Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 14 septembre 2022 par lequel le préfet du Nord a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination en cas d'exécution d'office de cette mesure.
Par un jugement n° 2300047 du 13 octobre 2023, le tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 21 décembre 2023, M. C..., représenté par Me Sophie Danset-Vergoten, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à son conseil sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation dès lors que le préfet se borne à se référer à l'avis de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ;
- elle méconnaît les dispositions du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien dès lors qu'une prise en charge pluridisciplinaire de son état de santé identique à celle mise en place en France n'est pas disponible en Algérie et que le coût de ces soins ne lui permet pas d'y accéder effectivement ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien dès lors qu'il est entré régulièrement en France en 2019 avec son épouse et leurs trois enfants qui poursuivent avec succès leur scolarité dans des établissements français de sorte que la famille a transféré l'ensemble de ses centres d'intérêts en France ;
- elle méconnaît les stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant dès lors que ses trois enfants sont scolarisés en France ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;
- elle est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;
- elle méconnaît les dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'il est entré régulièrement en France en 2019 avec son épouse et leurs trois enfants qui poursuivent avec succès leur scolarité dans des établissements français de sorte que la famille a transféré l'ensemble de ses centres d'intérêts en France ;
- elle méconnaît les stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant dès lors que ses trois enfants sont scolarisés en France ;
- elle procède d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
- elle est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour.
Par un mémoire en défense, enregistré le 24 octobre 2024, le préfet du Nord conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que le requérant ne démontre pas qu'il ne pourrait pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié à son état de santé dans son pays d'origine et s'en remet pour le reste à ses écritures de première instance.
M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Douai du 23 novembre 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Alice Minet, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... C..., ressortissant algérien né le 10 mars 1976, est entré en France le 20 avril 2019 sous couvert d'un visa de type C valable du 25 février 2015 au 24 février 2020. Le 28 décembre 2021, il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " pour raison de santé. Par un arrêté du 14 septembre 2022, le préfet du Nord a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office. M. C... relève appel du jugement du 13 octobre 2023 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la décision portant refus de titre de séjour :
2. En premier lieu, la décision attaquée comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, alors même que l'ensemble des éléments relatifs à la situation personnelle de M. C... ne sont pas mentionnés, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de cette décision doit être écarté.
3. En deuxième lieu, il ne ressort pas de la décision attaquée que le préfet du Nord, qui s'est fondé tant sur l'avis de l'Office français de l'immigration et de l'intégration que sur les éléments médicaux communiqués par l'intéressé, aurait entaché sa décision d'un défaut d'examen sérieux de la situation de M. C..., ni qu'il se serait estimé lié par l'avis émis le 5 avril 2022 par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration.
4. En troisième lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) / Le certificat de résidence d'un an portant la mention "vie privée et familiale" est délivré de plein droit : / (...) / 7. Au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays. / Le certificat de résidence délivré au titre du présent article donne droit à l'exercice d'une activité professionnelle. / (...) ".
5. Il ressort des pièces du dossier que le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a estimé, dans son avis du 5 avril 2022, que l'état de santé de M. C..., qui souffre d'obésité, de diabète de type 2, d'hypertension artérielle et d'apnée du sommeil, nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais qu'il peut bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine et que son état de santé lui permet de voyager sans risque vers ce pays. En se bornant à faire valoir qu'une prise en charge pluridisciplinaire identique à celle mise en place en France n'est pas disponible en Algérie, alors qu'il n'appartient pas au juge de s'assurer que les soins dans le pays d'origine seront équivalents à ceux offerts en France mais de s'assurer qu'eu égard à la pathologie de l'intéressé, il y existe un traitement approprié disponible dans le pays d'origine dans des conditions permettant d'y avoir accès, M. C... n'établit pas que les soins que son état de santé nécessite seraient indisponibles en Algérie. Par ailleurs, si l'intéressé se prévaut d'éléments généraux sur le coût des soins et la couverture médicale en Algérie, il n'apporte aucune indication sur le coût des traitements dont il a besoin, ni n'invoque aucun élément propre à sa situation personnelle qui serait de nature à l'empêcher d'accéder effectivement à ces soins.
6. Il s'ensuit que M. C... n'est pas fondé à soutenir que le préfet du Nord a méconnu les stipulations du 7. de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968.
7. En quatrième lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) / Le certificat de résidence d'un an portant la mention "vie privée et familiale" est délivré de plein droit : / (...) / 5. Au ressortissant algérien qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ; / (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ".
8. M. C... fait valoir qu'il est entré régulièrement sur le territoire français en 2019 avec son épouse et leurs trois enfants qui poursuivent avec succès leur scolarité dans des établissements français de sorte que sa famille a transféré l'ensemble de ses centres d'intérêts en France où vit sa sœur, de nationalité française. Toutefois, il n'établit pas, à l'exception de cette dernière, que les membres de sa famille y résident de manière régulière et ne se prévaut d'aucune intégration professionnelle en France. Il n'apporte par ailleurs aucun élément permettant d'établir qu'il ne pourrait pas se réinsérer en Algérie, ni que ses enfants ne pourraient pas y poursuivre leur scolarité. Enfin, si M. C... expose que son père est décédé en 2006, il ne démontre pas être dépourvu de toute attache familiale dans son pays d'origine. Dans ces conditions, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la décision attaquée méconnaîtrait les stipulations du 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 et celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation de la situation personnelle du requérant doit être écarté.
9. En dernier lieu, aux termes du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions concernant les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".
10. M. C... soutient que ses enfants, qui sont scolarisés en France, ont vocation à y demeurer et qu'un retour dans leur pays d'origine affecterait leur bien-être. Toutefois, il ne démontre, ni même n'allègue, qu'ils ne pourraient pas poursuivre leur scolarité en Algérie où ils l'avaient d'ailleurs débutée avant leur arrivée en France et où il n'est pas établi qu'ils seraient dépourvus d'attaches familiales. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations citées au point précédent doit être écarté.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
11. En premier lieu, la décision attaquée comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, alors même que l'ensemble des éléments relatifs à la situation personnelle de M. C... ne sont pas mentionnés, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de cette décision doit être écarté.
12. En deuxième lieu, il résulte de l'examen de la légalité de la décision portant refus de titre de séjour que M. C... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de cette décision à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français.
13. En troisième lieu, il ne ressort pas de la décision attaquée que le préfet du Nord aurait entaché sa décision d'un défaut d'examen sérieux de la situation de M. C....
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14. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : (...) 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ".
15. Ainsi qu'il a été dit précédemment, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. C... ne pourrait pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié à son état de santé en cas de retour en Algérie. Par suite, en prononçant une obligation de quitter le territoire français à son encontre, le préfet du Nord n'a pas méconnu les dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
16. En dernier lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 7 et 9, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'erreur manifeste d'appréciation de la situation personnelle de l'appelant, et de la méconnaissance du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doivent être écartés.
Sur la décision fixant le pays de destination :
17. Il résulte de l'examen de la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire que M. C... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de cette décision à l'encontre de la décision fixant le pays de renvoi.
18. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction, ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C..., au ministre de l'intérieur et à Me Sophie Danset-Vergoten.
Copie en sera adressée au préfet du Nord.
Délibéré après l'audience publique du 7 novembre 2024 à laquelle siégeaient :
- M. Marc Heinis, président de chambre,
- M. François-Xavier Pin, président assesseur,
- Mme Alice Minet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 novembre 2024.
La rapporteure,
Signé : A. Minet Le président de chambre,
Signé : M. B...
La greffière,
Signé : E. Héléniak
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
Pour la greffière en chef,
Par délégation,
La greffière,
Elisabeth Héléniak
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N°23DA02345