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05/12/2024 | FRANCE | N°23DA01559

France | France, Cour administrative d'appel de DOUAI, 4ème chambre, 05 décembre 2024, 23DA01559


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2016 et 2018, ainsi que des pénalités correspondantes.



Par un jugement nos 2005745-2007753 du 31 mars 2023, le tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête, enregistrée l

e 31 juillet 2023 et un mémoire, enregistré le 24 mai 2024, M. B..., représenté par Me Bourgi, demande à la cour :



...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2016 et 2018, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement nos 2005745-2007753 du 31 mars 2023, le tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 31 juillet 2023 et un mémoire, enregistré le 24 mai 2024, M. B..., représenté par Me Bourgi, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge de ces impositions et des pénalités correspondantes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier en ce que le tribunal administratif a omis de statuer sur le moyen tiré de l'irrégularité de la mise en demeure du 26 février 2019 ;

- le recours à la procédure de taxation d'office pour l'année 2016 est irrégulier ;

- la proposition de rectification afférente à l'année 2018 est insuffisamment motivée, en méconnaissance de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales ;

- le service vérificateur était territorialement incompétent ;

- il s'est trouvé dans la situation d'un salarié qui perd ses revenus à la suite d'un licenciement, de sorte qu'en application de l'article 199 septvicies du code général des impôts l'avantage fiscal en litige ne pouvait être remis en cause ;

- le fait qu'il ne bénéficie pas de l'absence de remise en cause de cet avantage en cas de cession forcée d'activité professionnelle, en raison du statut de profession libérale, constitue une atteinte au principe d'égalité devant l'impôt qui n'est pas justifiée par un motif d'intérêt général.

Par un mémoire en défense, enregistré le 5 décembre 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.

Par deux mémoires distincts, enregistrés le 1er août 2023, M. B... conteste les refus qui lui ont été opposés par le président de la 7ème chambre du tribunal administratif de Lille de transmettre au Conseil d'Etat la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions du 1° du VII de l'article 199 septvicies du code général des impôts et demande à la cour de transmettre cette question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d'Etat.

Par un mémoire distinct en défense, enregistré le 16 août 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut à ce que la cour ne renvoie pas la question prioritaire de constitutionnalité soulevée au Conseil d'Etat.

Il soutient que la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. B... est dépourvue de caractère sérieux.

Par un courrier du 19 octobre 2023, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité de la question prioritaire de constitutionnalité soulevées par M. B..., en ce que, fondée sur les mêmes moyens, elle porte sur les mêmes questions que celle soumise au premier juge.

M. B... a présenté des observations en réponse à ce moyen susceptible d'être relevé d'office, qui ont été enregistrées le 31 octobre 2023.

Il soutient que la question prioritaire de constitutionnalité soulevée est recevable dès lors que le premier juge a omis de statuer sur son moyen relatif à la violation du principe d'égalité.

Par une ordonnance du 29 mai 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 24 juin 2024.

Un mémoire présenté par le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique a été enregistré le 19 août 2024, postérieurement à la clôture de l'instruction et n'a pas été communiqué en application de l'article R. 613-3 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution, notamment son article 61-1 ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le décret n° 2009-707 du 16 juin 2009 ;

- la décision du Conseil constitutionnel n° 84-184 DC du 29 décembre 1984 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pin, président-assesseur,

- et les conclusions de M. Arruebo-Mannier, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

Sur l'objet du litige :

1. M. B... a entendu bénéficier de la réduction d'impôt sur le revenu, dite dispositif " Scellier ", prévue par l'article 199 septvicies du code général des impôts à raison, d'une part, d'un appartement situé à Marcq-en-Barœul acquis en 2009 et, d'autre part, d'un appartement situé à Villeurbanne acquis en 2010, qu'il a cédés respectivement en 2016 et en 2018. A suite d'un contrôle sur pièces portant sur les années 2016 et 2018, l'administration a remis en cause cette réduction d'impôt au motif que le contribuable avait méconnu, pour chacun de ces appartements, la durée d'engagement minimale de location de neuf ans prévue à l'article 199 septvicies du code général des impôts. M. B... a été assujetti, d'une part, selon la procédure de taxation d'office prévue à l'article L. 66 du livre des procédures fiscales pour absence de dépôt de déclaration, à une cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu au titre de l'année 2016, assortie de la pénalité de 40 % prévue au b du 1 de l'article 1728 du code général des impôts lorsque le contribuable n'a pas déposé sa déclaration de revenus dans les trente jours suivant réception d'une mise en demeure de déclarer, et, d'autre part, selon la procédure contradictoire, à une cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu au titre de l'année 2018, assortie de la majoration de 20 % prévue au I de l'article 1758 A du code général des impôts applicable en cas de dépôt tardif de la déclaration de revenus effectué dans les trente jours de la mise en demeure. M. B... relève appel du jugement du 31 mars 2023 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions supplémentaires.

Sur la question prioritaire de constitutionnalité :

2. Aux termes du premier alinéa de l'article 23-1 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Devant les juridictions relevant du Conseil d'Etat ou de la Cour de cassation, le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution est, à peine d'irrecevabilité, présenté dans un écrit distinct et motivé. Un tel moyen peut être soulevé pour la première fois en cause d'appel. ". Il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.

3. Pour demander à la cour de transmettre au Conseil d'Etat la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution du 1° du VII de l'article 199 septvicies du code général des impôts, M. B... soutient que ces dispositions sont inconstitutionnelles en ce qu'elles sont entachées d'incompétence négative dans des conditions qui portent atteinte au droit de propriété, en ce que leur interprétation donnée par la doctrine administrative méconnaît le principe d'égalité devant les charges publiques garanti par l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et en ce qu'elles méconnaissent les principes de proportionnalité et d'individualisation des peines qui découlent de l'article 8 de cette Déclaration.

4. En premier lieu, aux termes de l'article 34 de la Constitution : " La loi fixe les règles concernant (...) l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toutes natures (...) ". La méconnaissance par le législateur de sa propre compétence ne peut être invoquée à l'appui d'une question prioritaire de constitutionnalité que dans le cas où cette méconnaissance affecte par elle-même un droit ou une liberté que la Constitution garantit.

5. La méconnaissance par le législateur de l'étendue de sa compétence dans la détermination de l'assiette ou du taux d'une imposition n'affecte par elle-même aucun droit ou liberté que la Constitution garantit. En revanche, le pouvoir donné par la loi à l'administration de fixer, contribuable par contribuable, les modalités de détermination de l'assiette d'une imposition méconnaît la compétence du législateur dans des conditions qui affectent, par elles-mêmes, le principe d'égalité devant les charges publiques.

6. Les dispositions du 1° du VII de l'article 199 septivicies, qui prévoient que, dans le cas où la réduction d'impôt dont a bénéficié le contribuable fait l'objet d'une reprise au titre de l'année au cours de laquelle intervient la rupture de l'engagement de location ou de l'engagement de conservation des parts mentionné aux I, IV ou VIII de cet article, n'ont ni pour objet ni pour effet de permettre à l'administration de fixer, contribuable par contribuable, les conditions de la reprise de la réduction d'impôt. Ainsi, l'incompétence négative alléguée n'affecte pas par elle-même, ni le principe d'égalité devant les charges publiques, ni le droit de propriété.

7. En deuxième lieu, M. B... fait valoir que le point 10 de la doctrine administrative publiée au Bulletin officiel des finances publiques sous la référence BOI-IR-RICI-230-60, en prévoyant que la réduction d'impôt ne saurait être remise en cause dans le cas où le contribuable qui a rompu l'engagement de location avant le terme fixé au I de l'article 199 septivicies a fait l'objet d'un licenciement, introduit une différence de traitement entre les salariés et les non-salariés. Toutefois, cette différence de traitement dont se prévaut le requérant résulte de la doctrine administrative et non pas de la loi. Les dispositions législatives contestées ne sont, ainsi, pas de nature à méconnaître le principe d'égalité devant la loi.

8. En troisième lieu, en vertu de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen : " La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires ". Si la nécessité des peines attachées aux infractions relève du pouvoir d'appréciation du législateur, il lui appartient de s'assurer de l'absence de disproportion manifeste entre l'infraction et la peine encourue.

9. Les dispositions contestées du 1° du VII de l'article 199 septvicies du code général des impôts n'édictent aucune sanction de caractère pénal, ni même fiscal, lorsqu'elles prévoient que l'avantage fiscal dont le bénéfice est subordonné à une condition qui n'a pas été remplie fera l'objet d'une reprise. Il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance du principe d'individualisation et de proportionnalité des peines garanti par l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen manque en fait.

10. Il suit de là que la question prioritaire de constitutionalité soulevée étant dépourvue de caractère sérieux, M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par deux ordonnances du 31 mai 2021, lesquelles ont répondu, contrairement à ce qui est soutenu, aux moyens d'inconstitutionnalité soulevés, le président de la 7ème chambre du tribunal administratif de Lille a refusé de transmettre cette question au Conseil d'Etat.

Sur la régularité du jugement attaqué :

11. Il ressort du jugement attaqué, et plus particulièrement de son point 11, que le tribunal, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments présentés devant lui par M. B... à l'appui de ses moyens, a répondu au moyen tiré de l'irrégularité du recours à la procédure de taxation d'office au titre de l'année 2016. La circonstance, dont se prévalait l'intéressé, tirée de ce qu'il avait été mis en demeure de souscrire la déclaration de revenus n° 2042 et non la déclaration complémentaire n°2042-C, constituait non pas un moyen distinct mais un simple argument présenté à l'appui de ce moyen. Dès lors, M. B... n'est pas fondé à soutenir que le tribunal administratif, dont le jugement est suffisamment motivé, aurait omis de répondre à un moyen.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

En ce qui concerne le recours à la procédure de taxation d'office au titre de l'année 2016 :

12. En premier lieu, aux termes de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales : " Sont taxés d'office : 1° à l'impôt sur le revenu, les contribuables qui n'ont pas déposé dans le délai légal la déclaration d'ensemble de leurs revenus ou qui n'ont pas déclaré, en application des articles 150-0 E et 150 VG du code général des impôts, les gains nets et les plus-values imposables qu'ils ont réalisés, sous réserve de la procédure de régularisation prévue à l'article L. 67 ; (...) ". Aux termes de l'article L. 67 de ce livre : " La procédure de taxation d'office prévue aux 1° et 4° de l'article L. 66 n'est applicable que si le contribuable n'a pas régularisé sa situation dans les trente jours de la notification d'une mise en demeure. (...) ". Aux termes de l'article 170 du code général des impôts : " 1. En vue de l'établissement de l'impôt sur le revenu, toute personne imposable audit impôt est tenue de souscrire et de faire parvenir à l'administration une déclaration détaillée de ses revenus et bénéfices, de ses charges de famille et des autres éléments nécessaires au calcul de l'impôt sur le revenu (...) ". Aux termes de l'article 45 de l'annexe III à ce code : " Les déclarations dûment signées sont remises ou adressées par les contribuables au service des impôts du lieu de leur résidence ou de leur principal établissement dans le délai prévu à l'article 175 du code général des impôts. (...) ".

13. Il résulte de l'instruction que M. B... a reçu, le 7 mars 2019, une mise en demeure de souscrire une déclaration détaillée de ses revenus au titre de l'année 2016. Ce courrier, établi sur un imprimé Cerfa modèle n° 2111 et qui invitait l'intéressé à souscrire la déclaration de revenus " n° 2042 ", comportait des mentions suffisantes pour permettre au contribuable d'identifier les revenus susceptibles d'être imposés entre ses mains, sans que l'administration fiscale n'ait été tenue, contrairement à ce qui est soutenu, d'indiquer, en outre, les numéros des formulaires des déclarations annexes susceptibles d'être renseignées, et notamment la déclaration de revenus complémentaire n° 2042-C.

14. En deuxième lieu, aux termes de l'article 164 D du code général des impôts : " Les personnes physiques exerçant des activités en France ou y possédant des biens, sans y avoir leur domicile fiscal, ainsi que les personnes mentionnées au 2 de l'article 4 B, peuvent être invitées, par le service des impôts, à désigner dans un délai de quatre-vingt-dix jours à compter de la réception de cette demande, un représentant en France autorisé à recevoir les communications relatives à l'assiette, au recouvrement et au contentieux de l'impôt. (...) ".

15. Il résulte des termes mêmes de l'article 164 D du code général des impôts que l'administration n'est pas tenue de demander à un contribuable non résident la désignation d'un représentant en France de sorte que M. B... n'est, en tout état de cause, pas fondé à se prévaloir d'une méconnaissance des dispositions de cet article. Au demeurant, M. B... a effectivement réceptionné la mise en demeure ainsi que les propositions de rectification adressées à son domicile au Maroc. En outre, l'intéressé ne peut utilement se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, des énonciations des paragraphes 80 et 120 de la documentation administrative référencée BOI-IR-DOMIC-10-20-30 qui sont relatives à la procédure d'établissement de l'impôt. Dès lors, la mise en demeure de souscrire sa déclaration de revenus adressée au contribuable n'était pas irrégulière.

16. En dernier lieu, si M. B... soutient qu'il a déposé, au titre de l'année 2016, une déclaration de revenus fonciers n° 2044, il ne conteste pas ne pas avoir souscrit, à la suite de la mise en demeure qui lui a été adressée, une déclaration détaillée de l'ensemble de ses revenus au titre de cette année.

17. Ainsi, M. B... n'est pas fondé à soutenir qu'il n'était pas en situation d'être taxé d'office au titre de l'année 2016 en application des dispositions du 1° de l'article L. 66 et de l'article L. 67 du livre des procédures fiscales.

En ce qui concerne la motivation de la proposition de rectification du 28 octobre 2019 relative à l'année 2018 :

18. Aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. (...) ". Selon l'article R. 57-1 du même livre : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée (...) ". Il résulte de ces dispositions que l'administration doit indiquer au contribuable, dans la proposition de rectification, les motifs et le montant des rehaussements envisagés, leur fondement légal et la catégorie de revenus dans laquelle ils sont opérés, ainsi que les années d'imposition concernées.

19. La proposition de rectification du 28 octobre 2019 adressée à M. B... indique la nature et le montant des redressements envisagés, la catégorie de revenus dans laquelle ils sont opérés et l'année d'imposition concernée. Elle fait également état, par le visa de l'article 199 septvicies du code général des impôts, des motifs de droit sur lesquels se fondent ces redressements, qui ne trouvent pas leur fondement légal, contrairement à ce que soutient le requérant, dans la documentation administrative référencée BOI-IR-RICI-230-60, laquelle n'avait dès lors pas à être mentionnée. De tels motifs étaient suffisamment explicites pour permettre au contribuable d'engager valablement une discussion avec l'administration. Ainsi, cette proposition de rectification satisfaisait aux prescriptions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales.

En ce qui concerne la compétence territoriale du service vérificateur :

20. Aux termes de l'article 350 terdecies de l'annexe III au code général des impôts : " I. - Sous réserve des dispositions des articles 409 et 410 de l'annexe II au code général des impôts, seuls les fonctionnaires de la direction générale des finances publiques appartenant à des corps des catégories A et B peuvent fixer les bases d'imposition et liquider les impôts, taxes et redevances ainsi que proposer les rectifications. (...) II. - Les fonctionnaires mentionnés au premier alinéa du I peuvent exercer les attributions que ces dispositions leur confèrent à l'égard des personnes physiques ou morales ou groupements de personne de droit ou de fait qui ont déposé ou auraient dû déposer dans le ressort territorial du service déconcentré ou du service à compétence nationale dans lequel ils sont affectés une déclaration, un acte ou tout autre document ainsi qu'à l'égard des personnes ou groupements qui, en l'absence d'obligation déclarative, y ont été ou auraient dû y être imposés ou qui y ont leur résidence principale, leur siège ou leur principal établissement. (...) ".

21. En vertu du I de l'article 3 du décret du 16 juin 2009 relatif aux services déconcentrés de la direction générale des finances publiques, Les directions régionales des finances publiques assurent, dans le département où est situé le chef-lieu de région, la mise en œuvre des missions relevant des directions départementales. Selon l'article 2 de ce décret, dans sa rédaction applicable au litige : " Les directions départementales des finances publiques assurent la mise en œuvre, dans le ressort territorial du département, sans préjudice des compétences dévolues à d'autres services déconcentrés et services à compétence nationale de la direction générale des finances publiques, des missions dévolues à cette direction générale en ce qui concerne notamment : 1° L'assiette et le contrôle des impôts, droits, cotisations et taxes de toute nature et ceux d'autres recettes publiques ; 2° Le recouvrement des impôts, droits, cotisations et taxes de toute nature et celui d'autres recettes publiques ; 3° La recherche des renseignements nécessaires à l'assiette, au recouvrement et au contrôle des impôts, droits, cotisations et taxes de toute nature (...) ". La direction régionale du Nord-Pas-de-Calais et du département du Nord, créée par l'article 4 de l'arrêté du 18 juin 2009 portant création de directions régionales et départementales des finances publiques, a une compétence territoriale notamment pour l'assiette, le contrôle et le recouvrement des impôts dans le département du Nord.

22. Il est constant que, pour les années en litige, M. B... n'avait pas signalé de changement dans son adresse d'imposition, située à Dunkerque dans le Nord. En application des dispositions citées aux points précédents, les agents du pôle de contrôle revenus-patrimoine Dunkerque-Hazebrouck, dépendant de la direction régionale des finances publiques des Hauts-France et du département du Nord, étaient compétents, de ce seul fait, pour vérifier les déclarations de M. B.... Ce dernier ne peut donc utilement soutenir que le contrôle sur pièces dont il a fait l'objet aurait dû être effectué par le centre des impôts des non-résidents dès lors qu'il était fiscalement domicilié au Maroc à compter de 2015, ce dont, au demeurant, il ne justifie pas.

23. La circonstance que l'administration fiscale a envoyé les propositions de rectification des 17 avril 2019 et 28 octobre 2019 à l'adresse de M. B... au Maroc, dont elle a eu connaissance à la suite d'un droit de communication qu'elle a exercé le 23 novembre 2018 auprès de la caisse primaire d'assurance maladie, est sans incidence sur la compétence du service vérificateur.

24. Dans ces conditions, M. B... n'est pas fondé à soutenir que la procédure suivie était irrégulière au motif tiré de l'incompétence territoriale du vérificateur.

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :

25. Aux termes de l'article 199 septivicies du code général des impôts : " I. - 1. Les contribuables domiciliés en France au sens de l'article 4 B qui acquièrent, entre le 1er janvier 2009 et le 31 décembre 2012, un logement neuf ou en l'état futur d'achèvement bénéficient d'une réduction d'impôt sur le revenu à condition qu'ils s'engagent à le louer nu à usage d'habitation principale pendant une durée minimale de neuf ans. (...) VII. - La réduction d'impôt obtenue fait l'objet d'une reprise au titre de l'année au cours de laquelle intervient : 1° La rupture de l'engagement de location ou de l'engagement de conservation des parts mentionné aux I, IV ou VIII ; (...) ".

26. Il résulte de l'instruction que l'administration a procédé au rehaussement de l'impôt sur le revenu des années 2016 et 2018 de M. B... en remettant en cause le bénéfice des avantages fiscaux consentis dans le cadre des dispositions citées au point précédent, l'intéressé ayant vendu, au cours des années d'imposition en litige, les biens immobiliers qu'il avait acquis en 2009 et 2010, avant le terme de l'engagement locatif de neuf années.

27. Si M. B... soutient qu'il a été contraint de céder ces biens à la suite de la cessation de son activité professionnelle en raison d'une dégradation de son état de santé, de telles circonstances sont sans incidence sur l'application des conditions de reprise de la réduction d'impôt en cas de rupture de l'engagement de location avant le terme d'une durée minimale de neuf ans.

28. Dans ces conditions, M. B... n'est pas fondé à contester la remise en cause du bénéfice de la réduction d'impôt prévue à l'article 199 septvicies du code général des impôts au titre des années 2016 et 2018.

En ce qui concerne l'interprétation de la loi fiscale :

29. En soutenant qu'il se trouve dans la même situation qu'un salarié licencié, M. B... doit être regardé comme se prévalant, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales des énonciations du point 10 de la documentation administrative issue du BOI-IR-RICI-230-60, selon lesquelles : " Aucune remise en cause de l'avantage n'est effectuée lorsque le contribuable ou l'un des membres du couple soumis à imposition commune : (...) est licencié. Les personnes licenciées s'entendent de celles dont le contrat de travail est rompu à l'initiative de leur employeur. (...) ". Les énonciations du paragraphe 30 de cette même doctrine précisent que cette exception est applicable en cas de mutation à titre onéreux du logement pendant la période d'engagement de location.

30. Toutefois, il est constant que M. B..., qui indique qu'il exerçait à titre libéral la profession de rhumatologue, n'était pas lié à ce titre par un contrat de travail. Dès lors, M. B... n'entrait pas dans les prévisions de la doctrine, qui doivent être appliquées littéralement, qu'il invoque.

31. Le requérant ne saurait utilement se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, d'une rupture d'égalité devant l'impôt introduite par une interprétation de la loi fiscale.

32. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et au ministre auprès du Premier ministre, chargé du budget et des comptes publics.

Copie en sera transmise à l'administratrice de l'Etat chargée de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.

Délibéré après l'audience du 21 novembre 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Marc Heinis, président de chambre,

- M. François-Xavier Pin, président-assesseur,

- Mme Alice Minet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 décembre 2024.

Le président-rapporteur,

Signé : F.-X. Pin

Le président de chambre,

Signé : M. A...La greffière,

Signé : E. Héléniak

La République mande et ordonne au ministre auprès du Premier ministre, chargé du budget et des comptes publics, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Pour la greffière en chef,

Par délégation,

La greffière,

Elisabeth Héléniak

2

N°23DA01559


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23DA01559
Date de la décision : 05/12/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. Heinis
Rapporteur ?: M. François-Xavier Pin
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : BOURGI

Origine de la décision
Date de l'import : 15/12/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-12-05;23da01559 ?
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