'elles n'aient pas eu pour effet de nuire à l'information complète de la population.

S'agissant de l'incomplétude de la demande d'enregistrement :

8. Les communes appelantes soutiennent que l'arrêté attaqué a été pris, sur le fondement d'une demande incomplète, en méconnaissance des dispositions du 4° de l'article R. 512-46-3 et du 6° de l'article R. 512-46-4 du code de l'environnement, en raison de l'insuffisance, d'une part, de la présentation des incidences du projet sur les zones Natura 2000 voisines, d'autre part, de la présentation des incidences notables sur l'environnement et la santé humaine ainsi que des mesures destinées à les éviter ou à les réduire.

Quant à la présentation des incidences du projet sur les zones Natura 2000 :

9. Aux termes de l'article L.414-4 du code de l'environnement : " I. - Lorsqu'ils sont susceptibles d'affecter de manière significative un site Natura 2000, individuellement ou en raison de leurs effets cumulés, doivent faire l'objet d'une évaluation de leurs incidences au regard des objectifs de conservation du site, dénommée ci-après " Evaluation des incidences Natura 2000 " : (...) / 2° Les programmes ou projets d'activités, de travaux, d'aménagements, d'ouvrages ou d'installations ; (...). /III. - Sous réserve du IV bis, les (...) programmes ou projets (...) soumis à un régime administratif d'autorisation, d'approbation ou de déclaration au titre d'une législation ou d'une réglementation distincte de Natura 2000 ne font l'objet d'une évaluation des incidences Natura 2000 que s'ils figurent : /1° Soit sur une liste nationale établie par décret en Conseil d'Etat ; /2° Soit sur une liste locale, complémentaire de la liste nationale, arrêtée par l'autorité administrative compétente. /IV. - Tout (...) projet (...) qui ne relève pas d'un régime administratif d'autorisation, d'approbation ou de déclaration au titre d'une législation ou d'une réglementation distincte de Natura 2000 peut être soumis à autorisation en application de la présente section et fait alors l'objet d'une évaluation des incidences Natura 2000. Sans préjudice de l'application du IV bis, une liste locale des (...) projets (...) concernés est arrêtée par l'autorité administrative compétente parmi ceux figurant sur une liste nationale de référence établie par décret en Conseil d'Etat. /IV bis. ' Tout (...) projet (...) susceptible d'affecter de manière significative un site Natura 2000 et qui ne figure pas sur les listes mentionnées aux III et IV fait l'objet d'une évaluation des incidences Natura 2000 sur décision motivée de l'autorité administrative. (...) ".

10. Aux termes de l'article R. 512-46-4 du même code : " A la demande d'enregistrement doivent être jointes les pièces suivantes : / (...) 6° Le cas échéant, l'évaluation des incidences Natura 2000 dans les cas et conditions prévus par les dispositions réglementaires de la sous-section 5 de la section 1 du chapitre IV du titre Ier du livre IV [R.414-19 à R.414-26] ; (...) ".

11. Aux termes de l'article R. 414-19 de ce code : " I. - La liste nationale (...) projets (...) qui doivent faire l'objet d'une évaluation des incidences sur un ou plusieurs sites Natura 2000 en application du 1° du III de l'article L. 414-4 est la suivante : / (...) 3° Les installations, ouvrages, travaux et activités soumis à autorisation ou déclaration au titre des articles L. 214-1 à L. 214-3 et mentionnés dans le tableau annexé à l'article R. 214-1 ; (...) / 26° Les installations classées soumises à enregistrements en application de l'article L. 512-7, dès lors que ces installations sont localisées en site Natura 2000. ". Aux termes de l'article R. 414-21 du même code : " Toute personne souhaitant (...) réaliser un (...) un projet (...) mentionné à l'article R. 414-19 ou figurant sur une liste locale mentionnée au 2° du III de l'article L. 414-4 accompagne (...) sa demande d'autorisation ou d'approbation ou sa déclaration du dossier d'évaluation des incidences Natura 2000 mentionné à l'article R. 414-23. (...) / Le contenu de ce dossier peut se limiter à la présentation et à l'exposé définis au I de cet article, dès lors que cette première analyse permet de conclure à l'absence d'incidence sur tout site Natura 2000 ". Aux termes du I de l'article R. 414-23 du même code : " Le dossier comprend dans tous les cas : /1° Une (...) description (...) du projet, (...) accompagnée d'une carte permettant de localiser l'espace terrestre ou marin sur lequel il peut avoir des effets et les sites Natura 2000 susceptibles d'être concernés par ces effets ; lorsque des travaux, ouvrages ou aménagements sont à réaliser dans le périmètre d'un site Natura 2000, un plan de situation détaillé est fourni ; / 2° Un exposé sommaire des raisons pour lesquelles le document de planification, le programme, le projet, la manifestation ou l'intervention est ou non susceptible d'avoir une incidence sur un ou plusieurs sites Natura 2000 ; dans l'affirmative, cet exposé précise la liste des sites Natura 2000 susceptibles d'être affectés, compte tenu de la nature et de l'importance (...) du (...) projet, (...), de sa localisation dans un site Natura 2000 ou de la distance qui le sépare du ou des sites Natura 2000, de la topographie, de l'hydrographie, du fonctionnement des écosystèmes, des caractéristiques du ou des sites Natura 2000 et de leurs objectifs de conservation ".

12. Il résulte du dossier de demande d'enregistrement, que l'unité de méthanisation relevant de la rubrique 2781-1 b) de la nomenclature des ICPE et soumise à enregistrement n'est pas localisée en site Natura 2000, non plus que les îlots d'épandage. Elle ne relève donc pas du 26° du I de l'article R.414-19 du code de l'environnement, de sorte que la demande, en tant qu'elle portait sur un projet d'enregistrement, ne devait pas comprendre une évaluation des incidences Natura 2000. Toutefois, le projet comporte également une installation de rejet d'eaux pluviales sur une surface supérieure à un hectare mais inférieure à 20 hectares. Cette installation relevant de la rubrique 2.1.5.0, 2°, du tableau annexé à l'article R.214-1 du code de l'environnement, qui dresse la nomenclature des installations, ouvrages, travaux et activités (IOTA) soumis à autorisation ou déclaration, est soumise à déclaration et relève ainsi du 3° du I de l'article R.414-19 du code de l'environnement. Par suite la demande, en tant qu'elle portait aussi déclaration d'une installation au titre de la loi sur l'eau, devait comprendre une évaluation des incidences Natura 2000.

13. Le dossier de demande d'enregistrement mentionne deux sites Natura 2000 : d'une part, la zone de protection spéciale (ZPS) des " Forêts picardes : massif des trois forêts et du bois du roi ", d'autre part, le site d'importance communautaire (SIC) des " massifs forestiers d'Halatte, de Chantilly et d'Ermenonville ".

14. En ce qui concerne la qualité et la sensibilité de ces deux zones Natura 2000, il résulte de l'instruction qu'elles se caractérisent par la présence d'une importante couverture forestière, de ruisseaux et de zones humides, qui offrent une grande diversité d'habitats à des espèces protégées, notamment d'oiseaux. La ZPS est traversée par deux ruisseaux, la Launette et la Thève et comprend des étendues d'eau, notamment l'étang du Désert. Quant au SIC, il est parcouru par le ruisseau de la Thève qui s'écoule vers des étangs situés plus à l'ouest du secteur. Comme le relève le document d'objectifs des deux sites Natura 2000 (DOCOB), le SIC comporte 18 habitats d'intérêt communautaire, 31 habitats élémentaires, 10 espèces protégées par la directive Habitats et 10 espèces protégées par la directive Oiseaux.

15. Il résulte, par ailleurs, de l'instruction que le réseau hydrographique local présente une vulnérabilité particulière. En effet, l'étude d'épandage relève que son " état écologique " est " moyen " et que son " état chimique " est " mauvais ". En outre, selon le programme de mesures 2022-2027 du bassin de la Seine, élaboré par l'Agence de l'eau Seine-Normandie pour atteindre les objectifs fixés par le schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux (SDAGE), l'unité hydrographique de la Nonette présente une qualité écologique " peu satisfaisante ", avec une qualité physico-chimique " très préoccupante ". Dans cette unité, la Launette apparaît " fortement dégradée et présente les plus fortes concentrations en azote et phosphore du bassin versant des vallées d'Oise ", avec des " phénomènes d'érosion-ruissellements (...) particulièrement présents ". Quant à la Thève, elle " est déclassée en physico-chimie par le phosphore et en biologie par un indice invertébré médiocre ". Au vu de cette dégradation, le programme du bassin de la Seine recommande, pour la Launette et pour la Thève, une " limitation des apports de fertilisants au-delà de la directive Nitrates " et de " mettre en place des pratiques pérennes à faible utilisation d'intrants ". En outre, le DOCOB Natura 2000 fixe comme objectif très prioritaire d'" entretenir et restaurer le réseau hydrographique du bassin versant de la Thève ". A ce titre, le document relève que " les milieux prairiaux du bord de la Thève sont des milieux très fragiles et liés à des activités séculaires. Une modification de ces pratiques (passage de la fauche au pâturage), leur intensification (augmentation du chargement, fauche précoce, fertilisation, désherbage) ou leur abandon s'avère très préjudiciable pour la qualité du milieu biologique mais aussi pour la qualité du fourrage ". La " fiche action n°9 " du DOCOB fixe ainsi comme objectif de " limiter ou supprimer certains apports (fertilisation, amendements) et traitements (pesticides, phytocides, fongicides, produits vétérinaires) " et recommande, pour les zones avec des habitats ou espèces protégées, " la suppression de tous apports tels que la fertilisation minérale (hors apport par pâturage extensif) et organique ".

16. En ce qui concerne la localisation du projet, le dossier de demande d'enregistrement énonce que " la première zone Natura 2000 vis-à-vis du site d'implantation est suffisamment distante pour que le site n'ait pas d'incidence sur cette dernière. Les îlots d'épandage ne sont pas non plus en zone Natura 2000 ". Pourtant, l'" étude préalable à l'épandage des digestats de méthanisation " figurant en annexe 8 du dossier indique la présence des deux zones Natura 2000 décrites au point 13 dans un périmètre de 5 kilomètres autour des parcelles d'épandage et fournit une carte permettant de les localiser. Alors que l'étude énonce que " le parcellaire est éloigné des deux zones Natura 2000 ", il ressort de la cartographie que si l'installation, en elle-même, n'est pas située à proximité des deux sites Natura 2000, plusieurs parcelles du plan d'épandage seront mitoyennes avec la ZPS et certaines d'entre elles seront situées, pour les plus proches, à 500 mètres du SIC. Comme le relève l'étude, " plusieurs parcelles jouxtent le réseau hydrographique " et le projet présente des risques de " transferts " des épandages vers ce réseau. C'est en particulier le cas pour l'îlot n°3, qui jouxte le massif forestier alors qu'il présente des sols lessivables et pour l'îlot n°8, situé, avec une forte pente, le long de la Launette.

17. En ce qui concerne l'analyse des incidences, la prévision que la portion de la ZPS incluse dans le périmètre de 5 kilomètres est " exclue du plan d'épandage " ne suffit pas à expliquer pourquoi " l'épandage du digestat sur la majorité du parcellaire n'est pas susceptible d'avoir d'effet direct ou indirect sur ce site " en dépit de leur mitoyenneté. Or, l'étude d'épandage relève, dans son volet pédologique, le risque " moyen " d'entraînement du phosphore par ruissellement dans certains secteurs et alerte sur la survenance d'un épisode pluvieux entre l'épandage et l'enfouissement des effluents organiques. Au surplus, alors que, lors de la consultation publique, les trois communes appelantes et une association soulignaient l'absence de précision du dossier quant aux incidences de l'épandage sur les zones Natura 2000, la société pétitionnaire s'est bornée à faire état de ce que " les épandages de digestats s'intègrent des pratiques agricoles actuelles ", que " les habitats des zones Natura 2000 diffèrent des habitats des parcelles cultivées principalement en grandes cultures " et que l'épandage sera réalisé par " rotation " sur les parcelles du projet.

18. D'une part, il est vrai que, selon l'étude d'épandage, des " épandages d'effluents organiques (fumiers/lisiers) sont déjà réalisés " sur les terrains du projet et que les capacités de stockage des digestats seront suffisantes pour réguler les périodes d'épandage. Cependant, comme l'indiquent avec précision le DOCOB Natura 2000 et le programme du SDAGE, la dégradation des milieux naturels impose comme objectif, non pas de maintenir l'existant, mais de revoir les pratiques agricoles et en particulier les conditions de fertilisation des sols. Or, le projet, par son objet même, aura comme effet de maintenir de forts apports en intrants dans le secteur. D'autre part, si la société pétitionnaire soutient que le plan d'épandage réduira l'usage des fertilisants grâce à une " rotation " des pratiques, elle ne produit aucun élément précis et circonstancié à l'appui de ses dires, notamment aucune évaluation des effets bénéfiques attendus sur les milieux naturels concernés. Enfin, si les terrains d'épandage sont affectés à l'activité agricole et ne sont pas situés au sein des zones Natura 2000, leur très grande proximité par rapport à ces zones rend probable le risque d'une incidence notable. Certes, la pétitionnaire a proposé des mesures d'évitement et de réduction, en prévoyant en particulier un épandage à 10 ou 35 mètres des berges, mais l'efficacité de ces mesures, qui n'ajoutent rien aux dispositions réglementaires prescrites à l'annexe I de l'arrêté du 12 août 2010 visé ci-dessus, ne peut être appréciée qu'à l'aune d'un diagnostic précis et complet sur les incidences Natura 2000, qui peut révéler la nécessité de prescriptions particulières, allant au-delà des exigences réglementaires, comme le prévoit le III de l'article 1er de l'arrêté du 12 août 2010.

19. Dans ces conditions, les éléments apportés par la société pétitionnaire avant ou au cours de l'enquête publique n'ont pas permis de pallier les insuffisances du dossier de demande sur les incidences du projet sur les zones Natura 2000. Celles-ci ont été de nature, par leur objet et leur ampleur, à nuire à la bonne information du public et à exercer une influence sur l'appréciation portée par l'autorité administrative, qui a validé le plan d'épandage dans son intégralité. La seule suppression de l'îlot n°4 décidée par le tribunal administratif d'Amiens et non contestée en appel ne suffit pas à remédier à cette lacune ou à supprimer ses incidences sur la légalité des autres dispositions de l'arrêté litigieux.

20. Par suite, les communes appelantes sont fondées à soutenir que la demande d'enregistrement méconnaît les dispositions du 4° de l'article R. 512-46-3 et n'a pas mis le préfet de l'Oise à même de procéder à un examen éclairé et complet.

Quant à la description des incidences notables du projet sur l'environnement et la santé humaine et des mesures destinées à les éviter ou réduire :

21. Aux termes de l'article R.512-46-2 du code de l'environnement : " Lorsque l'installation, par sa proximité ou sa connexité avec une installation soumise à autorisation ayant le même exploitant, est de nature à en modifier les dangers ou inconvénients, la demande adressée au préfet est conforme aux exigences de l'article R. 181-46 et est instruite dans les conditions prévues par cet article ". Aux termes de l'article R.512-46-3 de ce code : " Dans tous les autres cas, il est remis une demande (...) qui mentionne : / (...) 4° Une description des incidences notables que le projet, y compris les éventuels travaux de démolition, est susceptible d'avoir sur l'environnement et la santé humaine ainsi que, le cas échéant, les mesures et caractéristiques du projet, destinées à éviter ou réduire ses probables effets négatifs notables sur l'environnement ou la santé humaine. (...) ".

22. Il résulte de l'instruction que le projet porté par la SAS Biogaz du Valois consiste en l'extension d'une unité de méthanisation qui avait fait l'objet d'une déclaration à la préfecture de l'Oise le 16 octobre 2018. Si l'installation projetée est proche et connexe à une installation existante ayant le même exploitant, cette dernière ne relevait pas du régime de l'autorisation environnementale. Par suite, le dossier de demande du projet relève des prescriptions posées par l'article R.512-46-3 du code de l'environnement et notamment son 4°.

23. A l'appui de sa demande d'enregistrement, la SAS Biogaz de Valois a présenté un dossier réalisé par un bureau spécialisé en études techniques environnementales qui procède, notamment dans un tableau figurant en pièce jointe n° 6 intitulée " respect des prescriptions générales ", à la présentation des caractéristiques du projet et de ses risques pour l'environnement et la santé humaine. Le dossier de demande d'enregistrement comprend une annexe n° 8 spécifique intitulée " étude préalable à l'épandage des digestats de méthanisation " réalisée par le même bureau d'études. L'existence même de ce document atteste de la prise en compte des risques liés à l'épandage des digestats issus de la méthanisation sur l'environnement. Ce document décrit précisément le périmètre d'épandage, en détaillant notamment sa composition géologique, en recensant la présence des masses d'eau souterraines, captages et périmètres de protection de captage d'eau potable, rivières et rus et en dressant leur état écologique en fonction des données disponibles, il est vrai lacunaires en ce qui concerne la faune et la flore. Ce même document mentionne également les divers enjeux liés à la proximité du projet avec des zones naturelles recensées dans un périmètre de 5 kilomètres autour des parcelles. Il apporte également des précisions sur la composition prévisionnelle des digestats, les surfaces mises à disposition par les exploitants agricoles retenus et identifie notamment le fait que trois de ces exploitants épandent d'autres produits, comme un calcifield et du fumier. Il comporte une étude pédologique et développe également les contraintes liées à la localisation du périmètre d'épandage, notamment au regard des risques de lessivage ou de surfertilisation des sols, ainsi que les protections prévues, par exemple autour des captages d'eau recensés.

24. En ce qui concerne les incidences sur l'environnement, doivent être prises en compte, pour la protection de la biodiversité, non seulement les zones Natura 2000, qui sont les sites naturels les plus remarquables, mais aussi les espaces naturels identifiés dans le secteur d'implantation du projet. L'étude d'épandage relève que six zones naturelles d'intérêt écologiques, floristiques et faunistiques (ZNIEFF), cinq de type 1 et une de type 2, se situent à moins de cinq kilomètres du projet, que le projet est mitoyen de trois d'entre elles - ZNIEFF " Forêt de Montgé-en-Goële ", ZNIEFF du " Massif forestier de Chantilly et d'Ermenonville ", ZNIEFF du " Bois de Saint-Laurent " - et qu'il est inclus dans la ZNIEFF " sites d'échanges inter forestiers de Retz à Ermenonville ". En outre, plusieurs parcelles du plan d'épandage sont situées à l'intérieur de la zone importante pour la conservation des oiseaux (ZICO) des " Forêts picardes " ou à proximité de cette zone. Les cours d'eau représentent, pour toutes ces zones naturelles, des réservoirs de biodiversité. Dès lors, pour les mêmes motifs que précédemment, le projet est susceptible d'entraîner des incidences notables sur ces espaces naturels, remarquables et vulnérables. L'insuffisance de l'étude des incidences Natura 2000 du plan d'épandage ne peut faire regarder la description des incidences notables que le projet est susceptible d'avoir sur l'environnement comme suffisamment complète, de sorte que le dossier est aussi lacunaire au regard du 4° de l'article R. 512-46-4 du code de l'environnement. L'insuffisance de présentation de la demande à cet égard a eu pour effet de nuire à l'information complète de la population ou a été de nature à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative.

25. S'agissant des zones humides, l'étude d'épandage comporte une analyse hydromophique des sols qui a permis de relever des " horizons rédoxiques " " à moins de 25 centimètres de profondeur ", qui " correspondent à un engorgement en eau temporaire du sol, entraînant des phénomènes d'oxydo-réduction du fer et l'apparition de taches couleur rouille ". Il ressort de cette étude que lorsqu'une zone humide a été identifiée, la pétitionnaire a exclu les terrains correspondants de son plan d'épandage. Cependant, les communes appelantes soutiennent que l'inventaire des zones humides a été insuffisant. Elles s'appuient sur l'avis émis le 20 juillet 2022 par la commission locale de l'eau du SAGE de la Nonette, qui relève que " le dossier n'indique pas la présence de zones humides potentielles. Le pétitionnaire doit vérifier le caractère humide de ces parcelles sur lesquelles les risques d'impacts sur la nappe et les cours d'eau sont très forts ". Or, il ressort du dossier de demande d'enregistrement qu'il comporte les études hydromorphiques menées précisément pour détecter la présence de zones humides, notamment à travers la réalisation de 561 sondages. L'étude précise que " la densité des sondages sur un même îlot a été fonction de la variété pédologique apparente du milieu, les talwegs et zones en cuvette susceptibles de présenter des signes d'hydromorphie dès la surface ayant été investiguées préférentiellement ". Les communes appelantes ne produisent pas d'élément précis et circonstancié permettant de douter du caractère suffisant ou de la pertinence des sondages réalisés et ne démontrent pas que le périmètre d'épandage couvrirait plus de zones humides que celles caractérisées par l'étude.

26. Par ailleurs, si l'étude ne mentionne la présence de traits rédoxiques qu'à 25 centimètres de profondeur, cela ne signifie pas que les investigations n'ont été conduites qu'à cette profondeur. Comme le relève l'étude, chaque sondage a été réalisé en prenant comme paramètres la profondeur d'apparition du substrat, le type de substrat, le type de sol et la profondeur d'apparition de l'hydromorphie. La recherche des traits rédoxiques ne s'est donc pas limitée à une profondeur de 25 centimètres, en présence de traits se prolongeant plus profondément. Par suite, les communes appelantes ne démontrent pas que la pétitionnaire aurait méconnu les critères fixés par l'article 1.1.1 de l'annexe I de l'arrêté du 24 juin 2008 précisant les critères de définition et de délimitation des zones humides en application des articles L. 214-7-1 et R. 211-108 du code de l'environnement. En cette branche, le moyen tiré de la méconnaissance du 4° de l'article R. 512-46-3 doit être écarté.

27. En ce qui concerne les incidences sur la santé humaine, l'étude d'épandage précise que l'installation projetée n'est pas située dans un périmètre de protection d'un captage d'eau destinée à la consommation humaine, que l'habitation tierce la plus proche est située à environ 580 mètres de la limite du site et que tous les autres lieux de vie sont situés à une distance supérieure. S'agissant du trafic routier, il est noté que l'installation aura un faible impact sur le trafic déjà généré sur la route départementale qui la dessert. S'agissant des nuisances olfactives et sonores, il est relevé que l'impact du projet est particulièrement faible en raison notamment de l'éloignement de l'occupation humaine, de la direction des vents dominants et de l'absence d'odeurs générés par la plupart des entrants. S'agissant des captages d'eau, l'étude d'épandage indique que cinq points de captage d'eau potable sont concernés par le projet, à Moussy-le-Vieux, Montagny-Sainte-Félicité, Saint-Pathus, Lagny-le-Sec, Rouvres et Othis. En raison de l'annulation de l'îlot n°4 décidée par le tribunal administratif d'Amiens et non contestée en appel, les captages de Moussy-le-Vieux et de Montagny-Sainte-Félicité ne sont plus en cause. Pour les autres îlots, la société pétitionnaire a analysé les risques pour la santé humaine et a décidé de ne retenir aucun îlot dans le périmètre de protection " rapprochée ". Il est vrai que certaines parcelles d'épandage se trouvent au sein du périmètre de protection " éloignée " des captages d'eau, mais les hydrogéologues agréés des départements de l'Oise et la Marne ont émis un avis " favorable " au projet, en précisant qu'en cas de dégradation de la qualité des eaux pompées, notamment dans la nappe de Beauchamp à Lagny-le-Sec ou à Saint-Pathus, les îlots concernés ne devraient plus être utilisés. Dans ces conditions, la nécessité d'une analyse plus approfondie n'est pas établie, de sorte que le moyen doit, à cet égard, être écarté.

28. En outre, il ressort du formulaire de demande d'enregistrement que la SAS Biogaz du Valois a noté au point 7.4 comme mesures d'évitement et de réduction, au titre de la gestion des odeurs, " stockage contrôlé des matières potentiellement odorantes ", au titre des mesures paysagères, " couleurs de matériaux, enterrement partiel des équipements, plantations ", au titre de la gestion des eaux, " recyclages des eaux chargées, infiltration des eaux propres, séparation des réseaux ", et, au titre de la gestion des épandages, " plan d'épandage avec étude agro-pédologique (aptitude des sols, pente, hydromorphie, bilan des exploitations) et équilibre de la fertilisation ". Ces indications sommaires sont complétées par le tableau figurant en pièce jointe n° 6 qui décrit les mesures et caractéristiques du projet destinées à éviter ou réduire ses effets négatifs sur l'environnement ou la santé humaine, qu'il s'agisse de la contenance de l'envol des poussières, de l'identification de la localisation des risques, en particulier d'explosion, de l'évitement de la pollution des sols par les eaux rejetées, de la résistance au feu, de l'accessibilité au site en cas de sinistre, de la prévention des nuisances olfactives et sonores. S'il est inévitable que les installations de méthanisation présentent des risques d'accident, susceptibles de concerner les personnes et de générer des pollutions, le dossier de demande d'enregistrement examine ce risque et présente diverses possibilités de les éviter.

29. Par suite, les communes appelantes sont seulement fondées à soutenir que la demande d'enregistrement méconnaît les dispositions du 6° de l'article R. 512-46-4 du code de l'environnement en ce qui concerne les incidences sur l'environnement et n'a pas mis le préfet de l'Oise à même de procéder à l'examen éclairé et complet de cette demande à cet égard.

S'agissant du moyen tiré de la méconnaissance de l'article L.512-7-2 du code de l'environnement :

30. Les communes appelantes soutiennent qu'eu égard à la sensibilité environnementale du milieu d'implantation du projet, à ses caractéristiques et à ses impacts notables induits, le préfet de l'Oise aurait dû instruire la demande d'enregistrement selon les règles applicables aux demandes d'autorisation, conformément aux prévisions de l'article L.512-7-2 du code de l'environnement.

31. D'une part, aux termes de l'article L.512-7 du code de l'environnement : " I. - Sont soumises à autorisation simplifiée, sous la dénomination d'enregistrement, les installations qui présentent des dangers ou inconvénients graves pour les intérêts mentionnés à l'article L. 511-1, lorsque ces dangers et inconvénients peuvent, en principe, eu égard aux caractéristiques des installations et de leur impact potentiel, être prévenus par le respect de prescriptions générales édictées par le ministre chargé des installations classées. (...) I bis. - L'enregistrement porte également sur les installations, ouvrages, travaux et activités relevant de l'article L. 214-1 projetés par le pétitionnaire que leur connexité rend nécessaires à l'installation classée ou dont la proximité est de nature à en modifier notablement les dangers ou inconvénients. Ils sont regardés comme faisant partie de l'installation et ne sont pas soumis aux dispositions des articles L. 214-3 à L. 214-6 et du chapitre unique du titre VIII du livre Ier (...). ". Aux termes de l'article L.214-1 de ce code : " Sont soumis aux dispositions des articles L. 214-2 à L. 214-6 les installations, les ouvrages, travaux et activités réalisés à des fins non domestiques par toute personne physique ou morale, publique ou privée, et entraînant des prélèvements sur les eaux superficielles ou souterraines, restitués ou non, une modification du niveau ou du mode d'écoulement des eaux, la destruction de frayères, de zones de croissance ou d'alimentation de la faune piscicole ou des déversements, écoulements, rejets ou dépôts directs ou indirects, chroniques ou épisodiques, même non polluants. ". Aux termes de l'article L.512-7-1 de ce code : " La demande d'enregistrement est accompagnée d'un dossier permettant au préfet d'effectuer, au cas par cas, les appréciations qu'implique l'article L. 512-7-3. / Le dossier de demande d'enregistrement est mis à disposition du public. ".

32. D'autre part, aux termes de l'article L.512-7-2 du même code : " Le préfet peut décider que la demande d'enregistrement sera instruite selon les règles de procédure prévues par le chapitre unique du titre VIII du livre Ier pour les autorisations environnementales : /1° Si, au regard de la localisation du projet, en prenant en compte les critères mentionnés à l'annexe III de la directive 2011/92/UE du 13 décembre 2011 concernant l'évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l'environnement, la sensibilité environnementale du milieu le justifie ; /2° Ou si le cumul des incidences du projet avec celles d'autres projets d'installations, ouvrages ou travaux situés dans cette zone le justifie ; /3° Ou si l'aménagement des prescriptions générales applicables à l'installation, sollicité par l'exploitant, le justifie ; /Dans les cas mentionnés au 1° et au 2°, le projet est soumis à évaluation environnementale. Dans les cas mentionnés au 3° et ne relevant pas du 1° ou du 2°, le projet n'est pas soumis à évaluation environnementale. / Le préfet notifie sa décision motivée au demandeur, en l'invitant à déposer le dossier correspondant. Sa décision est rendue publique. ".

33. Pour apprécier la " sensibilité environnementale ", l'annexe III de la directive du 13 décembre 2011 mentionne comme " critères " : " 1. Caractéristiques des projets / Les caractéristiques des projets doivent être considérées notamment par rapport : / a) à la dimension du projet ; /b) au cumul avec d'autres projets ; /c) à l'utilisation des ressources naturelles ; / d) à la production de déchets ; / e) à la pollution et aux nuisances ; / f) au risque d'accidents, eu égard notamment aux substances ou aux technologies mises en œuvre. /2. Localisation des projets / La sensibilité environnementale des zones géographiques susceptibles d'être affectées par le projet doit être considérée en prenant notamment en compte : a) l'occupation des sols existants ; / b) la richesse relative, la qualité et la capacité de régénération des ressources naturelles de la zone / ; c) la capacité de charge de l'environnement naturel, en accordant une attention particulière aux zones suivantes : /i) zones humides ; / (...) iii) zones de (...) forêts ; /(...) v) zones répertoriées ou protégées par la législation des Etats membres ; zones de protection spéciale désignées par les États membres conformément à la directive 2009/147/CE du Parlement européen et du Conseil du 30 novembre 2009 concernant la conservation des oiseaux sauvages et à la directive 92/43/CEE du Conseil du 21 mai 1992 concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages ; / vi) zones dans lesquelles les normes de qualité environnementales fixées par la législation de l'Union sont déjà dépassées; (...) / 3. Caractéristiques de l'impact potentiel / Les incidences notables probables qu'un projet pourrait avoir sur l'environnement doivent être considérées en fonction des critères énumérés aux points 1 et 2, notamment par rapport : / a) à l'étendue de l'impact (zone géographique et importance de la population affectée) ; (...) / c) à l'ampleur et la complexité de l'impact ;/ d) à la probabilité de l'impact ; / e) à la durée, à la fréquence et à la réversibilité de l'impact ".

34. Si les installations soumises à enregistrement sont, en principe, dispensées d'une évaluation environnementale préalable à leur enregistrement, le préfet, saisi d'une demande d'enregistrement d'une installation, doit, en application de l'article L. 512-7-2 du code de l'environnement, se livrer à un examen particulier du dossier afin d'apprécier, notamment au regard de la localisation du projet et de la sensibilité environnementale de la zone d'implantation ou du cumul des incidences du projet avec celles d'autres projets d'installations, ouvrages ou travaux situés dans la même zone, qui constituent également des critères mentionnés à l'annexe III de la directive, si une évaluation environnementale donnant lieu, en particulier, à une étude d'impact, est nécessaire.

35. En l'état des éléments produits et en l'absence des compléments d'analyse sur les zones Natura 2000, il résulte de l'instruction que la zone d'implantation présente une sensibilité environnementale importante au regard des critères posés par l'annexe III de la directive du 13 décembre 2011, en raison, d'une part, de la grande proximité d'un réseau hydrographique dense et très étendu qui accueille des oiseaux et des habitats protégés par les directives européennes visées ci-dessus, d'autre part, de l'état écologique déjà dégradé des deux cours d'eau les plus proches - la Launette et la Thève - et, enfin, du degré d'érosion de plusieurs terrains qui accentue les risques de ruissellement des digestats. Contrairement à ce que soutient la société pétitionnaire, la pollution existante dans les cours d'eau proches renforce la sensibilité du milieu au regard de ses capacités de " charge " et de " régénération ", alors que les autorités publiques nationales chargées de la protection des eaux et des zones Natura 2000 ont clairement diagnostiqué l'étendue et le caractère nuisible de cette pollution et ont en conséquence recommandé la mise en œuvre de mesures correctrices, ayant notamment pour objet de réduire la fertilisation des sols.

36. Si la sensibilité environnementale du milieu est avérée, il résulte du dossier d'enregistrement, du plan d'épandage et des compléments apportés par la société pétitionnaire en décembre 2021 que le plan d'épandage n'inclut aucune parcelle située au sein des zones Natura 2000 ou des zones humides, ni aucune surface des îlots d'épandage comprise dans les périmètres de protection rapprochée de captages d'eau potable. Si certaines parcelles d'épandage se situent en zone vulnérable aux nitrates, aucune n'est située en zone d'action renforcée des programmes d'actions pour la protection des eaux contre les pollutions par les nitrates d'origine agricole. En outre, l'arrêté fixant les prescriptions applicables au sein du périmètre de protection du captage d'eau de Montagny-Sainte-Félicité n'y interdit pas l'épandage. Enfin, le projet prévoit que l'épandage soit réalisé dans le strict respect des distances d'éloignement prévues à l'arrêté du 12 août 2010, que les éléments topographiques existants - comme les haies et les zones engazonnées destinées à freiner les phénomènes de ruissellement et d'infiltration - soient maintenues et les zones tampons préservées. Enfin, ainsi qu'il a été dit au point 27, les risques d'atteinte à la ressource en eau potable ont été pris en compte par des ingénieurs hydrogéologues spécialisés qui ont donné un " avis favorable " sous réserve de surveiller les risques de dégradation des eaux pompées, notamment dans la nappe de Beauchamp. Or les communes appelantes ne produisent pas d'élément technique ou scientifique de nature à remettre en cause leurs conclusions. Elles ne démontrent ainsi pas l'existence d'un risque potentiel suffisamment avéré au regard des critères de l'annexe III de la directive justifiant que la demande d'enregistrement soit instruite selon les règles de procédure prévues pour les autorisations environnementales.

37. Par suite, le projet en litige et, en particulier, le plan d'épandage, ne présentent pas d'incidences suffisamment notables sur l'environnement pour justifier la soumission du projet à la procédure d'autorisation environnementale. En l'état des éléments versés au dossier soumis à la cour qui ne comporte qu'un état lacunaire des éléments relatifs aux zones Natura 2000, les communes appelantes ne sont donc pas fondées à reprocher au préfet d'avoir méconnu les dispositions de l'article L. 512-7-2 du code de l'environnement.

En ce qui concerne le bien-fondé de l'arrêté attaqué :

S'agissant de la méconnaissance des dispositions de l'annexe I de l'arrêté du 12 août 2010 :

38. Les communes appelantes soutiennent que le projet méconnaît les dispositions de l'annexe I de l'arrêté du 12 août 2010 relatif aux prescriptions générales applicables aux installations classées de méthanisation relevant du régime de l'enregistrement au titre de la rubrique n° 2781 de la nomenclature des ICPE.

39. Aux termes de l'article 6 de de l'arrêté du 12 août 2010 : " Implantation. /Sans préjudice des règlements d'urbanisme, l'installation de méthanisation satisfait les dispositions suivantes : / - Elle n'est pas située dans le périmètre de protection rapprochée d'un captage d'eau destinée à la consommation humaine ; - Elle est distante d'au moins 35 mètres des puits et forages de captage d'eau extérieurs au site, des sources, (...) des rivages et des berges des cours d'eau, de toute installation souterraine ou semi-enterrée utilisée pour le stockage des eaux destinées à l'alimentation en eau potable, à des industries agroalimentaires ou à l'arrosage des cultures maraîchères ou hydroponiques ; la distance de 35 mètres des rivages et des berges des cours d'eau peut toutefois être réduite en cas de transport par voie d'eau ; (...) ". Aux termes de l'article 46 de cet arrêté : " L'épandage des digestats fait l'objet d'un plan d'épandage dans le respect des conditions précisées en annexe II, sans préjudice des dispositions de la réglementation relative aux nitrates d'origine agricole. L'épandage est alors effectué par un dispositif permettant de limiter les émissions atmosphériques d'ammoniac. (...) ".

40. L'annexe II de cet arrêté concerne les éléments de caractérisation de la valeur agronomique des digestats et des sols, tandis que l'annexe I est relatif aux dispositions techniques en matière d'épandage de digestat. A ce titre, elle énonce que : " (...) d) Un plan d'épandage est réalisé, constitué : / - d'une carte à une échelle minimum de 1/25 000 permettant de localiser les surfaces où l'épandage est possible compte tenu des exclusions mentionnées au point f) Règles d'épandage. Cette carte fait apparaître les contours et les numéros des unités de surface permettant de les repérer ainsi que les zones exclues à l'épandage ; / (...) f) Règles d'épandage : / Les apports d'azote, de phosphore et de potassium toutes origines confondues, organique et minérale, sur les terres faisant l'objet d'un épandage, tiennent compte de la rotation des cultures, de la nature particulière des terrains et de leur teneur en éléments fertilisants. Pour l'azote, la fertilisation est équilibrée et correspond aux capacités exportatrices de la culture concernée. La fertilisation azotée organique est interdite sur toutes les légumineuses sauf la luzerne et les prairies d'association graminées-légumineuses. / L'épandage est effectué par enfouissement direct, par pendillards ou par un dispositif équivalent permettant de limiter les émissions atmosphériques d'ammoniac. Il est interdit : (...) - à moins de 35 mètres des berges des cours d'eau, cette limite étant réduite à 10 mètres si une bande de 10 mètres enherbée ou boisée et ne recevant aucun intrant est implantée de façon permanente en bordure des cours d'eau ; (...) - sur les terrains présentant une pente supérieure à 7 % dans le cas des digestats liquides, sauf s'il est mis en place des dispositifs prévenant tout risque d'écoulement et de ruissellement vers les cours d'eau ; (...) / En aucun cas la capacité d'absorption des sols ne doit être dépassée, de telle sorte que ni la stagnation prolongée sur ces sols, ni le ruissellement en dehors du champ d'épandage, ni une percolation rapide vers les nappes souterraines ne puissent se produire (...) ". Conformément au III de l'article 1er de cet arrêté, " les dispositions du présent arrêté s'appliquent sans préjudice de prescriptions particulières les complétant ou les renforçant dont peut être assorti l'arrêté d'enregistrement dans les conditions fixées par les articles L. 512-7-3 et L. 512-7-5 du code de l'environnement. ".

41. En l'espèce, d'une part, les communes appelantes soutiennent que le risque d'entraînement du phosphore par ruissellement n'est pas écarté par l'étude pédologique qui indique que " divers secteurs sont jugés à risque moyen ", même si " aucune parcelle à risque élevé, présentant des sols superficiels, en secteur pentu, avec cours d'eau en contrebas et sans zone tampon n'a été repérée ". Toutefois, le risque de ruissellement lié aux pentes a été pris en compte par le plan d'épandage qui classe les parcelles plus ou moins aptes à l'épandage notamment en fonction du critère de la pente et exclut les parcelles affectées d'une " forte pente ". L'étude souligne que ce risque " moyen " peut être pallié par des mesures consistant en " la maîtrise des apports ; l'assurance qu'un épisode pluvieux n'est pas prévu entre l'épandage et l'enfouissement des effluents organiques ; la conservation ou la mise en place de zone tampon ; le respect des distances réglementaires d'épandage (35 m ou 10 m au moins des cours d'eau). ".

42. D'autre part, les communes appelantes s'appuient sur des études scientifiques pour soutenir qu'en présence d'un risque de ruissellement concentré sur des sols érodés, les dispositifs de zones tampons enherbées ou végétalisées ne permettent pas de retenir les composés en azote et en phosphore dans les sols et de les empêcher de rejoindre les cours d'eau à l'aval. Cependant, elles n'excipent pas de l'illégalité des dispositions du f) de l'annexe I de l'arrêté du 12 août 2010 qui réduisent la distance d'interdiction d'épandage par rapport aux berges des cours d'eau en cas d'implantation permanente en bordure de ceux-ci d'une bande de 10 mètres enherbée ou boisée et ne recevant aucun entrant.

43. En outre, les communes soutiennent que l'interdiction d'épandage n'est pas respectée sur l'ensemble des terrains présentant une pente supérieure à 7 %, dont elles affirment qu'ils disposent de zones tampons insuffisantes ou inexistantes. Toutefois, premièrement, les dispositions relatives à l'interdiction d'épandage sur les terrains présentant une pente supérieure à 7 % dans le cas des digestats liquides s'imposent au projet, en vertu de l'article 1.5.2 de l'arrêté attaqué, qui rappelle l'application de l'arrêté du 12 août 2010. Deuxièmement, si les communes affirment que l'îlot n° 8 de la société Cheron est affecté d'une pente " importante " à proximité de la Thève, l'existence de cette pente ne ressort pas du tableau définissant l'aptitude à l'épandage annexé au plan d'épandage et les communes n'établissent par aucune pièce que le coefficient de cette pente serait supérieur à 7 %. En outre, il résulte des données issues du site gouvernemental Géoportail accessible au public, versées par la société pétitionnaire qu'une bande enherbée est présente le long de ce cours d'eau. Les communes appelantes ne démontrent pas que cette bande enherbée ne constituerait pas un dispositif approprié pour prévenir tout risque d'écoulement et de ruissellement vers le cours d'eau, conformément aux dispositions du f) de l'annexe I de l'arrêté du 12 août 2010 et qu'elle aurait une largeur inférieure à 10 mètres qui justifierait que l'épandage s'arrêt à 35 mètres de ses berges.

44. Enfin, les communes appelantes soutiennent que le phénomène d'érosion-ruissellement existant sur certaines parcelles auraient dû justifier la prescription d'aménagements spécifiques. Il résulte de l'instruction que la commission locale de l'eau (CLE) du syndicat intercommunal du schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux (SDAGE) du bassin versant de la Nonette a émis le 20 juillet 2022 un avis défavorable au projet au motif que " le risque ruissellement-érosion des sols n'est pas pris en compte dans le projet " et a invité la société pétitionnaire " à se rapprocher de [ses] services afin de limiter via des haies, noues, fascines, le ruissellement des digestats et leur rejet vers les cours d'eau ". Il ressort du rapport de l'inspection des installations classées du 2 février 2023 que le 29 novembre 2022, la CLE, après avoir rencontré le porteur de projet, a émis un avis favorable sous la condition de la mise en place d'aménagements de lutte contre le ruissellement et le retour favorable de l'hydrogéologue agréé et de l'agence régionale de santé (ARS). Si la société pétitionnaire ne justifie pas avoir mis en œuvre des dispositifs supplémentaires de lutte contre le ruissellement, à l'instar de ceux proposés initialement par la CLE, les hydrogéologues agréés en matière d'hygiène publique ont émis, postérieurement à l'avis de la CLE, les 6 décembre 2022 pour le département de l'Oise et 27 janvier 2023 pour le département de la Seine-et-Marne des avis favorables, sauf pour l'îlot 4 de la SCEA du Quinconce, tandis que le conseil départemental de l'environnement et des risques sanitaires et technologiques de l'Oise, dans lequel siège un représentant de l'ARS, a émis le 17 février 2023 un avis favorable au projet. Dans ces conditions, il n'est pas établi que le projet sera susceptible de produire des ruissellements vers les cours d'eau en méconnaissance des dispositions précitées.

45. Il résulte de ce qui précède que les communes appelantes ne sont pas fondées à soutenir que l'arrêté attaqué méconnaît les dispositions précitées de l'annexe I du 12 août 2010 au motif que les terrains présentant un ruissellement important, notamment au sein du bassin versant de la Launette, n'auraient pas été exclus de l'épandage.

En ce qui concerne la méconnaissance des articles L. 511-1 et L. 211-1 du code de l'environnement :

46. Les communes appelantes soutiennent que le projet porte une atteinte excessive à l'environnement, en méconnaissance des articles L. 511-1 et L. 211-1 du code de l'environnement.

47. Aux termes de l'article L. 211-1 du code de l'environnement : " I.- Les dispositions des chapitres Ier à VII du présent titre ont pour objet une gestion équilibrée et durable de la ressource en eau ; cette gestion prend en compte les adaptations nécessaires au changement climatique et vise à assurer : / 1° La prévention des inondations et la préservation des écosystèmes aquatiques, des sites et des zones humides ; on entend par zone humide les terrains, exploités ou non, habituellement inondés ou gorgés d'eau douce, salée ou saumâtre de façon permanente ou temporaire, ou dont la végétation, quand elle existe, y est dominée par des plantes hygrophiles pendant au moins une partie de l'année ; / 2° La protection des eaux et la lutte contre toute pollution par déversements, écoulements, rejets, dépôts directs ou indirects de matières de toute nature et plus généralement par tout fait susceptible de provoquer ou d'accroître la dégradation des eaux en modifiant leurs caractéristiques physiques, chimiques, biologiques ou bactériologiques, qu'il s'agisse des eaux superficielles, souterraines ou des eaux de la mer dans la limite des eaux territoriales ; / 3° La restauration de la qualité de ces eaux et leur régénération ; (...)/ 7° Le rétablissement de la continuité écologique au sein des bassins hydrographiques. (...) / II.- La gestion équilibrée doit permettre en priorité de satisfaire les exigences de la santé, de la salubrité publique, de la sécurité civile et de l'alimentation en eau potable de la population. Elle doit également permettre de satisfaire ou concilier, lors des différents usages, activités ou travaux, les exigences : / 1° De la vie biologique du milieu récepteur, et spécialement de la faune piscicole et conchylicole ; / 2° De la conservation et du libre écoulement des eaux et de la protection contre les inondations ; / 3° De l'agriculture, des pêches et des cultures marines, de la pêche en eau douce, de l'industrie, de la production d'énergie, en particulier pour assurer la sécurité du système électrique, des transports, du tourisme, de la protection des sites, des loisirs et des sports nautiques ainsi que de toutes autres activités humaines légalement exercées. (...) ".

48. Aux termes de l'article L.511-1 du même code : " Sont soumis aux dispositions du présent titre (...), les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation économe des sols naturels, agricoles ou forestiers (...). ".

49. En premier lieu, les communes appelantes reprennent leurs arguments relatifs à la situation du plan d'épandage sur une aire vulnérable et dégradée et à l'insuffisance des mesures d'évitement et de réduction des risques, notamment de ruissellement.

50. En second lieu, les appelantes soutiennent plus particulièrement que le projet porte atteinte aux intérêts protégés par les articles L.211-1 et L.511-1 du code de l'environnement en raison de l'inclusion dans le plan d'épandage d'une partie de l'îlot n° 4 de la SCEA du Quinconce et de parties des îlots n° 5 et 6 de la SCEA Pétillon.

51. Il résulte de l'instruction que, conformément aux préconisations des hydrogéologues consultés, le plan d'épandage a exclu plusieurs îlots, tandis que l'étude préalable à l'épandage a prévu un protocole de suivi et d'analyse des épandages, qui permettra, le cas échéant, de faire évoluer le plan d'épandage et d'exclure les îlots inclus dans les périmètres de protection éloignée des captages si la qualité de l'eau devait se dégrader.

52. Certes, seule la partie de l'îlot 4 de la SCEA du Quinconce comprise dans le périmètre de protection " rapprochée " du captage de Montagny-Sainte-Félicité a été exclue du plan d'épandage alors que l'hydrogéologue agréé de l'Oise a recommandé l'interdiction de l'épandage sur la totalité du périmètre de protection " éloignée " de ce captage inclus dans îlot n° 4 de la SCEA du Quinconce, en raison de la qualité dégradée des eaux issues de ce captage et en vue de " protéger le forage " si la commune souhaite le conserver. Cependant, l'hydrogéologue note également une nette dégradation du captage depuis 2015 sur le plan quantitatif. En outre, il est constant que la réglementation de ce périmètre ne prévoit actuellement pas une telle interdiction et que le plan d'épandage attaqué a vocation à prendre en compte une modification de cette réglementation si elle devait entrer en vigueur.

53. Enfin, la circonstance que plusieurs îlots du plan d'épandage se situeraient dans des périmètres de protection envisagés pour un captage d'eau sur le territoire de la commune d'Eve est sans incidence sur la légalité de l'arrêté attaqué dès lors qu'il est constant que ces périmètres n'ont pas été arrêtés et que la déclaration d'utilité publique de ce captage est en cours d'instruction.

54. Dans ces conditions et en l'état du dossier, le moyen tiré de la méconnaissance des articles L.211-1 et L.511-1 du code de l'environnement doit être écarté.

55. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que l'arrêté du 10 mars 2023 est seulement entaché de vices de procédure tenant à la méconnaissance des dispositions du 4° de l'article R.512-46-3 et du 6° de l'article R.512-46-4 du code de l'environnement. Ces vices n'entachent d'illégalité que le plan d'épandage et non pas le projet dans sa totalité.

Sur les conséquences à tirer de l'irrégularité constatée :

56. L'article L. 181-18 du code de l'environnement, qui concerne les pouvoirs du juge de l'autorisation environnementale, est applicable aux recours formés contre une décision d'enregistrement d'une installation classée dans le cas où le projet fait l'objet, en application du 7° du I de l'article L. 181-2 du code de l'environnement, d'une autorisation environnementale tenant lieu d'enregistrement ou s'il est soumis à évaluation environnementale donnant lieu à une autorisation du préfet en application du troisième alinéa du II de l'article L. 122-1-1 du même code.

57. Dans les autres cas où le juge administratif est saisi de conclusions dirigées contre une décision relative à l'enregistrement d'une installation classée, y compris si la demande d'enregistrement a été, en application de l'article L. 512-7-2 du code de l'environnement, instruite selon les règles de procédure prévues pour les autorisations environnementales, les dispositions de l'article L. 181-18 du code de l'environnement ne sont pas applicables.

58. Cependant, en vertu des pouvoirs qu'il tient de son office de juge de plein contentieux des installations classées pour la protection de l'environnement, le juge administratif, s'il estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'une illégalité entachant l'élaboration ou la modification de cet acte est susceptible d'être régularisée, peut, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, surseoir à statuer jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation. Si la régularisation intervient dans le délai fixé, elle est notifiée au juge, qui statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. Le juge peut préciser, par sa décision avant dire droit, les modalités de cette régularisation, qui implique l'intervention d'une décision corrigeant le vice dont est entachée la décision attaquée. En outre, le juge peut limiter la portée ou les effets de l'annulation qu'il prononce si le ou les vices qu'il retient n'affectent qu'une partie de la décision.

59. Enfin, lorsque l'annulation n'affecte qu'une partie seulement de la décision, le juge administratif peut déterminer s'il y a lieu de suspendre l'exécution des parties non viciées de cette décision. Et lorsqu'il prononce l'annulation, totale ou partielle, d'une décision relative à une installation classée soumise à enregistrement, il a toujours la faculté, au titre de son office de juge de plein contentieux, d'autoriser lui-même, à titre provisoire, et le cas échéant sous réserve de prescriptions et pour un délai qu'il détermine, la poursuite de l'exploitation de l'installation en cause, dans l'attente de la régularisation de sa situation par l'exploitant. Ces règles s'appliquent également au juge d'appel.

60. Le présent litige ne rentre pas dans le champ d'application de l'article L.181-18 du code de l'environnement. Faute, dans ces conditions de disposer du délai supplémentaire de six mois, prévu au deuxième alinéa du III de l'article R. 311-6 du code de justice administrative, il n'y a pas lieu, eu égard au délai de dix mois imparti à la cour pour juger, de faire usage de la faculté de surseoir à statuer. En revanche, les vices de procédure tenant à l'insuffisance du dossier de demande d'enregistrement au regard des incidences du projet sur les zones Natura 2000 et des incidences notables du projet sur l'environnement n'affectent que le plan d'épandage et sont sans lien avec l'installation proprement dite, il y a lieu, dans ces conditions, de prononcer l'annulation de l'arrêté du 10 mars 2023 seulement en tant qu'il enregistre le plan d'épandage.

61. Il résulte de tout ce qui précède que les communes appelantes sont fondées à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a seulement annulé le plan d'épandage proposé par la SAS Biogaz du Valois enregistré par l'arrêté du 10 mars 2023 en tant qu'il ne prévoit pas de zone d'exclusion de l'épandage le long des berges du ru de Longueau au sein de l'îlot n° 4 de la SCEA de Meslin, et rejeté le surplus de la demande d'annulation de l'arrêté en tant qu'il porte sur l'enregistrement de la totalité du plan d'épandage.

Sur les frais liés au litige d'appel :

62. Partie perdante dans l'instance, la SAS Biogaz du Valois ne peut voir accueillies ses conclusions présentées en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

63. Il y a lieu de mettre à la charge de la SAS Biogaz du Valois la somme de 2 000 euros à verser aux communes appelantes sur ce même fondement. Il n'y a en revanche pas lieu de mettre une telle somme à la charge de l'Etat.

DÉCIDE :

Article 1er : Les articles 1 et 2 du jugement du 13 février 2024 du tribunal administratif d'Amiens sont annulés en tant qu'ils n'ont pas prononcé l'annulation de l'arrêté du 10 mars 2023 en tant qu'il enregistre la totalité du plan d'épandage proposé par la SAS Biogaz du Valois.

Article 2 : L'arrêté du 10 mars 2023 est annulé en tant qu'il enregistre la totalité du plan d'épandage.

Article 3 : La SAS Biogaz du Valois versera la somme de 2 000 euros aux communes d'Othis, de Mortefontaine, de Montagny-Sainte-Félicité en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Les conclusions présentées par la SAS Biogaz du Valois en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la commune d'Othis, à la commune de Mortefontaine, à la commune de Montagny-Sainte-Félicité, à la société Biogaz du Valois et à la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche.

Copie en sera adressée au préfet de l'Oise.

Délibéré après l'audience publique du 23 janvier 2025 à laquelle siégeaient :

- Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre,

- Mme Isabelle Legrand, présidente-assesseure,

- M. Vincent Thulard, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 février 2025.

La présidente-rapporteure,

Signé : I. LegrandLa présidente de la 1ère chambre,

Signé : G. Borot La greffière,

Signé : S. Pinto Carvalho

La République mande et ordonne à la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

La greffière en chef,

Par délégation,

La greffière,

Suzanne Pinto Carvalho

N°24DA00735 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 24DA00735
Date de la décision : 06/02/2025
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme Borot
Rapporteur ?: Mme Isabelle Legrand
Rapporteur public ?: M. Eustache
Avocat(s) : DS AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 16/02/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-02-06;24da00735 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award