Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lille, d'une part, d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 1er août 2023 par lequel le préfet du Nord a rejeté sa demande de titre de séjour " entrepreneur/profession libérale ", lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination, lui a interdit tout retour sur le territoire français pendant une durée d'un an et l'a informé qu'il faisait l'objet d'un signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen pour la durée de cette interdiction, d'autre part, d'enjoindre au préfet du Nord de lui délivrer un récépissé de demande de titre de séjour l'autorisant à travailler et, à terme, de lui délivrer le titre de séjour demandé, sous astreinte de 75 euros par jour de retard à compter du troisième jour suivant la notification du jugement à intervenir ou, le cas échéant, à l'issue de la signification par voie d'huissier à son initiative.
Par un jugement n° 2307849 du 12 mars 2024, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 14 avril 2024, M. B..., représenté par Me Mbuli Bonyengwa, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du 1er août 2023 par lequel le préfet du Nord a rejeté sa demande de titre de séjour " entrepreneur/profession libérale ", lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination, lui a interdit tout retour sur le territoire français pendant une durée d'un an et l'a informé qu'il faisait l'objet d'un signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen pour la durée de cette interdiction ;
3°) d'enjoindre au préfet du Nord de lui délivrer un récépissé de demande de titre de séjour l'autorisant à travailler et, à terme, de lui délivrer le titre de séjour demandé, sous astreinte de 75 euros par jour de retard à compter du troisième jour suivant la notification du jugement à intervenir ou, le cas échéant, à l'issue de la signification par voie d'huissier à son initiative ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à lui verser sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision de refus de délivrance d'un titre de séjour est insuffisamment motivée ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 421-5 et celles du 1° de l'article L. 426-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il remplit l'ensemble des conditions pour bénéficier d'un titre de séjour " entrepreneur/profession libérale " ;
- la décision l'obligeant à quitter le territoire français doit être annulée par voie d'exception d'illégalité de la décision lui refusant un titre de séjour ;
- elle est insuffisamment motivée, tant en fait qu'en droit ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision lui interdisant tout retour sur le territoire français durant un an doit être annulée par voie d'exception d'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 612 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le signalement dans le système d'information Schengen accompagnant l'interdiction de retour est contraire à la convention dite " Schengen " dès lors qu'elle lui interdit de retourner en Italie où il bénéficie de la qualité de résident de longue durée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 19 septembre 2024, le préfet du Nord, représenté par Me Rannou, conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 23 septembre 2024, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 10 octobre 2024 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 en matière de séjour et d'emploi ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Frédéric Malfoy, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B..., ressortissant marocain né le 26 décembre 1981, déclare être entré en France le 1er mars 2019 en provenance d'Italie. Par une demande présentée le 10 mai 2021, il a sollicité auprès des services de la préfecture du Nord la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " entrepreneur / profession libérale ". Par un arrêté du 1er août 2023, le préfet du Nord a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, lui a interdit tout retour sur le territoire français durant un an et a fixé le pays de destination de son éloignement. M. B... relève appel du jugement du 22 décembre 2023 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la décision de refus de titre de séjour :
2. D'une part, aux termes de l'article L. 426-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger titulaire de la carte de résident de longue durée-UE, définie par les dispositions de la directive 2003/109/ CE du Conseil du 25 novembre 2003 relative au statut des ressortissants de pays tiers résidents de longue durée, accordée dans un autre Etat membre de l'Union européenne, et qui justifie de ressources stables et suffisantes pour subvenir à ses besoins et, le cas échéant, à ceux de sa famille, ainsi que d'une assurance maladie obtient, sous réserve qu'il en fasse la demande dans les trois mois qui suivent son entrée en France, et sans que la condition prévue à l'article L. 412-1 soit opposable : 1° La carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " entrepreneur/ profession libérale " s'il remplit les conditions prévues aux articles L. 421-1, L. 421-3 ou L. 421-5 (...) ". Aux termes de l'article L. 421-5 du même code : " L'étranger qui exerce une activité non salariée, économiquement viable et dont il tire des moyens d'existence suffisants, dans le respect de la législation en vigueur, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " entrepreneur/ profession libérale " d'une durée maximale d'un an ". Aux termes de l'article L. 412-1 de ce code : " Sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues aux articles L. 412-2 et L. 412-3, la première délivrance d'une carte de séjour temporaire ou d'une carte de séjour pluriannuelle est subordonnée à la production par l'étranger du visa de long séjour mentionné aux 1° ou 2° de l'article L. 411-1 ".
3. D'autre part, aux termes du premier alinéa de l'article 3 de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 : " Les ressortissants marocains désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent accord, reçoivent, après le contrôle médical d'usage et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention " salarié " éventuellement assortie de restrictions géographiques ou professionnelles ". En vertu du premier alinéa de l'article 9 de ce même accord : " Les dispositions du présent accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'accord ".
4. Il résulte des stipulations de l'article 9 de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 en matière de séjour et d'emploi que celui-ci renvoie, sur tous les points qu'il ne traite pas, à la législation nationale, en particulier aux dispositions pertinentes du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, pour autant qu'elles ne sont pas incompatibles avec les stipulations de l'accord. Les dispositions précitées des articles L. 426-11, L. 421-5 et L. 412-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sont applicables aux ressortissants marocains, en vertu de l'article 9 de l'accord franco-marocain précité, dès lors que cet accord ne contient pas de stipulations relatives aux titres de séjour délivrés pour l'exercice d'une activité d'entrepreneur.
5. Il ressort de la combinaison des textes précédemment cités qu'un ressortissant marocain qui dispose d'un titre de séjour de longue durée délivré par un autre Etat membre de l'Union européenne et qui souhaite obtenir en France un titre de séjour lui donnant l'autorisation de travailler doit, s'il veut bénéficier de l'exemption de l'exigence de visa de longue durée, en faire la demande dans les trois mois suivant son entrée en France.
6. En premier lieu, M. B... soutient satisfaire aux critères des articles L. 426-11 et L. 421-5 précités pour l'obtention d'une carte de séjour portant la mention " entrepreneur / profession libérale " dès lors qu'il serait titulaire d'une carte de résident de longue durée UE délivrée par les autorités italiennes, qu'il justifie en outre d'un revenu mensuel situé entre 1 700 et 2 000 euros qu'il tire de l'activité de sa société de rénovation de bâtiments inscrite au registre du commerce et des sociétés et enfin, qu'il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " entrepreneur " moins de trois mois après son entrée en France. S'il ressort des pièces du dossier que M. B... a été mis en possession d'une carte d'identité délivrée par les autorités italiennes valable du 11 février 2019 au 26 décembre 2029, ce document est uniquement destiné à attester de son état civil en qualité de ressortissant marocain et ne constitue pas un titre l'autorisant à séjourner régulièrement en Italie. Par suite, l'intéressé ne peut être regardé comme titulaire d'une carte de résident de longue-durée UE le dispensant, pour l'exercice d'une activité professionnelle en qualité de ressortissant de pays tiers, de la présentation d'un visa de long séjour. Le préfet du Nord pouvait donc légalement, pour le seul motif tiré de l'absence de visa de long séjour, refuser à M. B... la délivrance du titre de séjour sollicité sur le fondement des dispositions citées au point 2.
7. En second lieu, l'arrêté en litige, qui vise les textes dont il fait application, comporte les principaux éléments relatifs à la situation de M. B..., notamment en ce qui concerne l'absence de visa de long séjour. Dès lors, la décision contestée, qui n'avait pas à reprendre l'ensemble des éléments se rapportant à la situation de M. B..., est suffisamment motivée.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
8. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit aux points précédents que le moyen tiré, par la voie de l'exception, de l'illégalité de la décision refusant un titre de séjour, ne peut qu'être écarté.
9. En second lieu, aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : / 1° L'étranger, ne pouvant justifier être entré régulièrement sur le territoire français, s'y est maintenu sans être titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; / 2° L'étranger, entré sur le territoire français sous couvert d'un visa désormais expiré ou, n'étant pas soumis à l'obligation du visa, entré en France plus de trois mois auparavant, s'est maintenu sur le territoire français sans être titulaire d'un titre de séjour ou, le cas échéant, sans demander le renouvellement du titre de séjour temporaire ou pluriannuel qui lui a été délivré ; / 3° L'étranger s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour, le renouvellement du titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de l'autorisation provisoire de séjour qui lui avait été délivré ou s'est vu retirer un de ces documents ; / (...) ".
10. D'une part, en se fondant sur les dispositions précitées et celles de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet du Nord a suffisamment motivé sa décision.
11. D'autre part, pour contester la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français, M. B... soutient qu'il n'entre dans aucun des cas prévus par les paragraphes 1°, 2° et 3° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Toutefois, comme il vient d'être dit aux points 6 et 7, le préfet du Nord lui a refusé à bon droit le titre de séjour qu'il a sollicité. Dès lors, le préfet était fondé, pour ce motif, à l'obliger à quitter le territoire français. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 3° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
Sur la décision interdisant le retour sur le territoire français durant un an :
12. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'illégalité de la décision d'interdiction de retour d'une durée d'un an, par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français, ne peut qu'être écarté.
13. En second lieu, il découle de ce qui a été dit en ce qui concerne le refus de titre de séjour, que M. B... n'établit pas être titulaire d'une carte de résident de longue durée UE. Par suite, il ne peut utilement soutenir que le signalement de la mesure d'interdiction de retourner sur le territoire français dans le système d'information Schengen, a pour effet de lui interdire de repartir en Italie où il serait légalement admissible.
14. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 12 mars 2024, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction, assorties d'astreinte, ainsi que celles présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Nord.
Délibéré après l'audience publique du 5 novembre 2024 à laquelle siégeaient :
- Mme Marie-Pierre Viard, présidente de chambre,
- M. Jean-Marc Guérin-Lebacq, président-assesseur,
- M. Frédéric Malfoy, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 novembre 2024.
Le rapporteur,
Signé : F. Malfoy
La présidente de chambre,
Signé : M.-P. Viard
La greffière,
Signé : C. Huls-Carlier
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
Pour la greffière en chef,
par délégation,
La greffière,
C. Huls-Carlier
N° 24DA00722 2