Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société anonyme ENGIE Energie Services - ENGIE Solutions a demandé au tribunal administratif de Lille de condamner la commune de Dunkerque à lui verser la somme de 81 089,26 euros toutes taxes comprises (TTC) au titre du solde du marché public de prestations liées à l'exploitation des installations de chauffage, de ventilation et production d'eau chaude sanitaire notifié le 10 septembre 2014, assortie des intérêts moratoires, ainsi que l'indemnité forfaitaire de recouvrement relative à chaque facture impayée.
Par un jugement n° 2006406 du 13 juillet 2022, le tribunal administratif de Lille a condamné la commune de Dunkerque à verser à la société ENGIE Energie Services - ENGIE Solutions la somme de 81 089,26 euros, toutes taxes comprises, assortie des intérêts moratoires et de l'indemnité forfaitaire de recouvrement.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 13 septembre 2022, et des mémoires, enregistrés le 27 mai 2023 et le 16 octobre 2023, la commune de Dunkerque, représentée par la SCP Manuel Gros, Héloïse Hicter et associés, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter les réclamations de la société ENGIE Energie Services - ENGIE Solutions tendant au paiement d'une somme de 81 089,26 euros, toutes taxes comprises, assortie des intérêts moratoires, ainsi que l'indemnité forfaitaire de recouvrement relative à chaque facture impayée ;
3°) de condamner la société ENGIE Energie Services - ENGIE Solutions à lui reverser la somme de 99 406,96 euros, assortie des intérêts moratoires à compter du 7 février 2023 et de leur capitalisation, et, en cas d'inexécution de cette condamnation, de l'assortir d'une astreinte à définir par la cour ;
3°) de mettre à la charge de la société ENGIE Energie Services - ENGIE Solutions la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est irrégulier en tant qu'il a statué sur la requête de la société Engie Energie Services qui était irrecevable, en raison de la forclusion de la réclamation initiale formée devant le pouvoir adjudicateur ;
- les prestations P2 et P3 exécutées par le titulaire du marché, qui s'étalent du 11 septembre de l'année jusqu'au 11 septembre de l'année suivante, sont rémunérées par des redevances annuelles dont le montant est global et forfaitaire ; en estimant que les stipulations du contrat prévoient que les redevances de ces deux prestations sont calculées sur une période courant du 1er juillet au 30 juin, le jugement est entaché d'erreur de droit et d'erreur manifeste d'appréciation ;
- les sommes réclamées sont erronées et le quantum réclamé n'est pas justifié ; en outre, le jugement attaqué a pris en compte une facture de 9 152,69 euros qui avait déjà été réglée, ainsi que les sommes de 299,65 euros, de 803,21 euros, de 46,57 euros et de111,17 euros qui sont à la charge du CCAS de Dunkerque et non de la commune ;
- les prétentions de la société Engie Energie Services sont forcloses, non fondées et non justifiées dans leur quantum ;
- le jugement ayant été entièrement exécuté, aucun intérêt moratoire supplémentaire n'est dû ;
- la capitalisation des intérêts moratoires est une demande nouvelle qui est donc irrecevable à ce titre en appel.
Par un mémoire en défense, enregistré le 23 janvier 2023, et d'autres mémoires, enregistrés le 30 juin 2023, le 18 juillet 2023 et le 21 novembre 2023 la société ENGIE Energie Services - ENGIE Solutions, représentée par Me Thomas BERNARD, conclut au rejet de la requête, à titre subsidiaire, à la condamnation de la commune de Dunkerque à lui verser la somme de 71 564,06 euros toutes taxes comprises au titre des prestations réalisées P2 et P3, assortis des intérêts moratoires et du versement l'indemnité forfaitaire de recouvrement, à titre incident, à la capitalisation des intérêts dus à compter du 10 septembre 2020 et à la mise à la charge de la commune de Dunkerque de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la requête est irrecevable, en l'absence de motivation à l'encontre du jugement attaqué et en raison de conclusions nouvelles ;
- les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 22 novembre 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 21 décembre 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des marchés publics ;
- l'ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 ;
- le décret n° 2013-269 du 29 mars 2013 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Jean-Pierre Bouchut, premier conseiller honoraire,
- les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public,
- et les observations de Me Audrey d'Halluin, représentant la commune de Dunkerque.
Considérant ce qui suit :
1. Par quatre actes d'engagement notifiés le 10 septembre 2014, la commune de Dunkerque a conclu, pour une durée de cinq ans, un marché public de prestations liées à l'exploitation des installations de chauffage, de ventilation et production d'eau chaude sanitaire, comportant quatre lots géographiques, avec la société GDF Suez Energie Services - GDF Suez Energie Services COFELY, devenue ENGIE Energie Services - ENGIE Solutions. La commune de Dunkerque relève appel du jugement du 13 juillet 2022 par lequel le tribunal administratif de Lille l'a condamnée à verser la somme de de 81 089,26 euros toutes taxes comprises (TTC) au titre des prestations de type P2, qui correspondent à la conduite, à la surveillance, au réglage et à l'entretien courant des installations, ainsi qu'aux dépannages et réparations urgentes en astreinte 24 heures sur 24, et des prestations de type P3, qui correspondent au gros entretien et à la garantie totale des installations, pour la période du 1er juillet 2019 au 10 septembre 2019.
Sur les fins de non-recevoir opposées en défense :
2. Si la société ENGIE Energie Services soutient que la présentation de conclusions tendant au rejet des demandes de première instance comme irrecevables et non fondées constitue une demande nouvelle de la commune de Dunkerque et, par suite, irrecevable, elle conteste en réalité le bien-fondé des moyens invoqués par la commune appelante. Sa fin de non-recevoir doit, par suite, être écartée.
3. La société ENGIE Energie Services fait également valoir que la requête d'appel ne développe aucun moyen dirigé contre une règle qu'aurait méconnue le jugement attaqué. Il résulte de l'instruction que, dans le délai d'appel, la commune appelante a présenté des conclusions et exposé plusieurs moyens sur lesquels elle entend fonder son appel. Dès lors, la fin de non-recevoir opposée en défense doit être écartée.
4. Pour le même motif que celui qui est exposé au point précédent, la société ENGIE Energie Services n'est pas fondée à soutenir que la requête d'appel serait irrecevable en raison de la circonstance que la commune de Dunkerque ne se prévaut d'aucune irrégularité du jugement.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne la recevabilité de la demande formée par la société ENGIE Energie Services devant le tribunal administratif :
5. Aux termes de l'article 10.3 du cahier des clauses administratives particulières (CCAP) du marché : " Tout différend entre le titulaire et le représentant du pouvoir adjudicateur doit faire l'objet de la part du titulaire d'un mémoire de réclamation qui doit être communiqué au représentant du pouvoir adjudicateur dans un délai de 30 jours compté à partir du jour où le différend est apparu. / La personne publique dispose d'un délai de deux mois compté à partir de la réception du mémoire de réclamation pour notifier sa décision. L'absence de décision dans ce délai vaut rejet de la réclamation ". Ces stipulations soumettent l'action devant le juge administratif à l'existence d'un mémoire en réclamation préalable, à peine de forclusion.
6. L'apparition d'un différend, au sens des stipulations précitées, entre le titulaire du marché et l'acheteur, résulte, en principe, d'une prise de position écrite, explicite et non équivoque émanant de l'acheteur et faisant apparaître le désaccord. Elle peut également résulter du silence gardé par l'acheteur à la suite d'une mise en demeure adressée par le titulaire du marché l'invitant à prendre position sur le désaccord dans un certain délai. En revanche, en l'absence d'une telle mise en demeure, la seule circonstance qu'une personne publique ne s'acquitte pas, en temps utile, des factures qui lui sont adressées, sans refuser explicitement de les honorer, ne suffit pas à caractériser l'existence d'un différend au sens des stipulations précédemment citées.
7. Il résulte de l'instruction qu'après deux courriels des 22 et 28 novembre 2019 d'un agent du service comptabilité de la commune de Dunkerque mentionnant " le fait de ne payer aucune facture après le décompte de juin " et le maintien du " non-paiement des factures ", le dernier courriel émis le 29 novembre 2019 par ce même agent, dont il ne ressort pas que cet agent ait reçu délégation de signature du maire de la commune ou qu'il ait été désigné en qualité de représentant du pouvoir adjudicateur, mentionne que les demandes de la société ENGIE Energie Services sont transmises au service de la commande publique et ajoute : " je vous fais un retour au plus vite ".
8. Ces courriels n'ont pas été validés par un représentant officiellement désigné par le maire de la commune pour exécuter le marché ou ayant reçu délégation expresse de l'exécutif à cet effet ou par une personne ayant vocation pour ce faire, tant par sa place dans la hiérarchie du service que par le rôle qu'elle y assume, et le dernier de ces messages présente un caractère équivoque. Ils ne peuvent, dans ces conditions, être regardés comme une prise de position écrite, explicite et non équivoque émanant de l'acheteur de nature à caractériser l'apparition d'un différend.
9. En revanche, l'absence de réponse au courrier du 26 décembre 2019 de la société ENGIE Energie Services, notifié à la commune le 30 décembre 2019 et réclamant le paiement des factures transmises, a fait naître un refus tacitement intervenu le 29 février 2020, de nature à constituer l'apparition d'un différend à cette dernière date.
10. Il résulte de l'instruction que la société ENGIE Energie Services a adressé le 30 avril 2020 au représentant du pouvoir adjudicateur un mémoire en réclamation portant sur diverses sommes résultant de l'exécution des lots du marché, dont les factures en litige, alors qu'aux termes des clauses du marché, ce mémoire aurait dû parvenir au pouvoir adjudicateur au plus tard trente jours après l'apparition du différend, soit au plus tard le 30 mars 2020. Par un courrier du 9 juillet 2020, la commune de Dunkerque a rejeté cette réclamation.
11. Cependant, ce courrier faisait connaître à l'entreprise que si elle entendait régler à l'amiable le différend, elle pouvait " saisir le médiateur des entreprises ou encore le comité consultatif du règlement amiable des litiges de Nancy " ou, à défaut de règlement amiable du litige, " introduire un recours de plein contentieux auprès du tribunal administratif de Lille dans un délai de deux mois à compter de la réception " de son courrier. Par ce courrier, la commune de Dunkerque doit être regardée comme ayant renoncé expressément aux effets de la forclusion contractuelle prévue à l'article 10.3 du CCAP, la société devant être pour sa part regardée comme ayant implicitement accepté cette renonciation.
12. Au surplus, il résulte des dispositions de l'article 4 de l'ordonnance du 25 mars 2020 que " les astreintes, les clauses pénales, les clauses résolutoires ainsi que les clauses prévoyant une déchéance, lorsqu'elles ont pour objet de sanctionner l'inexécution d'une obligation dans un délai déterminé, sont réputées n'avoir pas pris cours ou produit effet, si ce délai a expiré pendant la période " du 12 mars au 23 juin 2020 inclus. Ainsi, le délai de forclusion qui a expiré durant cette période, lequel doit être regardé comme une clause prévoyant une déchéance, ne peut être opposé par le pouvoir adjudicateur au titulaire du marché. Le mémoire reçu le 30 avril 2020 est donc réputé être intervenu dans le délai de réclamation fixé par les stipulations du marché et ne pouvait, en tout état de cause, être considéré comme tardif.
13. Dans ces conditions, la fin de non-recevoir opposée par la commune de Dunkerque et tirée de la forclusion de la demande présentée par l'entreprise devant le tribunal administratif de Lille doit être écartée.
En ce qui concerne le bien-fondé de la demande de la société ENGIE Energie Services :
14. Il résulte de l'instruction que les quatre lots en litige ont été notifiés le 11 septembre 2014 et que l'acte d'engagement de chacun de ces quatre lots prévoyait que le délai d'exécution des prestations était d'une durée de soixante mois à compter de la date de notification du marché. Aucun décompte général, technique et financier n'a été établi entre les parties pour chacun des quatre lots concernés, au contraire des prévisions de l'article 6.06 du CCAP.
S'agissant du paiement des prestations P2 et P3 :
15. L'article 4.02.3 du CCAP prévoit que les prestations de type P2 " seront réglées à prix global et forfaitaire pour chaque exercice annuel éventuellement diminué du montant des pénalités pour non-conformité des prestations, prestations non réalisées, retards dans la fourniture de documents, non-respect de la réglementation. Elles sont réputées établies pour chaque poste sur un exercice annuel, donc indépendamment de la durée réelle de la saison de chauffage ou des conditions particulières en été ". L'article 4.02.4 stipule que les redevances P3 " sont globales et forfaitaires : elles sont réputées établies dans les mêmes conditions que les redevances P2 ". L'article 6.02 prévoit qu'un décompte annuel est établi après la clôture de l'exercice au 30 juin.
16. La société ENGIE Energie Services soutient que le montant des prestations P2 et P3 pour l'exercice allant du 1er juillet 2018 au 30 juin 2019 ne couvre pas la période allant du 1er juillet 2019 au 10 septembre 2019, alors que la commune de Dunkerque soutient que le prix de ces deux prestations est global et forfaitaire et que le paiement de ce forfait s'impute sur une année pleine et entière et donc de septembre à septembre, les lots du marché ayant été notifiés le 10 septembre 2014.
17. Il résulte de l'instruction qu'aucune des stipulations du marché ne prévoit expressément le cas de la discordance entre le 1er juillet, début de l'exercice annuel, qui sert de base au paiement annuel des prestations P2 et P3 rémunérées selon un montant global et forfaitaire, et le 11 septembre, début de l'exécution de chacun des lots du marché.
18. Lorsque les parties soumettent au juge un litige relatif à l'exécution du contrat qui les lie, il incombe en principe à celui-ci, eu égard à l'exigence de loyauté des relations contractuelles, de faire application du contrat. Le contrat en cause doit s'interpréter d'après la commune intention des parties plutôt qu'en s'arrêtant au sens littéral de ses termes. Toutes ses clauses doivent s'interpréter les unes par rapport aux autres, en donnant à chacune le sens qui respecte la cohérence de l'acte tout entier.
19. Il résulte de l'instruction que les montants des factures des prestations P2 et P3 du premier exercice du contrat, qui a commencé le 11 septembre 2014 et a pris fin le 30 juin 2015, ont été ajustés au prorata du nombre de jours d'exécution du marché, en retenant 293 jours d'exécution sur 365, et en déduisant ainsi la période allant du 1er juillet au 10 septembre 2014, soit 72 jours.
20. Le mode de calcul accepté par les deux parties pour la première année du contrat fait donc apparaître que leur commune intention a été d'appliquer au prix des prestations P2 et P3 un prorata fondé sur le nombre de jours d'exercice effectif des prestations afin de tenir compte de l'absence de coïncidence entre le début de l'exercice annuel fixé contractuellement et celui du début du contrat. Ainsi, le mode de calcul du paiement des prestations P2 et P3 tel qu'interprété par les parties au début de l'exécution du marché doit, eu égard à l'exigence de loyauté des relations contractuelles, l'être également pour la dernière année de son exécution.
21. De plus, l'interprétation du contrat proposée par la commune de Dunkerque aurait pour effet, eu égard à ce que les parties ont convenu pour le premier exercice du contrat, de ne pas prévoir de rémunération pour l'intégralité des soixante mois de la durée du marché.
22. Dans ces conditions, le paiement des prestations P2 et P3 exécutées entre la fin du dernier exercice annuel, soit le 30 juin 2019, et la fin de l'exécution du marché, soit le 10 septembre 2019, doit être fondé sur le même prorata de 72 jours, sans que soit méconnu le caractère global et forfaitaire du prix des deux prestations. Il y a donc lieu d'écarter le moyen tiré de ce caractère global et forfaitaire, invoqué par la commune de Dunkerque.
S'agissant du quantum des montants dues par la commune de Dunkerque :
23. Il résulte de l'instruction que les montants des factures n° 201910NK00886, 201910NK00890, 201910NK01845, 201910NK01846, 201910NK01856, 201910NK01857, 201910NK01864, 201910NK01867, 201910NK01868 et 201910NK01873 sont dus par le centre communal d'action sociale de Dunkerque, qui constitue une personne morale distincte de la commune de Dunkerque. Dès lors, le paiement de ces factures ne peut pas incomber à cette dernière.
24. Les deux parties admettent, dans leurs écritures d'appel, que, pour la facture n° 201912NK00491, la somme de 743,89 euros doit être déduite du montant global réclamé par la société ENGIE Energie Services.
25. La commune de Dunkerque indique que la facture 201912NK00425 d'un montant de 9 152,69 euros toutes taxes comprises a été réglée. Toutefois, en n'apportant pas la preuve du versement de la totalité de ce montant, elle ne conteste pas sérieusement que la somme de 371,38 euros revendiquée par la société ENGIE Energie Services lui reste due au titre de cette même facture.
26. La commune de Dunkerque conteste, pour chacune des factures concernées, le mode de calcul utilisé par la société ENGIE Energie Services, qui a consisté à appliquer au prix de la prestation un prorata de 30 % puis à multiplier le résultat ainsi obtenu par le rapport entre le nombre de jours de la période du 1er juillet au 10 septembre 2019, soit 72 jours, et le nombre de jours de la période du 1er juillet au 15 octobre 2019, soit 107 jours.
27. Un tel mode de calcul a conduit à la facturation de prix supérieurs à ceux qui résultaient, conformément comme il a été dit à la commune intention des parties, qui se sont référées à une base annuelle de 365 jours, et à l'exigence de loyauté des relations contractuelles, de l'application aux prix des prestations en cause d'un prorata de 72 jours, au titre de la période du 1er juillet au 10 septembre 2019, sur 365 jours.
28. Le récapitulatif des montants résultant de cette méthode appliquée par la ville de Dunkerque, dans le tableau qu'elle produit à l'appui de ses écritures, aux factures présentées par la société ENGIE Energie Services, à l'exception des factures mentionnées aux points 23 et 24, n'est pas sérieusement contesté dans ses détails par l'entreprise. Il y a donc lieu de retenir la somme de 68 080,24 euros toutes taxes comprises résultant de cette méthode et reprise dans ce tableau.
29. Il résulte de ce qui vient d'être dit qu'il y a lieu de ramener la somme de 81 089,26 euros toutes taxes comprises, fixée par l'article 1er du jugement attaqué, à la somme de 68 451,62 euros toutes taxes comprises à laquelle doit être condamnée la commune de Dunkerque à verser à la société ENGIE Energie Services.
S'agissant des intérêts moratoires :
30. Aux termes de l'article 2 du décret du 29 mars 2013 : " I. - Le délai de paiement court à compter de la date de réception de la demande de paiement par le pouvoir adjudicateur ou, si le contrat le prévoit, par le maître d'œuvre ou toute autre personne habilitée à cet effet. (...) II. - La date de réception de la demande de paiement et la date d'exécution des prestations sont constatées par les services du pouvoir adjudicateur ou, le cas échéant, par le maître d'œuvre ou la personne habilitée à cet effet. A défaut, c'est la date de la demande de paiement augmentée de deux jours qui fait foi. En cas de litige, il appartient au créancier d'apporter la preuve de cette date ". Aux termes de l'article 7 de ce décret : " Lorsque les sommes dues en principal ne sont pas mises en paiement à l'échéance prévue au contrat ou à l'expiration du délai de paiement, le créancier a droit, sans qu'il ait à les demander, au versement des intérêts moratoires et de l'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement (...) ". Aux termes du I de l'article 8 du décret : " Le taux des intérêts moratoires est égal au taux d'intérêt appliqué par la Banque centrale européenne à ses opérations principales de refinancement les plus récentes, en vigueur au premier jour du semestre de l'année civile au cours duquel les intérêts moratoires ont commencé à courir, majoré de huit points de pourcentage. / Les intérêts moratoires courent à compter du jour suivant l'échéance prévue au contrat ou à l'expiration du délai de paiement jusqu'à la date de mise en paiement du principal incluse. (...) ".
31. Il résulte de l'instruction que, par un courrier du 30 avril 2020, la société ENGIE Energie Services a détaillé ses réclamations portant sur le solde du marché. Ce courrier doit être regardé comme la demande de paiement prévue par l'article 2 du décret du 29 mars 2013, demande dont il n'est pas contesté par les parties qu'elle doit, en application des dispositions du même article, être réputée avoir été reçue deux jours plus tard, soit le 2 mai 2020. Le délai de paiement de trente jours, fixé par les stipulations de l'article 6.03 du CCAP, a donc expiré le 1er juin 2020, et la société ENGIE Energie Services a droit, à compter de cette date, à des intérêts moratoires à un taux égal au taux d'intérêt appliqué par la Banque centrale européenne à ses opérations principales de refinancement les plus récentes, en vigueur au 1er janvier 2020, majoré de huit points.
S'agissant des conclusions d'appel incident tendant à la capitalisation des intérêts moratoires :
32. La capitalisation des intérêts peut être demandée à tout moment devant le juge du fond, même si, à cette date, les intérêts sont dus depuis moins d'une année. En ce cas, cette demande ne prend toutefois effet qu'à la date à laquelle, pour la première fois, les intérêts sont dus pour une année entière.
33. La capitalisation des intérêts a été demandée, par la voie de l'appel incident, par un mémoire enregistré le 23 janvier 2023 alors que la somme à laquelle a été condamnée la ville de Dunkerque par le jugement attaqué, y compris les intérêts moratoires, a été versée le 31 juillet 2023 à la société ENGIE Energie Services. A la date de ce versement, il n'était donc pas dû une année d'intérêts. Dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil, il y a lieu de rejeter cette demande de la société, sans qu'il soit nécessaire d'examiner la fin de non-recevoir opposée par la commune de Dunkerque.
S'agissant de l'indemnité forfaitaire de recouvrement :
34. Aux termes de l'article 7 du décret du 29 mars 2013 : " Lorsque les sommes dues en principal ne sont pas mises en paiement (...) à l'expiration du délai de paiement, le créancier a droit, sans qu'il ait à les demander, au versement des intérêts moratoires et de l'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement (...) ". Aux termes de l'article 9 du même décret : " Le montant de l'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement est fixé à 40 euros. ".
35. Il ressort de ces dispositions que la société ENGIE Energie Services a droit au versement d'une indemnité forfaitaire de recouvrement de 40 euros. Par suite, il y a lieu de condamner la commune à lui verser cette somme.
Sur la demande d'injonction :
36. Il résulte des dispositions de l'article L. 11 du code de justice administrative que les décisions des juridictions administratives sont exécutoires. Lorsque le juge d'appel infirme une condamnation prononcée en première instance, sa décision, dont l'expédition notifiée aux parties est revêtue de la formule exécutoire prévue à l'article R. 751-1 du code de justice administrative, permet par elle-même d'obtenir, au besoin d'office, le remboursement de sommes déjà versées en vertu de cette condamnation.
37. Ainsi les conclusions de la commune de Dunkerque tendant à ce qu'il soit enjoint, sous astreinte, à la société ENGIE Energie Services de lui rembourser le trop-perçu des sommes versées en exécution du jugement du 13 juillet 2022 du tribunal administratif de Lille, partiellement infirmé en appel, assorti des intérêts moratoires et de leur capitalisation, sont sans objet. Elles ne peuvent, par suite, qu'être rejetées.
38. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Dunkerque est seulement fondée à soutenir que la somme de 81 089,26 euros toutes taxes comprises que, par l'article 1er du jugement du 13 juillet 2022, le tribunal administratif de Lille l'a condamnée à verser à la société ENGIE Energie Services doit être ramenée à la somme de 68 451,62 euros toutes taxes comprises, assortie des intérêts moratoires à compter du 1er juin 2020 à un taux égal au taux d'intérêt appliqué par la Banque centrale européenne à ses opérations principales de refinancement les plus récentes, en vigueur au 1er janvier 2020, majoré de huit points de pourcentage. Les conclusions d'appel incident de la société ENGIE Energie Services doivent en outre être rejetées.
Sur les frais du procès :
39. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions des parties fondées sur l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La somme de 81 089,26 euros TTC que, par l'article 1er du jugement du 13 juillet 2022 du tribunal administratif de Lille, la commune de Dunkerque a été condamnée à verser à la société ENGIE Energie Services est ramenée à la somme de 68 451,62 euros toutes taxes comprises.
Article 2 : La somme fixée par l'article 1er portera intérêts moratoires, à compter du 1er juin 2020, à un taux égal au taux d'intérêt appliqué par la Banque centrale européenne à ses opérations principales de refinancement les plus récentes, en vigueur au 1er janvier 2020, majoré de huit points.
Article 3 : Le jugement du 13 juillet 2022 du tribunal administratif de Lille est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Dunkerque et à la société ENGIE Energie Services.
Copie en sera transmise, pour information, au préfet du Nord.
Délibéré après l'audience publique du 7 novembre 2024 à laquelle siégeaient :
- M. Marc Heinis, président de chambre,
- M. François-Xavier Pin, président-assesseur,
- M. Jean-Pierre Bouchut, magistrat honoraire.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 novembre 2024.
Le rapporteur,
Signé : J.-P. Bouchut
Le président de la 4ème chambre,
Signé : M. A...
La greffière,
Signé : E Héléniak
La République mande et ordonne au préfet du Nord en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
La greffière en chef,
Par délégation,
La greffière,
Elisabeth Héléniak
N°22DA01932 2