Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Lille :
1°) d'annuler l'arrêté du 26 novembre 2020 par lequel le préfet du Nord a rejeté sa demande de titre de séjour ;
2°) à titre principal, d'enjoindre au préfet du Nord de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation ;
Par un jugement n°2102868 du 13 février 2024, le tribunal administratif de Lille a rejeté ses demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 26 mai 2024, M. B..., représenté par Me Danset-Vergoten, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 13 février 2024 en tant qu'il rejette ses conclusions aux fins d'annulation et d'injonction sous astreinte ;
2°) d'annuler l'arrêté du 26 novembre 2020 par lequel le préfet du Nord a rejeté sa demande de titre de séjour ;
3°) à titre principal, d'enjoindre au préfet du Nord de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation ;
4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 euros à verser à son conseil, sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991.
L'appelant soutient que :
- la décision de refus de titre de séjour est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation personnelle ;
- elle méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît manifestement les dispositions de son article L. 313-14 ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relatives aux droits de l'enfant ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation par le préfet au regard de son pouvoir de régularisation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 9 juillet 2024, le préfet du Nord conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par l'appelant ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 8 juillet 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 29 juillet 2024.
Le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Douai a accordé, par une décision du 25 avril 2024, le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale à M. B....
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales,
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991,
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Thulard, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. C... B..., né le 1er juillet 1963 au Nigeria, de nationalité nigériane, est entré en France selon ses déclarations pour la dernière fois le 26 février 2016. Il a sollicité auprès de la préfecture du Nord, le 10 octobre 2019, la délivrance d'un titre de séjour. Par un arrêté du 26 novembre 2020, le préfet du Nord a rejeté sa demande. M. B... a demandé l'annulation de cet arrêté au tribunal administratif de Lille qui, par un jugement du 13 février 2024, a rejeté sa demande. M. B... interjette appel de ce jugement en tant qu'il rejette ses conclusions aux fins d'annulation et d'injonction sous astreinte.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. En premier lieu, la décision contestée comporte l'exposé des considérations de droit et de fait sur lesquelles s'est fondé le préfet du Nord pour rejeter la demande de titre de séjour présentée par M. B.... Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de sa motivation doit être écarté.
3. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier, au regard notamment de la motivation retenue par le préfet du Nord dans son arrêté du 26 novembre 2020, qu'il n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de M. B... préalablement à l'édiction de la décision de refus de titre de séjour en litige.
4. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit :/ (....)/11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) ".
5. Ainsi que l'a jugé le tribunal administratif de Lille, il ressort des pièces du dossier que M. B... souffre d'une limitation respiratoire chronique, qui constitue une probable séquelle d'une infection tuberculeuse ancienne. Dans son avis en date du 27 février 2020, les médecins du collège de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) ont estimé que cette pathologie nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité pour le requérant, mais que, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il pouvait y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. Ils ont également indiqué que M. B... pouvait voyager sans risque vers son pays d'origine.
6. Si le requérant a fourni diverses ordonnances mentionnant la prescription de plusieurs médicaments, l'OFII a fait valoir dans son mémoire enregistré au greffe du tribunal administratif de Lille le 16 décembre 2020, sans être ultérieurement contesté, que ces spécialités ne lui ont été nécessaires pour la grande majorité d'entre elles que pour une durée de quelques jours en 2018 et qu'il n'y avait donc pas lieu d'en tenir compte dans la détermination de la prise en charge médicale nécessaire à M. B... en date du 26 novembre 2020. L'OFII a également précisé, sans être non plus contesté sur ce point, que les seuls médicaments alors nécessaires au requérant, compte tenu de sa limitation respiratoire, sont la Ventoline et le Bronchokod, dont les principes actifs sont respectivement le salbumatol et la carbocistéïne. Alors que la carbocistéïne est un traitement adjuvant qui ne peut pas être considéré comme un médicament essentiel, il ressort des pièces du dossier que le salbumatol est disponible au Nigéria à un prix modéré. Si le requérant fait enfin valoir des difficultés d'accès au traitement de la tuberculose dans son pays d'origine, il ne souffre plus de cette maladie si bien que ces éléments ne permettent pas de contredire sérieusement l'avis du collège des médecins quant à la disponibilité d'un traitement effectif dans son pays d'origine.
7. Par ailleurs, M. B... n'a apporté aucun élément de nature à contredire l'appréciation du collège des médecins de l'OFII selon laquelle il peut voyager sans risque vers son pays d'origine.
8. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 11°) de l'article L.313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile par l'arrêté du 26 novembre 2020 doit être écarté.
9. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 313-11, alors en vigueur, du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; / (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1- Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2- Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
10. M. B..., né le 1er juillet 1963 au Nigéria et de nationalité nigériane, est entré en France pour la dernière fois le 26 février 2016, selon ses déclarations, à l'âge de 52 ans. Il y a rejoint sa compagne, ressortissante nigériane qu'il déclare avoir rencontrée en 2013. De cette union sont nés trois enfants, nés en 2013 et 2016. Le couple, qui partage une vie commune à Lille, s'occupe également de la première fille de la compagne du requérant, née en 2010. Toutefois, alors que le requérant fait valoir que sa compagne serait bénéficiaire d'une carte de résident, le préfet du Nord a produit un arrêté du 15 septembre 2023, notifié le 20 septembre 2023, portant retrait de cette carte de résident, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixation du pays de destination. Il n'est ni établi ni même allégué que cet arrêté ne serait pas devenu définitif, si bien qu'eu égard à l'effet rétroactif d'un tel retrait, la compagne de M. B... doit être regardée comme ayant été dépourvue de tout titre de séjour le 26 novembre 2020. Il ressort par ailleurs des pièces du dossier que les quatre enfants de sa compagne sont de nationalité nigériane, la reconnaissance de sa première fille en 2010 par un ressortissant français ayant été annulée par un jugement du tribunal de grande instance de Lille en date du 28 janvier 2014 confirmé par un arrêt de la cour d'appel de Douai en date du 12 février 2015. M. B... ne se prévaut d'aucune intégration professionnelle ou sociale en France et ne fait pas valoir y avoir tissé des liens privés d'une particulière intensité. Dans ces conditions, la décision de refus de titre de séjour contestée n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressé à mener une vie privée et familiale normale et n'a ainsi méconnu ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
11. En cinquième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
12. Si M. B... soutient qu'il n'est pas dans l'intérêt de ses enfants et de la première fille de sa compagne de résider au Nigéria, la décision en litige n'a ni pour objet, ni pour effet, de les séparer de lui-même ou de leur mère, alors que rien ne s'oppose en l'espèce à ce qu'ils regagnent tous le Nigéria, pays dont ils ont la nationalité. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance de ces stipulations doit être écarté.
13. En sixième et dernier lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans ses dispositions alors applicables : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2./ (...) ".
14. Eu égard aux conditions du séjour en France de M. B... telles que rappelées au point 10, ce dernier n'est pas fondé à soutenir que le préfet du Nord aurait manifestement méconnu les dispositions précitées en refusant de l'admettre exceptionnellement au séjour. Pour les mêmes motifs, le requérant n'est pas non plus fondé à soutenir que l'arrêté contesté serait entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation par le préfet au regard de son pouvoir de régularisation.
15. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.
Sur les frais de l'instance :
16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme demandée à ce titre par le requérant en appel soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B..., à Me Danset-Vergoten, au ministre de l'intérieur et au préfet du Nord.
Délibéré après l'audience du 9 janvier 2025, à laquelle siégeaient :
- Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre,
- Mme Isabelle Legrand, présidente-assesseure,
- M. Vincent Thulard, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 janvier 2025.
Le rapporteur,
Signé : V. Thulard
La présidente de la 1ère chambre
Signé : G. Borot
La greffière,
Signé : N. Roméro
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
La greffière en chef,
Par délégation,
La greffière,
Nathalie Roméro
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N°24DA00995