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21/11/2024 | FRANCE | N°23DA02215

France | France, Cour administrative d'appel de DOUAI, 4ème chambre, 21 novembre 2024, 23DA02215


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. et Mme C... D... ont demandé au tribunal administratif de Rouen de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, de contributions sociales et de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2017, d'en ordonner la restitution et de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



Par un j

ugement n° 2200144 du 26 septembre 2023, le tribunal administratif de Rouen a rejeté cette dema...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme C... D... ont demandé au tribunal administratif de Rouen de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, de contributions sociales et de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2017, d'en ordonner la restitution et de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 2200144 du 26 septembre 2023, le tribunal administratif de Rouen a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 29 novembre 2023, M. et Mme C... D..., représentés par la SELAS FIDAL, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, de contributions sociales et de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2017 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le jugement attaqué est irrégulier dès lors qu'il a dénaturé leur moyen présenté à titre subsidiaire et tiré de ce que le complément de prix des cessions réalisées en 2017 présentait un caractère aléatoire et a omis de statuer sur ce moyen ;

- le jugement attaqué est irrégulier en ce qu'il n'a pas apporté une réponse suffisante au moyen tiré de ce que la détermination du complément de prix qui leur a été versé en 2018 par les acquéreurs a été réalisée en fonction d'une indexation en relation directe avec l'activité des sociétés ;

- le 2 du I de l'article 150-0 A n'exige pas qu'un aléa affecte la détermination du complément de prix, laquelle doit seulement être fonction d'une indexation en relation directe avec l'activité de la société, ni que l'indexation porte sur l'activité future de la société ;

- les compléments de prix qui ont été fixés en juin 2018 et versés la même année entrent dans le champ du 2 du I de l'article 150-0 A et étaient imposables au titre de l'année de leur versement dès lors que les actes de cession du 28 décembre 2017 prévoyaient que le prix définitif serait fixé sur la base du bilan comptable de l'exercice clos au 31 décembre 2017 établi au plus tard le 28 février 2018 et qu'il était impossible de le fixer au moment de la conclusion de l'acte de cession ;

- l'assiette des prélèvements sociaux et de la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus doit être fixée en conséquence de la modification de l'assiette de l'impôt sur le revenu.

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 avril 2024, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 12 septembre 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 4 octobre 2024 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Alice Minet, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

Sur l'objet du litige :

1. Par des actes de vente du 28 décembre 2017, M. et Mme D... ont cédé, d'une part, les titres qu'ils détenaient dans la SCI D... 59, ayant pour objet la location d'un terrain à usage de camping, pour un prix provisoire de 155 659 euros et, d'autre part, les actions détenues dans la SAS Camping Vitamin, qui prenait à bail ce terrain pour l'exploitation d'une activité de camping, pour un prix provisoire de 1 619 491 euros. Ils ont déclaré la plus-value réalisée à cette occasion au titre des revenus de l'année 2017. Par des actes de closing des 11 et 18 juin 2018, ils ont perçu un prix complémentaire de 12 208 euros pour la cession des parts de la SCI D... 59 et de 150 250 euros pour la cession des actions de la SAS Camping Vitamin et ont déclaré la plus-value réalisée au titre des revenus de l'année 2018.

2. Par une proposition de rectification du 5 août 2019, l'administration fiscale a estimé que la plus-value de la cession des titres devait être entièrement déclarée au titre des revenus de l'année 2017 et a procédé à la rectification correspondante. M. et Mme D... ont en conséquence été assujettis à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, de contributions sociales et de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus qui ont été mises en recouvrement le 31 janvier 2020.

3. M. et Mme D... ont porté le litige devant le tribunal administratif de Rouen en lui demandant de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, de contributions sociales et de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2017. Ils relèvent appel du jugement du 26 septembre 2023 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté cette demande.

Sur la régularité du jugement :

4. En premier lieu, si M. et Mme D... soutiennent que le tribunal a procédé à une analyse erronée de leur moyen présenté à titre subsidiaire et tiré de ce que le prix complémentaire des cessions de leurs titres et actions détenus au sein de la SCI D... 59 et de la SAS Camping Vitamin était affecté d'un aléa à la date de la conclusion des actes de cession le 28 décembre 2017 et a omis d'y répondre, il ressort du jugement que celui-ci a indiqué dans ses visas que les requérants soutenaient à titre subsidiaire que le prix définitif de la cession ne pouvait être fixé qu'après accord des parties et après l'inventaire et l'arrêt des comptes au 31 décembre et qu'il a répondu à cet argument en son point 3 en indiquant que ces circonstances ne permettaient pas de regarder la somme versée en 2018 comme un complément de prix au sens des dispositions du 2 du I de l'article 150-0 A du code général des impôts. Par suite, les moyens tirés de l'analyse erronée d'un moyen et de l'omission à statuer ne peuvent qu'être écartés.

5. En second lieu, il ressort des termes mêmes du jugement que celui-ci a apporté, en son point 3, une réponse expresse au moyen de M. et Mme D... tiré de ce que la détermination du complément de prix versé par les acquéreurs en 2018 avait été réalisée en fonction d'une indexation en relation directe avec l'activité des sociétés, en exposant notamment que les actes de vente prévoyaient un complément de prix déterminé en fonction de données constatées au 31 décembre 2017, soit avant l'expiration de l'année civile au cours de laquelle était intervenue la cession qui constitue le fait générateur de l'imposition de la plus-value. Le jugement a ajouté que les circonstances que les données comptables n'étaient pas encore arrêtées au moment de la cession intervenue quelques jours auparavant et qu'un accord des parties devait être recherché pour l'arrêt des comptes ne suffisaient pas à faire regarder le complément de prix comme ayant fait l'objet d'une indexation en relation directe avec l'activité future de la société. Par suite, le moyen tiré de ce que le jugement attaqué est insuffisamment motivé sur ce point ne peut qu'être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement :

6. Aux termes de l'article 150-0 A du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige : " I. - 1. Sous réserve des dispositions propres aux bénéfices industriels et commerciaux, aux bénéfices non commerciaux et aux bénéfices agricoles ainsi que des articles 150 UB et 150 UC, les gains nets retirés des cessions à titre onéreux, effectuées directement, par personne interposée ou par l'intermédiaire d'une fiducie, de valeurs mobilières, de droits sociaux, de titres mentionnés au 1° de l'article 118 et aux 6° et 7° de l'article 120, de droits portant sur ces valeurs, droits ou titres ou de titres représentatifs des mêmes valeurs, droits ou titres, sont soumis à l'impôt sur le revenu. / 2. Le complément de prix reçu par le cédant en exécution de la clause du contrat de cession de valeurs mobilières ou de droits sociaux par laquelle le cessionnaire s'engage à verser au cédant un complément de prix exclusivement déterminé en fonction d'une indexation en relation directe avec l'activité de la société dont les titres sont l'objet du contrat, est imposable au titre de l'année au cours de laquelle il est reçu (...) ".

7. Il résulte de ces dispositions, éclairées par les travaux parlementaires qui ont précédé leur adoption et en particulier le rapport n° 89 de M. B... au nom de la commission des finances du Sénat, que le législateur a entendu, par dérogation à la règle générale antérieurement admise par la législation, prévoir l'imposition d'un complément de prix indexé sur les résultats ultérieurs de la société au titre de l'année au cours de laquelle il est encaissé lorsque, à la date du contrat de cession, une incertitude pèse sur le montant de ce complément.

8. En l'espèce, les conventions de cession des titres détenus dans la SCI D... 59 et la SAS Camping Vitamin conclues par M. et Mme D... le 28 décembre 2017 fixaient, en leurs articles 6 et 8, un prix provisoire et prévoyaient sa révision par un prix définitif déterminé au vu du bilan de la société au 31 décembre 2017, établi notamment à partir d'un inventaire physique des éléments corporels de l'actif immobilisé et des marchandises en stock et le cas échéant de provisions au titre des créances sur les clients et pour risques et charges.

9. Toutefois, d'une part, il résulte de l'instruction qu'à la date des cessions intervenues trois jours avant la clôture de l'exercice 2017, la SAS Camping Vitamin, qui exploite un camping, et la SCI D... 59, qui lui loue des biens immobiliers à cet effet, avaient une activité réduite compte tenu du fait que la saison de location aux touristes s'achève, selon les dires mêmes des requérants, au milieu du mois de novembre, de sorte que les flux financiers entre le 28 et le 31 décembre 2017 étaient, comme l'attestent les extraits du grand livre des deux sociétés, particulièrement faibles dans leur nombre et dans leur montant.

10. D'autre part, l'administration fiscale fait valoir, sans être contestée sur ce point, que M. et Mme D... exerçaient, jusqu'à la cession de leurs titres, les activités de mandataires au sein des deux sociétés si bien qu'ils étaient en mesure de dresser les inventaires dès le 28 décembre 2017. Il résulte aussi des actes de closing qu'aucune provision pour risques et charges n'a été passée dans les bilans établis au 31 décembre 2017.

11. Dans ces conditions, et alors même que les contrats de cession prévoyaient que le bilan de l'exercice 2017 des deux sociétés serait arrêté selon une procédure contradictoire avec l'acquéreur, le prix définitif des cessions était déterminable dès le 28 décembre 2017 lors de la conclusion des contrats de cession.

12. Par suite, c'est à bon droit que l'administration fiscale a considéré que le prix versé par les acquéreurs à M. et Mme D... en juin 2018 ne constituait pas un complément de prix au sens des dispositions précitées du 2 du I de l'article 150-0 A du code général des impôt et était donc imposable au titre des revenus de l'année 2017.

13. Compte tenu de ce qui a été dit, le moyen tiré de ce que l'assiette des prélèvements sociaux et de la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus doit être modifiée par l'effet de la modification de l'assiette de l'impôt sur le revenu ne peut qu'être écarté.

14. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme D... ne sont pas fondés à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, de contributions sociales et de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2017.

15. Par voie de conséquence, les conclusions de M. et Mme D... tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme C... D... et au ministre auprès du Premier ministre, chargé du budget et des comptes publics.

Copie en sera adressée à l'administratrice de l'Etat chargée de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.

Délibéré après l'audience publique du 7 novembre 2024 à laquelle siégeaient :

- M. Marc Heinis, président de chambre,

- M. François-Xavier Pin, président assesseur,

- Mme Alice Minet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 novembre 2024.

La rapporteure,

Signé : A. Minet Le président de chambre,

Signé : M. A...

La greffière,

Signé : E. Héléniak

La République mande et ordonne au ministre auprès du Premier ministre, chargé du budget et des comptes publics, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Pour la greffière en chef,

Par délégation,

La greffière,

Elisabeth Héléniak

2

N°23DA02215


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23DA02215
Date de la décision : 21/11/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. Heinis
Rapporteur ?: Mme Alice Minet
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : FIDAL

Origine de la décision
Date de l'import : 01/12/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-11-21;23da02215 ?
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