Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société par actions simplifiée unipersonnelle (SASU) NL LOGISTIQUE a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 18 août 2021 par lequel le préfet de la Seine-Maritime lui a prescrit des dispositions complémentaires pour son site situé 21 quai de France à Rouen (76000).
Par un jugement n°2103952 du 1er décembre 2022, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 2 février 2023, la SASU NL Logistique, représentée par
Me Héraut, doit être regardée comme demandant à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 1er décembre 2022 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 18 août 2021 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La société appelante soutient que :
- le tribunal administratif a entaché son jugement d'une erreur de droit en n'exigeant pas du préfet de la Seine-Maritime qu'il établisse que la pollution des sols sur son site est de son fait ;
- le point 1.2.2 est illégal en ce que le préfet de la Seine-Maritime, en retenant un seuil de pollution maximale de 2 000 mg/kg, a fait une inexacte appréciation de l'état de la pollution du site avant l'incendie intervenu dans la nuit du 25 au 26 septembre 2019, ainsi que de la balance entre l'intérêt d'une telle mesure par rapport à un seuil de coupure fixé à 3 500 mg/kg de matière sèche.
Par un mémoire en défense, enregistré le 22 décembre 2023, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 10 septembre 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au même jour.
Par une lettre du 10 octobre 2024, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la cour était susceptible de procéder d'office à une substitution de base légale en substituant les dispositions de l'article L. 512-20 du code de l'environnement à celles de l'article R. 512-46-22 du même code.
En application de l'article R. 613-1-1 du code de justice administrative, la présidente de la formation de jugement a invité les parties à produire des pièces, ce que le préfet de la Seine-Maritime a fait le 6 novembre 2024.
Par un courrier en date du 6 novembre 2024, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt à intervenir était susceptible d'être fondé sur des moyens relevés d'office et tirés de ce qu'il y avait lieu d'annuler le jugement du 1er décembre 2022 du tribunal administratif de Rouen, compte tenu de son irrégularité à ne pas avoir prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions de la société NL Logistique tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Seine-Maritime en date du 18 août 2021, alors que les mesures prescrites en son point 1.2.2 avaient été complètement exécutées antérieurement au 1er décembre 2022, ce qui privait d'objet son recours, et à ce qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur les conclusions à fin d'annulation présentées en première instance par la société NL Logistique pour le même motif.
Des observations sur ce moyen d'ordre public ont présentées par la société NL Logistique, représentée par la SELAS Fidal, le 12 novembre 2024 et ont été communiquées.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'environnement,
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Thulard, premier conseiller,
- les conclusions de M. Eustache, rapporteur public,
- et les observations de Me Heraut, représentant la société par actions simplifiée unipersonnelle (SASU) NL LOGISTIQUE.
Considérant ce qui suit :
1. Dans la nuit du 25 au 26 septembre 2019, un incendie a détruit des entrepôts du site de la société par actions simplifiée unipersonnelle (SASU) NL Logistique, situés rue de Madagascar à Rouen, et une partie de la zone de stockage de l'usine chimique de la SA Lubrizol France, située 25, quai de France à Rouen. Cet incendie a notamment brûlé des produits se trouvant sur le site exploité par la SA Lubrizol France ainsi que divers produits et marchandises sur le site exploité par la société NL Logistique. Par un arrêté du 24 novembre 2020, le préfet de la Seine-Maritime a imposé à la société NL Logistique des prescriptions complémentaires visant au diagnostic de l'état des sols et des eaux souterraines au droit de la zone sinistrée par l'incendie du 26 septembre 2019 et à la remise d'un plan de gestion. Le 9 avril 2021, la société intéressée a remis aux services préfectoraux ce plan de gestion et une étude de risque sanitaire. Par un arrêté du 18 août 2021, dont il ne résulte pas de l'instruction qu'il aurait été intégralement exécuté à la date du présent arrêt, le préfet de la Seine-Maritime a prescrit à la société NL Logistique la réalisation sur son site de travaux de dépollution par excavation de terres et élimination dans des centres autorisés et, par la suite, la réalisation de travaux de remblaiement, ainsi que des mesures de surveillance des eaux souterraines. En son point 1.2.2, il lui a plus précisément imposé de ramener la concentration résiduelle en hydrocarbures C10-C40 à un maximum de 2 000 mg/kg de matière sèche au moyen d'une excavation des sols pollués. Par une requête enregistrée sous le n°2103952, la société NL Logistique a demandé au tribunal administratif de Rouen l'annulation de cet arrêté. Par un jugement du 1er décembre 2022, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande. La SASU NL Logistique interjette appel de ce jugement.
Sur la base légale de l'arrêté litigieux :
2. D'une part, aux termes de l'article L. 512-7-5 du code de l'environnement relatif aux installations classées pour la protection de l'environnement soumises à déclaration : " Si, après la mise en service de l'installation, les intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 et, le cas échéant, à l'article L. 211-1 ne sont pas protégés par l'exécution des prescriptions générales applicables à l'exploitation d'une installation régie par la présente section, le préfet, peut imposer, par arrêté complémentaire, toutes prescriptions nécessaires. ". L'article R. 512-46-22 de ce même code précise concernant les mêmes installations que " Le cas échéant, postérieurement à la mise en service de l'installation, le préfet fixe par arrêté complémentaire, sur proposition de l'inspection des installations classées, les prescriptions prévues par l'article L. 512-7-5. L'exploitant peut présenter ses observations. Le conseil départemental de l'environnement et des risques sanitaires et technologiques peut être consulté, lorsque le préfet l'estime nécessaire en raison des enjeux du projet, selon la procédure prévue par l'article R. 512-46-17. / Lorsque le conseil départemental n'est pas consulté, le rapport et les propositions de l'inspection des installations classées, ainsi que l'arrêté complémentaire lui sont transmis pour information dans un délai d'un mois suivant celui de la signature de cet arrêté. (...) ".
3. D'autre part, aux termes de l'article L. 512-20 du code de l'environnement : " En vue de protéger les intérêts visés à l'article L. 511-1, le préfet peut prescrire la réalisation des évaluations et la mise en œuvre des remèdes que rendent nécessaires soit les conséquences d'un accident ou incident survenu dans l'installation, soit les conséquences entraînées par l'inobservation des conditions imposées en application du présent titre, soit tout autre danger ou inconvénient portant ou menaçant de porter atteinte aux intérêts précités. Ces mesures sont prescrites par des arrêtés pris, sauf cas d'urgence, après avis de la commission départementale consultative compétente. ".
4. L'arrêté du 18 août 2021 litigieux vise les dispositions de l'article R. 512-46-22 du code de l'environnement et a ainsi été pris pour l'application des dispositions de son article L. 512-7-5. Toutefois, alors que cet arrêté vise à " réglementer la réalisation des travaux de dépollution des impacts dus à l'incendie du 26 septembre 2019 sur la base du diagnostic et du plan de gestion prescrits par l'arrêté préfectoral du 24 novembre 2020 dans le but de revenir à la situation antérieure à l'incendie ", il devait être pris en application de l'article L. 512-20 précité.
5. Lorsqu'il constate que la décision contestée devant lui aurait pu être prise, en vertu du même pouvoir d'appréciation, sur le fondement d'un autre texte que celui dont la méconnaissance est invoquée, le juge de l'excès de pouvoir peut substituer ce fondement à celui qui a servi de base légale à la décision attaquée, sous réserve que l'intéressé ait disposé des garanties dont est assortie l'application du texte sur le fondement duquel la décision aurait dû être prononcée. Une telle substitution relevant de l'office du juge, celui-ci peut y procéder de sa propre initiative, au vu des pièces du dossier, mais sous réserve, dans ce cas, d'avoir au préalable mis les parties à même de présenter des observations sur ce point.
6. En l'espèce, ainsi qu'il l'a été dit au point 4 du présent arrêt, l'arrêté contesté doit être regardé comme trouvant son fondement légal dans les dispositions précitées de l'article L. 512-20 du code de l'environnement. Ces dispositions peuvent être substituées à celles citées au point 2 dès lors, en premier lieu, que le préfet pouvait assortir l'arrêté en litige, en application de l'article L. 512-20 du code de l'environnement, de prescriptions identiques à celles édictées, en deuxième lieu, que cette substitution de base légale n'a pour effet de priver la société appelante d'aucune garantie, le conseil départemental de l'environnement et des risques sanitaires et technologiques (CODERST) s'étant réuni le 13 juillet 2021 et ayant alors entendu les observations de la société NL Logistique, et, en troisième et dernier lieu, que le préfet dispose du même pouvoir d'appréciation au titre des dispositions des articles L. 512-7-5 et L. 512-20 du code de l'environnement.
Sur les moyens :
7. En premier lieu, eu égard à l'office du juge d'appel, qui est appelé à statuer, d'une part, sur la régularité de la décision des premiers juges et, d'autre part, sur le litige qui a été porté devant eux, le moyen tiré de ce que le tribunal administratif aurait commis une erreur de droit en n'exigeant pas du préfet qu'il établisse que la pollution aux hydrocarbures faisant l'objet de la prescription aurait été causée par la société NL Logistique avant l'édiction de son arrêté du 18 août 2021 est inopérant.
8. En deuxième lieu, à supposer que la société appelante doive être regardée comme faisant valoir que l'arrêté du 18 août 2021 serait illégal en ce que la pollution aux hydrocarbures ayant justifié la prescription du point 1.2.2 querellée ne serait pas de son fait et s'il est vrai que l'exploitant d'une installation classée ne peut se voir imposer que des prescriptions en rapport avec ses activités d'exploitant et avec les atteintes qu'elles sont susceptibles de porter aux intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement, il résulte de l'instruction et n'est d'ailleurs pas sérieusement contesté par la société NL Logistique dans ses écritures que cette pollution est la conséquence d'un accident survenu dans son installation et consistant en l'incendie ayant touché certains de ses entrepôts dans la nuit du 25 au 26 septembre 2019. Dans ces conditions, la prescription en cause est bien en rapport avec son activité d'exploitant, laquelle s'étend, en vertu de l'article L. 512-20 du code de l'environnement, aux accidents survenus dans son installation. Le moyen tiré de l'erreur de droit ayant entaché l'arrêté du 18 août 2021 ne peut dès lors qu'être écarté.
9. En troisième et dernier lieu, le ministre en charge de l'environnement fait valoir que, conformément à la méthodologie nationale de gestion des sites et sols pollués d'avril 2017 qui prévoit qu'en cas de pollution accidentelle, il y a lieu d'opter " pour une logique de réparation (...) en vue de remettre les milieux dans un état antérieur à l'accident ", l'arrêté litigieux vise en son point 1.2.2 à revenir à une teneur en hydrocarbures C10-C40 dans les sols équivalente à celle existante avant l'incendie ayant touché le site de NL Logistique dans la nuit du 25 au 26 septembre 2019. La société appelante ne conteste ni la pertinence de cet objectif ni le fait qu'il devait se traduire par l'excavation des terres polluées et leur traitement. Si elle se prévaut d'un rapport établi en avril 2021 par la société Antea Group et qui préconise une valeur maximale en C10-C40 de 4 000 mg/kg de matière sèche, ce seuil a été fixé en tenant compte de valeurs relevées en 2020 et 2021, soit postérieurement à l'accident. Conformément aux préconisations du rapport du 2 juillet 2021 de l'inspection des installations classées et à la méthodologie nationale de gestion des sites et sols pollués d'avril 2017, le préfet de la Seine-Maritime a privilégié la prise en compte des seules valeurs relevées en 2018, dans le cadre d'un projet de cession du site de NL Logistique. L'inspection comme le préfet a estimé que la teneur en C10-C40 avant l'accident pouvait être estimée à 1 700 mg/kg de matière sèche. Afin de tenir compte d'une possible marge d'erreur, le préfet de la Seine-Maritime a alors fixé par la prescription en litige la concentration résiduelle en hydrocarbures C10-C40 à un maximum de 2 000 mg/kg de matière sèche
10. Une telle démarche s'inscrit dans la logique de réparation poursuivie par l'arrêté en cause qui n'est pas contestée dans son principe par la société NL Logistique. Celle-ci se contente de critiquer la pertinence des mesures réalisées en 2018. Toutefois, si elle indique qu'il n'y aurait eu que 15 points de mesures et que plusieurs portaient sur les terres au droit d'anciennes cuves hors la zone en cause, il résulte de l'instruction que ces dernières n'ont pas été prises en compte dans la fixation du seuil de 2 000mg/kg de matière sèche. Les points de contrôle retenus comme pertinents étaient au nombre au moins de sept et pouvaient ainsi être considérés comme représentatifs. De même, si l'appelante fait valoir que les mesures de teneurs en hydrocarbures réalisées en 2018 étaient comprises entre 1 et 2 mètres de profondeurs, elle ne précise pas en quoi cette circonstance devrait les exclure comme non-pertinentes, alors que, par ailleurs, l'arrêté en litige prévoit qu'il n'y a pas lieu à excavation des terres quand les sols, entre 0 et 1 mètre, présentent une concentration inférieure ou égale aux seuils de dépollution et que les sols, au-delà de 1 mètre, présentent eux une concentration supérieure. Enfin, s'il est constant qu'aucune mesure n'a été réalisée en 2018 au niveau des terrains naturels sous remblais du site exploité par la société NL Logistique, celle-ci n'apporte aucun élément précis de nature à établir que cette circonstance aurait été de nature à fausser l'appréciation par le préfet de la Seine-Maritime du niveau de pollution des sols antérieurement au 25 septembre 2019.
11. En outre, NL Logistique ne peut utilement se prévaloir de la circonstance que le préfet de la Seine-Maritime a imposé à la SA Lubrizol France une prescription moins stricte en ce qui concerne l'excavation et le traitement des sols pollués par les hydrocarbures C10-C40. En tout état de cause, il résulte de l'instruction que cette différence de traitement résulte d'une différence dans la situation de ces deux exploitants dès lors qu'il n'est pas contesté que la pollution historique touchant le site de Lubrizol avant l'accident 25 septembre 2019 était d'un niveau plus élevé que celle touchant le site de NL Logistique.
12. Enfin, par les pièces qu'elle produit et au regard du caractère laconique de son argumentation sur ce point, la société appelante n'établit en tout état de cause pas, qu'elle ne pourrait pas procéder à la dépollution prescrite au vu du seuil retenu et compte tenu du surcoût qui y serait associé.
13. Dans ces conditions, le préfet de la Seine-Maritime a pu légalement prescrire à la société NL Logistique d'excaver les sols de la zone sinistrée par l'incendie du 26 septembre 2019 présentant une concentration en hydrocarbures C10-40 (hydrocarbures totaux - HTC) supérieure au seuil de 2 000 mg/kg de matière sèche.
14. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la requête de la société NL Logistique doit être rejetée dans toutes ses conclusions.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la société par actions simplifiée unipersonnelle (SASU) NL Logistique est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié la SASU NL Logistique et à la ministre de la transition écologique, de l'énergie, du climat et de la prévention des risques.
Copie en sera transmise pour information au préfet de la Seine-Maritime.
Délibéré après l'audience du 14 novembre 2024 à laquelle siégeaient :
- Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre,
- Mme Isabelle Legrand, présidente-assesseure,
- M. Vincent Thulard, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 novembre 2024.
Le rapporteur,
Signé : V. Thulard
La présidente de la 1ère chambre
Signé : G. Borot La greffière,
Signé : N. Roméro
La République mande et ordonne à la ministre de la transition écologique, de l'énergie, du climat et de la prévention des risques en ce qui la concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
La greffière en chef,
Par délégation,
La greffière,
Nathalie Roméro
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N°23DA00193