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16/01/2025 | FRANCE | N°23DA01764

France | France, Cour administrative d'appel de DOUAI, 4ème chambre, 16 janvier 2025, 23DA01764


Vu la procédure suivante :





Procédure contentieuse antérieure :



La société par actions simplifiée (SAS) Willefert a demandé au tribunal administratif de Lille, par deux demandes successives, de prononcer, d'une part la décharge, en droits et pénalités, des suppléments de cotisation foncière des entreprises auxquels elle a été assujettie au titre des années 2015 à 2018, dans les rôles de la commune de Provin (Nord), à raison de l'ensemble immobilier à usage industriel qu'elle exploite sur le territoire de cette commune, d'aut

re part, une réduction de la cotisation foncière des entreprises à laquelle elle a été assujetti...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) Willefert a demandé au tribunal administratif de Lille, par deux demandes successives, de prononcer, d'une part la décharge, en droits et pénalités, des suppléments de cotisation foncière des entreprises auxquels elle a été assujettie au titre des années 2015 à 2018, dans les rôles de la commune de Provin (Nord), à raison de l'ensemble immobilier à usage industriel qu'elle exploite sur le territoire de cette commune, d'autre part, une réduction de la cotisation foncière des entreprises à laquelle elle a été assujettie au titre des années 2019 et 2020 dans les rôles de la même commune à raison du même établissement.

Par un jugement nos 2007017, 2104597 du 13 juillet 2023, le tribunal administratif de Lille a, d'une part, réduit les bases de cotisation foncière des entreprises assignées à la SAS Willefert au titre des années 2015 à 2020 à concurrence de l'exclusion de la valeur locative des immobilisations se rapportant au transformateur électrique de haute puissance acquis en 2011, d'autre part, prononcé la réduction de la cotisation foncière des entreprises à laquelle la SAS Willefert a été assujettie au titre des années 2015 à 2020 dans les rôles de la commune de Provin à concurrence de cette réduction de bases d'imposition, enfin, rejeté le surplus des conclusions de ces demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 11 septembre 2023, et par des mémoires, enregistrés le 18 juin 2024 et le 27 octobre 2024, la SAS Willefert, représentée par Me Roumazeille, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il n'a pas fait entièrement droit à ses demandes ;

2°) à titre principal, de prononcer la décharge des suppléments de cotisation foncière des entreprises ainsi que la réduction des impositions primitives restant en litige ;

3°) à titre subsidiaire, de prononcer une réduction de l'ensemble de ces impositions ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 200 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- pour établir les bases imposables contestées, l'administration n'a pas tenu compte des conclusions d'un précédent contrôle qui avait donné lieu à un examen particulièrement approfondi, pour la détermination de la valeur locative imposable de son établissement industriel, des biens dont elle disposait pour les besoins de son activité et dont elle dispose toujours, ni des déclarations successivement souscrites par elle, mais a seulement exploité les montant inscrits en immobilisations à l'actif de son bilan, ce qui a conduit à inclure certains biens à tort dans les bases imposables qui lui ont été assignées au titre des années en litige ;

- il incombe à l'administration, qui s'y est refusée jusqu'alors, de verser à l'instruction tous documents utiles afférents à ce précédent contrôle, à l'issue duquel la valeur locative de son établissement a été établie au titre des années 1999 à 2005 ;

- l'administration supporte la charge de la preuve du bien-fondé des bases imposables qu'elle lui a désormais assignées pour établir les impositions en litige et échoue à administrer cette preuve ;

- elle est fondée à opposer à l'administration, sur le fondement de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales, la position formelle qu'elle a alors prise, à l'issue de ce précédent contrôle, sur sa situation de fait, en ce qui concerne la valeur locative de celles de ses immobilisations qui étaient existantes au 31 décembre 2003, au regard de la loi fiscale et à demander que la valeur alors retenue pour ces établissements soit reprise et seulement actualisée ; ne pas accueillir ce moyen reviendrait à méconnaître, à son détriment, le principe de sécurité juridique ;

- contrairement à ce qu'a retenu, à tort, le tribunal administratif, plusieurs immobilisations, à savoir le sprinkler, ainsi que les autres installations spécifiques anti-incendie, dont certaines n'équipent d'ailleurs pas l'établissement en cause, des rideaux métalliques, des rayonnages, un portail, des tabatières, une plateforme, un candélabre, un placard, des racks, de même que des transformateurs, des chaudières, des générateurs d'air chaud et d'eau chaude et aérothermes, des vestiaires et un abri pour palettes doivent bénéficier de l'exonération prévue pour les outillages par les dispositions du 11° de l'article 1382 du code général des impôts ; par ailleurs et en tout état de cause, une étude concernant l'installation d'un bassin de confinement, ainsi que des travaux de terrassement d'un parc de stationnement ont été inclus à tort dans les bases contestées, alors que ces interventions n'ont pas entraîné de modification notable de la valeur locative de l'établissement ;

- l'administration n'était fondée à prendre en compte que ceux des changements intervenus depuis ce précédent contrôle qui ont conduit à des modifications substantielles de la valeur locative de ses installations ; le paragraphe n°230 de la doctrine administrative publiée le 12 septembre 2012 sous la référence BOI-IF-TFB-40 conforte son analyse.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 décembre 2023, et par des mémoires, enregistrés le 4 septembre 2024 et le 3 décembre 2024, le ministre auprès du Premier ministre, chargé du budget et des comptes publics conclut à ce que la cour constate qu'il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête à concurrence du dégrèvement prononcé en cours d'instance et au rejet du surplus des conclusions de cette requête.

Il soutient que :

- la SAS Willefert ne saurait prétendre, en ce qui concerne notamment les années 2019 et 2020, à une décharge supérieure à celle demandée dans ses réclamations ;

- l'appelante ne critique pas utilement la régularité de la procédure d'imposition mise en œuvre à son égard en soutenant que l'administration n'aurait pas correctement appliqué les règles relatives à la détermination de la valeur locative cadastrale des établissements industriels selon la méthode comptable ;

- la SAS Willefert n'est pas fondée à demander que soient prises en compte, dans le cadre du présent litige, les bases d'imposition antérieurement assignées à deux autres sociétés contribuables à l'issue de contrôle effectués de 2002 à 2005, dès lors qu'elle se trouve dans une situation différente de celles de ces deux sociétés, quand bien même elle est issue de la fusion de celles-ci ; elle ne peut plus utilement invoquer une position formelle qui aurait été prise par l'administration à l'égard de ces sociétés, ni une méconnaissance du principe de sécurité juridique ; dès lors, les conclusions principales de la requête doivent être rejetées et il n'apparaît pas utile que l'administration communique les documents demandés ;

- en ce qui concerne les conclusions subsidiaires, les éléments au titre desquels la SAS Willefert demande le bénéfice de l'exonération prévue pour les outillages par les dispositions du 11° de l'article 1382 du code général des impôts n'y sont pas éligibles, dès lors que, s'agissant des rayonnages, du placard et des racks, ces équipements, en l'absence d'élément de nature à retenir une appréciation contraire, font corps avec la construction et qu'il en est de même des rideaux métalliques, du portail, des tabatières, d'une plateforme et d'un candélabre et, s'agissant de l'installation anti-incendie, qu'il n'est pas établi que ses éléments seraient spécifiquement adaptés aux activités susceptibles d'être exercées dans un établissement industriel ;

- s'agissant des biens acquis à compter de l'année 2011, le tribunal administratif a fait droit à la demande de la SAS Willefert tendant à l'exclusion de la valeur des transformateurs de ses bases imposables ; en revanche, les chaudières, acquises en 2012 et en 2016, au demeurant pour répondre à des besoins différents, et qui font corps avec la construction, ne peuvent bénéficier de l'exonération prévue au 11° de l'article 1382 du code général des impôts ; enfin, il ne peut être tenu pour établi que les équipements correspondant aux deux factures émises en 2013 par la société GLSI Sécurité Incendie se rapporteraient, comme l'allègue la SAS Willefert, sans apporter aucun élément au soutien de cette assertion, à des équipements installés sur un autre site et non à Provin ; en tout état de cause, en l'absence de précision de ces factures, il ne peut davantage être tenu pour établi que ces équipements seraient spécifiquement adaptés aux activités susceptibles d'être exercées dans un établissement industriel ; il en est de même des dépenses se rapportant à l'étude et à l'installation d'un bassin de confinement, de même que de l'acquisition d'un générateur d'air chaud et d'un aérotherme ; enfin, les dépenses d'aménagement d'un parc de stationnement et d'un abri pour palettes ne sont, par nature, pas susceptibles d'être exonérés au titre du 11° de l'article 1382 du code général des impôts, dès lors qu'il s'agit d'une construction ; en revanche, il a été décidé de faire droit aux prétentions de la SAS Willefert pour ce qui concerne les vestiaires et le dégrèvement correspondant a été prononcé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller,

- les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public,

- et les observations de Me Roumazeille, représentant la SAS Willefert.

Une note en délibéré a été enregistrée le 22 décembre 2024, présentée par Me Roumazeille, pour la SAS Willefert.

Considérant ce qui suit :

Sur l'objet du litige :

1. La société par actions simplifiée (SAS) Willefert a pour activité la fabrication, le négoce et la vente de tous articles textiles, en particulier, de literie. Elle exploite notamment, pour les besoins de l'exercice de cette activité, un établissement industriel situé sur le territoire de la commune de Provin (Nord) et dispose aussi, à proximité, d'un bâtiment comportant un atelier et des bureaux. La SAS Willefert a fait l'objet, au cours de l'année 2018, d'une vérification de comptabilité portant sur la période s'étendant du 1er mai 2014 au 30 avril 2017. A l'issue de ce contrôle, le service vérificateur a conclu à une insuffisance des bases imposées, auprès de la SAS Willefert, à la cotisation foncière des entreprises en ce qui concerne l'établissement industriel qu'elle exploite à Provin. L'administration a fait connaître à cette société, par un courrier qu'elle lui a adressé le 23 juillet 2018, les bases imposables qu'elle entendait désormais retenir à ce titre. La SAS Willefert a présenté des observations, qui ont amené l'administration à exclure des bases imposables envisagées certaines immobilisations prises en compte à tort, car ayant disparu ou concernant un autre site. Compte tenu de ces ajustements, les suppléments de cotisation résultant des nouvelles bases assignées à la SAS Willefert ont été mis en recouvrement le 30 avril 2019, à hauteur d'un montant total de 133 328 euros, pénalités incluses.

2. Sa réclamation ayant été rejetée, la SAS Willefert a porté le litige devant le tribunal administratif de Lille en lui demandant, par une première demande, de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des suppléments de cotisation foncière des entreprises auxquels elle a été assujettie au titre des années 2015 à 2018, dans les rôles de la commune de Provin.

3. Par ailleurs, l'administration s'est fondée sur les nouvelles bases d'imposition notifiées à la SAS Willefert pour établir la cotisation foncière des entreprises mise à la charge de cette société au titre de l'année 2019, à hauteur de la somme de 55 835 euros, et de l'année 2020, à hauteur de la somme de 54 925 euros, dans les rôles de la commune de Provin. La SAS Willefert ayant présenté une réclamation tendant à la réduction de ces impositions, qui a été rejetée, elle a porté le litige devant le tribunal administratif de Lille en demandant, par une seconde demande, une réduction de la cotisation foncière des entreprises à laquelle elle a été assujettie au titre des années 2019 et 2020 dans les rôles de la même commune à raison du même établissement.

4. Par un jugement du 13 juillet 2023, le tribunal administratif de Lille, après avoir joint l'examen de ces deux demandes, a, d'une part, réduit les bases de cotisation foncière des entreprises assignées à la SAS Willefert au titre des années 2015 à 2020 à concurrence de l'exclusion de la valeur locative des immobilisations se rapportant au transformateur électrique de haute puissance acquis en 2011, d'autre part, prononcé la réduction de la cotisation foncière des entreprises à laquelle la SAS Willefert a été assujettie au titre des années 2015 à 2020 dans les rôles de la commune de Provin à concurrence de cette réduction de bases d'imposition, enfin, rejeté le surplus des conclusions de ces demandes. La SAS Willefert relève appel de ce jugement en tant qu'il ne lui donne pas entière satisfaction.

Sur l'étendue du litige :

5. Par une décision prise le 5 février 2024, après l'introduction de la requête, le directeur régional des finances publiques des Hauts-de-France et du département du Nord a prononcé le dégrèvement, d'une part, à concurrence de la somme de 143 euros, et, d'autre part, à concurrence de la somme de 139 euros, des cotisations primitives de cotisation foncière des entreprises auxquelles la SAS Willefert a été assujettie au titre, respectivement, des années 2019 et 2020. Dès lors, il n'y a pas lieu, à concurrence de ces montants, de statuer sur les conclusions de la requête de la SAS Willefert tendant à la décharge de ces impositions.

Sur les conclusions principales :

6. En vertu de l'article 1467 du code général des impôts, pour le calcul de la cotisation foncière des entreprises, la valeur locative des biens passibles d'une taxe foncière est calculée suivant les règles fixées pour l'établissement de cette taxe. Aux termes de l'article 1499 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au présent litige : " La valeur locative des immobilisations industrielles passibles de la taxe foncière sur les propriétés bâties est déterminée en appliquant au prix de revient de leurs différents éléments, revalorisé à l'aide des coefficients qui avaient été prévus pour la révision des bilans, des taux d'intérêt fixés par décret en Conseil d'Etat. (...) ".

7. Il résulte de ces dispositions que, pour déterminer la valeur locative cadastrale de l'établissement industriel de Provin, entrant dans les bases imposables à partir desquelles les impositions en litige, mises à la charge de la SAS Willefert, ont été établies, l'administration n'était aucunement tenue de prendre en compte, pour ce qui concerne les installations et équipements alors déjà existants, des conclusions d'un précédent contrôle, auquel l'administration avait procédé de 2002 à 2005, en ce qui concerne la valeur locative des immobilisations à retenir pour établir les bases imposables à la taxe professionnelle due au titre des années 1999 à 2005 pour cet établissement, alors au demeurant que ce précédent contrôle avait été diligenté à l'égard de contribuables distincts, à savoir des sociétés Ets Willefert et E. Willefert, et en ce qui concerne un impôt différent et qu'il portait sur un établissement au sein duquel il n'est pas contesté que des investissements ont été réalisés depuis lors.

8. En revanche, s'agissant d'un établissement dont la nature industrielle n'est pas contestée par l'appelante, il incombait à l'administration, en application des dispositions, citées au point 6, de l'article 1499 du code général des impôts, de déterminer, comme elle l'a fait, la valeur locative des installations et équipements le composant en mettant en œuvre la méthode comptable, visée par ces dispositions, laquelle s'appuie sur l'exploitation des valeurs inscrites à l'actif du bilan et il ne résulte pas de l'instruction qu'elle n'aurait tenu aucun compte, ainsi qu'il est allégué, des déclarations souscrites par la SAS Willefert en ce qui concerne l'établissement en cause. Il suit de là que les moyens tirés, par la SAS Willefert, de ce qu'en ne tenant pas compte des conclusions de ce précédent contrôle, ni des déclarations souscrites pour ce site, l'administration aurait entaché d'irrégularité la procédure d'imposition mise en œuvre à son égard et méconnu le principe de sécurité juridique, lequel implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l'effet du temps, et non qu'une situation évolutive soit insusceptible de faire l'objet d'appréciations différentes au fil du temps, doivent être écartés.

9. La SAS Willefert n'est pas davantage fondée à invoquer la position prise, à l'issue de ce précédent contrôle, par l'administration sur une situation différente, à l'égard de contribuables différents et au regard d'une loi fiscale et d'un impôt différents, dès lors qu'elle ne peut être regardée, dans ces conditions, comme constituant une prise de position formelle de l'administration sur une situation de fait au regard de la loi fiscale dont l'appelante pourrait se prévaloir sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales.

10. Il résulte de ce qui vient d'être dit, sans qu'il apparaisse utile que l'administration verse à l'instruction des documents relatifs au précédent contrôle mentionné ci-dessus, que la SAS Willefert n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif ne lui a accordé qu'une réduction, et non la décharge, en droits et pénalités, des suppléments de cotisation foncière des entreprises auxquels elle a été assujettie au titre des années 2015 à 2018, à raison de l'établissement industriel qu'elle exploite à Provin, ni que, par le même jugement, ce tribunal ne lui a accordé qu'une réduction insuffisante des cotisations primitives de cotisation foncière des entreprises auxquelles elle a été assujettie, à raison du même établissement, au titre des années 2019 et 2020.

Sur les conclusions subsidiaires :

En ce qui concerne la charge de la preuve :

11. A l'exception des cas, dont ne relève pas l'espèce, où, eu égard à la procédure d'imposition mise en œuvre, la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge de l'impôt, au vu de l'instruction et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si les immobilisations d'une entreprise entrent dans le champ de la cotisation foncière des entreprises et, dans l'affirmative, si le contribuable remplit les conditions légales pour pouvoir prétendre à une exonération de cette cotisation. Par suite, la SAS Willefert n'est pas fondée à soutenir qu'il incombe à l'administration de rapporter la preuve du bien-fondé de l'inclusion, dans les bases imposables à la cotisation foncière des entreprises qui lui ont été assignées, à raison de l'établissement en cause, au titre des années d'imposition en litige, des matériels et équipements qui y sont mis en œuvre.

En ce qui concerne l'assujettissement à la cotisation foncière des entreprises des immobilisations en cause :

12. D'une part, en vertu de l'article 1467 du code général des impôts, la cotisation foncière des entreprises a pour base la valeur locative des biens passibles d'une taxe foncière situés en France, à l'exclusion des biens exonérés de taxe foncière sur les propriétés bâties en vertu des 11° et 12° de l'article 1382, dont le redevable a disposé pour les besoins de son activité professionnelle pendant la période de référence. L'article 1381 de ce code dispose que sont notamment soumis à la taxe foncière sur les propriétés bâties, en vertu de son 1°, les installations destinées à abriter des personnes ou des biens ou à stocker des produits ainsi que les ouvrages en maçonnerie présentant le caractère de véritables constructions tels que, notamment, les cheminées d'usine, les réfrigérants atmosphériques, les formes de radoub, les ouvrages servant de support aux moyens matériels d'exploitation, ainsi que, en vertu de son 2°, les ouvrages d'art et les voies de communication et, en vertu de son 4°, les sols des bâtiments de toute nature et les terrains formant une dépendance indispensable et immédiate de ces constructions à l'exception des terrains occupés par les serres affectées à une exploitation agricole.

13. Entrent dans l'assiette imposable à la cotisation foncière des entreprises non seulement les bâtiments et constructions mentionnés au 1° de l'article 1381 du code général des impôts, mais aussi les biens ou aménagements qui font corps avec eux.

14. La SAS Willefert soutient que des rayonnages, un portail, des tabatières, une plateforme, un candélabre, un placard, des racks, des rideaux métalliques et un abri pour palettes, qui, selon elle, ne sont pas assimilables à des ouvrages de maçonnerie présentant le caractère de véritables constructions, tels que visés au 1° de l'article 1381 du code général des impôts, doivent être exclus de ses bases d'imposition à la cotisation foncière des entreprises. Toutefois, ainsi qu'il a été dit au point précédent, ont vocation à entrer dans ces bases imposables non seulement, conformément aux dispositions du 1° de l'article 1381 du code général des impôts, les ouvrages de maçonnerie présentant le caractère de véritables constructions, mais aussi les biens ou aménagements qui font corps avec ceux-ci. Il en est ainsi, au vu des pièces versées à l'instruction et en l'absence d'élément probant en sens contraire, des rideaux métalliques, des rayonnages, du portail, des tabatières, de la plateforme, du candélabre, du placard, des racks, de même que de l'abri pour palettes, lequel, au vu des photographies produites, apparaît fixé au sol et comme n'ayant pas vocation à être démonté. Dans ces conditions, ces équipements doivent être regardés comme entrant, par nature, dans le champ d'application de la taxe foncière sur les propriétés bâties et, par suite, de la cotisation foncière des entreprises. Dès lors, c'est à bon droit que l'administration a inclus ces éléments dans les bases imposables à la cotisation foncière des entreprises assignées à la SAS Willefert au titre des années 2015 à 2020.

15. D'autre part, aux termes de l'article 1516 du même code, dans sa rédaction applicable au présent litige : " Les valeurs locatives des propriétés bâties et non bâties sont mises à jour suivant une procédure comportant : / - la constatation annuelle des changements affectant ces propriétés ; / - l'actualisation, tous les trois ans, des évaluations résultant de la précédente révision générale ; / - l'exécution de révisions générales tous les six ans. Les conditions d'exécution de ces révisions seront fixées par la loi. ". Aux termes de l'article 1517 du même code, dans sa rédaction applicable : " I. - 1. Il est procédé, annuellement, à la constatation des constructions nouvelles et des changements de consistance ou d'affectation des propriétés bâties et non bâties. Il en va de même pour les changements de caractéristiques physiques ou d'environnement. / (...) ".

16. Il résulte des dispositions précitées du premier alinéa du 1 du I de l'article 1517 du code général des impôts que les immobilisations industrielles, au sens de l'article 1499 du même code, nouvellement inscrites au bilan ou qui auraient dû l'être au cours d'une année civile donnée, ne sont prises en compte pour l'imposition à la taxe foncière sur les propriétés bâties au titre de l'année suivante, dans le cadre de la constatation annuelle des changements prévue par l'article 1516 du même code, que lorsqu'elles correspondent soit à des constructions nouvelles ou à des changements de consistance ou d'affectation, soit à des changements de caractéristiques physiques ou d'environnement. La prise en compte de telles constructions nouvelles ou de tels changements pour la détermination des bases imposables à la cotisation foncière des entreprises obéissent aux mêmes règles, en tenant compte, toutefois, des règles particulières prévues, s'agissant de la période de référence, par l'article 1467 A du code général des impôts.

17. L'administration a inclus dans la valeur locative entrant dans les bases de la cotisation foncière des entreprises assignées à la SAS Willefert au titre des années 2015 à 2020 le coût de revient d'une étude préalable et de travaux concernant l'installation d'un bassin de confinement, pour un montant total de 22 700 euros, ainsi que de travaux de terrassement et d'aménagement, réalisés pour un montant de 30 644,42 euros et que l'appelante associe à l'aménagement d'un parc de stationnement. La SAS Willefert conteste le bien-fondé de la position de l'administration, en soutenant que ces travaux n'ont pas modifié les caractéristiques physiques de l'immeuble et qu'ils ont la nature de travaux de réparation et d'entretien et non celle de travaux d'amélioration ayant entraîné une modification notable de la valeur locative de l'établissement.

18. Toutefois, eu égard à leur objet ainsi qu'à leur montant et en l'absence de tout élément contraire, ces travaux, dont les premiers, selon le ministre, qui n'est pas contredit, n'ont pas eu seulement pour objet, dans le cadre d'une opération unique, d'étudier la mise en place d'un bassin de confinement et d'en assurer la réalisation, mais aussi de mettre à niveau l'ensemble du dispositif de gestion des eaux du site utilisées pour les besoins de l'activité textile et les seconds ne se rapportent pas à l'aménagement d'un parc de stationnement, mais ont consisté à créer des aires de stockage, à construire un auvent et à effectuer les réfections de voirie induites par ces opérations, doivent être regardés non comme correspondant à des réparations courantes ou à des prestations d'entretien, mais comme consistant en des travaux d'amélioration, qui ont d'ailleurs été portés en immobilisations et qui ont eu pour effet de modifier les caractéristiques physiques de l'immeuble. Par suite, c'est à bon droit que l'administration a intégré le coût de revient de ces travaux dans les bases imposables assignées à la SAS Willefert, en matière de cotisation foncière des entreprises, au titre des années 2015 à 2020.

19. La société appelante n'est pas fondée à invoquer, à cet égard, les énonciations du paragraphe n°230 de la doctrine administrative publiée le 12 septembre 2012 sous la référence BOI-IF-TFB-40, lesquelles n'ont trait qu'aux modalités de recueil des informations utiles par l'administration et ne comportent, dès lors et en tout état de cause, aucune interprétation formelle de la loi fiscale au sens de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales.

En ce qui concerne le bénéfice du régime d'exonération applicable aux outillages et autres installations et moyens matériels d'exploitation :

20. Aux termes de l'article 1382 du code général des impôts : " Sont exonérés de la taxe foncière sur les propriétés bâties : / (...) / 11° Les outillages et autres installations et moyens matériels d'exploitation des établissements industriels à l'exclusion de ceux visés aux 1° et 2° de l'article 1381 ; / (...) ". Sont exonérés de la taxe foncière sur les propriétés bâties, en application des dispositions précitées du 11º de l'article 1382 du code général des impôts, et doivent, par suite, être exclus des bases imposables à la cotisation foncière des entreprises, les biens qui font partie des outillages, autres installations et moyens matériels d'exploitation d'un établissement industriel, c'est-à-dire ceux de ces biens qui relèvent d'un établissement qualifié d'industriel au sens de l'article 1499 de ce code, qui sont spécifiquement adaptés aux activités susceptibles d'être exercées dans un tel établissement et qui ne sont pas au nombre des éléments mentionnés aux 1º et 2º de l'article 1381 du même code, c'est-à-dire qu'ils ne constituent ni des installations destinées à abriter des personnes ou des biens ou à stocker des produits, ni des ouvrages en maçonnerie présentant le caractère de véritables constructions tels que, notamment, les cheminées d'usine, les réfrigérants atmosphériques, les formes de radoub, les ouvrages servant de support aux moyens matériels d'exploitation, ces éléments étant mentionnés au 1° de l'article 1381, ni des ouvrages d'art et des voies de communication, mentionnés au 2° de cet article. En revanche, peu importe que ces biens soient ou non dissociables des immeubles.

21. La SAS Willefert soutient que le sprinkler, ainsi que les autres installations spécifiques anti-incendie, dont certaines n'équipent d'ailleurs pas l'établissement en cause, des rideaux métalliques, des rayonnages, un portail, des tabatières, une plateforme, un candélabre, un placard, des racks, de même qu'un transformateur, des chaudières, générateurs d'air chaud et d'eau chaude et aérothermes, des vestiaires et un abri pour palettes sont au nombre des ouvrages ou équipements devant bénéficier de l'exonération prévue au 11° de l'article 1382 du code général des impôts.

22. D'une part, le tribunal administratif a fait droit, par une disposition non contestée du jugement attaqué, au moyen de la SAS Willefert en ce qui concerne le transformateur et, dans le cadre du présent litige, l'administration a admis le bien-fondé de ce moyen en ce qui concerne les vestiaires acquis en 2017 et prononcé, en conséquence, le dégrèvement mentionné au point 5, de sorte qu'il ne subsiste plus de litige en ce qui concerne ces éléments.

23. D'autre part, si le ministre ne conteste pas que les rayonnages, le placards et les racks en cause, que la SAS Willefert a fait installer avant le 31 décembre 2003 et qui demeurent dans sa comptabilité pour les valeurs respectives de 350,63 euros, 1 308,01 euros et 3 048,98 euros, constituent des éléments spécifiquement adaptés aux activités susceptibles d'être exercées dans un établissement industriel, le fait qu'ils soient, ou non, dissociables de l'immeuble étant indifférent, il résulte de l'instruction que ces éléments, au sujet desquels la SAS Willefert, qui est la seule partie susceptible de renseigner la cour sur l'usage auquel ces éléments sont affectés, n'apporte aucune précision, sont au nombre de ceux mentionnés aux 1º de l'article 1381 du même code, dès lors qu'ils constituent, en l'absence de tout élément probant contraire, des installations destinées à stocker des produits. Par suite, la SAS Willefert n'est pas fondée à soutenir que ces biens sont éligibles à l'exonération prévue au 11° de l'article 1382 du code général des impôts.

24. Par ailleurs, ainsi que le fait valoir le ministre, il ne résulte pas de l'instruction que les rideaux métalliques, le portail, les tabatières, la plateforme et le candélabre constitueraient des éléments spécifiquement adaptés aux activités susceptibles d'être exercées dans un établissement industriel, de sorte qu'ils ne peuvent être regardés comme susceptibles de bénéficier de l'exonération prévue au 11° de l'article 1382 du code général des impôts.

25. En revanche, il résulte de l'instruction que l'installation anti-incendie, incluant le sprinkler, le réseau et les robinets associés, de même que les portes coupe-feu et l'alarme, doit être regardée comme nécessitée par la nature de l'activité exercée dans les locaux en cause, qui implique de stocker et de transformer des grandes quantités de matières textiles particulièrement inflammables, et, par suite, comme adaptée et dimensionnée aux activités susceptibles d'être exercées dans un établissement industriel. Dès lors, ces installations doivent, dans les circonstances de l'espèce, être tenues pour éligibles à l'exonération prévue au 11° de l'article 1382 du code général des impôts. Par ailleurs, si la SAS Willefert suggère que certains de ces équipements anti-incendie, pris en compte par l'administration pour déterminer ses bases imposables à la cotisation foncière des entreprises, au titre des années en cause, pour son établissement industriel de Provin, auraient, en réalité, été installés sur un autre site qu'elle exploite à Carvin, les factures et photographies qu'elle verse à l'instruction, qui ne rendent possible aucun rapprochement des informations qu'elles contiennent, ne peuvent, en tout état de cause, suffire à tenir cette objection pour établie.

26. Enfin, comme le fait également valoir le ministre, il ne résulte pas de l'instruction que les chaudières, générateurs d'air chaud et d'eau chaude, de même que les aérothermes, constitueraient des éléments spécifiquement adaptés aux activités susceptibles d'être exercées dans un établissement industriel, de sorte qu'ils ne peuvent être regardés comme éligibles à l'exonération prévue au 11° de l'article 1382 du code général des impôts et il en est de même des dépenses d'étude et d'aménagement du bassin de confinement et du dispositif de traitement des eaux, et des travaux de terrassement et de construction mentionnés au point 17, ainsi que de l'abri pour palettes, ce que confirment, s'agissant de ce dernier élément, les photographies versées à l'instruction.

27. Il résulte de tout ce qui précède que la SAS Willefert est seulement fondée, dans la mesure de ce qui a été dit au point 25, à soutenir que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a insuffisamment fait droit aux conclusions de ses demandes et à demander que l'installation anti-incendie, comprenant le sprinkler, représentant une valeur de 359 956,05 euros, le réseau, soit 7 339,28 euros, et les robinets associés, soit 4 257,90 euros, les portes coupe-feu, pour un montant total de 27 743,13 euros et l'alarme, soit 786,45 euros, non comprise une facture de la société GLSI, d'un montant de 16 411,69 euros et dont l'objet n'est pas identifié, soient exclues de ses bases imposables des années 2015 à 2020 en litige, dans la limite cependant, s'agissant notamment des années 2019 et 2020, des montants des dégrèvements demandés par la SAS Willefert dans ses réclamations.

Sur les frais de procédure :

28. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre une somme de 1 500 euros à la charge de l'Etat, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, au titre des frais exposés par la SAS Willefert et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : A concurrence des montants, d'une part, de 143 euros, et, d'autre part, de 139 euros, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de la SAS Willefert tendant à la décharge des cotisations primitives de cotisation foncière des entreprises auxquelles elle a été assujettie au titre, respectivement, des années 2019 et 2020.

Article 2 : Les valeurs de l'installation anti-incendie, comprenant le sprinkler, le réseau, les robinets associés, les portes coupe-feu et l'alarme, à savoir, respectivement, 359 956,05 euros, 7 339,28 euros, 4 257,90 euros, 27 743,13 euros et 786,45 euros sont exclues des bases imposables à la cotisation foncière des entreprises assignées à la SAS Willefert au titre des années 2015 à 2020.

Article 3 : La SAS Willefert est déchargée, dans la limite des montants des dégrèvements demandés par elle dans ses réclamations, de la cotisation foncière des entreprises à laquelle elle a été assujettie au titre des années 2015 à 2020 à concurrence de la différence entre les cotisations en litige et celles résultant de la réduction de base définie à l'article 2 ci-dessus.

Article 4 : Le jugement nos 2007017, 2104597 du 13 juillet 2023 du tribunal administratif de Lille est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 5 : L'Etat versera à la SAS Willefert la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Willefert et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera transmise à l'administratrice de l'Etat chargée de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.

Délibéré après l'audience publique du 19 décembre 2024 à laquelle siégeaient :

- M. François-Xavier Pin, président-assesseur, assurant la présidence de la formation

de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative ;

- M. Jean-François Papin, premier conseiller ;

- Mme Alice Minet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 janvier 2025.

Le rapporteur,

Signé : J.-F. PapinLe président de la formation

de jugement,

Signé : F.-X. Pin

La greffière,

Signé : E. Héléniak

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Pour la greffière en chef,

Par délégation,

La greffière,

Elisabeth Héléniak

1

2

N°23DA01764

1

3

N°"Numéro"


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23DA01764
Date de la décision : 16/01/2025
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. Pin
Rapporteur ?: M. Jean-François Papin
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : ROUMAZEILLE

Origine de la décision
Date de l'import : 26/01/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-01-16;23da01764 ?
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