Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société à responsabilité limitée (SARL) La Pierre Picarde a demandé au tribunal administratif d'Amiens de prononcer la décharge, en droits et pénalités, d'une part, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2016 et 2017, d'autre part, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre des périodes s'étendant du 1er janvier au 31 décembre 2016 et du 1er janvier au 31 décembre 2018.
Par un jugement n° 2103576 du 7 juillet 2023, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 21 août 2023, B..., représentée par la SCP Dixit Causa, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des suppléments d'impôt sur les sociétés en litige ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la durée de la vérification de comptabilité dont elle a fait l'objet a excédé la durée maximale de trois mois prévue au I de l'article L. 52 du livre des procédures fiscales, qui lui était applicable, eu égard à l'activité de vente ou de fourniture de logements qu'elle exerce et au montant du chiffre d'affaires que celle-ci avait généré, lequel montant était inférieur au seuil visés, pour une telle activité, à l'article 302 septies du code général des impôts ; quand bien même la cour retiendrait que sa comptabilité a été regardée à juste titre comme non probante, ce qu'elle conteste, et que la durée maximale impartie à l'administration pour mener son contrôle serait alors portée à six mois, conformément au 4° du II de l'article L. 52 du livre des procédures fiscales, elle ne pourrait que constater que la durée de la vérification de comptabilité en cause a excédé cette durée ; contrairement à ce qu'a retenu le tribunal administratif, elle est fondée à se prévaloir, à cet égard, des énonciations de la doctrine administrative publiée le 20 décembre 2017 sous la référence BOI-CF-PGR-20-30, ainsi que de celles de la réponse apportée par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie le 24 mars 2003, publiée sous le n°6659 au journal officiel du 24 mars 2003, à un parlementaire, qui confortent son analyse ;
- comme l'ont retenu à juste titre le tribunal administratif et la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, sa comptabilité a été regardée à tort comme non probante par l'administration, alors que les anomalies relevées au cours de la vérification de comptabilité en ce qui concerne l'omission d'enregistrer, en tant qu'immobilisations, deux véhicules sur les onze composant son parc et une prétendue minoration de la valeur d'un immeuble ne pouvaient suffire à justifier cette appréciation ;
- le rappel afférent à la taxe sur la valeur ajoutée qu'elle aurait déduite à tort dans le cadre de l'édification, par ses soins, d'un immeuble sur un terrain lui appartenant n'est pas fondé, tant dans son principe que dans son quantum, alors que cette taxe a été auto-liquidée comptablement et que l'administration a retenu à tort qu'elle aurait dû constituer deux secteurs d'activité distincts ;
- le rappel afférent à la taxe sur la valeur ajoutée qu'il aurait convenu de collecter après l'achèvement du même immeuble n'est pas plus fondé, dans son principe comme dans son montant, l'évaluation de l'immeuble retenue par l'administration étant erronée et les rappels correspondants n'ayant pu légalement être mis à sa charge au titre de la période correspondant à l'année 2018 ; au surplus, dès lors que cette opération avait fait l'objet d'un précédent contrôle, l'administration n'aurait pu lui notifier cette rectification au titre de la période correspondant à l'année 2016 sans méconnaître les dispositions de l'article L. 51 du livre des procédures fiscales ;
- par voie de conséquence, le rehaussement de ses bénéfices imposables correspondant à la prise en compte d'un profit sur le Trésor n'est pas fondé ;
- la rectification afférente à la réintégration d'une provision pour dépréciation de créances sur des clients n'est pas non plus fondée, dès lors que la constitution, à la supposer erronée, de cette provision est intervenue plus de sept ans avant l'ouverture du premier exercice non prescrit, ce qui fait obstacle à ce que le principe d'intangibilité du bilan d'ouverture de cet exercice lui soit opposé ;
- le rehaussement relatif à la prétendue minoration de l'immeuble d'habitation enregistré en immobilisation n'est fondé, ni dans son principe, ni dans son montant, dès lors qu'il repose sur une évaluation erronée de cet élément d'actif ;
- la majoration de 40% prévue, en cas de manquement délibéré, par le a de l'article 1729 du code général des impôts, dont il a été fait application n'est pas fondée, faute pour l'administration d'avoir rapporté la preuve, qui lui incombe en vertu de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales, de l'intention d'éluder l'impôt qu'elle lui prête ; la doctrine administrative publiée le 8 mars 2017 sous la référence BOI-CF-INF-10-20-20 conforte son analyse sur ce point.
Par un mémoire en défense, enregistré le 10 novembre 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- B..., qui a elle-même indiqué dans ses déclarations que son chiffre d'affaires provenait essentiellement de la réalisation de prestations de service, et dont l'activité commerciale prépondérante consiste en la réalisation de maçonnerie, son activité civile de location nue immobilière à usage d'habitation étant marginale, ne peut sérieusement prétendre qu'elle exercerait une activité de fourniture de logements ou de matériaux, pour soutenir qu'eu égard aux montants des chiffres d'affaires qu'elle a réalisés au cours de la période vérifiée, la vérification de comptabilité dont elle a fait l'objet ne pouvait excéder la durée maximale de trois mois prévue au I de l'article L. 52 du livre des procédures fiscales ; à le supposer fondé, ce moyen serait sans incidence sur la régularité des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à la charge de B... au titre de la période allant du 1er janvier 2018 au 31 décembre 2018 à l'issue d'un contrôle sur pièces ; ainsi que l'a retenu à bon droit le tribunal administratif, B... ne peut invoquer, à cet égard, à l'appui d'une critique relative à la régularité de la procédure d'imposition, un extrait de la doctrine administrative sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ;
- la comptabilité de B..., qui présente une valeur de l'actif immobilisé notablement minorée, ayant été à juste titre regardée par le service comme non probante et les rappels de taxe sur la valeur ajoutée et suppléments d'impôt sur les sociétés en litige ayant été établis conformément à l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, cette société supporte la charge de la preuve, en application de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales ;
- l'administration a retenu à bon droit que la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé l'opération de construction, par B..., sur un terrain lui appartenant, d'un immeuble de logements donnés ensuite par elle en location nue à usage d'habitation avait été déduite à tort, cette opération étant exonérée par nature ; contrairement à ce qu'elle soutient, B... a porté sur ses déclarations cette taxe comme déductible, mais n'y a pas porté la taxe collectée sur la livraison de l'immeuble, de sorte que le moyen tiré de ce que cette taxe aurait été auto-liquidée doit être écarté et que cette situation est bien préjudiciable au Trésor ;
- alors que les indices collectés par le service ne permettent pas de retenir, pour cet immeuble, une date d'achèvement antérieure à l'année 2016, le rappel de taxe sur la valeur ajoutée collectée correspondant à la livraison à soi-même de celui-ci a été à bon droit mis à la charge de B... au titre de la période correspondant à l'année 2018, au cours de laquelle une déclaration rectificative mentionnant la taxe omise pouvait encore être valablement souscrite, et la circonstance que cet immeuble a finalement été vendu par cette société en 2019 au prix de 350 000 euros n'est pas, à elle seule, de nature à remettre en cause le prix de revient de celui-ci, tel qu'évalué par le service, au titre de l'année 2016, à hauteur de 531 738 euros ;
- l'administration était, dans ces conditions, fondée, pour déterminer les rehaussements à appliquer aux bénéfices imposables de B..., à tenir compte du profit sur le Trésor correspondant ;
- le maintien en comptabilité de provisions non justifiées a été remis en cause à bon droit par l'administration et la réitération de cette erreur, quand bien même celle-ci trouverait son origine dans une opération inscrite plus de sept ans avant l'ouverture du premier exercice non prescrit, fait obstacle à ce que B... puisse revendiquer un droit à l'oubli ;
- l'administration était fondée à rectifier la minoration, à l'actif du bilan de B..., de la valeur de l'immeuble achevé en 2016 et cette société ne critique pas utilement l'évaluation opérée, à hauteur de 531 738 euros, par le service en soutenant que cet immeuble a finalement été vendu par cette société en 2019 au prix de 350 000 euros ;
- la rectification afférente à la sous-évaluation du terrain d'assiette de cet immeuble est tout autant fondée ;
- en retenant que B... savait que la livraison à soi-même de l'immeuble réalisé par elle générait une taxe sur la valeur ajoutée collectée, puisqu'elle a enregistré celle-ci en comptabilité, mais qu'elle ne l'a pas reportée sur ses déclarations, tandis qu'elle y a fait figurer à tort de la taxe déductible en ce qui concerne la même opération, de sorte qu'elle s'est sciemment constitué un supplément de trésorerie, représentant un montant important, et que cette société a, dans le même temps, notablement minoré la valeur, inscrite à son bilan, de cet immeuble, le service a suffisamment établi l'intention d'éluder l'impôt qui a animé B... et, par suite, le bien-fondé de l'application, aux rappels de taxe sur la valeur ajoutée et suppléments d'impôt correspondants, de la majoration de 40% prévue, en cas de manquement délibéré, par le a de l'article 1729 du code général des impôts.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de la construction et de l'habitation ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
Sur l'objet du litige :
1. La société à responsabilité limitée (SARL) La Pierre Picarde, dont le siège est situé à Creil (Oise), a fait l'objet d'une vérification de comptabilité, portant sur la période s'étendant du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2017. Au terme de ce contrôle, la vérificatrice a mis en évidence des insuffisances de déclarations de chiffre d'affaires au cours de la période correspondant à l'année 2017, ainsi que des déductions de taxe sur la valeur ajoutée pratiquées à tort au titre de la même période et de la précédente, couvrant l'année 2016. En outre, la vérificatrice a estimé que les résultats imposables de B... au titre des exercices correspondants devaient être rehaussés du profit réalisé sur le Trésor, ainsi qu'en conséquence de la réintégration de provisions déduites à tort, d'avantages en nature accordés au personnel et non reportés en comptabilité et de minorations de l'actif immobilisé de l'entreprise. Enfin, une omission de déclaration et d'acquittement de la taxe sur les véhicules de société a été mise en évidence. L'administration a fait connaître à B... son analyse sur ces différents points par une proposition de rectification qu'elle lui a adressée le 19 juin 2019.
2. Par ailleurs, l'administration s'est livrée à un contrôle sur pièces portant sur les déclarations de taxe sur la valeur ajoutée souscrites par B... au titre de la période s'étendant du 1er janvier 2018 au 31 décembre 2018. La vérificatrice a mis en évidence des insuffisances de déclaration de la taxe sur la valeur ajoutée collectée durant cette période. Elle a fait connaître son analyse à B... par une seconde proposition de rectification, qu'elle lui a adressée le 26 septembre 2019.
3. Les observations formulées par B... n'ont pas amené l'administration à reconsidérer son appréciation, pas davantage que les deux avis, d'ailleurs favorables au maintien des rectifications, émis par la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires. Dans ces conditions, les rappels de taxe sur la valeur ajoutée et les suppléments d'impôt sur les sociétés résultant des rectifications notifiées ont été mis en recouvrement le 15 février 2021, à hauteur des montants de, respectivement, 218 177 euros et 147 141 euros, pénalités comprises. Sa réclamation ayant été rejetée, B... a porté le litige devant le tribunal administratif d'Amiens, en lui demandant de prononcer la décharge, en droits et pénalités, d'une part, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2016 et 2017, d'autre part, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre des périodes s'étendant du 1er janvier au 31 décembre 2016 et du 1er janvier au 31 décembre 2018. Elle relève appel du jugement du 7 juillet 2023 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté cette demande.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
4. D'une part, aux termes de l'article L. 52 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable au présent litige : " I. - Sous peine de nullité de l'imposition, la vérification sur place des livres ou documents comptables ne peut s'étendre sur une durée supérieure à trois mois en ce qui concerne : / 1° Les entreprises industrielles et commerciales ou les contribuables se livrant à une activité non commerciale dont le chiffre d'affaires ou le montant annuel des recettes brutes n'excède pas les limites prévues au I de l'article 302 septies A du code général des impôts ; / (...) / II. - Par dérogation au I, l'expiration du délai de trois mois n'est pas opposable à l'administration : (...) / 4° En cas de graves irrégularités privant de valeur probante la comptabilité. Dans ce cas, la vérification sur place ne peut s'étendre sur une durée supérieure à six mois. / (...) / III. - En cas de mise en œuvre du I de l'article L. 47 A, les délais de trois ou six mois prévus, respectivement, au I et au 4° du II du présent article sont suspendus jusqu'à la remise de la copie des fichiers des écritures comptables à l'administration. / (...) ".
5. D'autre part, aux termes du I de l'article 302 septies A du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au présent litige : " Il est institué par décret en Conseil d'Etat un régime simplifié de liquidation des taxes sur le chiffre d'affaires dues par les personnes dont le chiffre d'affaires, ajusté s'il y a lieu au prorata du temps d'exploitation au titre de l'année civile précédente, n'excède pas 789 000 €, s'il s'agit d'entreprises dont le commerce principal est de vendre des marchandises, objets, fournitures et denrées à emporter ou à consommer sur place ou de fournir le logement, ou 238 000 €, s'il s'agit d'autres entreprises. Ces limites s'apprécient en faisant abstraction de la taxe sur la valeur ajoutée et des taxes assimilées. ".
6. Il résulte de l'instruction que B... a pour activité, conformément à son objet social, la réalisation de travaux de maçonnerie tous corps d'état, ainsi que la construction de bâtiments à usage professionnel et d'habitation. Si, comme l'avance cette société, cette activité implique la fourniture des matériaux entrant dans la composition des constructions qu'elle réalise, elle admet elle-même que le coût d'achat de ces matériaux et autres matières premières représente environ 20 % de la valeur ajoutée et environ 30 % du chiffre d'affaires résultant des travaux réalisés. Dans ces conditions, la vente de ces matériaux et autres matières premières ne peut être regardée comme son commerce principal, au sens des dispositions précitées du I de l'article 302 septies A du code général des impôts.
7. En outre, s'il résulte de l'instruction que B... a, sur un terrain dont elle a acquis la propriété, construit, après démolition de l'entrepôt qui y était situé, un immeuble comportant six appartements qu'elle a ensuite donnés en location à usage d'habitation, elle ne conteste pas que les loyers tirés par elle de ces locations sont restés d'une importance marginale au regard du montant de son chiffre d'affaires au cours de la période vérifiée. Par suite, B... ne peut davantage être regardée, au sens des dispositions précitées du I de l'article 302 septies A du code général des impôts, comme ayant pour commerce principal la fourniture de logements.
8. Dans ces conditions, la limite au regard de laquelle il y a lieu d'apprécier le niveau de son chiffre d'affaires est celle de 238 000 euros, prévue par ces dispositions à l'égard des entreprises qui n'ont, pour commerce principal, ni de vendre des marchandises, objets, fournitures et denrées à emporter ou à consommer sur place, ni de fournir le logement.
9. Il résulte de l'instruction, et notamment des propres écritures produites pour B... en appel, que le chiffre d'affaires réalisé par cette entreprise a atteint les montants de 531 337 euros au titre de l'exercice clos en 2015, de 238 709 euros au titre de l'exercice clos en 2016 et de 578 008 euros au titre de l'exercice clos en 2017, supérieurs à cette limite de 238 000 euros. Par suite, la vérification de comptabilité dont cette société a fait l'objet a pu, sans irrégularité, excéder la durée de trois mois qui est prévue au I de l'article L. 52 du livre des procédures fiscales.
10. En admettant même que l'administration ait regardé à tort la comptabilité de B... comme entachée de graves irrégularités de nature à en entacher la valeur probante, cette circonstance demeurerait sans incidence sur la régularité de la procédure d'imposition dès lors que le II de l'article L. 52 du livre des procédures fiscales, dont le 4° limite la durée de la vérification de comptabilité à six mois, ne s'applique que par dérogation au I de cet article L. 52 et que ce I ne concerne que les entreprises dont le chiffre d'affaires ou le montant annuel des recettes brutes n'excède pas les limites prévues au I de l'article 302 septies A du code général des impôts.
11. Enfin, B... n'est, à cet égard, pas fondée à invoquer, sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A, les énonciations de la doctrine administrative publiée le 20 décembre 2017 sous la référence BOI-CF-PGR-20-30, ni celles de la réponse apportée à un parlementaire par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie le 24 mars 2003, publiée sous le n°6659 au Journal officiel du 24 mars 2003, qui, se rapportant à une question relative à la régularité de la procédure d'imposition, ne peuvent, ainsi que l'ont retenu à bon droit les premiers juges, être regardées comme comportant une interprétation formelle de la loi fiscale au sens de ces dispositions.
Sur le bien-fondé des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des suppléments d'impôt sur les sociétés en litige :
En ce qui concerne la charge de la preuve :
12. Aux termes de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales : " Lorsque l'une des commissions ou le comité mentionnés à l'article L. 59 ou le comité prévu à l'article L. 64 est saisi d'un litige ou d'une rectification, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis rendu par la commission ou le comité. / Toutefois, la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission ou du comité. La charge de la preuve des graves irrégularités invoquées par l'administration incombe, en tout état de cause, à cette dernière lorsque le litige ou la rectification est soumis au juge. / (...) ".
13. Il résulte de l'instruction et notamment des mentions de la proposition de rectification adressée le 19 juin 2019 à B... que la vérificatrice a regardé la comptabilité qui lui avait été présentée, dans le cadre de la vérification de comptabilité à laquelle elle a soumis cette entreprise la période s'étendant du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2017, comme insuffisamment sincère et probante, aux motifs, d'une part, que la valeur de l'une des immobilisations inscrites à l'actif du bilan de l'entreprise, à savoir celle d'un ensemble immobilier érigé par B... sur un terrain lui appartenant, était, au terme d'une comparaison avec le prix de revient calculé par le service, notablement minorée et, d'autre part, que l'inscription en immobilisation d'un véhicule de tourisme acquis par l'entreprise en 2014 et mis à la disposition de son personnel avait été omise, tandis que deux autres véhicules, qui n'étaient pourtant plus présents dans le parc de l'entreprise, demeuraient inscrits parmi les immobilisations.
14. Toutefois, les anomalies ainsi relevées, en ce qui concerne la valeur de l'actif immobilisé, par la vérificatrice n'étaient pas de nature à justifier que la comptabilité de B... soit, dans son ensemble, regardée comme privée de valeur probante. Dès lors, l'administration ne peut pas être regardée comme ayant rapporté la preuve, qui lui incombe, des graves irrégularités qu'elle invoque.
15. Par suite et quand bien même les rappels de taxe sur la valeur ajoutée et d'impôt sur les sociétés mis à la charge de B..., à l'issue de cette vérification de comptabilité, au titre, respectivement, de la période allant du 1er janvier 2016 au 31 décembre 2017 et des exercices correspondants, ont été établis conformément à l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, qui a été saisie du litige, l'administration conserve la charge de la preuve du bien-fondé de ces rappels et de ces impositions, notifiées selon la procédure de rectification contradictoire.
16. Par ailleurs, la charge de la preuve du bien-fondé des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à la charge de B... du 1er janvier au 31 décembre 2018, à l'issue du contrôle sur pièces et de la mise en œuvre de la procédure de rectification contradictoire, incombe également à l'administration.
En ce qui concerne le rejet de la comptabilité :
17. Il est constant que, si, lors de la vérification de comptabilité à laquelle elle s'est livrée, la vérificatrice a regardé comme insuffisamment sincère et probante la comptabilité présentée par B... au titre de la période vérifiée, s'étendant du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2017, elle n'a cependant pas écarté ensuite cette comptabilité, ni n'a procédé à une reconstitution extracomptable des recettes taxables et des résultats imposables de l'entreprise.
18. Par suite, si, comme il a été dit, les anomalies relevées par la vérificatrice n'étaient pas de nature à justifier que la comptabilité de B... soit, dans son ensemble, regardée comme privée de valeur probante, cette analyse demeure sans incidence sur le bien-fondé des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des suppléments d'impôt sur les sociétés mis à la charge de l'appelante, à l'issue de cette vérification de comptabilité, au titre, respectivement, de la période allant du 1er janvier 2016 au 31 décembre 2017 et des exercices correspondants.
En ce qui concerne les rappels de taxe sur la valeur ajoutée :
19. En vertu du I de l'article 256 du code général des impôts, sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel.
20. En outre, aux termes de l'article 257 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au présent litige : " I. - Les opérations concourant à la production ou à la livraison d'immeubles sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée dans les conditions qui suivent. / (...) / II. - Les opérations suivantes sont assimilées, selon le cas, à des livraisons de biens ou à des prestations de services effectuées à titre onéreux. / 1. Sont assimilés à des livraisons de biens effectuées à titre onéreux : / (...) / 2° L'affectation par un assujetti aux besoins de son entreprise d'un bien produit, construit, extrait, transformé, acheté, importé ou ayant fait l'objet d'une acquisition intracommunautaire dans le cadre de son entreprise lorsque l'acquisition d'un tel bien auprès d'un autre assujetti, réputée faite au moment de l'affectation, ne lui ouvrirait pas droit à déduction complète. / (...) ".
S'agissant de la rectification en matière de taxe déductible :
21. D'une part, aux termes de l'article 271 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au présent litige : " I. 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération. / (...) / II. 1. Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de leurs opérations imposables, et à la condition que ces opérations ouvrent droit à déduction, la taxe dont les redevables peuvent opérer la déduction est, selon le cas : / a) Celle qui figure sur les factures établies conformément aux dispositions de l'article 289 et si la taxe pouvait légalement figurer sur lesdites factures ; / (...) ".
22. D'autre part, aux termes de l'article 205 de l'annexe II à ce code : " La taxe sur la valeur ajoutée grevant un bien ou un service qu'un assujetti à cette taxe acquiert, importe ou se livre à lui-même est déductible à proportion de son coefficient de déduction. ". Aux termes de l'article 206 de la même annexe, dans sa rédaction applicable au présent litige : " I. - Le coefficient de déduction mentionné à l'article 205 est égal au produit des coefficients d'assujettissement, de taxation et d'admission. / II. - Le coefficient d'assujettissement d'un bien ou d'un service est égal à sa proportion d'utilisation pour la réalisation d'opérations imposables. Les opérations imposables s'entendent des opérations situées dans le champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée en vertu des articles 256 et suivants du code général des impôts, qu'elles soient imposées ou légalement exonérées. / III. - (...) / 2. Le coefficient de taxation d'un bien ou d'un service est nul lorsque les opérations auxquelles il est utilisé n'ouvrent pas droit à déduction. / (...) / IV. - 1. Le coefficient d'admission d'un bien ou d'un service est égal à l'unité, sauf dans les cas décrits aux 2 à 4. / 2. Le coefficient d'admission est nul dans les cas suivants : / (...) / 9° Pour les biens acquis ou construits ainsi que les services acquis dont la valeur d'achat, de construction ou de livraison à soi-même est prise en compte pour l'application des dispositions du e du 1 de l'article 266 du code général des impôts ainsi que de l'article 297 A du code général des impôts ; / (...) ".
23. B... a acquis, le 26 février 2009, la propriété d'un terrain situé à Nogent-sur-Oise (Oise), sur lequel était édifié un immeuble à usage d'entrepôt. Après avoir obtenu un permis de construire portant sur l'édification d'un ensemble immobilier comportant six logements, elle a réalisé elle-même les travaux d'édification s'y rapportant. Elle a, au fur à mesure de l'acquisition des matériaux et services nécessaires à l'exécution des travaux, porté en déduction, sur les déclarations de chiffre d'affaires qu'elle a souscrites au cours de la période correspondante, la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé ces opérations.
24. Cependant, après avoir constaté que B... avait donné en location nue à des particuliers, à usage d'habitation principale, les logements ainsi réalisés, laquelle location constituait une opération exonérée de taxe sur la valeur ajoutée par nature, de sorte que le coefficient d'assujettissement s'y rapportant était nul, la vérificatrice a remis en cause les déductions de taxe ainsi effectuées.
25. B... ne conteste pas avoir porté en déduction la taxe sur la valeur ajoutée qui se rapportait à l'édification d'un ensemble immobilier pourtant affecté ensuite par elle à une activité de location nue exonérée de taxe, mais elle soutient, d'une part, que c'est à tort que l'administration a retenu qu'elle aurait dû constituer comptablement deux secteurs d'activité distincts, l'un correspondant à son activité de réalisation de travaux immobiliers et de construction et l'autre correspondant à son activité de location, et, d'autre part, que la taxe se rapportant à l'opération de livraison à soi-même en cause a, en réalité, été auto-liquidée.
26. Toutefois, d'une part, si, dans la proposition de rectification qu'elle a adressée le 19 juin 2019 à B..., la vérificatrice estime qu'il aurait été souhaitable que cette société constitue comptablement deux secteurs d'activité distincts, cette analyse n'a pas fondé ensuite les rappels de taxe sur la valeur ajoutée contestés, qui, ainsi qu'il a été dit, sont exclusivement fondés sur le motif que la taxe portée en déduction par la société se rapporte à l'édification d'un ensemble immobilier affecté à une activité exonérée de taxe. Par suite, à supposer même que l'appréciation de la vérificatrice concernant l'intérêt de constituer deux secteurs d'activité distincts serait erronée, cette erreur demeurerait sans incidence sur le bien-fondé de ces rappels.
27. D'autre part, si B... a enregistré en comptabilité, au crédit du compte 44757 " TVA collectée sur livraison à soi-même ", la taxe réputée collectée par elle sur la réalisation de l'ensemble immobilier qu'elle a édifié, calculée au regard de la valeur de ce bien telle que portée par elle en immobilisation à l'actif de son bilan, il est constant qu'elle n'a cependant pas reporté le montant de cette taxe collectée sur les déclarations de chiffre d'affaires qu'elle a souscrites au cours de la période durant laquelle la construction de l'ensemble immobilier s'est étalée, lesquelles déclarations comportaient seulement, ce qui n'est pas sérieusement contesté, la mention de la taxe qu'elle entendait porter en déduction, et non la taxe à reverser après imputation.
28. Dans ces conditions, B... n'est pas fondée à soutenir que la taxe rappelée aurait été auto-liquidée, ni, en tout état de cause, que les modalités d'enregistrement comptable et de déclaration qu'elle a choisies n'auraient occasionné aucun préjudice au Trésor public.
S'agissant de la rectification en matière de taxe collectée :
29. Aux termes de l'article 266 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au présent litige : " (...) / 2. En ce qui concerne les opérations mentionnées au I de l'article 257, la taxe sur la valeur ajoutée est assise : / a. Pour les livraisons à soi-même, sur le prix de revient total des immeubles, y compris le coût des terrains ou leur valeur d'apport ; / (...) ".
30. En outre, aux termes du II de l'article 270 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable : " La liquidation de la taxe exigible au titre des livraisons à soi-même d'immeubles neufs taxées en application du 2° du 1 du II de l'article 257 peut être effectuée jusqu'au 31 décembre de la deuxième année qui suit celle au cours de laquelle est intervenu l'achèvement de l'immeuble. Elle est déclarée sur la déclaration mentionnée à l'article 287 dans les conditions fixées par un décret en Conseil d'Etat. ".
31. Il ressort des termes des propositions de rectification adressées le 19 juin 2019, à l'issue de la vérification de la comptabilité de B..., et le 26 septembre 2019, à l'issue du contrôle sur pièces, d'une part, que le service a constaté que cette société n'avait pas porté sur les déclarations de chiffre d'affaires souscrites par elle au cours de la période séparant l'achèvement, le 23 septembre 2016, date déterminée eu égard aux dates de conclusion des premiers baux de location et de l'encaissement des premiers loyers, de l'ensemble immobilier édifié par elle à Nogent-sur-Oise et le 31 décembre de la deuxième année suivant cette date, la taxe sur la valeur ajoutée réputée collectée sur l'opération de livraison à soi-même de ce bien, de sorte qu'il y avait lieu de mettre à la charge de B... au titre de la période correspondant à l'année 2018 le rappel correspondant.
32. Il ressort des mêmes documents, d'autre part, que le service a constaté que la valeur de l'ensemble immobilier portée par B... à l'actif de son bilan, soit 212 000 euros représentant un prix de revient de 713 euros hors taxes par mètre carré, n'était pas justifiée par les factures d'achat de matériaux produites, qui, représentant un montant total de 171 324 euros hors taxes, ne couvraient pas l'ensemble de la période de réalisation des travaux de construction et que, pour déterminer le montant de la taxe réputée collectée, qui, en vertu des dispositions précitées de l'article 266 du code général des impôts, est assise sur le prix de revient total des immeubles, il a procédé à une évaluation du coût de revient de l'ensemble immobilier.
33. L'administration a ainsi appliqué, à la surface hors œuvre nette de l'ensemble immobilier, le coût de construction pris en compte pour déterminer la valeur des bâtiments à usage d'habitation, tel que mentionné à l'article R. 131-26 du code de la construction et de l'habitation et qui est révisé et actualisé en fonction de l'évolution annuelle de l'indice du coût de la construction publié par l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE).
34. Il ressort des mêmes propositions de rectification que, afin de s'assurer de la pertinence de cette première évaluation, le service a comparé le coût de revient ainsi obtenu avec celui résultant de l'application du coût moyen hors taxes au mètre carré alors disponible sur le site internet du ministère de la transition écologique et solidaire. Par ailleurs, il a eu recours à un troisième calcul faisant appel au coût de la construction mentionné sur un site internet constitué par un groupement d'architectes du bâtiment. Enfin, le service a confronté ses évaluations successives aux prix pratiqués sur le marché en ce qui concerne les appartements neufs situés à Nogent-sur-Oise, tels que publiés sur les sites internet d'agences immobilières.
35. Au terme de la mise en œuvre de ces méthodes, la première méthode d'évaluation, à partir du coût de la construction, s'est avérée, finalement, plus favorable à la société, de sorte que le service a retenu, sur cette base, qu'il y avait lieu de fixer le coût de revient total toutes taxes comprises de la construction à la somme de 569 712 euros, à laquelle il convenait d'ajouter le prix du terrain, à savoir 65 000 euros, ainsi que les frais d'acquisition, soit 3 374 euros, le coût de revient total toutes taxes comprises de l'ensemble immobilier s'établissant ainsi à 638 086 euros, c'est-à-dire à 531 738 euros hors taxes, cette somme constituant la base taxable. Il en a résulté un montant de taxe sur la valeur ajoutée collectée s'établissant à 106 347 euros.
36. Pour contester, comme excessivement élevé, le prix de revient ainsi retenu par l'administration, B... soutient qu'elle a cédé, le 26 février 2019, l'ensemble immobilier en cause et se réfère au prix convenu, soit 350 000 euros hors taxes, par les parties à l'acte de vente, qu'elle verse à l'instruction. Elle ajoute que, si elle avait acquis le terrain d'assiette pour un prix de 65 000 euros, ce prix incluait celui de l'entrepôt qui y était alors implanté et qu'elle a détruit pour réaliser son projet. Enfin, elle soutient que le rappel de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge à ce titre ne pouvait l'être pour la période correspondant à l'année 2018, dès lors que l'ensemble immobilier a été achevé à une date très antérieure à celle du 23 septembre 2016, retenue par l'administration, un bail d'habitation ayant été conclu pour l'un des logements en cause dès le 5 avril 2014 et des justificatifs de domicile, dont un avis de taxe d'habitation, étant produits pour ce logement au titre des années 2014 et 2015.
37. Toutefois, d'une part, dès lors que, comme il a été dit, la base taxable, en ce qui concerne les livraisons à soi-même est constituée, conformément aux dispositions de l'article 266 du code général des impôts, du prix de revient total des immeubles, y compris le coût des terrains, la circonstance que l'ensemble immobilier en cause a été cédé pour un prix de 350 000 euros n'est pas, par elle-même, de nature à remettre en cause l'évaluation par l'administration, à hauteur de 531 738 euros hors taxes terrain compris, du prix de revient total de ce bien.
38. D'autre part, si le terrain d'assiette de l'ensemble immobilier comportait, lors de son acquisition au prix de 65 000 euros, un immeuble à usage d'entrepôt, B... ne conteste pas qu'elle avait, dès cette acquisition, pour projet de démolir cet immeuble. Par suite et alors qu'il n'est pas même allégué par la société qu'elle aurait utilisé cette construction pour les besoins de son activité ou de son futur chantier, ni que ladite construction avait, en elle-même, une valeur significative, l'administration était fondée, pour la détermination du prix de revient de l'ensemble immobilier, à regarder le prix d'acquisition de 65 000 euros comme étant celui du seul terrain.
39. Enfin, B... ne conteste pas que, comme le retiennent les termes de la réponse apportée par le service, le 16 janvier 2020, aux observations qu'elle avait formulées sur la proposition de rectification qui lui avait été adressée le 26 septembre 2020, que le bail sous seing privé auquel cette société fait référence n'a pas date certaine, faute d'avoir été soumis à la formalité de l'enregistrement, et qu'il n'a pas été fourni à la vérificatrice au cours de la vérification de comptabilité dont la société a fait l'objet, à la différence de l'ensemble des autres baux d'habitation établis pour cet immeuble, en septembre 2016.
40. B... ne conteste pas davantage que, comme le retient le même document, l'avis de taxe d'habitation produit, au titre de l'année 2015, bien que correspondant à un logement répondant à la même adresse postale que l'ensemble immobilier en cause, se rapporte à une maison, et non à un appartement, qui a été érigée non pas sur le terrain d'assiette de cet ensemble immobilier mais sur une parcelle voisine et que les justificatifs de domicile produits par ailleurs au titre des années 2014 et 2015 concernent également la maison érigée sur cette parcelle voisine.
41. Il résulte de ce qui vient d'être dit que, par les éléments qu'elle a fait valoir, l'administration doit être regardée comme ayant rapporté la preuve, qui lui incombe, du bien-fondé de l'évaluation, à laquelle elle s'est livrée, du coût de revient de l'ensemble immobilier en cause, de la pertinence de la date d'achèvement du 23 septembre 2016 retenue pour l'immeuble et, par suite, du bien-fondé des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis, à ce titre, à la charge de B... au titre de la période couvrant l'année 2018.
En ce qui concerne les suppléments d'impôt sur les sociétés :
S'agissant du profit sur le Trésor :
42. Il résulte de ce qui précède que les suppléments d'impôt sur les sociétés afférents au profit que B... a réalisé sur le Trésor public, en raison de ses omissions déclaratives en matière de taxe sur la valeur ajoutée, doivent être tenus pour fondés et que le moyen tiré de ce qu'ils devraient faire l'objet d'une décharge par voie de conséquence de la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée doit donc être écarté.
S'agissant de la provision pour dépréciation de comptes de clients :
43. Aux termes de l'article 38 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au présent litige : " 1. (...) le bénéfice imposable est le bénéfice net, déterminé d'après les résultats d'ensemble des opérations de toute nature effectuées par les entreprises (...). / 2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés. / (...) / 4 bis. Pour l'application des dispositions du 2, pour le calcul de la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de l'exercice, l'actif net d'ouverture du premier exercice non prescrit déterminé, sauf dispositions particulières, conformément aux premier, deuxième et troisième alinéas de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales ne peut être corrigé des omissions ou erreurs entraînant une sous-estimation ou surestimation de celui-ci. / Les dispositions du premier alinéa ne s'appliquent pas lorsque l'entreprise apporte la preuve que ces omissions ou erreurs sont intervenues plus de sept ans avant l'ouverture du premier exercice non prescrit. / (...) ".
44. Il résulte de ces dispositions que le législateur a rétabli, au premier alinéa du 4 bis de l'article 38 du code général des impôts, le principe d'intangibilité du bilan d'ouverture du premier exercice non prescrit pour la détermination du bénéfice imposable et a assorti ce principe de deux séries d'exceptions prévues aux deuxième et troisième alinéas de cet article. En vertu du deuxième alinéa précité, une erreur ou omission affectant l'évaluation d'un élément quelconque du bilan d'un des exercices non prescrits peut, si elle a été commise au cours d'un exercice clos plus de sept ans avant l'ouverture du premier des exercices non prescrits, être corrigée de manière symétrique dans les bilans de clôture et d'ouverture des exercices non prescrits, y compris dans le bilan d'ouverture du premier d'entre eux.
45. Le bénéfice de cette correction symétrique est toutefois limité, ainsi qu'il résulte des travaux parlementaires préalables à l'adoption de l'article 43 de la loi du 30 décembre 2004, dont ces dispositions sont issues, aux erreurs ou omissions qui ne présentent pas le caractère d'une erreur comptable délibérée.
46. A l'issue de la vérification de comptabilité dont a fait l'objet B..., l'administration a réintégré au résultat imposable de l'exercice clos en 2016 une provision pour dépréciation de créances sur des clients, que cette société avait maintenue au passif de son bilan à la clôture de cet exercice pour un montant de 57 933 euros, au motif qu'elle n'était justifiée ni dans son principe, ni dans son montant.
47. B... invoque le bénéfice de l'exception au principe d'intangibilité du bilan d'ouverture du premier exercice non prescrit, prévue au deuxième alinéa du 4 bis de l'article 38 du code général des impôts, en soutenant que la provision injustifiée figurant à ce bilan y a été maintenue, à la suite d'une erreur commise de bonne foi et non récurrente, plus de sept ans avant le début de cet exercice.
48. Toutefois, comme l'ont retenu à bon droit les premiers juges, le maintien, durant plusieurs exercices successifs, d'une provision non justifiée, même si les montants sont identiques, constitue la répétition d'une erreur, qui, même lorsqu'elle a été commise pour la première fois au cours d'un exercice clos plus de sept ans avant l'ouverture du premier des exercices non prescrits, ne peut pas être corrigée dans le bilan d'ouverture du premier de ces exercices. Dès lors, B... n'est pas fondée à se prévaloir de l'exception au principe d'intangibilité du bilan d'ouverture du premier exercice non prescrit, prévue par les dispositions précitées du deuxième alinéa du 4 bis de l'article 38 du code général des impôts.
49. Il suit de là que c'est sans méconnaître ces dispositions que l'administration a remis en cause cette écriture de passif et qu'elle a réintégré la somme correspondante au résultat imposable du premier exercice non prescrit, clos en 2016, sans autoriser B... à corriger cette écriture.
S'agissant du rehaussement de la valeur de l'ensemble immobilier à l'actif du bilan :
50. Ainsi qu'il a été dit, B... ne critique pas utilement l'évaluation, à laquelle s'est livrée l'administration, du coût de revient de l'ensemble immobilier qu'elle a édifié à Nogent-sur-Oise, ni, par suite, la minoration de la valeur qu'elle a inscrite en immobilisation à l'actif de son bilan de l'exercice clos en 2016, au cours duquel cet immeuble a été achevé. Par suite, l'administration doit être regardée comme ayant rapporté la preuve, qui lui incombe, du bien-fondé des suppléments d'impôt sur les sociétés résultant, au titre des années d'imposition en litige, de ce rehaussement.
Sur les pénalités :
51. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré ; / (...) ".
52. L'administration a assorti de la majoration de 40 % prévue, en cas de manquement délibéré, par les dispositions précitées du a de l'article 1729 du code général des impôts, le rappel de taxe sur la valeur ajoutée collectée se rapportant à la livraison à soi-même de l'ensemble immobilier achevé en 2016.
53. Pour justifier, ainsi que la charge lui en incombe, l'application de cette majoration à ce rappel de taxe, l'administration a retenu, selon les termes de la proposition de rectification qu'elle a adressée le 26 septembre 2019 à B..., d'une part, que cette société avait porté en déduction, sur les déclarations de chiffre d'affaires souscrites par elle en 2016 et en 2017, la taxe sur la valeur ajoutée déductible se rapportant aux travaux de construction de l'ensemble immobilier et qu'elle n'avait, sur ces mêmes déclarations, par reporté la taxe collectée qu'elle avait pourtant enregistrée dans sa comptabilité, se procurant ainsi indûment un avantage de trésorerie représentant un montant important.
54. Le même document a retenu, d'autre part, que B... n'ayant pas porté en immobilisations une grande partie des coûts directs et indirects entrant dans la construction de cet ensemble immobilier, dont la valeur avait ainsi été notablement minorée, sa base taxable s'en était trouvée d'autant minorée et que cette situation n'avait pu raisonnablement échapper au dirigeant de la société.
55. Par ces considérations, que le ministre s'approprie en appel, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve, qui lui incombe en vertu de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales, de l'intention délibérée qui a animé, s'agissant de ce chef de rectification, B... et, par suite, du bien-fondé de la majoration pour manquement délibéré dont ont été assortis, en application des dispositions précitées du a de l'article 1729 du code général des impôts, le rappel de taxe sur la valeur ajoutée correspondant.
56. B... n'est pas fondée à invoquer, à cet égard, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, les énonciations de la doctrine administrative publiée le 8 mars 2017 sous la référence BOI-CF-INF-10-20-20, qui, en tout état de cause, en tant qu'elles rappellent, au paragraphe n°30, que " S'agissant de la majoration de 40 % pour manquement délibéré, il appartient au service de réunir tous éléments d'information ou d'appréciation utiles en vue d'établir que le contribuable ne pouvait pas ignorer les insuffisances, inexactitudes ou omissions qui lui sont reprochées et que l'infraction a donc été commise sciemment ", ne comportent pas d'interprétation de la loi fiscale qui soit différente de celle dont le présent arrêt fait application.
57. Il résulte de tout ce qui précède que B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.
Sur les frais de procédure :
58. Par voie de conséquence de l'ensemble de ce qui précède, les conclusions de la requête tendant à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, au titre des frais exposés par B... et non compris dans les dépens doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de SARL La Pierre Picarde est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à B... et au ministre auprès du Premier ministre, chargé du budget et des comptes publics.
Copie en sera transmise à l'administratrice de l'Etat chargée de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.
Délibéré après l'audience publique du 21 novembre 2024 à laquelle siégeaient :
- M. Marc Heinis, président de chambre,
- M. François-Xavier Pin, président-assesseur,
- M. Jean-François Papin, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 décembre 2024.
Le rapporteur,
Signé : J.-F. PapinLe président de chambre,
Signé : M. A...Le rapporteur,
J.-F. PapinLe président de la formation de jugement,
F.-X. Pin
La greffière,
Signé : E. Héléniak
La greffière,
E. Héléniak
La République mande et ordonne au ministre auprès du Premier ministre, chargé du budget et des comptes publics, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
Pour la greffière en chef,
Par délégation,
La greffière,
Elisabeth Héléniak
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N°23DA01667