Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme D... C..., représentée par Mme B... A..., a demandé au tribunal administratif de Rouen de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire, d'annuler l'arrêté du 5 janvier 2023 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a prononcé son assignation à résidence et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 960 euros au titre du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ou, à titre subsidiaire, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 2300179 du 23 janvier 2023, rectifié par une ordonnance n° 2300179 du 2 février 2023 du président du tribunal administratif de Rouen, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Rouen, après avoir admis Mme C... au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire, a annulé l'arrêté du préfet de la Seine-Maritime du 5 janvier 2023 et a mis à la charge de l'Etat le versement à Me A... d'une somme de 960 euros au titre du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, sous réserve de l'admission définitive de Mme C... au bénéfice de l'aide juridictionnelle et du renoncement de Me A... à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, ou, dans le cas où Mme C... ne serait pas définitivement admise à l'aide juridictionnelle, le versement à cette dernière de la même somme au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 1er février 2023, le préfet de la Seine-Maritime demande à la cour d'annuler ce jugement en tant qu'il met à la charge de l'Etat le versement à Me B... A... d'une somme de 960 euros au titre du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Il soutient que c'est à tort que la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Rouen s'est, sur ce point, fondée sur ce que le maintien de l'assignation à résidence dont Mme C... faisait l'objet, malgré l'annulation contentieuse de l'obligation de quitter le territoire français dont cette mesure visait à assurer l'exécution, contrevenait aux disposition de l'article L. 614-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et qu'elle a procédé à une appréciation erronée des circonstances de l'espèce.
Par un mémoire en défense, enregistré le 1er août 2023, Mme A... conclut au rejet de la requête et demande, en outre, à la cour :
1°) par la voie de l'appel incident, d'enjoindre à l'autorité compétente de procéder au paiement de la somme de 960 euros mise à la charge de l'Etat par le jugement attaqué, assortie des intérêts de retard au taux légal et au taux légal majoré, dans le délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 10 euros par jour de retard ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 900 euros toutes taxes comprises à lui verser au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que le moyen soulevé par le préfet de la Seine-Maritime n'est pas fondé.
Par une ordonnance du 22 août 2023, la clôture de l'instruction a été fixée, en dernier lieu, au 10 octobre 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Dominique Bureau, première conseillère,
- et les conclusions de M. Nil Carpentier-Daubresse, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Mme C..., représentée par Me B... A..., a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 5 janvier 2023 du préfet de la Seine-Maritime prononçant son assignation à résidence pour une durée de quarante-cinq jours. Par un jugement du 23 janvier 2023, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Rouen, après avoir admis Mme C... au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire, a annulé cet arrêté. Par le même jugement, la magistrate désignée a mis à la charge de l'Etat le versement à Me A... d'une somme de 960 euros au titre des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, sous réserve de l'admission définitive de Mme C... au bénéfice de l'aide juridictionnelle et de la renonciation de Me A... à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat ou, dans le cas où Mme C... ne serait pas définitivement admise à l'aide juridictionnelle, le versement à cette dernière de la même somme au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par une décision du 8 février 2023, Mme C... a été définitivement admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale dans le cadre de l'instance ayant donné lieu au jugement du 23 janvier 2023 et Me A... a été désignée comme son avocate. Le préfet de la Seine-Maritime relève appel du jugement du 23 janvier 2023, en tant que ce jugement met à la charge de l'Etat le versement à Me A... de la somme de 960 euros.
Sur l'appel principal du préfet de la Seine-Maritime :
2. D'une part, aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Les parties peuvent produire les justificatifs des sommes qu'elles demandent et le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".
3. D'autre part, aux termes de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " Les auxiliaires de justice rémunérés selon un tarif peuvent renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat et poursuivre contre la partie condamnée aux dépens et non bénéficiaire de l'aide juridictionnelle le recouvrement des émoluments auxquels ils peuvent prétendre. / Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou qui perd son procès, et non bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, à payer à l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, partielle ou totale, une somme qu'il détermine et qui ne saurait être inférieure à la part contributive de l'Etat majorée de 50 %, au titre des honoraires et frais non compris dans les dépens que le bénéficiaire de l'aide aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. / Si l'avocat du bénéficiaire de l'aide recouvre cette somme, il renonce à percevoir la part contributive de l'Etat. S'il n'en recouvre qu'une partie, la fraction recouvrée vient en déduction de la part contributive de l'Etat / (...) ".
4. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mise à la charge d'une personne qui n'est ni tenue aux dépens, ni la partie perdante, une somme au titre des frais exposés par l'autre partie et non compris dans les dépens, ou le paiement à l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle des frais et honoraires que celle-ci aurait exposés si elle n'avait pas obtenu cette aide. Elles reconnaissent à la juridiction le pouvoir d'apprécier, compte tenu de l'équité et de la situation économique de la partie condamnée, s'il y a lieu ou non de mettre à sa charge la totalité, ou une fraction des sommes, non comprises dans les dépens, exposées par l'autre partie ou qu'elle aurait exposées si elle n'avait pas bénéficié de l'aide juridictionnelle, sous réserve, si la juridiction décide de mettre en œuvre les dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, du respect du montant minimum prévu par ces dispositions. Elles ne confèrent ainsi à la partie qui demande à en bénéficier aucun droit à en obtenir l'application en sa faveur.
5. Mme C..., représentée par Me A..., qui a ultérieurement été désignée au titre de l'aide juridictionnelle, a formé le 17 janvier 2023, devant le tribunal administratif de Rouen, un recours dirigé contre l'arrêté du 5 janvier 2023, notifié le 17 janvier 2023, par lequel le préfet de la Seine-Maritime l'a assignée à résidence en vue de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français dont était assortie la décision de refus de titre de séjour contenue dans un arrêté pris par le même préfet le 9 mai 2022. Statuant sur cette action contentieuse, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Rouen a, par le jugement attaqué du 23 janvier 2023, annulé l'arrêté du 5 janvier 2023. L'Etat a donc eu, dans cette instance, la qualité de partie perdante.
6. Par ailleurs, Mme C..., représentée par Me A..., a obtenu l'annulation contentieuse de l'arrêté du 5 janvier 2023 prononçant son assignation à résidence grâce au recours distinct qu'elle a formé contre cet arrêté dans le délai contraint de quarante-huit heures suivant sa notification, prévu par les dispositions de l'article L. 732-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Cette annulation contentieuse a été prononcée par voie de conséquence de l'annulation de l'arrêté du 9 mai 2022, comportant l'obligation de quitter le territoire français que l'arrêté du 5 janvier 2023 visait à exécuter, elle-même prononcée par un jugement du 18 janvier 2023 du tribunal administratif de Rouen fondé sur le caractère disproportionné de l'atteinte portée au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale. Ainsi, si le préfet de la Seine-Maritime soutient que le maintien de l'assignation à résidence de Mme C..., en dépit des dispositions de l'article L. 614-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile imposant qu'il soit immédiatement mis fin aux mesures de surveillance de l'intéressé en cas d'annulation contentieuse de l'obligation de quitter le territoire français qu'elles visent à exécuter, ne justifiait pas par elle-même que les frais et honoraires de l'avocate représentant Mme C... pour contester l'assignation à résidence dont elle faisait l'objet soient supportés par l'Etat, la magistrate désignée n'a pas procédé à une appréciation erronée des circonstances de l'espèce en mettant à la charge de l'Etat la somme de 960 euros sur le fondement des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
7. Dès lors, le préfet de la Seine-Maritime n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée a mis à la charge de l'Etat le paiement de la somme de 960 euros sur le fondement des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Sur l'appel incident de Mme A... :
8. Aux termes de l'article L. 911-9 du code de justice administrative : " Lorsqu'une décision passée en force de chose jugée a prononcé la condamnation d'une personne publique au paiement d'une somme d'argent dont elle a fixé le montant, les dispositions de l'article 1er de la loi n° 80-539 du 16 juillet 1980, ci-après reproduites, sont applicables. /
" Art. 1er. - I. - Lorsqu'une décision juridictionnelle passée en force de chose jugée a condamné l'Etat au paiement d'une somme d'argent dont le montant est fixé par la décision elle-même, cette somme doit être ordonnancée dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision de justice. / Si la dépense est imputable sur des crédits limitatifs qui se révèlent insuffisants, l'ordonnancement est fait dans la limite des crédits disponibles. Les ressources nécessaires pour les compléter sont dégagées dans les conditions prévues par l'ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances. Dans ce cas, l'ordonnancement complémentaire doit être fait dans un délai de quatre mois à compter de la notification. / A défaut d'ordonnancement dans les délais mentionnés aux alinéas ci-dessus, le comptable assignataire de la dépense doit, à la demande du créancier et sur présentation de la décision de justice, procéder au paiement. " / (...) ".
9. Dès lors que ces dispositions permettent à la partie gagnante, en cas d'inexécution d'une décision juridictionnelle passée en force de chose jugée, d'obtenir du comptable public assignataire le paiement de la somme que l'Etat est condamné à lui verser à défaut d'ordonnancement dans le délai prescrit, il n'y a, en principe, pas lieu de faire droit à une demande tendant à ce que le juge prenne des mesures pour assurer l'exécution de cette décision. Il en va toutefois différemment lorsque le comptable public assignataire, bien qu'il y soit tenu, refuse de procéder au paiement.
10. Eu égard à la possibilité, ouverte à Me A... par les dispositions de
l'article L. 911-9 du code de justice administrative, de saisir le comptable public assignataire afin d'obtenir le paiement de la somme de 960 euros, mise à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 par l'article 3 du jugement attaqué du 23 janvier 2023 et confirmé par le présent arrêt qui, statuant en dernier ressort, revêt le caractère d'une décision passée en force de chose jugée, il n'y a pas lieu de faire droit à sa demande, présentée sur le fondement des dispositions des articles L. 911-1 et L. 911-3 du code de justice administrative, tendant à ce qu'il soit enjoint sous astreinte à l'administration de prendre les mesures nécessaires au versement de cette somme, assortie des intérêts légaux.
Sur les frais relatifs à l'instance d'appel :
11. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, une somme de 500 euros au titre des frais exposés par Mme A... dans le cadre de l'instance d'appel et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête du préfet de la Seine-Maritime est rejetée.
Article 2 : Les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte présentées par Mme A... par la voie de l'appel incident sont rejetées.
Article 3 : L'Etat versera à Mme A... une somme de 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à Mme B... A....
Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Maritime.
Délibéré après l'audience publique du 5 novembre 2024 à laquelle siégeaient :
- Mme Marie-Pierre Viard, présidente de chambre,
- M. Jean-Marc Guérin-Lebacq, président-assesseur,
- Mme Dominique Bureau, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 décembre 2024.
La rapporteure,
Signé : D. Bureau
La présidente de chambre,
Signé : M.-P. Viard
La greffière,
Signé : C. Huls-Carlier
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
Pour la greffière en chef,
Par délégation,
La greffière,
C. Huls-Carlier
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N° 23DA00184