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15/01/2025 | FRANCE | N°23DA01922

France | France, Cour administrative d'appel de DOUAI, 3ème chambre, 15 janvier 2025, 23DA01922


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif d'Amiens, d'annuler pour excès de pouvoir, d'une part, l'arrêté du 21 septembre 2023 par lequel le préfet de la Somme, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an, d'autre part, l'arrêté du 21 septembre 2023 par lequel le préfet de la Somme l'a assigné à résiden

ce pour une durée de quarante-cinq jours.'



Par un jugement n° 2303202 du 26 septemb...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif d'Amiens, d'annuler pour excès de pouvoir, d'une part, l'arrêté du 21 septembre 2023 par lequel le préfet de la Somme, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an, d'autre part, l'arrêté du 21 septembre 2023 par lequel le préfet de la Somme l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.'

Par un jugement n° 2303202 du 26 septembre 2023, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 12 octobre 2023, M. B..., représenté par Me Tourbier, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler les deux arrêtés du 21 septembre 2023 par lesquels le préfet de la somme l'a respectivement, d'une part, obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an, d'autre part, assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros hors taxes en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, à charge pour son conseil, de renoncer au bénéfice de la part contributive de l'Etat.

Il soutient que :

- la décision l'obligeant à quitter le territoire français a été prise en violation de son droit à être entendu ;

- elle est insuffisamment motivée, en méconnaissance de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à la réalité des liens familiaux dont il dispose en France ;

- elle porte une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale au regard des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision l'assignant à résidence est entachée d'une erreur d'appréciation et est disproportionnée au regard de l'objectif poursuivi.

La requête a été communiquée au préfet de la Somme, qui n'a pas produit d'observations.

Par une ordonnance du 12 mars 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 9 avril 2024 à 12 heures.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 9 novembre 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Frédéric Malfoy, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... B... ressortissant tunisien né le 24 septembre 1996, déclare être entré en France en 2022. A la suite d'un contrôle d'identité et de son placement en retenue pour vérification du droit au séjour, le préfet de la Somme, par un arrêté du 21 septembre 2023, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement et lui a interdit le retour sur le territoire français avant l'expiration d'un délai d'un an. Par un arrêté du même jour, le préfet de la Somme l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours. M. B... relève appel du jugement par lequel le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces deux arrêtés.

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

2. En premier lieu, si l'appelant réitère le moyen tiré de la méconnaissance de l'obligation de motivation de la décision, au sens des dispositions de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration, il y a lieu, par adoption des motifs figurant au point 7 du jugement attaqué, d'écarter ce moyen.

3. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier, notamment du procès-verbal d'audition signé par le requérant dans le cadre de la procédure de retenue administrative instituée par les dispositions de l'article L. 813-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que M. B... a été entendu le 20 septembre 2023 par les services de police. Au cours de cet entretien, il a, en particulier, été interrogé sur son âge, sa nationalité, sa situation de famille, les raisons et les conditions de son départ de son pays d'origine et de son arrivée et de son séjour sur le territoire français, sur l'existence d'une demande de protection internationale ainsi que sur l'éventualité d'une mesure d'éloignement et la perspective d'un retour dans son pays d'origine, puis a été invité à formuler toute remarque complémentaire. Le requérant a ainsi eu la possibilité de faire valoir utilement les éléments pertinents susceptibles d'influencer la décision du préfet de la Somme sur son éloignement. Il n'est dès lors pas fondé à soutenir que l'obligation de quitter le territoire français a été prise à son encontre en violation du droit de toute personne d'être entendue préalablement à toute mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement, principe général du droit de l'Union européenne et qui implique seulement qu'il ait été mis en mesure de faire valoir, soit oralement soit par écrit, ses observations.

4. En dernier lieu, pour soutenir que la décision de quitter le territoire français porte atteinte à sa vie privée et familiale, M. B... se prévaut de sa relation avec une ressortissante française, avec laquelle il envisage de se marier. S'il produit une attestation de sa compagne ainsi qu'un témoignage des parents de celle-ci en ce qui concerne leur relation et leur projet d'union, il en ressort toutefois que cette rencontre, qui aurait eu lieu en juillet 2022, est récente. Il ne produit par ailleurs aucune justification d'une vie commune, la seule attestation d'EDF datée du 16 aout 2023 pour un contrat d'abonnement commun dans un logement situé à Amiens étant insuffisante à cet égard. Dans ces conditions, et alors que l'intéressé, qui ne justifie d'aucun lien social ou professionnel en France, a vécu en Tunisie jusqu'à l'âge de vingt-cinq ans où il n'allègue pas n'avoir plus de liens familiaux, le préfet de la Somme, en l'obligeant à quitter le territoire français, n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels cette décision a été prise. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation et du défaut d'examen sérieux de sa situation personnelle doivent être écartés.

Sur l'assignation à résidence :

5. Aux termes de l'article L. 731-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut assigner à résidence l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, dans les cas suivants : / 1° L'étranger fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français, prise moins d'un an auparavant, pour laquelle le délai de départ volontaire est expiré ou n'a pas été accordé ; (...) ". Aux termes de l'article L. 732-3 de ce code : " L'assignation à résidence prévue à l'article L. 731-1 ne peut excéder une durée de quarante-cinq jours. / (...) ".

6. M. B..., qui fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français sans délai pour n'être détenteur d'aucun titre l'autorisant à séjourner régulièrement en France, peut être assigné à résidence. S'il soutient que cette mesure le prive de toute liberté d'aller et venir et en particulier qu'elle l'empêcherait de se rendre à Paris pour se procurer les documents devant lui permettre de compléter son projet de mariage, il n'apporte aucun élément de nature à démontrer l'imminence de cette union, ni de la nécessité impérative et urgente de se déplacer pour effectuer personnellement des démarches administratives en dehors du périmètre fixé par l'arrêté en litige. Les modalités d'exécution de cette mesure, en l'occurrence une obligation de présentation, muni de ses effets personnels, les lundis, mercredis et vendredis à 9 h 30 dans les locaux du commissariat de police d'Amiens ne peuvent dès lors être regardées comme disproportionnées.

7. Enfin, compte tenu de ce qui vient d'être dit, le moyen tiré d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la mesure sur sa situation personnelle doit être écarté.

8. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement n° 2303202 du 26 septembre 2023, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées au titre des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., au ministre de l'intérieur et à Me Tourbier.

Copie en sera adressée au préfet de la Somme.

Délibéré après l'audience publique du 17 décembre 2024 à laquelle siégeaient :

- Mme Marie-Pierre Viard, présidente de chambre,

- M. Jean-Marc Guérin-Lebacq, président-assesseur,

- M. Frédéric Malfoy, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 janvier 2025.

Le rapporteur,

Signé : F. Malfoy

La présidente de chambre,

Signé : M.-P. ViardLa greffière,

Signé : C. Huls-Carlier

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Pour la greffière en chef,

par délégation,

La greffière,

C. Huls-Carlier

N° 23DA01922 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23DA01922
Date de la décision : 15/01/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Viard
Rapporteur ?: M. Frédéric Malfoy
Rapporteur public ?: M. Carpentier-Daubresse
Avocat(s) : AARPI QUENNEHEN - TOURBIER

Origine de la décision
Date de l'import : 26/01/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-01-15;23da01922 ?
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