Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... L... E... a demandé au tribunal administratif de Rouen, d'une part, d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 18 janvier 2024 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a prolongé pour une durée d'un an l'interdiction de retour sur le territoire français prononcée par un arrêté précédent du 12 avril 2023, et, d'autre part, d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime de supprimer le signalement dont il a fait l'objet au fichier informatique dénommé " système d'information Schengen ".
Par un jugement n° 2400369 du 6 mars 2024, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 17 mai 2024 et le 22 septembre 2024, M. E..., représenté par Me Njem Eyoum, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du 18 janvier 2024 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a prolongé d'un an l'interdiction de retour sur le territoire français prononcée pour une durée de deux ans par un arrêté du 12 avril 2023 ;
3°) d'enjoindre à l'autorité préfectorale compétente d'effacer, dans les fichiers de signalement du système d'information Schengen, la décision portant prolongation de cette interdiction de retour sur le territoire français ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros, à verser à son conseil, sous réserve de la renonciation de celui-ci à la part contributive de l'Etat, en application de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la décision est insuffisamment motivée, en méconnaissance des articles L. 211-2 à L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration ;
- elle a été signée par une autorité dépourvue de délégation et donc incompétente ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- elle a été prise en méconnaissance des dispositions de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle a été prise en méconnaissance des stipulations des articles 3 et 8 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Maritime qui n'a pas produit d'observations.
Par une ordonnance du 23 septembre 2024, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 8 octobre 2024 à 12 heures.
M. E... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 2 mai 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Malfoy, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... L... E..., ressortissant algérien né le 30 mars 1997, déclare être entré en France en 2019. Par un arrêté du 18 janvier 2024, le préfet de la Seine-Maritime a prolongé pour une année supplémentaire l'interdiction de retour de deux ans assortissant un précédent arrêté en date du 12 avril 2023 portant obligation de quitter le territoire français sans délai. M. E... relève appel du jugement du 6 mars 2024 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
2. En premier lieu, par un arrêté n° 23-109 du 18 décembre 2023, publié au recueil spécial des actes administratifs de la préfecture, le préfet de la Seine-Maritime a donné délégation à Mme I... G..., adjointe à la cheffe du bureau de l'éloignement, à l'effet de signer les décisions telles que les mesures d'interdiction de retour sur le territoire français et leur prolongation. Par suite, et alors que M. E... n'apporte aucun élément laissant supposer que le délégant n'était pas empêché, le moyen tiré de l'incompétence de la signataire de la décision contestée doit être écarté.
3. En deuxième lieu, la décision contestée vise notamment les dispositions du 1° de l'article L. 612-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui permettent à l'autorité administrative de prolonger l'interdiction de retour lorsque l'étranger s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire français en dépit d'une obligation de quitter le territoire français sans délai. Elle mentionne que M. A..., se disant E... B... L... de nationalité algérienne, est également identifié comme étant M. C... D..., à l'encontre duquel une obligation de quitter le territoire français assortie d'une interdiction de retour de deux ans a été prononcée le 12 avril 2023, dont la durée a été prolongée une première fois pour une durée de deux ans le 2 août 2023. Outre ces éléments de fait, la décision expose les éléments principaux relatifs à la situation personnelle de l'intéressé, notamment son mariage en 2022 avec Mme F... H..., avec laquelle il a eu un enfant, et la naissance attendue d'un second enfant. Elle expose par ailleurs que M. C... D... est défavorablement connu des services de police pour divers faits constitutifs d'une menace à l'ordre public et n'établit pas être démuni d'attaches familiales dans son pays d'origine. La décision contestée prolongeant l'interdiction de retour pour une durée d'un an comporte ainsi les considérations de droit et de fait sur lesquelles le préfet de la Seine-Maritime s'est fondé pour décider une nouvelle prolongation de l'interdiction de retour. Cette décision, qui se fonde à la fois sur les éléments connus de l'administration à la date où elle a été édictée et sur les déclarations faites par M. E... lors de son interpellation le 16 janvier 2024 puis son placement en garde à vue pour un vol commis le jour même, n'avait pas à reprendre exhaustivement les éléments relatifs à la situation de l'intéressé et est, par suite, suffisamment motivée.
4. En troisième lieu, il ressort des pièces produites au dossier de première instance par le préfet de la Seine-Maritime que, par un arrêté du 12 avril 2023, M. D... C..., alias K..., alias J..., a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français sans délai, assortie d'une interdiction de retour d'une durée de deux ans. Les résultats d'une consultation décadactylaire réalisée le 17 janvier 2024 dans la base de données du fichier automatisé des empreintes digitales ont permis d'établir que M. B... L... E... est connu sous l'identité de M. C... D..., né le 2 février 2004, de sorte que M. B... L... E... et M. D... C... sont en réalité une seule et même personne. Pour contester toute relation d'identité avec ce dernier, l'appelant se prévaut du jugement rendu le 18 janvier 2024 en comparution immédiate par le tribunal correctionnel de Rouen pour des faits de vol en réunion et recel de bien provenant d'un vol en récidive commis le 16 janvier 2024, décidant sa relaxe du chef de poursuites de fourniture d'identité imaginaire pouvant provoquer des mentions erronées au casier judiciaire. Toutefois, cette circonstance n'est pas de nature à remettre en cause les résultats, non contestés par le requérant, issus de la comparaison des empreintes ayant permis à l'autorité administrative de retenir que M. E... et M. D... C... sont une seule et même personne. Par suite, dès lors qu'il ressort des pièces du dossier que par un arrêté du 12 avril 2023, M. D... C... a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français assortie d'une interdiction de retour d'une durée de deux ans, prolongée pour une durée de deux ans le 2 août 2023, c'est sans commettre d'erreur d'appréciation que le préfet de la Seine-Maritime a prolongé cette interdiction pour une durée d'un an à l'encontre de la personne s'étant présentée sous l'identité de M. B... L... E....
5. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 612-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut prolonger l'interdiction de retour pour une durée maximale de deux ans dans les cas suivants : / 1° L'étranger s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire français alors qu'il était obligé de le quitter sans délai ; / 2° L'étranger s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire français au-delà du délai de départ volontaire qui lui avait été accordé ; / 3° L'étranger est revenu sur le territoire français après avoir déféré à l'obligation de quitter le territoire français, alors que l'interdiction de retour poursuivait ses effets. / Compte tenu des prolongations éventuellement décidées, la durée totale de l'interdiction de retour ne peut excéder cinq ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, sauf menace grave pour l'ordre public ". En outre, en vertu de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et
L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. / Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 ainsi que pour la prolongation de l'interdiction de retour prévue à l'article L. 612-11 ".
6. Il résulte de ce qui a été dit au point 4 en ce qui concerne l'identification de M. C... D... comme étant M. B... L... E... que ce dernier entre dans le cas prévu au 1° de l'article L. 612-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, permettant au préfet de la Seine-Maritime de prolonger l'interdiction de retour pour une durée maximale de deux ans dès lors que l'intéressé s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire français malgré l'édiction d'une obligation de quitter le territoire français sans délai, le 12 avril 2023. Si M. E... persiste à soutenir qu'il réside en France depuis 2019, il n'apporte aucun élément permettant d'établir sa présence avant l'année 2022, période à partir de laquelle il a fait l'objet de deux mesures d'éloignement, les 10 mars et 17 juillet 2022, auxquelles il n'a pas déférées avant de faire l'objet de la troisième décision d'éloignement précitée du 12 avril 2023, assortie d'une première interdiction de retour d'une durée de deux ans compte tenu de l'absence d'exécution des deux précédentes mesures. S'il justifie de son mariage, le 15 janvier 2022, avec une ressortissante française, le caractère sérieux et réel de cette union n'est pas démontré dès lors qu'il ne produit pas de pièces établissant une vie commune avant la date d'édiction de l'arrêté contesté du 18 janvier 2024 et qu'il n'apporte aucun élément de nature à attester de sa participation à l'entretien et à l'éducation de l'enfant né de cette union le 26 mars 2023. Dans ces circonstances, et alors même qu'il conteste représenter une menace pour l'ordre public, la prolongation d'une durée d'un an de l'interdiction de retour ne méconnaît pas les dispositions précitées des articles L. 612-10 et L. 612-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
7. En dernier lieu, et pour les mêmes motifs, la décision contestée n'a pas porté au droit du requérant au respect de sa vie privée et familiale une atteinte contraire aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et n'a pas méconnu les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
8. Il résulte de tout ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et celles présentées au titre des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. E... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... L... E..., au ministre de l'intérieur et à Me Njem Eyoum.
Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Maritime.
Délibéré après l'audience publique du 14 janvier 2025 à laquelle siégeaient :
- M. Jean-Marc Guérin-Lebacq, président-assesseur, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- Mme Dominique Bureau, première conseillère,
- M. Frédéric Malfoy, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 janvier 2025.
Le rapporteur,
Signé : F. Malfoy
Le président de la formation de jugement,
Signé : J.-M. Guérin-Lebacq
La greffière,
Signé : C. Huls-Carlier La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
Pour la greffière en chef, par délégation,
La greffière,
C. Huls-Carlier
N° 24DA00940 2