Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... E... a demandé au tribunal administratif de Lille :
1°) de condamner le département du Pas-de-Calais à lui verser la somme de 111 546 euros au titre des travaux de remise en état de son bien immobilier, des travaux de confortement de l'immeuble et des frais de sondage, déduction faite des sommes versées à titre provisionnel ;
2°) de condamner le département du Pas-de-Calais à lui verser la somme de 4 000 euros au titre de son préjudice moral et de ses troubles dans ses conditions d'existence ;
3°) de mettre à la charge du département les entiers dépens, y compris ceux exposés dans le cadre de la procédure de référé et les frais d'expertise judiciaire ;
4°) de mettre à la charge du département la somme de 10 000 euros à lui verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Le département du Pas-de-Calais a demandé au tribunal de rejeter cette requête et à ce que son assureur, la compagnie GENERALI IARD, soit appelé en garantie.
Par un jugement n° 2006384 du 14 mars 2023, le tribunal administratif de Lille a mis à la charge du département du Pas-de-Calais le versement à Mme E... de la somme de 107 380 euros, déduction faite des sommes versées à titre provisionnel, l'a condamné à verser à Mme E... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus des conclusions des parties.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés le 15 mai 2023 et le 29 avril 2024, le département du Pas-de-Calais, représenté par Me Gehin, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler le jugement du 14 mars 2023 dans toutes ses dispositions ;
2°) de rejeter les conclusions indemnitaires de Mme E... ou, à titre subsidiaire, de ramener ses prétentions à de plus justes proportions ;
4°) de condamner la société Generali IARD à le garantir de toute condamnation prononcée à son encontre ;
5°) de mettre à la charge de Mme E... une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
6°) de mettre à la charge de la société Generali IARD une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Le département soutient que :
- le jugement du 14 mars 2023 est irrégulier dès lors qu'il se fonde sur un rapport d'expertise lui-même irrégulier, l'expert n'ayant pas accompli sa mission consistant en l'investigation des causes potentielles des désordres ;
- il est également entaché d'irrégularité compte tenu de son insuffisante motivation s'agissant de l'analyse des possibles causes des désordres extérieures au peuplier d'Italie ;
- il est également irrégulier en ce qu'il statue ultra petita relativement aux prétentions indemnitaires de Mme E... ;
- en ce qui concerne son bien-fondé, il ne résulte pas de l'instruction qu'il y aurait un lien de causalité direct, certain et surtout exclusif entre les dommages et l'ouvrage public dès lors que sont également à prendre en considération l'inaction fautive de Mme E... et la nature des sols ;
- Mme E... a commis une faute en ne procédant pas aux travaux nécessaires entre 2013 et 2017, ce qui justifie que l'entièreté de l'indemnisation des dommages ne soit pas mise à sa charge ;
- il n'est pas établi que l'indemnisation versée à Mme E... par son assurance suite à l'incendie de l'immeuble ne réparerait pas l'intégralité de son préjudice ;
- le délai biennal d'appel en garantie de son assureur, la compagnie Generali IARD, n'était pas prescrit, dès lors que cette dernière ne démontre pas avoir satisfait aux exigences de l'article R. 112-1 du code des assurances et que le délai de prescription a été interrompu jusqu'au dépôt du rapport d'expertise judiciaire le 21 janvier 2020. Il y a lieu par conséquent de condamner la compagnie Generali IARD à le garantir de toute condamnation qui serait prononcée à son encontre.
Par une requête en appel incident et un mémoire, enregistrés les 19 octobre 2023 et 21 mai 2024, Mme C... E..., représentée par Me Camuzet, doit être regardée comme demandant à la cour :
1°) de rejeter la requête du département du Pas-de-Calais ;
2°) d'annuler le jugement n° 2006384 en tant qu'il limite le montant de l'indemnisation qui lui est due en réparation de ses préjudices à la somme de 107 380 euros et la somme qui lui est due au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative à 3 000 euros ;
3°) de porter la somme mise à la charge du département du Pas-de-Calais en réparation de ses préjudices à une somme équivalente au montant de 107 380 euros actualisé à la date de l'arrêt à l'intervenir sur la base du coût de la construction B T01, à laquelle s'ajouteront 4 000 euros en réparation de son préjudice indemnisable ;
4°) d'assortir cette somme des intérêts aux taux légaux à compter du 14 mars 2023 ;
5°) de porter la somme qui lui est due par le département du Pas-de-Calais au titre de ses frais de première instance non compris dans les dépens à la somme de 10 000 euros ;
6°) de mettre à la charge du département du Pas-de-Calais une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- les moyens d'irrégularité soulevés par l'appelant ne sont pas fondés ;
- la responsabilité du département est engagée sur le fondement de sa responsabilité sans faute à l'égard des tiers ;
- l'entièreté des dommages a été causée par la dessication des sols engendrée par le peuplier d'Italie implanté sur le parking du collège de Desvres. En particulier, elle n'a commis aucune faute ayant participé au dommage dès lors qu'elle a fait réaliser une expertise par son assureur en 2013 et qu'aucune aggravation des dommages n'a été rapportée entre 2013 et 2017 ;
- à titre subsidiaire, la responsabilité du département peut être également engagée sur le fondement de sa responsabilité pour faute pour défaut d'entretien de l'ouvrage public, consistant en un défaut d'arrosage du peuplier et en la coupe de ses racines ;
- ses préjudices indemnisables s'élevaient avant l'incendie intervenu dans la nuit du 25 au 26 août 2020 à un total de 222 395,27 euros. Compte tenu de la prise en charge de certains des travaux à la charge initiale du département du Pas-de-Calais par son assurance, le préjudice indemnisable restant à la charge de celui-ci s'élève à un total de 107 380 euros ;
- il y a lieu d'indexer ce montant sur l'indice du coût de la construction et, ainsi, de mettre à la charge du département du Pas-de-Calais une somme de 125 436,74 euros ;
- il y a lieu de mettre à sa charge une somme de 4 000 euros en réparation de son préjudice moral et des troubles dans ses conditions d'existence, lesquels lui ont été causés par le refus du département du Pas-de-Calais de reconnaître sa responsabilité pleine et entière, ce qui l'a contraint à engager des procédures juridictionnelles longues et complexes ;
- il y a ainsi lieu de porter la somme mise à la charge du département en réparation de l'intégralité de ses préjudices à la somme de 129 436,74 euros.
-
les frais d'instance auxquels elle a été exposée en première instance et en référé provision se sont élevés à la somme de 14 000 euros, si bien qu'il y a lieu d'infirmer le jugement de première instance en ce qu'il limite la condamnation du département au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative à une somme de 3 000 euros et de fixer la somme qui lui est due au titre de ses frais de première instance non compris dans les dépens à la somme de 10 000 euros ;
Par des mémoires, enregistrés les 25 janvier et 28 juin 2024, la compagnie Generali IARD, représentée par la SELARL Michel Teboul, demande à la cour :
1°) de rejeter la requête d'appel du département du Pas-de-Calais ;
2°) de mettre à la charge du département du Pas-de-Calais une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les conclusions de la requête du département du Pas-de-Calais tendant à ce qu'elle soit appelée en garantie des paiements prononcées à son encontre sont irrecevables en l'absence d'intérêt à agir dès lors que son assureur actuel, la MALJ, a intégralement exécuté le jugement du tribunal administratif de Lille en date du 14 mars 2023 et que le département ne saurait obtenir une double indemnisation d'un même préjudice ;
- en application de l'article 13 des conditions générales du contrat d'assurance qui la liait au département, une déchéance de garantie est en tout état de cause intervenue ;
- le délai de prescription de deux ans prévu à l'article L. 114-1 du code des assurances a bien débuté à courir le 20 juillet 2018, date à laquelle le département du Pas-de-Calais a été assigné en référé à la demande de Mme E..., et il n'a pas été interrompu par les opérations d'expertise dès lors qu'elle n'a pas été citée aux opérations d'expertise par le département et qu'une citation n'interrompt la prescription qu'à la double condition d'émaner de celui qui a qualité pour exercer le droit menacé par la prescription et de viser celui-là même qui en bénéficierait.
Par des mémoires, enregistrés les 11 août 2023 et 21 mai 2024, Mme B... D... et M. A... D..., représentés par la SELARL Callieu Avocats, demandent à la cour :
1°) de rejeter la requête du département du Pas-de-Calais ;
2°) d'annuler le jugement n° 2006566 du 14 mars 2023 en tant qu'il limite la somme mise à la charge du département du Pas-de-Calais à 96 668,69 euros ;
3°) de mettre à la charge du département du Pas-de-Calais une somme de 143 977 euros en réparation de leurs préjudices ;
4) de mettre à la charge du département du Pas-de-Calais une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens, y compris les frais de l'expertise judiciaire ordonnée par le tribunal de grande instance de Boulogne-sur-Mer.
Par ordonnance du 8 juillet 2024, la clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu au 29 juillet 2024.
Par un courrier en date du 5 décembre 2024, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de ce que M. et Mme D..., observateurs dans l'instance n°23DA00885, ne sont pas recevables à formuler des conclusions propres.
Une réponse à ce moyen d'ordre public a été présentée pour Mme E... par Me Camuzet le 9 décembre 2024 et a été communiquée.
Le département du Pas-de-Calais, représenté par Me Gehin a produit une note en délibéré enregistrée le 9 janvier 2025.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des assurances,
- le code civil,
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Thulard, premier conseiller,
- les conclusions de M. Eustache, rapporteur public,
- et les observations de Me Gehin, représentant le département du Pas-de-Calais, de Me de Bouteiller, représentant Mme E..., et de Me Lacroix, représentant la compagnie Generalli IARD.
Une note en délibéré a été présentée le 9 janvier 2025 pour le département du Pas-de-Calais, représenté par Me Gehin et n'a pas été communiquée.
Considérant ce qui suit :
1. Mme C... E... est propriétaire de deux bâtiments situés aux n°s 101 et 103 rue Roger Salengro à Desvres. Les époux D... exploitaient au n°103 une boulangerie, en vertu d'un bail commercial conclu le 21 mars 2012 avec Mme E.... Ce bâtiment jouxte le parking du collège du Caraquet, lequel est une dépendance du domaine public du département du Pas-de-Calais. Le 13 novembre 2017, les époux D... ont assigné Mme E... devant le tribunal de grande instance de Boulogne-sur-Mer aux fins de désignation d'un expert judiciaire ayant pour mission de déterminer l'origine des désordres affectant l'immeuble occupée par leur boulangerie et qui consistaient en d'importantes fissures. Un expert judiciaire a été désigné le 13 décembre 2017. Par exploit du 20 juillet 2018, MmePicque-Dellerie a assigné le département du Pas-de-Calais, lequel a été attrait aux opérations d'expertise par ordonnance du juge des référés du tribunal de grande instance de Boulogne-sur-Mer du 22 août 2018. L'expert a déposé son rapport définitif en date du 21 janvier 2020.
2. Par courrier reçu le 19 mai 2020, Mme E... a adressé au département du Pas-de-Calais une réclamation indemnitaire, qui a été implicitement rejetée. Elle a ensuite introduit, le 23 juin 2020 une requête en référé provision devant le tribunal administratif de Lille. Par une ordonnance du 30 septembre 2020 n° 2004231, le juge des référés du tribunal a mis à la charge du département le versement à Mme E... d'une provision de 111 000 euros en réparation de ses préjudices. Les conclusions de la requête d'appel n°20DA01595 par lesquelles le département du Pas-de-Calais demandaient l'annulation de cette ordonnance ont été rejetées par une ordonnance du président de la cour en date du 15 décembre 2020.
3. Par une requête enregistrée sous le n° 2006384, Mme E... a demandé au tribunal administratif de Lille de mettre à la charge du département du Pas-de-Calais une somme de 111 546 euros au titre des travaux de remise en état de son bien immobilier, des travaux de confortement de l'immeuble et des frais de sondage, déduction faite des sommes versées à titre provisionnel, ainsi qu'une somme de 4 000 euros au titre de son préjudice moral et de ses troubles dans ses conditions d'existence. Le département du Pas-de-Calais a pour sa part conclut au rejet de la requête et, à titre subsidiaire, si le tribunal entrait en voie de condamnation, à ce que la compagnie Generalli IARD soit appelée en garantie. Par un jugement du 14 mars 2023, le tribunal a mis à la charge du département du Pas-de-Calais le versement à Mme E... de la somme de 107 380, sous déduction des sommes versées à titre provisionnel, l'a condamné à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus des conclusions des parties, dont les conclusions à fin d'appel en garantie de la compagnie Generali IARD présentées par le département du Pas-de-Calais.
4. Le département du Pas-de-Calais interjette appel de ce jugement. Par une requête en appel incident, Mme E... demande à la cour d'annuler le jugement du 14 mars 2023 en tant qu'il limite la somme mise à la charge du département du Pas-de-Calais à 107 380euros, ainsi que les frais irrépétibles mis à sa charge à 3 000 euros. Elle demande également de porter l'indemnisation qui lui est due à une somme équivalente au montant de 107 380 euros actualisé à la date du présent arrêt, sur la base du coût de la construction B T01, à laquelle s'ajouteront 4 000 euros. Elle demande enfin à ce que les frais irrépétibles qui lui ont été accordés par le tribunal au titre de la première instance soient portés à la somme de 10 000 euros.
Sur la régularité du jugement :
5. En premier lieu, il résulte des motifs mêmes du jugement, notamment de son point 7, que le tribunal administratif de Lille a expressément retenu l'existence d'un lien direct, certain et exclusif entre les dommages subis par Mme E... et la dépendance du domaine public départemental que constitue le peuplier d'Italie implanté à proximité immédiate de leur boulangerie, dans la cour du collège du Caraquet. Par suite, le département du Pas-de-Calais n'est pas fondé à soutenir que le jugement serait entaché d'irrégularité en raison de son insuffisante motivation.
6. En deuxième lieu, le département appelant soutient que le jugement du 14 mars 2023 serait irrégulier en ce qu'il se fonderait sur une expertise elle-même irrégulière, faute pour l'expert judiciaire désigné par le tribunal de grande instance de Boulogne-sur-Mer le 13 décembre 2017 d'avoir rempli l'intégralité de la mission qui lui avait été confiée et notamment d'exposer l'origine des désordres et de dire s'ils étaient dus à un défaut de conception de l'immeuble, à sa vétusté, à un défaut d'entretien du bailleur ou à une autre cause. Toutefois, une telle contestation relative à un éventuel défaut de réponse de l'expert judiciaire à une des questions qui lui avaient été soumises est sans incidence sur la régularité du jugement rendu sur la base de cette expertise. En tout état de cause, l'expert judiciaire a indiqué précisément dans son rapport remis le 21 janvier 2020 après réalisation d'une expertise au contradictoire de l'ensemble des parties à la présente instance et au vue de ses constats réalisés in situ et des résultats de sondages réalisés à sa demande, qu'" il ne fait nul doute que les désordres allégués par les époux D... (...) sont consécutifs à un phénomène de dessiccation des sols directement lié à la présence d'un peuplier d'Italie situé à environ 10 mètres de la boulangerie ". Par suite, contrairement à ce que soutient le département appelant, il a entièrement répondu à la question qui lui avait été soumise par le juge judiciaire quant à l'origine des désordres en litige.
7. En troisième et dernier lieu, si l'article 1er du jugement en cause comporte une erreur de plume en mentionnant une condamnation " déduction faite des sommes versées à titre provisionnel ", il ressort des points 12 à 16 du jugement attaqué, que le montant de la condamnation du département à verser à Mme E..., soit une somme de 107 380 euros, a été prononcé compte non tenu de la provision déjà versée. Par suite, le tribunal administratif de Lille n'a pas condamné le département du Pas-de-Calais à verser à Mme E... une somme qui excéderait le montant de ses conclusions indemnitaires. Le moyen d'irrégularité tiré de ce que le tribunal aurait statué ultra petita ne peut ainsi qu'être écarté.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne le cadre juridique applicable :
8. Le maître d'ouvrage est responsable, même en l'absence de faute, des dommages que les ouvrages publics dont il a la garde peuvent causer aux tiers tant en raison de leur existence que de leur fonctionnement. Il ne peut dégager sa responsabilité que s'il établit que ces dommages résultent de la faute de la victime ou d'un cas de force majeure. Dans le cas d'un dommage causé à un immeuble, la fragilité ou la vulnérabilité de celui-ci ne peuvent être prises en compte pour atténuer la responsabilité du maître de l'ouvrage, sauf lorsqu'elles sont elles-mêmes imputables à une faute de la victime. En dehors de cette hypothèse, de tels éléments ne peuvent être retenus que pour évaluer le montant du préjudice indemnisable. Enfin, les tiers sont tenus de démontrer le caractère grave et spécial du préjudice qu'ils subissent lorsque le dommage ne présente pas un caractère accidentel.
9. En l'espèce, Mme E... doit être regardée comme ayant la qualité de tiers par rapport à l'accessoire à un ouvrage public que constitue le peuplier d'Italie implanté à proximité immédiate de l'immeuble dont elle est propriétaire, dans la cour du collège du Caraquet, ouvrage public départemental.
En ce qui concerne l'engagement de la responsabilité sans faute du département du Pas-de-Calais :
10. En premier lieu, le rapport d'expertise en date du 12 janvier 2020, qui a été établi au contradictoire du département du Pas-de-Calais et de Mme E... et dont il ne résulte pas de l'instruction qu'il serait entaché d'irrégularité, conclut, après deux visites sur place et l'analyse de l'ensemble des dires transmis à l'expert, notamment par le conseil du département, que les désordres affectant le bâtiment situé 103 rue Roger Salengro à Desvres sont consécutifs à un phénomène de dessiccation des sols directement lié à la présence d'un peuplier d'Italie situé à environ 10 mètres, sur le parking du collège du Caraquet à Desvres. Pour parvenir à cette conclusion, l'expert s'est appuyé sur les résultats de sondages réalisés au cours de l'expertise ayant révélé la présence de racines de cet arbre sous les fondations de la maison et, d'autre part, sur le constat de l'apparition sur la voirie et sur le parking, à équidistance de ce peuplier, de fissures dans le prolongement de celles constatées sur le bâtiment. Il a également rappelé les besoins en eau extrêmement importants des peupliers d'Italie, à savoir 400 litres par jour en moyenne. Cette conclusion de l'expert quant à l'imputation des désordres à une dessication due directement à la présence d'un peuplier d'Italie était par ailleurs également celle à laquelle était parvenue la société Uretek, spécialisée dans la stabilisation d'immeuble, qui avait émis un diagnostic le 6 décembre 2018 dans lequel elle indiquait que " en prenant en compte ce qui a pu être observé et le secteur géographique, on peut supposer que les désordres sont dus soit à une modification de l'état hydrique du sol provoqué par la présence d'un arbre imposant à proximité de la construction, soit à une fuite de réseau ", cette seconde hypothèse n'ayant pas été vérifiée par la suite.
11. Dans ces conditions, il résulte de l'instruction, contrairement à ce que soutient le département du Pas-de-Calais, que les dommages subis par l'immeuble situé au n°103 de la rue Roger Salengro à Desvres dont Mme E... est propriétaire lui ont bien été causés directement, certainement et exclusivement par le peuplier d'Italie implanté sur le parking du collège du Caraquet, ouvrage public dont il avait la garde. Si ce dommage ne présente par ailleurs pas un caractère accidentel, il résulte également de l'instruction que les dommages subis par l'intimée ont bien présenté un caractère grave et spécial.
12. En second lieu, s'il résulte de ce qui a été dit au point 8 que le département du Pas-de-Calais pourrait, le cas échéant, se prévaloir, d'une faute commise par Mme E..., laquelle a la qualité de victime dans le présent litige, pour s'exonérer de sa responsabilité ou l'atténuer, il résulte de l'instruction, ainsi que l'a jugé le tribunal dans son jugement du 14 mars 2023, que l'intéressée a pris l'attache de son assureur en 2013 quand de premières fissures sont apparues dans l'immeuble en litige et que ce dernier a diligenté une expertise amiable. Aucun élément au dossier ne permet d'établir que cette expertise aurait conclu à la nécessité de travaux à la charge de la propriétaire qu'elle n'aurait pas exécutés. Par ailleurs, il n'est pas contesté par le département que Mme E... n'a plus par la suite été alertée par ses locataires de nouveaux problèmes structurels touchant l'immeuble implanté au n°103 de la rue Roger Salengro avant octobre 2017. A cette date, elle a de nouveau saisi son assureur qui a diligenté une nouvelle expertise amiable, a contacté la société Gaz de France le 14 novembre 2017 afin de s'assurer que les désordres n'étaient pas susceptibles d'entrainer un risque d'explosion et a missionné une société en vue d'obtenir un devis pour des travaux de confortement du bâtiment, devis qu'elle a validé le 29 novembre 2017. Si ces mesures de confortement n'ont pas fait obstacle à l'évolution des désordres, plus particulièrement à l'évolution des fissures constatée par l'expert, une telle circonstance ne saurait caractériser une faute dès lors que Mme E..., qui n'est pas sachante, n'était pas à même de prendre les mesures utiles avant le dépôt par l'expert désigné par le tribunal de grande instance de Boulogne-sur-Mer de son rapport définitif en janvier 2020. Il ne résulte enfin pas de l'instruction et n'est d'ailleurs pas même allégué que, l'intimée aurait commis une faute en ne procédant pas avec suffisamment de célérité aux travaux préconisés par l'expert.
13. Dans ces conditions, il y a lieu de mettre à la charge du département du Pas-de-Calais l'intégralité des préjudices subis par Mme E... du fait du dommage de travaux publics dont elle a été victime et qui demeurent à sa charge.
En ce qui concerne le montant de l'indemnisation due par le département du Pas-de-Calais :
S'agissant des préjudices matériels :
14. En premier lieu, il résulte de l'instruction que Mme E... s'est acquittée de frais de sondages, utiles à l'élaboration du rapport d'expertise, pour un montant de 2 820 euros. Par ailleurs, compte tenu de l'évolution des fissures, elle a été contrainte de faire réaliser des travaux de confortement et de mise en sécurité du bâtiment pour un montant dûment justifié de 11 892 euros.
15. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction, notamment du rapport de l'expert judiciaire non sérieusement contesté sur ces points par le département du Pas-de-Calais dans sa requête d'appel, que les travaux de remise en état du bien peuvent être évalués à la somme de 183 329, 39 euros HT soit 219 995, 27 euros TTC. Par ailleurs, postérieurement à ce rapport, un incendie a partiellement détruit l'immeuble dont Mme E... est propriétaire le 25 août 2020, sans pour autant rendre impossible sa remise en état telle qu'envisagée par l'expert. Il est constant que l'intimée a accepté l'offre d'indemnisation de son assureur au titre de la protection incendie et qu'ont été pris en charge à ce titre des frais que l'expert judiciaire estimait initialement imputables au dommage de travaux public causé par le peuplier d'Italie, notamment les travaux de reprise de la charpente et de la toiture. Mme E... a produit un tableau de dommages établi par son assureur et justifiant, au regard des devis qui avaient été pris en compte par l'expert judiciaire, les travaux estimés nécessaires par l'expert et ayant fait l'objet d'un refus de prise en charge assurantielle au titre du risque incendie, soit une somme de 48 175 euros TTC relativement aux travaux à effectuer par l'entreprise Level et Louasse et une somme de 44 493 euros TTC relativement aux travaux à effectuer par l'entreprise MCA. Aucune pièce au dossier n'est de nature à contredire ce document quant à l'imputabilité de ces sommes au dommage de travaux publics causé par le peuplier d'Italie et quant à l'absence d'indemnisation de la victime par son assurance incendie à ce titre. Ainsi, contrairement à ce que soutient le département du Pas-de-Calais qui se prévaut de l'interdiction d'une double indemnisation d'un même préjudice, l'indemnisation restant due à Mme E... au titre des travaux de remise en état de son immeuble imputable au peuplier d'Italie s'élève bien à une somme de 92 668 euros TTC.
16. Il en résulte que le montant total de ses préjudices imputables doit être fixée à la somme de 107 380 euros.
17. En troisième lieu, au titre de l'appel incident, Mme E... sollicite que la somme de 107 380 euros qui lui est due par le département du Pas-de-Calais soit réévaluée au jour du présent arrêt pour tenir compte de l'évolution du coût de la construction.
18. Toutefois, s'il appartient au juge administratif d'assurer une entière réparation des préjudices subis, l'évaluation des conséquences dommageables des désordres doit être effectuée à la date où, leur cause ayant pris fin et leur étendue étant connue, il pouvait être procédé aux travaux destinés à les réparer, soit en l'espèce, à la date de remise du rapport de l'expert judiciaire désigné par le tribunal de grande instance de Boulogne-sur-Mer. Cette évaluation ne saurait, s'agissant d'un préjudice résultant des conséquences dommageables de désordres sur un immeuble, être réévaluée en fonction de l'évolution des coûts de construction intervenue postérieurement à cette date.
19. En l'espèce, alors que Mme E... ne fait pas valoir que les devis sur lesquels s'étaient fondés l'expert judiciaire pour évaluer le coût des travaux de remise en état de l'immeuble auraient dû être réévalués à la date de remise de son rapport, il n'y a par conséquent pas lieu d'actualiser la somme de 107 380 euros mentionnée au point 15.
20. Les préjudices matériels indemnisables subis par l'intimée doivent par suite être fixée à ladite somme de 107 380 euros.
S'agissant du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence :
21. Il résulte de l'instruction que le dommage de travaux publics dont a été victime Mme E... l'a contrainte à l'engagement de nombreuses démarches devant le juge judiciaire et au suivi d'un important chantier de remise en état de son bien, excédant ce qui est normalement attendu d'un propriétaire-bailleur. Quand bien même il ne résulte pas de l'instruction que son état dépressif en février 2022 lui aurait été directement causé par ce dommage, elle est donc bien fondée à soutenir, par la voie de l'appel incident, que c'est à tort que le tribunal administratif a refusé de l'indemniser de son préjudice moral et des troubles dans ses conditions d'existence qui sont imputables au dommage de travaux publics en litige.
22. Dans les circonstances de l'espèce, il sera fait une juste appréciation de ceux-ci en les fixant à la somme totale de 1 000 euros.
23. Il en résulte que l'indemnisation totale due par le département du Pas-de-Calais à Mme E... doit être portée à la somme de 108 380 euros, déduction à faire de la provision de 111 000 euros qui lui a déjà été versée en réparation de ses préjudices matériels.
En ce qui concerne l'appel en garantie de la compagnie GENERALI IARD présenté par le département du Pas-de-Calais :
24. Aux termes de l'article L. 114-1 du code des assurances : " Toutes actions dérivant d'un contrat d'assurance sont prescrites par deux ans à compter de l'événement qui y donne naissance (...) ". Aux termes de l'article L. 114-2 du même code : " La prescription est interrompue par une des causes ordinaires d'interruption de la prescription et par la désignation d'experts à la suite d'un sinistre. L'interruption de la prescription de l'action peut, en outre, résulter de l'envoi d'une lettre recommandée avec accusé de réception adressée par l'assureur à l'assuré en ce qui concerne l'action en paiement de la prime et par l'assuré à l'assureur en ce qui concerne le règlement de l'indemnité ". Aux termes de l'article R. 112-1 de ce code : " Les polices d'assurance (...) doivent rappeler (...) la prescription des actions dérivant du contrat d'assurance (...) ".
25. Il résulte des dispositions de l'article R. 112-1 du code des assurances que, pour assurer une information suffisante des assurés sur ce point, les polices d'assurance entrant dans le champ d'application de cet article doivent rappeler les règles de prescription des actions dérivant du contrat d'assurance, y compris les causes d'interruption de celles-ci, qu'elles soient prévues par le code des assurances ou par le code civil. A défaut, l'assureur ne peut opposer à l'assuré la prescription prévue à l'article L. 114-1 précité.
26. En l'espèce, le contrat d'assurance Responsabilité civile souscrit par le département du Pas-de-Calais auprès de la société Generali IARD se borne à stipuler, en l'article 20 de ses dispositions générales, que " toute action dérivant du présent contrat est prescrite par deux ans. Ce délai commence à courir du jour de l'événement qui donne naissance à cette action, dans les conditions déterminées par les articles L. 114-1 et L. 114-2 du code des assurances (...) . " Il ne rappelle donc pas l'ensemble des règles de prescription des actions liées à ce contrat, notamment les causes d'interruption prévues par le code civil en ses articles 2224, 2239, 2241 et 2242, lesquels sont relatifs aux conditions dans lesquelles une demande adressée à un juge de diligenter une expertise interrompt le délai de prescription. A défaut d'une information suffisante sur ce point, l'appelant est fondé à soutenir que la société Generali IARD ne peut se prévaloir, contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, de la prescription biennale prévue par l'article L. 114-1 du code des assurances. Par suite, le département du Pas-de-Calais est fondé soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté sa demande d'appel en garantie de son assureur au motif de sa prescription.
27. Pour la première fois en appel, la société Generali IARD fait cependant valoir que l'appel en garantie du département du Pas-de-Calais doit être également rejeté du fait de la déchéance de sa garantie responsabilité civile en raison d'une déclaration tardive de sinistre, conformément à l'article 13 du contrat.
28. Aux termes de cet article, " L'assurée doit, sous peine de déchéance (sauf en cas fortuit ou de force majeure), dès qu'elle en a connaissance, et au plus tard dans les cinq jours, donner avis du sinistre par écrit - de préférence par lettre recommandée - ou verbalement contre récépissé, au siège de l'assureur ou de l'agence indiquée sur la police. Elle doit en outre : / (...) / 2°) indiquer dans la déclaration de sinistre ou, en cas d'impossibilité, dans une déclaration ultérieure faite dans le plus bref délai, la date et les circonstances du sinistre, ses causes connues ou présumées, les noms et adresses des personnes lésées et, si possible, des témoins ainsi que la nature et le montant approximatif des dommages, des garanties souscrites sur les mêmes risques auprès d'autres assureurs : / 3°) transmettre à l'assureur, dès réception, tous avis, lettres, convocations, assignations, actes extrajudiciaires et pièces de procédure qui seraient adressés, remis ou signifiés à elle-même ou à un de ses préposés concernant le sinistre susceptible d'engager la responsabilité de l'assurée. / Faute pour l'assurée de se conformer aux obligations prévues aux § 2° et 3°) ci-dessus, sauf cas fortuit ou force majeure, l'assureur peut réclamer une indemnité proportionnée au préjudice que ce manquement peut lui causer. ". Aux termes par ailleurs de l'article L. 113-2 du code des assurances : " L'assuré est obligé : (...) 4° De donner avis à l'assureur, dès qu'il en a eu connaissance et au plus tard dans le délai fixé par le contrat, de tout sinistre de nature à entraîner la garantie de l'assureur. Ce délai ne peut être inférieur à cinq jours ouvrés. / Ce délai minimal est ramené à deux jours ouvrés en cas de vol et à vingt-quatre heures en cas de mortalité du bétail. / Les délais ci-dessus peuvent être prolongés d'un commun accord entre les parties contractantes. / Lorsqu'elle est prévue par une clause du contrat, la déchéance pour déclaration tardive au regard des délais prévus au 3° et au 4° ci-dessus ne peut être opposée à l'assuré que si l'assureur établit que le retard dans la déclaration lui a causé un préjudice. Elle ne peut également être opposée dans tous les cas où le retard est dû à un cas fortuit ou de force majeure. ".
29. Si la compagnie Generali IARD soutient que le caractère tardif de la déclaration du sinistre par le département du Pas-de-Calais lui a porté préjudice en la privant de la possibilité de participer aux opérations d'expertise ordonnée par le juge judiciaire, il ne résulte pas de l'instruction que ce délai ait pu avoir une incidence sur la détermination des causes du dommage de travaux publics en litige. De même, si elle fait valoir un préjudice consistant à ne pas avoir été mise en cause dans la procédure de référé provision enregistrée au greffe du tribunal administratif de Lille n° 2004231, cette circonstance est sans incidence dès lors que les droits définitifs à indemnisation de M. et Mme D... et par suite l'étendue éventuelle du droit du département à se voir garantir par la compagnie des indemnisations mises à sa charge sont arrêtés à l'issue de la présente procédure, qui a été rendue au contradictoire de Generali IARD. Enfin, il ne résulte pas de l'instruction que le caractère tardif de la déclaration du sinistre par le département du Pas-de-Calais aurait conduit à aggraver les préjudices de pertes d'exploitation et de frais d'expertise devant le juge judiciaire que le présent arrêt retient comme imputables. Par suite, la compagnie Generalli IARD n'est pas fondée à se prévaloir de la déchéance prévue par le 1er alinéa de l'article 13 précité pour refuser de prendre en charge les conséquences financières du dommage de travaux publics en litige.
30. Enfin, si la compagnie Generali IARD se prévaut également des 2° et 3° de cet article, ceux-ci ne lui permettent pas de refuser sa garantie mais seulement de demander une indemnisation proportionnée à ses préjudices, préjudices dont elle n'établit pas l'existence comme il l'a été dit.
31. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que le département du Pas-de-Calais est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté ses conclusions tendant à ce qu'il soit garanti des condamnations prononcées à son encontre.
32. Il y a ainsi lieu de juger que le département sera garanti par la compagnie Generali IARD à hauteur d'une somme de 1 000 euros au titre de l'indemnité due à Mme E... en réparation de son préjudice moral et des troubles dans ses conditions d'existence.
33. En revanche, il ne résulte pas de l'instruction et n'est d'ailleurs pas même allégué que la somme de 111 000 euros versée, pour le compte du département, par la société MALJ à Mme E... au titre de ses préjudices matériels en exécution de l'ordonnance de référé provision ne l'aurait été que temporairement et qu'un remboursement de la MALJ par le département du Pas-de-Calais serait intervenu ou interviendrait nécessairement à l'avenir. Dans ces conditions, pour éviter une double indemnisation, et sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par la compagnie Generali IARD tirée d'un tel risque de double indemnisation, il n'y a pas lieu de faire droit à l'appel en garantie de la société Generali IARD sollicité par le département dans la mesure où il porte sur une somme excédant 1 000 euros.
Sur les conclusions présentées par M. et Mme D... :
34. M. et Mme D... ont été appelés à l'instance n° 23DA00885 en qualité de simples observateurs par la cour, qui leur a communiqué la requête présentée pour le département du Pas-de-Calais par un courrier du 18 juillet 2023. Cette seule circonstance n'a pas eu pour effet de leur conférer la qualité de partie à l'instance d'appel. Par suite, les mémoires produits pour M. et Mme D... ne constituent pas une intervention en défense, assortie de moyens propres, mais de simples observations. En cette qualité d'observateurs, M. et Mme D... ne sont pas recevables à présenter des conclusions propres dans le cadre de l'instance introduite par le département du Pas-de-Calais et l'intégralité de leurs conclusions doit être rejetée pour ce motif, ainsi que les parties en ont été informées le 5 décembre 2024 sur le fondement de l'article R. 611-7 du code de justice administrative.
Sur les frais non compris dans les dépens de la première instance :
35. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Les parties peuvent produire les justificatifs des sommes qu'elles demandent et le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".
36. Il ne résulte pas de l'instruction qu'en fixant à son article 2 de son jugement contesté à 3 000 euros la somme due par le département du Pas-de-Calais à Mme E... en application de ces dispositions, le tribunal administratif de Lille, qui pouvait valablement en déterminer forfaitairement le montant, sans s'en tenir aux factures ou notes d'honoraires versées aux débats, et quelles que soient les clauses des conventions en vertu desquelles elles ont été établies, aurait fait une appréciation insuffisante, eu égard aux circonstances de l'espèce, à la complexité du litige et aux considérations d'équité, des frais non compris dans les dépens devant être remboursés à l'intimée.
37. Par suite, Mme E... n'est pas fondée à demander au tribunal l'annulation dudit article 2 en tant qu'il limite à 3 000 euros la somme qui lui est due par le département du Pas-de-Calais en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Sur les frais de la présente instance :
En ce qui concerne l'application de l'article R. 731-1 du code de justice administrative :
38. Aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : " Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat. / (...) ".
39. Les frais et honoraires supportés au titre d'une expertise ordonnée par le juge judiciaire n'étant pas inclus dans les dépens au sens des dispositions de l'article précité, ils ne peuvent à ce titre être mis à la charge du département du Pas-de-Calais à ce titre. En tout état de cause, Mme E... ne justifie pas d'une quelconque somme exposée au titre de cette expertise judiciaire.
40. Par ailleurs, les frais exposés pour la défense de ses intérêts dans le cadre de la procédure de référé provision, ainsi d'ailleurs que dans le cadre de la procédure de référé introduite devant le tribunal de grande instance de Boulogne, ne constituent pas davantage des dépens de la présente instance.
41. Par suite, les conclusions présentées par l'intimée au titre des dépens de l'instance doivent être rejetées.
En ce qui concerne l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
42. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du département du Pas-de-Calais une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par Mme E... et non compris dans les dépens, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
43. Il n'y a en revanche pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par le département du Pas-de-Calais à l'encontre de la compagnie Generali IARD sur le même fondement.
44. Les dispositions du même article font enfin obstacle à ce que la somme demandée à ce titre par le département du Pas-de-Calais, partie perdante dans cette mesure, soit mise à la charge de Mme E..., ainsi qu'à ce que la somme demandée à ce titre par la compagnie Generali IARD, partie perdante dans cette mesure, soit mise à la charge du département du Pas-de-Calais.
DÉCIDE :
Article 1er : L'indemnité due par le département du Pas-de-Calais à Mme E... est fixée à 108 380 euros, compte-non tenu de la somme de 111 000 euros versée à l'intéressé à titre provisionnel.
Article 2 : La compagnie Generali IARD garantira le département du Pas-de-Calais à hauteur d'une somme de 1 000 euros au titre de l'indemnisation due à Mme E... en réparation de son préjudice moral et des troubles dans ses conditions d'existence.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Lille en date du 14 mars 2023 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : Le département du Pas-de-Calais versera à Mme E... la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête et des demandes des parties sont rejetées.
Article 6 : Les conclusions présentées par Mme B... D... et M. A... D..., observateurs, sont rejetées.
Article 7 : Le présent arrêt sera notifié au département du Pas-de-Calais, à Mme C... E..., à la Compagnie Generali IARD, à Mme B... D... et M. A... D....
Délibéré après l'audience du 9 janvier 2025, à laquelle siégeaient :
- Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre,
- Mme Isabelle Legrand, présidente-assesseure,
- M. Vincent Thulard, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 janvier 2025.
Le rapporteur,
Signé : V. Thulard
La présidente de la 1ère chambre
Signé : G. Borot
La greffière,
Signé : N. Roméro
La République mande et ordonne au préfet du Pas-de-Calais en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière en chef,
Par délégation,
La greffière,
Nathalie Roméro
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N°23DA00885