Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Lille, d'une part, d'annuler l'arrêté du 7 octobre 2022 par lequel le préfet du Nord a refusé de lui délivrer un titre de séjour, d'autre part, d'enjoindre à ce préfet, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement ou, à défaut, de réexaminer sa situation et de se prononcer de nouveau sur son droit au séjour, dans le même délai, après l'avoir mise en possession d'un récépissé l'autorisant à travailler, enfin, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros, à verser à son conseil, au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Par un jugement no 2300463 du 28 juin 2024, le tribunal administratif de Lille a, d'une part, annulé l'arrêté du 7 octobre 2022 du préfet du Nord, d'autre part, enjoint au préfet du Nord de délivrer à Mme A... un certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale ", dans le délai de deux mois à compter de la notification dudit jugement, enfin, mis à la charge de l'Etat le versement au conseil de Mme A... de la somme de 1 200 euros en application des dispositions de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et rejeté le surplus des conclusions de cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 12 juillet 2024, le préfet du Nord demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme A... devant le tribunal administratif de Lille.
Il soutient que :
- les premiers juges ont retenu à tort que l'arrêté en litige était entaché d'une erreur d'appréciation au regard des stipulations du 7 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, aux motifs, contraires à l'avis émis par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, que l'un des médicaments prescrits à Mme A... n'était pas disponible en Algérie ; en outre, contrairement à ce qu'a retenu le tribunal administratif, il n'est pas établi qu'aucune autre spécialité disponible dans ce pays ne pourrait être substituée à ce traitement ;
- les autres moyens soulevés par Mme A... devant le tribunal administratif de Lille ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 4 octobre 2024, Mme A..., représentée par Me Marseille, conclut au rejet de la requête, à la confirmation du jugement attaqué et à ce que soit mise à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Elle soutient que :
- le préfet du Nord lui ayant délivré, le 16 juillet 2024, en cours d'instance d'appel, un certificat de résidence valable un an portant la mention " vie privée et familiale ", la requête est devenue sans objet ;
- c'est à juste titre que les premiers juges ont estimé que l'arrêté en litige était entaché d'une erreur d'appréciation au regard des stipulations du 7 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, dès lors, en particulier, qu'il est constant que l'un des médicaments composant le traitement qui lui est prescrit n'est pas disponible en Algérie, où se situe l'origine de ses troubles et où elle serait isolée, et qu'il est attesté par un psychiatre qui assure son suivi que ce médicament, dont l'efficacité propre a été démontrée dans sa situation non stabilisée à ce jour, ne peut être substitué par une autre molécule, même appartenant à une même catégorie ;
- les autres moyens qu'elle a soulevés devant le tribunal administratif de Lille sont fondés ; ainsi, la décision de refus de séjour contestée, qui n'a pas été précédée d'un examen suffisamment attentif de sa situation, est entachée d'une erreur de fait, en ce qui concerne la consistance de ses liens familiaux sur le territoire français, d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle et d'une méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par une décision du 22 août 2024, Mme A... a été maintenue de plein droit au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller, a été entendu, au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
Sur l'objet du litige :
1. Mme B... A..., ressortissante algérienne née le 6 avril 1995 à Draa-Ben-Khedda (Algérie), est entrée en France le 5 avril 2016, selon ses déclarations. Après avoir sollicité vainement l'asile, par une demande qui a été rejetée par une décision du 31 août 2016 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, devenue définitive, Mme A..., qui, s'étant maintenue sur le territoire français, a fait état de difficultés de santé, s'est vu délivrer, le 12 mai 2020, un certificat de résidence valable jusqu'au 11 novembre 2020, afin de permettre sa prise en charge médicale en France. Mme A... ayant sollicité, le 24 février 2021, le renouvellement de ce titre, le préfet du Nord, par un arrêté du 27 septembre 2021, a refusé de faire droit à sa demande et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours à destination de l'Algérie. Le juge des référés du tribunal administratif de Lille ayant, par une ordonnance du 16 mars 2022, suspendu l'exécution de cet arrêté et enjoint au préfet du Nord de procéder à un nouvel examen de la situation de l'intéressée, cette autorité a, par un arrêté du 7 octobre 2022, refusé de délivrer un titre de séjour à Mme A.... Le préfet du Nord relève appel du jugement du 28 juin 2024 du tribunal administratif de Lille en tant, d'une part, qu'il a annulé son arrêté du 7 octobre 2022, d'autre part, qu'il lui a enjoint de délivrer à Mme A... un certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale ", dans le délai de deux mois à compter de la notification dudit jugement, enfin, qu'il a mis à la charge de l'Etat le versement au conseil de Mme A... de la somme de 1 200 euros en application des dispositions de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Sur l'exception de non-lieu :
2. La circonstance que, postérieurement à l'enregistrement de sa requête, le préfet du Nord a délivré à Mme A..., dans le seul but de satisfaire à l'injonction de délivrance de titre de séjour prononcée par le jugement attaqué, un certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " n'a pas pu avoir pour effet de priver cette requête de son objet. Il suit de là que l'exception de non-lieu à statuer opposée par Mme A... doit être écartée.
Sur le motif d'annulation retenu par le tribunal administratif :
3. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) / Le certificat de résidence d'un an portant la mention "vie privée et familiale" est délivré de plein droit : / (...) / 7. Au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays. / Le certificat de résidence délivré au titre du présent article donne droit à l'exercice d'une activité professionnelle. / (...) ".
4. Il ressort des pièces du dossier et notamment d'une attestation établie, le 2 novembre 2023, par un psychiatre qui assure le suivi médical de Mme A... au sein du centre régional psychotrauma des Hauts-de-France, constitué auprès du centre hospitalier régional universitaire de Lille, laquelle attestation, bien que postérieure à l'arrêté contesté, permet d'appréhender la situation de l'intéressée à la date de cet arrêté, que l'un des médicaments, à savoir l'Alpress, entrant dans la composition du traitement prescrit, à cette date, à Mme A... n'est pas disponible en Algérie, pas davantage que le principe actif, à savoir la prazosine, utilisé par ce médicament. Comme l'ont relevé les premiers juges, le préfet du Nord n'a pas contesté, en première instance, ces indisponibilités et ne les conteste pas plus en cause d'appel.
5. Il ressort, en outre, de la même attestation médicale que l'Alpress, médicament bénéficiant d'une autorisation de mise sur le marché en tant qu'antihypertenseur - vasodilatateur alpha 1 bloquant, est prescrit à Mme A... hors du champ de cette autorisation de mise sur le marché, afin de faire bénéficier l'intéressée des bénéfices observés, dans le cadre de plusieurs essais cliniques, de la prazosine sur des patients souffrant, à l'instar de Mme A..., de troubles de stress post-traumatique avec symptômes intrusifs nocturnes invalidants. Dans ces conditions, en ajoutant qu'aucun autre principe actif que la prazosine n'a fait l'objet de tels essais cliniques sur des patients souffrant de cauchemars traumatiques pluriquotidiens et qu'en conséquence, aucun traitement de substitution ne peut être envisagé pour une telle indication, l'auteur de cette attestation émet une directive médicale s'opposant, pour des motifs précis et circonstanciés, à une substitution de cette molécule, qui constitue l'une des composantes essentielles du traitement prescrit à l'intéressée, par un autre principe actif, fût-il de la même classe thérapeutique.
6. Toutefois, la cour ne disposant pas de l'ensemble des éléments d'information lui permettant de se prononcer sur les points de savoir si la prazosine doit, ou non, être regardée, dans la situation particulière de Mme A..., comme non substituable par une autre molécule et si la circonstance, avancée par le préfet du Nord, que la doxazosine, autre principe actif appartenant à la même classe des antihypertenseurs, figure dans les listes officielles des médicaments disponibles en Algérie est, ou non, de nature à remettre en cause l'appréciation des premiers juges, selon laquelle il ne peut être tenu pour établi que Mme A... pourrait bénéficier, dans ce pays, d'un traitement approprié à son état de santé, quand bien même de nombreux établissements compétents pour prendre en charge des patients souffrant de troubles psychiques y existeraient, il y a lieu de prescrire un supplément d'instruction aux fins, pour l'Office français de l'immigration et de l'intégration, qui a été mis en cause, d'éclairer la cour et de nourrir la discussion contradictoire sur ces points.
DÉCIDE :
Article 1er : Il est prescrit, avant dire-droit, un supplément d'instruction aux fins, pour l'Office français de l'immigration et de l'intégration, d'apporter, dans un délai d'un mois à compter de la date de notification du présent arrêt, des éléments de réponse aux questions posées au point 6 des motifs de cet arrêt.
Article 2 : Tous droits et moyens sur lesquels il n'est pas expressément statué sont réservés jusqu'en fin d'instance.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, au préfet du Nord, ainsi qu'à Mme B... A..., à Me Marseille et au directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration.
Délibéré après l'audience publique du 7 novembre 2024 à laquelle siégeaient :
- M. Marc Heinis, président de chambre,
- M. François-Xavier Pin, président-assesseur,
- M. Jean-François Papin, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 novembre 2024.
Le rapporteur,
Signé : J.-F. Papin
Le président de chambre,
Signé : M. C...La greffière,
Signé : E. Héléniak
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
Pour la greffière en chef,
Par délégation,
La greffière,
Elisabeth Héléniak
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No 24DA01345