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28/11/2024 | FRANCE | N°24DA01327

France | France, Cour administrative d'appel de DOUAI, 1ère chambre, 28 novembre 2024, 24DA01327


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lille :



- de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire ;

- d'annuler l'arrêté du 26 février 2024 par lequel le préfet du Nord a décidé de le remettre aux autorités italiennes pour l'examen de sa demande d'asile ;

- d'enjoindre, sous astreinte, au préfet du Nord, à titre principal, d'enregistrer sa demande d'asile en procédure normale ou, à ti

tre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation ;

- de mettre à la charge de l'Etat le versement...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lille :

- de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire ;

- d'annuler l'arrêté du 26 février 2024 par lequel le préfet du Nord a décidé de le remettre aux autorités italiennes pour l'examen de sa demande d'asile ;

- d'enjoindre, sous astreinte, au préfet du Nord, à titre principal, d'enregistrer sa demande d'asile en procédure normale ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation ;

- de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 000 euros, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Par un jugement n° 2402289 du 17 mai 2024, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Lille a prononcé un non-lieu à statuer sur la demande d'admission à l'aide juridictionnelle à titre provisoire de M. A... (article 1), a annulé l'arrêté du 26 février 2024 (article 2), a enjoint au préfet du Nord de procéder au réexamen de la situation de M. A... (article 3), a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros à verser au conseil de M. A..., Me Sylvie Laporte, au titre des articles L.761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 (article 4) et a rejeté le surplus des conclusions de la requête (article 5).

Procédures devant la cour :

I - Par une requête, enregistrée sous le n° 24DA01327 le 10 juillet 2024, et des mémoires de production de pièces enregistrés les 12 et 14 juillet 2024, le préfet du Nord, représenté par Me Nicolas Rannou, demande à la cour d'annuler le jugement du 17 mai 2024 en ses articles 2 à 4 et de rejeter la demande présentée en première instance par M. B... A....

Il soutient que :

- c'est à tort que le tribunal a retenu le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 5 du règlement (UE) 604/2013 du 26 juin 2013 : l'entretien individuel a été mené par un agent qualifié de la préfecture ; en tout état de cause, l'audience devant le tribunal est de nature à remédier à l'éventuelle défaillance au stade de l'entretien ;

- les moyens invoqués par M. A... en première instance et tirés de la violation des articles 3, 4 et 17 du règlement (UE) 604/2013 du 26 juin 2013 et du défaut d'examen de sa situation ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 2 septembre 2024, M. B... A..., représenté par Me Sylvie Laporte, demande à la cour :

- de confirmer le jugement ;

- de rejeter la requête du préfet ;

- d'enjoindre, sous astreinte, au préfet du Nord, à titre principal, d'enregistrer sa demande d'asile en procédure normale ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation ;

- de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- l'entretien individuel a été mené en méconnaissance des articles 4, 5 et 35 du règlement (UE) 604/2013 du 26 juin 2013 ainsi que de l'article 4 -4 de la directive 2013/32/UE du même jour ;

- l'arrêté attaqué méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 et est entaché d'un défaut d'examen et d'une erreur manifeste d'appréciation.

M. B... A... a été maintenu au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 22 août 2024 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Douai.

Par une ordonnance du 19 septembre 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 9 octobre 2024.

II - Par une requête, enregistrée sous le n° 24DA01739 le 28 août 2024, le préfet du Nord, représenté par Me Nicolas Rannou, demande à la cour de surseoir à l'exécution du jugement du 17 mai 2024.

Il soutient que :

- les moyens qu'il invoque sont sérieux et de nature à justifier, outre l'annulation du jugement attaqué, le rejet des conclusions à fin d'annulation présentées par M. A... en première instance ;

- c'est à tort que le tribunal a retenu le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 5 du règlement (UE) 604/2013 du 26 juin 2013 : l'entretien individuel a été mené par un agent qualifié de la préfecture ; en tout état de cause, l'audience devant le tribunal est de nature à remédier à l'éventuelle défaillance au stade de l'entretien ;

- les moyens invoqués par M. A... en première instance et tirés de la violation des articles 3, 4 et 17 du règlement (UE) 604/2013 et du défaut d'examen de sa situation ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 17 octobre 2024, la présidente de la formation de jugement a dispensé d'instruction la présente affaire en application des dispositions de l'article R.611-8 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relatif à la création d'Eurodac pour la comparaison des empreintes digitales aux fins de l'application efficace du règlement (UE) n° 604/2013 ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride ;

- la directive n° 2013/33/UE du 26 juin 2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant des normes pour l'accueil des personnes demandant la protection internationale

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Les rapports de Mme Isabelle Legrand, présidente-assesseure, ont été entendus au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... A..., ressortissant guinéen (République de Guinée) né le 15 septembre 2000, a déposé une demande d'asile auprès des services de la préfecture du Nord le 13 octobre 2023. A la suite de cette demande, le préfet du Nord, constatant que les empreintes de l'intéressé avaient été enregistrées dans la base dactyloscopique centrale de données informatisées du système Eurodac en Italie le 16 juillet 2023, a saisi les autorités italiennes le 30 octobre 2023, d'une demande de prise en charge de l'intéressé. L'Italie a donné son accord implicite le 31 décembre 2023 à sa prise en charge. Par un arrêté du 26 février 2024, le préfet du Nord a décidé de remettre M. A... aux autorités italiennes, responsables de l'examen de sa demande d'asile. Par les deux requêtes susvisées, qu'il convient de joindre, le préfet du Nord interjette appel et demande qu'il soit sursis à l'exécution du jugement n° 2402289 du 17 mai 2024, en tant que la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Lille a annulé l'arrêté du 26 février 2024, lui a enjoint de procéder au réexamen de la situation de M. A... et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros à verser au conseil de M. A..., au titre des articles L.761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Sur la requête n°24DA01327 :

En ce qui concerne le bien-fondé du jugement :

S'agissant du moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif de Lille :

2. Aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Entretien individuel - 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. / (...) / 3. L'entretien individuel a lieu en temps utile et, en tout cas, avant qu'une décision de transfert du demandeur vers l'État membre responsable soit prise conformément à l'article 26, paragraphe 1. / 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. / 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. / 6. L'Etat membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. Ce résumé peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type. L'Etat membre veille à ce que le demandeur et/ou le conseil juridique ou un autre conseiller qui représente le demandeur ait accès en temps utile au résumé ".

3. S'il ne résulte ni des dispositions citées au point précédent ni d'aucun principe que devrait figurer sur le compte-rendu de l'entretien individuel la mention de l'identité de l'agent qui a mené l'entretien, il appartient à l'autorité administrative, en cas de contestation sur ce point, d'établir par tous moyens que l'entretien a, en application des dispositions précitées de l'article 5.5 du règlement du 26 juin 2013, été " mené par une personne qualifiée en vertu du droit national ". Si un agent de préfecture est affecté au service des étrangers ou si figure au dossier mention d'éléments de son parcours professionnel le rendant apte à mener l'entretien prévu à l'article 5 du règlement du 26 juin 2013, l'agent doit être regardé comme qualifié en vertu du droit national pour conduire cet entretien.

4. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a été reçu en entretien individuel le 13 octobre 2023 à la préfecture du Nord et qu'il a signé le résumé de cet entretien. Ce résumé, s'il comporte la signature de la personne ayant mené l'entretien, ne contient aucune mention de son identité, même sommaire par des initiales, permettant de l'identifier. Il est cependant revêtu, en bas de la dernière page, d'un cachet administratif portant les mentions " République française ", " préfecture du Nord ", " Asile. PRD 2 ". A cet égard, l'administration fait valoir, pour la première fois en appel, que ce cachet administratif n'est pas le " cachet sommaire d'un service " mais un cachet individuel, répertorié dans un registre actualisé des tampons du contrôle interne de la fraude, et qu'il est dévolu à un agent de la préfecture affecté au sein du service des étrangers, précisément identifié, qui en dispose seul et qui le reçoit à sa prise de fonction. Dans ces conditions, le préfet du Nord doit être regardé comme rapportant la preuve que l'entretien a été mené par une " personne qualifiée en vertu du droit national " au sens de l'article 5 du règlement du 26 juin 2013. Par suite, il est fondé à soutenir que c'est à tort que la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Lille s'est fondée, pour annuler l'arrêté du 26 février 2024 prononçant le transfert de M. A... aux autorités italiennes, sur le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 5 du règlement (UE) 604/2013.

5. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... en première instance et en appel.

S'agissant des autres moyens :

Au titre de la légalité externe :

Quant au moyen tiré de la méconnaissance de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 :

6. L'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 dispose que : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un Etat membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment : / a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un Etat membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un Etat membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'Etat membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée ; / b) des critères de détermination de l'Etat membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée, y compris du fait qu'une demande de protection internationale introduite dans un Etat membre peut mener à la désignation de cet Etat membre comme responsable en vertu du présent règlement même si cette responsabilité n'est pas fondée sur ces critères ; / c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les Etats membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations ; / d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ; / e) du fait que les autorités compétentes des Etats membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement ; / f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées si elles sont inexactes ou supprimées si elles ont fait l'objet d'un traitement illicite, ainsi que des procédures à suivre pour exercer ces droits, y compris des coordonnées des autorités visées à l'article 35 et des autorités nationales chargées de la protection des données qui sont compétentes pour examiner les réclamations relatives à la protection des données à caractère personnel. / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les Etats membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. / Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article 5. (...) ".

7. Il résulte de ces dispositions que le demandeur d'asile auquel l'administration entend faire application du règlement du 26 juin 2013 doit se voir remettre, dès le moment où le préfet est informé de ce qu'il est susceptible d'entrer dans le champ d'application de ce règlement et, en tout cas, avant la décision par laquelle l'autorité administrative décide de refuser l'admission provisoire au séjour de l'intéressé au motif que la France n'est pas responsable de sa demande d'asile, une information complète sur ses droits, par écrit et dans une langue qu'il comprend. Cette information doit comprendre l'ensemble des éléments prévus au paragraphe 1 de l'article 4 du règlement.

8. Il ressort des pièces du dossier que M. A... s'est vu remettre la brochure A intitulée " J'ai demandé l'asile dans l'Union européenne - Quel pays sera responsable de ma demande ' " et la brochure B intitulée " Je suis sous procédure Dublin - Qu'est-ce que cela signifie ' ", ainsi que le guide du demandeur d'asile en France, en langue française, langue officielle de la République de Guinée, en l'absence de version de ces documents en langue soussou. Ces documents, signés par M. A... lors de leur remise, lui ont été expliqués par le truchement d'un interprète en langue soussou lors de l'entretien individuel du 13 octobre 2023. En outre, l'intéressé a déclaré avoir compris la procédure engagée à son encontre et a coché, sur le résumé de l'entretien mené en préfecture, la case indiquant que l'information sur les règlements communautaires lui avait été remise. Dans ces conditions, les dispositions de l'article 4 du règlement (UE) 604/2013 n'ont pas été méconnues.

Quant au moyen tiré de la méconnaissance de l'article 35 du règlement (UE) 604/2013 et de l'article 4.4 de la directive 2013/32/UE du même jour :

9. D'une part, aux termes de l'article 35 du règlement (UE) 604/2013 : " 1. Chaque Etat membre notifie sans délai à la Commission les autorités chargées en particulier de l'exécution des obligations découlant du présent règlement et toute modification concernant ces autorités. (...) / 3. Les autorités visées au paragraphe 1 reçoivent la formation nécessaire en ce qui concerne l'application du présent règlement. / (...) ".

10. D'autre part, aux termes de l'article 1er de la directive (UE) 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relative à des procédures communes pour l'octroi et le retrait de la protection internationale : " La présente directive a pour objet d'établir des procédures communes d'octroi et de retrait de la protection internationale en vertu de la directive 2011/95/UE ". Aux termes de l'article 4 de la même directive : " 1. Les Etats membres désignent pour toutes les procédures une autorité responsable de la détermination qui sera chargée de procéder à un examen approprié des demandes conformément à la présente directive. (...) / 2. Les Etats membres peuvent prévoir qu'une autorité autre que celle mentionnée au paragraphe 1 est responsable lorsqu'il s'agit : / a) de traiter les cas en vertu du règlement (UE) n° 604/2013 (...). / 4. Lorsqu'une autorité est désignée conformément au paragraphe 2, les Etats membres veillent à ce que le personnel de cette autorité dispose des connaissances appropriées ou reçoive la formation nécessaire pour remplir ses obligations lors de la mise en œuvre de la présente directive (...) ".

11. Il ne ressort pas des écritures de M. A... que celui-ci ait articulé des moyens spécifiques tirés de la méconnaissance des dispositions précitées. En tout état de cause, l'intéressé ne fait état d'aucun élément de nature à faire naître un doute sur la formation appropriée dispensée à l'agent de préfecture qui a mené son entretien individuel. Il n'est donc pas établi que l'entretien se serait déroulé de façon irrégulière, en l'absence de formation suffisante de l'agent qui l'a interrogé. Les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 4.4 de la directive (UE) 2013/32 et de l'article 35 du règlement (UE) 604/2013, à les supposer effectivement invoqués, doivent donc être écartés.

Au titre de la légalité interne :

Quant aux moyens tirés de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'article 17 du règlement (UE) 604/2013, de l'erreur manifeste d'appréciation et du défaut d'examen particulier de sa situation :

12. D'une part, aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, dit règlement Dublin III : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement (...) ". La faculté laissée à chaque État membre, par l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 précité, de décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans ce règlement, est discrétionnaire et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile.

13. D'autre part, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ".

14. Il ressort des pièces du dossier que M. A... n'était présent sur le territoire français que depuis quatre mois à la date de l'arrêté attaqué. Il ne fait état d'aucune attache personnelle ou familiale et l'attestation de sa fréquentation d'une association d'insertion à Valenciennes ne suffit pas pour justifier d'une intégration particulière en France. Si M. A... se prévaut également de son état de santé et se plaint de ce que l'administration ne lui a pas remis de formulaire vierge de certificat médical pour avis du médecin coordonnateur de zone, d'une part, il ressort de l'entretien individuel que l'intéressé a déclaré ne pas avoir de problèmes de santé, d'autre part, il ressort des pièces médicales qu'il a produites à l'appui de ses écritures et que le juge prend en considération, qu'il a bénéficié d'une consultation en médecine générale et a fait l'objet de soins dentaires à Valenciennes. Si M. A... fait valoir que son état de santé l'expose à un risque personnel en cas de réadmission en Italie, l'intéressé n'établit pas, par les pièces qu'il produit, être dans une situation de vulnérabilité particulière et dans l'impossibilité de bénéficier d'un suivi médical dans ce pays pour des soins courants. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et d'une erreur manifeste d'appréciation dans l'application de l'article 17 du règlement (UE) 604/2013 et du défaut d'examen particulier de sa situation doivent être écartés.

15. Il suit de là que les conclusions de M. A... tendant à l'annulation de l'arrêté du 26 février 2024 par lequel le préfet du Nord a décidé de le remettre aux autorités italiennes pour l'examen de sa demande d'asile et à ce qu'il soit enjoint au préfet du Nord d'enregistrer sa demande d'asile en procédure normale ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation doivent être rejetées.

16. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Nord est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Lille a annulé l'arrêté du 26 février 2024, lui a enjoint de procéder au réexamen de la situation de M. A... et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros à verser au conseil de l'intéressé, au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

En ce qui concerne les frais de la première instance :

17. Partie perdante dans la première instance, M. A... ne peut voir accueillies ses conclusions présentées en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

En ce qui concerne les conclusions présentées par M. A... en appel :

18. En premier lieu, compte tenu du rejet de sa demande d'annulation de l'arrêté du 26 février 2024, ses conclusions à fin d'injonction doivent être rejetées par voie de conséquence.

19. En second lieu, partie perdante dans l'instance d'appel, M. A... ne peut voir accueillies ses conclusions présentées en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Sur la requête n°24DA01739 :

20. Le présent arrêt statuant sur la requête en annulation présentée contre le jugement n° 2402289 du 17 mai 2024 de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Lille, la requête tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement devient sans objet.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 17 mai 2024 de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Lille est annulé en ses articles 2 à 4.

Article 2 : La demande de M. B... A... présentée en première instance est rejetée.

Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions à fins de sursis à exécution de la requête n° 24DA01739 du préfet du Nord.

Article 4 : Les conclusions présentées par M. A... à fin d'injonction et en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au ministre de l'intérieur et à Me Sylvie Laporte.

Copie en sera transmise pour information au préfet du Nord.

Délibéré après l'audience publique du 14 novembre 2024 à laquelle siégeaient :

- Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre,

- Mme Isabelle Legrand, présidente-assesseure,

- M. Vincent Thulard, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 novembre 2024.

La présidente-rapporteure,

Signé : I. LegrandLa présidente de la 1ère chambre,

Signé : G. Borot

La greffière,

Signé : N. Roméro

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

La greffière en chef,

Par délégation,

La greffière,

Nathalie Roméro

N°24DA01327, 24DA01739 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 24DA01327
Date de la décision : 28/11/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Borot
Rapporteur ?: Mme Isabelle Legrand
Rapporteur public ?: M. Eustache
Avocat(s) : CENTAURE AVOCATS;CENTAURE AVOCATS;CENTAURE AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 15/12/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-11-28;24da01327 ?
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