Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... C... et M. A... B... ont demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 12 janvier 2022 par lequel le maire de Douai a délivré à la société Eiffage immobilier Nord-Ouest un permis de construire 66 logements collectifs, répartis en deux immeubles, et d'aménager 66 places de stationnement attenantes sur un terrain cadastré section AZ n°75, situé 388, route de Cambrai, ainsi que la décision implicite de rejet de leur recours gracieux.
Par un jugement avant dire droit n°2205234 du 30 juin 2023, le tribunal administratif de Lille a, sur le fondement des dispositions de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, sursis à statuer sur la requête de M. D... C... et de M. A... B... pour permettre la notification au tribunal d'un acte de régularisation des vices tenant à la méconnaissance, d'une part, des dispositions de l'article UC6 du règlement du plan local d'urbanisme (PLU) de la commune de Douai en tant que la partie sud du bâtiment A n'est pas implantée à l'alignement de la rue de Cambrai, d'autre part, des dispositions de l'article UC13.
Par un jugement n° 2205234 du 14 mars 2024, le tribunal administratif de Lille a rejeté la requête de MM. C... et B....
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 13 mai 2024, M. D... C... et M. A... B..., représentés par la SELARL Grange-Martin-Ramdenie, demandent à la cour :
1°) d'annuler les jugements des 30 juin 2023 et 14 mars 2024 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 12 janvier 2022 par lequel le maire de Douai a délivré à la société Eiffage immobilier Nord-Ouest un permis de construire, ainsi que la décision implicite de rejet de leur recours gracieux ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Douai une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Les appelants soutiennent que :
- les permis de construire contestés méconnaissent les dispositions des articles UC 3.1 et UC 3.2 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Douai ;
- ils méconnaissent manifestement les dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme.
Par un mémoire en défense, enregistré le 5 juillet 2024, la société Eiffage immobilier Nord-Ouest, représentée par l'AARPI Keras Avocats, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge solidaire de MM. C... et B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 9 septembre 2024, la commune de Douai, représentée par la SCP E. Forgeois et Associés, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge de MM. C... et B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- le moyen tiré par les requérants de la méconnaissance des dispositions de l'article UC3 du règlement du plan local d'urbanisme est inopérant ;
- les moyens soulevés par les requérants ne sont en tout état de cause pas fondés.
Par ordonnance du 3 octobre 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au même jour, en application des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Thulard, premier conseiller,
- les conclusions de M. Eustache, rapporteur public,
- et les observations de Me Pasqualin, représentant MM. C... et B..., et de Me Cuvillier, représentant la société Eiffage immobilier Nord-Ouest.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 12 janvier 2022, le maire de Douai a délivré à la société Eiffage immobilier Nord-Ouest un permis de construire 66 logements collectifs, répartis en deux immeubles, et d'aménager 66 places de stationnement attenantes sur un terrain situé 388, rue de Cambrai, parcelle cadastrée section AZ n°75. MM. C... et B..., voisins immédiats de cette parcelle, ont demandé l'annulation de cet arrêté, ainsi que de la décision implicite de rejet de leur recours gracieux, au tribunal administratif de Lille. Par un jugement avant dire droit n° 2205234 du 30 juin 2023, le tribunal a, sur le fondement des dispositions de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, sursis à statuer pour permettre la régularisation des vices tenant à la méconnaissance des dispositions de l'article UC6 du règlement du plan local d'urbanisme (PLU) de Douai en tant que la partie sud du bâtiment A n'est pas implantée à l'alignement de la rue de Cambrai, ainsi que des dispositions de l'article UC13 du même règlement. Le 19 octobre 2023, la société Eiffage immobilier Nord-Ouest a déposé une demande de permis de construire modificatif qui lui a été accordé par un arrêté du maire de Douai en date du 8 janvier 2024. Par un jugement du 14 mars 2024, le tribunal administratif de Lille, estimant que ce permis purgeait les deux vices identifiés dans le jugement avant-dire droit, a rejeté la requête de MM. C... et B.... Ces derniers interjettent appel des jugements des 30 juin 2023 et 14 mars 2024.
Sur le cadre juridique et l'office du juge :
2. Aux termes de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme : " Sans préjudice de la mise en œuvre de l'article L. 600-5, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager ou contre une décision de non-opposition à déclaration préalable estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé, sursoit à statuer, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation, même après l'achèvement des travaux. Si une mesure de régularisation est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. Le refus par le juge de faire droit à une demande de sursis à statuer est motivé. ".
3. D'une part, l'appel formé par le requérant de première instance à l'encontre d'un premier jugement prononçant un sursis à statuer en vue de la régularisation d'une autorisation d'urbanisme, en application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, conserve son objet si le second jugement qui clôt l'instance fait aussi l'objet d'un recours et n'est ainsi pas devenu définitif.
4. D'autre part, lorsqu'un tribunal administratif, après avoir écarté comme non fondés des moyens de la requête, a cependant retenu l'existence d'un vice entachant la légalité du permis de construire dont l'annulation lui était demandée et a alors décidé de surseoir à statuer en faisant usage des pouvoirs qu'il tient de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme pour inviter l'administration à régulariser ce vice, l'auteur du recours formé contre ce jugement avant-dire droit peut contester le jugement en tant qu'il a écarté les moyens dirigés contre l'autorisation initiale d'urbanisme et également en tant qu'il a fait application de ces dispositions de l'article L. 600-5-1.
5. Il en résulte qu'en l'espèce, les appelants sont recevables à contester utilement le jugement avant-dire droit en tant qu'il a écarté les moyens tirés de la méconnaissance de l'article UC3 du règlement du PLU de Douai et de l'erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme.
Sur le bien-fondé des jugements attaqués :
En ce qui concerne la méconnaissance de l'article UC3.2 du règlement du PLU de Douai :
6. Aux termes de l'article UC3 du règlement du PLU de Douai alors applicable, lequel est relatif aux conditions de desserte des terrains par les voies publiques ou privées et d'accès aux voies ouvertes au public : " 3.1 - Accès. / Pour être constructible, un terrain doit avoir au moins un accès à une voie publique ou privée, soit directement, soit par l'intermédiaire d'un passage aménagé sur fonds voisins éventuellement obtenu par application de l'article 682 du Code Civil. / L'accès doit avoir au moins 3 mètres de largeur. Il doit permettre de satisfaire aux exigences de la sécurité, de la défense contre l'incendie et de la protection civile. / Les accès aux voies publiques doivent toujours être soumis à l'avis du gestionnaire de la voie concernée. Lorsqu'une unité foncière est riveraine de deux ou plusieurs voies publiques, l'accès sur celle de ces voies qui présenterait une gêne ou un risque pour la circulation peut être interdit. / 3.2 - Voirie / 3.2.1 - les voies ouvertes à la circulation générale doivent présenter les caractéristiques suivantes : - La destination et l'importance des constructions ou installations doivent être compatibles avec la capacité de la voirie qui les dessert. - Avoir une largeur d'emprise d'au moins 8 mètres dont 5 mètres de chaussée. Toutefois, ces dimensions peuvent être réduites lorsque des caractéristiques inférieures sont justifiées par le parti d'aménagement avec un minimum de 3m de chaussée pour les voies à sens unique. - Les caractéristiques des voies doivent permettre de satisfaire aux exigences de sécurité, de la circulation des personnes à mobilité réduite, de la défense contre l'incendie et de la protection civile, au ramassage des ordures ménagères, aux besoins des constructions et installations envisagées et doivent être soumises à l'avis du gestionnaire de la voie concernée. - Les voies en impasse doivent être aménagées dans leur partie terminale de façon à permettre à tous les véhicules (...) de faire aisément demi-tour. (...) "
7. Il ressort des pièces du dossier que la parcelle AZ n°75 comportait avant travaux en sa partie nord une allée qui permettait d'accéder à la voie publique constituée par la rue de Cambrai. La parcelle AZ n°75 est, par ailleurs, grevée d'une servitude de passage autorisant les seuls propriétaires des parcelles actuellement détenues par MM. C... et B... à emprunter cette allée pour accéder à la rue de Cambrai. Cette allée sera conservée par la société Eiffage immobilier Nord-Ouest dans son emprise et ne fera l'objet que d'aménagements, consistant notamment en un élargissement d'une partie de l'allée donnant directement sur la voie publique, en l'implantation de clôtures et en un déplacement du portail qui en interdit l'accès à tout usager autres que ceux autorisés à l'emprunter. Dans ces conditions, la société pétitionnaire et la commune sont fondées à soutenir que cette allée n'est pas une " voie ouverte à la circulation générale ", au sens et pour l'application de l'article UC 3.2 du règlement du PLU de Douai, mais une voie d'accès aux futures constructions, par ailleurs grevée d'une servitude de passage au profit des appelants. Elle est régie, en conséquence, par l'article UC 3.1. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article UC 3.2 du règlement du PLU de Douai ne peut, dès lors, qu'être écarté comme inopérant.
En ce qui concerne la méconnaissance de l'article UC3.1 du règlement du PLU de Douai et l'erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article R.111-2 du code de l'urbanisme :
8. Aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations. ". Il appartient à l'autorité d'urbanisme compétente et au juge de l'excès de pouvoir, pour apprécier si les risques d'atteintes à la salubrité ou à la sécurité publique justifient un refus de permis de construire sur le fondement de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme, de tenir compte tant de la probabilité de réalisation de ces risques que de la gravité de leurs conséquences, s'ils se réalisent.
9. Il résulte de ce qui a été dit aux points 7 et 8 que les appelants peuvent utilement soutenir que les permis de construire litigieux méconnaissent les dispositions de l'article UC 3.1 du règlement du PLU et sont entachés d'une erreur manifeste au regard de celles de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme.
10. Il ressort des pièces du dossier que la voie d'accès au terrain d'assiette du projet, qui conduit à un parking de 66 places de stationnement ainsi qu'aux deux maisons individuelles propriétés de MM. C... et B..., présente une longueur de 40 mètres, est parfaitement rectiligne et dispose d'une chaussée de 5 mètres de large permettant les croisements et d'une emprise d'environ 8 mètres s'élargissant à 8,75 mètres au droit de la rue de Cambrai. Par ailleurs, contrairement à ce que soutiennent les requérants, aucune disposition n'impose à une telle voie d'accès de permettre aux véhicules l'empruntant de faire demi-tour sur son emprise, alors, au demeurant, que cette manœuvre aura vocation à être réalisée au niveau du parking dédié aux résidents des futurs immeubles auquel elle permet d'accéder. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier que certains véhicules empruntant cette allée seraient amenés à réaliser des demi-tours sur la rue de Cambrai. S'il est vrai que cette dernière est une route départementale n° 647, la circulation des véhicules au droit de la parcelle AZ n°75 y est régulée par un feu tricolore. Aucune pièce du dossier ne permet d'établir un potentiel défaut de visibilité pour les automobilistes s'y engageant depuis la voie d'accès au terrain d'assiette du projet de la société Eiffage Immobilier Nord-Ouest, non plus que pour les véhicules quittant la rue de Cambrai pour s'engager dans cette voie d'accès. Enfin, la circonstance qu'il n'existe pas de cheminement piéton le long de l'allée permettant de desservir les parcelles propriétés des requérants et d'accéder au parking des immeubles projetés ne caractérise pas, en l'espèce, un risque particulier, compte tenu de la largeur de cette voie, de la parfaite visibilité permise par son caractère rectiligne et de la vitesse nécessairement très réduite des véhicules qui l'emprunteront. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que le projet de la société Eiffage immobilier Nord-Ouest méconnaîtrait les dispositions précitées de l'article UC 3.1 du règlement du PLU de Douai et serait entaché d'une erreur manifeste au regard des dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme relatives à la sécurité publique doit être écarté comme non fondé.
11. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que MM. C... et B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par les jugements contestés, le tribunal administratif de Lille a d'abord sursis à statuer en application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme pour permettre la régularisation des vices tenant à la méconnaissance des dispositions des articles UC6 et UC13 du règlement du plan local d'urbanisme de Douai, puis a rejeté leur demande.
Sur les frais de l'instance :
12. En premier lieu, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme demandée à ce titre par les appelants soit mise à la charge de la commune de Douai, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.
13. En second lieu, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par la commune de Douai et par la société Eiffage immobilier Nord-Ouest sur le même fondement.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. C... et de M. B... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de Douai et par la société Eiffage immobilier Nord-Ouest sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... C..., à M. A... B..., à la société Eiffage immobilier Nord-Ouest et à la commune de Douai.
Délibéré après l'audience du 12 décembre 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Isabelle Legrand, présidente-assesseure, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- M. Vincent Thulard, premier conseiller,
- M. Damien Vérisson, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 janvier 2025.
Le rapporteur,
Signé : V. Thulard
La présidente de la formation de jugement,
Signé : I. Legrand
La greffière,
Signé : N. Roméro
La République mande et ordonne au préfet du Nord en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière en chef,
Par délégation,
La greffière,
Nathalie Roméro
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N°24DA00906