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09/01/2025 | FRANCE | N°24DA01645

France | France, Cour administrative d'appel de DOUAI, 1ère chambre, 09 janvier 2025, 24DA01645


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :



Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Lille :



1°) de l'admettre à titre provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;



2°) d'annuler la décision du 18 avril 2024 par laquelle le préfet du Nord a ordonné son transfert aux autorités italiennes ;



3°) d'enjoindre au préfet du Nord, à titre principal, de lui délivrer une attestation de demande d'asile, d'enregistrer cette demande d'asile et de lui t

ransmettre le dossier de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA), ou, à titre subsidiair...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Lille :

1°) de l'admettre à titre provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;

2°) d'annuler la décision du 18 avril 2024 par laquelle le préfet du Nord a ordonné son transfert aux autorités italiennes ;

3°) d'enjoindre au préfet du Nord, à titre principal, de lui délivrer une attestation de demande d'asile, d'enregistrer cette demande d'asile et de lui transmettre le dossier de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA), ou, à titre subsidiaire, de procéder, , sous astreinte, au réexamen de sa situation en lui délivrant, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Par un jugement n°2404564 du 5 juin 2024, le tribunal administratif de Lille a admis Mme A... à titre provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale (article 1), a annulé la décision du 18 avril 2024 (article 2), a enjoint au préfet du Nord de procéder à un nouvel examen de la situation de Mme A... (article 3), a condamné l'Etat à verser à Me Girsch une somme de 1 000 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique (article 4) et a rejeté le surplus des conclusions de la requête (article 5).

Procédure devant la cour :

Par un mémoire et une requête, enregistrés les 8 et 28 août 2024, le préfet du Nord, représenté par la SELARL Centaures Avocats, doit être regardé comme demandant à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler le jugement du 5 juin 2024 ;

2°) de rejeter la demande de Mme A....

Le préfet soutient que :

- c'est à tort que le tribunal a retenu le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 5 du règlement (UE) 604/2013 du 26 juin 2013 dès lors que l'entretien individuel de Mme A... a été mené par un agent qualifié de la préfecture et qu'en tout état de cause, l'audience devant le tribunal est de nature à remédier à ce vice au stade de l'entretien ;

- les moyens de première instance, tirés du défaut de motivation de l'arrêté, de l'incompétence de son auteur, du défaut d'examen particulier de sa situation personnelle, de la méconnaissance des articles 3.2, 4 et 21 du règlement (UE) n°604/2013, des articles 10, 15 et 19 du règlement 1560/2013, des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et, enfin, de l'erreur manifeste au regard des dispositions de son article 17, ne sont pas fondés ;

- le moyen de première instance tiré de la méconnaissance des articles 31 et 32 du règlement (UE) n°604/2013 est inopérant.

Par un mémoire en défense, enregistré le 30 octobre 2024, Mme B... A..., représentée par Me Pauline Girsch, demande à la cour, par la voie de l'appel incident :

1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;

2°) de rejeter la requête d'appel du préfet du Nord ;

3°) de confirmer le jugement d'annulation du 5 juin 2024 ;

4°) d'enjoindre au préfet du Nord, à titre principal, de lui délivrer une attestation de demande d'asile, d'enregistrer cette demande d'asile et de lui transmettre le dossier de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA) et, à titre subsidiaire, de procéder sous astreinte, au réexamen de sa situation en lui délivrant, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle fait valoir que :

- les éléments relatifs à l'absence de conduite de son entretien par un agent qualifié justifient l'annulation de l'arrêté du 26 avril 2024 pour méconnaissance de l'article 5 du règlement (UE) 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- l'arrêté litigieux a été signé par une autorité incompétente ;

- il est insuffisamment motivé ;

- il est entaché d'un défaut d'examen particulier de sa situation personnelle ;

- il méconnaît l'article 4 du règlement (UE) 604/2013 ;

- il est illégal en l'absence de preuve de saisine des autorités compétentes pour l'examen de sa demande d'asile conformément aux dispositions de l'article 21 du règlement (UE) 604/2013 et des articles 10, 15 et 19 du règlement (CE) n° 1560/2003 du 2 septembre 2003 ;

- il méconnaît les articles 31 et 32 du règlement (UE) 604/2013 ;

- il méconnaît l'article 53-1 de la Constitution et l'article L. 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et méconnaît manifestement l'article 17 du règlement (UE) 604/2013 ;

- - il méconnaît l'article 3.2 du règlement (UE) 604/2013 et les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales compte tenu d'une défaillance systématique dans le système italien d'asile.

Par un courrier en date du 31 octobre 2024, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt à intervenir était susceptible d'être fondé sur des moyens relevés d'office, tirés :

- premièrement, de la tardiveté des conclusions d'appel du préfet du Nord dès lors que celles-ci n'ont été présentées pour la première fois que le 28 août 2024, après expiration du délai d'appel ;

- deuxièmement, de l'irrecevabilité de sa requête au regard des dispositions de l'article R. 411-1 du code de justice administrative dès lors que ses écritures d'appel enregistrées le 8 août 2024 ne contenaient l'exposé d'aucun moyen et que, cette irrégularité n'a pas été régularisée avant expiration du délai de recours contre le jugement du 5 juin 2024 ;

- et, troisièmement, de l'irrecevabilité des conclusions d'appel incident présentées par Mme A... à l'encontre du jugement 5 juin 2024 en tant qu'il rejette ses conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet du Nord de lui délivrer une attestation de demande d'asile, d'enregistrer cette demande d'asile et de lui transmettre le dossier de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA) dès lors que l'appel principal présenté par le préfet du Nord est irrecevable.

Par une ordonnance du 31 octobre 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 18 novembre 2024.

Le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Douai a maintenu par une décision du 5 novembre 2024 le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale accordée à Mme A... le 21 octobre 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution du 4 octobre 1958 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relatif à la création d'Eurodac pour la comparaison des empreintes digitales aux fins de l'application efficace du règlement (UE) n° 604/2013 ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride ;

- la directive n° 2013/33/UE du 26 juin 2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant des normes pour l'accueil des personnes demandant la protection internationale ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Thulard, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... A..., ressortissante guinéenne née le 28 juin 1996, a déposé une demande d'asile le 20 octobre 2023 auprès des services de la préfecture du Nord. Par un arrêté du 18 avril 2024, le préfet du Nord a décidé son transfert aux autorités italiennes. Mme A... a demandé l'annulation de cet arrêté au magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille qui, par un jugement du 5 juin 2024, l'a annulé, a enjoint au préfet du Nord de procéder à un nouvel examen de la situation de Mme A... et a condamné l'Etat à verser à son conseil une somme de 1 000 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Le préfet du Nord interjette appel de ce jugement.

Sur les conclusions d'appel et d'appel incident :

2. En premier lieu, en application de l'article R. 777-3-3 du code de justice administrative alors applicable, le délai d'appel à l'encontre d'un jugement statuant sur un recours un excès de pouvoir à l'encontre d'une décision de transfert d'un étranger vers l'Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile est d'un mois. Le même article dispose que ce délai " court à compter du jour où le jugement a été notifié à la partie intéressée. Cette notification mentionne la possibilité de faire appel et le délai dans lequel cette voie de recours peut être exercée. ".

3. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier et est d'ailleurs constant que le jugement du 5 juin 2024 a été notifié au préfet du Nord le 17 juillet suivant. Cette notification mentionnait la possibilité de faire appel ainsi que le délai d'appel d'un mois applicable. Si le préfet du Nord a transmis à la cour des écritures le 8 août 2024, celles-ci consistaient en la simple production de pièces et elles n'étaient pas assorties de conclusions d'appel. Ce n'est que le 28 août 2024, soit après l'expiration des délais d'appel, que le conseil du préfet a présenté pour la première fois une requête tendant à l'annulation du jugement du 5 juin 2024.

4. Dans ces conditions, les conclusions à fin d'appel présentées par le préfet du Nord sont tardives et ne peuvent être que rejetées comme irrecevables pour ce motif.

5. En second lieu, compte tenu de ce qui vient d'être dit au point 4, les conclusions d'appel incident présentées par Mme A... et tendant à l'annulation du jugement du 5 juin 2024 en tant qu'il n'a pas fait droit à ses conclusions d'injonction présentées à titre principal sont également irrecevables.

Sur les frais de l'instance :

6. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par Mme A... sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

D E C I D E :

Article 1er : La requête du préfet du Nord est rejetée.

Article 2 : Les conclusions d'appel incident de Mme A... tendant à l'annulation du jugement du 5 juin 2024 en tant qu'il n'a pas fait droit à ses conclusions d'injonction présentées à titre principal, ainsi que les conclusions qu'elle a présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à Mme B... A... et à Me Pauline Girsch.

Copie en sera transmise pour information au préfet du Nord.

Délibéré après l'audience du 12 décembre 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Isabelle Legrand, présidente de chambre, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme Isabelle Legrand, présidente-assesseure,

- M. Vincent Thulard, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 janvier 2025.

Le rapporteur,

Signé : V. Thulard

La présidente de la formation de jugement

Signé : I. Legrand

La greffière,

Signé : N. Roméro

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

La greffière en chef,

Par délégation,

La greffière,

Nathalie Roméro

2

N°24DA01645


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 24DA01645
Date de la décision : 09/01/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Legrand
Rapporteur ?: M. Vincent Thulard
Rapporteur public ?: M. Eustache
Avocat(s) : CENTAURE AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/02/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-01-09;24da01645 ?
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