Vu la procédure suivante :
Par une requête, enregistrée le 27 février 2023, et des mémoires, enregistrés les 26 octobre, 7 novembre et 5 décembre 2023, la société civile immobilière (SCI) Tilloy Pecquencourt, représentée par Me Jean Courrech, demande à la cour :
1°) d'annuler l'arrêté du 5 janvier 2023 par lequel le maire de Pecquencourt a refusé de lui délivrer un permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale pour la création d'un supermarché de 2 490 m², assorti d'un point-retrait de marchandises (" drive ") de dix pistes et d'une station-service, situé sur le territoire de la commune dans la zone d'aménagement concerté (ZAC) Barrois ;
2°) d'enjoindre à la commission nationale d'aménagement commercial (CNAC) de rendre un nouvel avis ;
3°) d'enjoindre à la commune de Pecquencourt de réexaminer sa demande de permis de construire dans les deux mois du nouvel avis de la CNAC.
Elle soutient que :
- les motifs de l'avis défavorable de la CNAC, qui a servi de fondement au refus de permis de construire attaqué, ne sont pas fondés ;
- la zone de chalandise initialement délimitée sans inclure les communes d'Auberchicourt et de Douai est régulière, eu égard notamment à la présence d'autres centres commerciaux dans ces communes ou à proximité ;
- le projet respecte les critères et objectifs fixés par l'article L. 752-6 du code de commerce ;
- la CNAC ne peut prendre en compte les besoins de la population, qui correspondent à un critère inapplicable au projet ;
- le projet n'est pas incompatible avec le schéma de cohérence territoriale du grand Douaisis.
Par un mémoire en défense, enregistré le 7 juin 2023, le préfet du Nord conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Par des mémoires en défense et de production de pièces, enregistrés les 23 mai, 26 octobre et 14 novembre 2023, la commission nationale d'aménagement commercial (CNAC) conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 27 octobre 2023, et un mémoire, enregistré le 11 décembre 2023, la société Supermarchés Match, représentée par Me Caroline Meillard Guguen, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la SCI Tilloy Pecquencourt d'une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 27 octobre 2023, la société CAPAMA, représentée par Me Gwenaël Le Fouler, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la SCI Tilloy Pecquencourt d'une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 28 octobre 2023, et un mémoire enregistré le 15 décembre 2023, la société Jassan, représentée par Me Marie-Anne Renaux, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la SCI Tilloy Pecquencourt d'une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 1er février 2024, la société D3SHOP, représentée par Me Philippe Jourdan, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la SCI Tilloy Pecquencourt d'une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les moyens de la requête ne sont pas fondés ;
- le projet méconnaît également le critère posé par l'article L.752-6 du code de commerce et tenant à la protection des consommateurs.
La requête a été communiquée à la commune de Pecquencourt qui n'a pas produit de mémoire.
Par une ordonnance du 26 février 2024, la clôture de l'instruction a été prononcée avec effet immédiat, en application des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de commerce ;
- le code de l'urbanisme ;
- l'arrêté du 4 août 2021 relatif aux exigences de performance énergétique et environnementale des constructions de bâtiments en France métropolitaine et portant approbation de la méthode de calcul prévue à l'article R. 172-6 du code de la construction et de l'habitation ;
- l'arrêté du 19 décembre 2023 portant application de l'article L. 171-4 du code de la construction et de l'habitation, fixant la proportion de la toiture du bâtiment couverte par un système de végétalisation ou de production d'énergies renouvelables, et précisant les conditions économiquement acceptables liées à l'installation de ces systèmes ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Isabelle Legrand, présidente-assesseure,
- les conclusions de M. Stéphane Eustache, rapporteur public,
- et les observations de Me Morisseau, substituant Me Courrech, représentant la SCI Tilloy Pecquencourt, de M. A... C..., maire de Pecquencourt, de Me Renaux représentant la SAS Jassan, de Me Danzé représentant la Sté Capama, de Me Baton représentant la Sté Supermarchés Match et de M. B..., représentant le préfet du Nord.
Considérant ce qui suit :
1. La société civile immobilière (SCI) Tilloy Pecquencourt a sollicité un permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale pour la création d'un supermarché d'une surface de vente 2 490 m², assorti d'un point-retrait de marchandises (" drive ") de dix pistes et d'une station-service, situé sur le territoire de la commune de Pecquencourt (59146) dans la zone d'aménagement concerté (ZAC) Barrois. La commission départementale d'équipement commercial du Nord a rendu le 20 août 2022 un avis favorable au projet. Saisie d'un recours préalable obligatoire par le préfet du Nord, les sociétés Jassan, Capama, D3SHOP et Supermarchés Match, la commission nationale d'aménagement commercial (CNAC) a émis un avis défavorable au projet le 8 décembre 2022. Par la présente requête, la SCI Tilloy Pecquencourt demande l'annulation de l'arrêté pris le 5 janvier 2023 par le maire de Pecquencourt refusant de lui accorder le permis de construire sollicité.
Sur la CNAC :
2. Aux termes de l'article L. 425-4 du code de l'urbanisme : " Lorsque le projet est soumis à autorisation d'exploitation commerciale au sens de l'article L. 752-1 du code de commerce, le permis de construire tient lieu d'autorisation dès lors que la demande de permis a fait l'objet d'un avis favorable de la commission départementale d'aménagement commercial ou, le cas échéant, de la Commission nationale d'aménagement commercial. (...) ". Aux termes de l'article L. 752-17 du code de commerce : " I.- Conformément à l'article L. 425-4 du code de l'urbanisme, le demandeur, le représentant de l'Etat dans le département, tout membre de la commission départementale d'aménagement commercial, tout professionnel dont l'activité, exercée dans les limites de la zone de chalandise définie pour chaque projet, est susceptible d'être affectée par le projet ou toute association les représentant peuvent, dans le délai d'un mois, introduire un recours devant la Commission nationale d'aménagement commercial contre l'avis de la commission départementale d'aménagement commercial. / La Commission nationale d'aménagement commercial émet un avis sur la conformité du projet aux critères énoncés à l'article L. 752-6 du présent code, qui se substitue à celui de la commission départementale. (...) / A peine d'irrecevabilité, la saisine de la commission nationale par les personnes mentionnées au premier alinéa du présent I est un préalable obligatoire au recours contentieux dirigé contre la décision de l'autorité administrative compétente pour délivrer le permis de construire. (...) ".
3. Il résulte de l'article L. 425-4 du code de l'urbanisme et de l'article L. 752-17 du code de commerce que l'Etat a la qualité de partie au litige devant une cour administrative d'appel, saisie en premier et dernier ressort d'un recours pour excès de pouvoir, formé par l'une des personnes mentionnées à l'article L. 752-17 du code de commerce, tendant à l'annulation de la décision prise par l'autorité administrative sur la demande de permis de construire en tant qu'elle concerne l'autorisation d'exploitation commerciale. En vertu de l'article L. 752-17 du code de commerce, la CNAC a qualité pour représenter l'État devant les juridictions administratives et a le statut de partie et non d'intervenante comme elle l'allègue.
Sur les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 5 janvier 2023 :
4. Aux termes de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme : " Lorsqu'elle annule pour excès de pouvoir un acte intervenu en matière d'urbanisme ou en ordonne la suspension, la juridiction administrative se prononce sur l'ensemble des moyens de la requête qu'elle estime susceptibles de fonder l'annulation ou la suspension, en l'état du dossier ".
5. Une décision rejetant une demande d'autorisation d'urbanisme pour plusieurs motifs ne peut être annulée par le juge de l'excès de pouvoir à raison de son illégalité interne, réserve faite du détournement de pouvoir, que si chacun des motifs qui pourraient suffire à la justifier sont entachés d'illégalité. En outre, en application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, le tribunal administratif saisi doit, lorsqu'il annule une telle décision de refus, se prononcer sur l'ensemble des moyens de la demande qu'il estime susceptibles de fonder cette annulation, qu'ils portent d'ailleurs sur la légalité externe ou sur la légalité interne de la décision. En revanche, lorsqu'il juge que l'un ou certains seulement des motifs de la décision de refus en litige sont de nature à la justifier légalement, le tribunal administratif peut rejeter la demande tendant à son annulation sans être tenu de se prononcer sur les moyens de cette demande qui ne se rapportent pas à la légalité de ces motifs de refus. Ces règles s'appliquent également à la cour administrative d'appel lorsque comme, en l'espèce, elle statue, en application de l'article L. 600-10 du code de l'urbanisme, en premier et dernier ressort, sur le refus d'un maire de délivrer un permis de construire tenant lieu d'autorisation d'exploitation commerciale.
6. Pour rendre un avis défavorable au projet, la CNAC, après avoir redéfini la zone de chalandise pour y inclure le supermarché Match exploité à Auberchicourt et le centre-ville de Douai, a retenu comme motifs l'incompatibilité du projet avec les orientations du schéma de cohérence territorial (SCoT) du Grand Douaisis, l'atteinte à la vitalité commerciale des centres-villes environnants, l'inadéquation aux besoins de la population, les importantes consommation d'espace et artificialisation des sols dans un secteur naturel protégé, le manque de performances énergétiques durables ainsi que le défaut d'insertion paysagère et architecturale à proximité d'une cité inscrite sur la liste du patrimoine mondial établie par l'Organisation des Nations-Unies pour l'éducation, la science et la culture (UNESCO).
En ce qui concerne la méconnaissance des critères d'aménagement du territoire et de développement durable posés par l'article L. 752-6 du code de commerce :
7. Aux termes de l'article L. 752-6 du code de commerce : " (...) La commission départementale d'aménagement commercial prend en considération : /1° En matière d'aménagement du territoire : / a) La localisation du projet et son intégration urbaine ; / b) La consommation économe de l'espace, notamment en termes de stationnement ; (...) / d) L'effet du projet sur les flux de transports et son accessibilité par les transports collectifs et les modes de déplacement les plus économes en émission de dioxyde de carbone ; (...) / 2° En matière de développement durable : / a) La qualité environnementale du projet, notamment du point de vue de la performance énergétique et des émissions de gaz à effet de serre (...), du recours le plus large qui soit aux énergies renouvelables et à l'emploi de matériaux ou procédés éco-responsables, de la gestion des eaux pluviales, de l'imperméabilisation des sols et de la préservation de l'environnement ; / b) L'insertion paysagère et architecturale du projet, notamment par l'utilisation de matériaux caractéristiques des filières de production locales ;(...) / III. -La commission se prononce au vu d'une analyse d'impact du projet, produite par le demandeur à l'appui de sa demande d'autorisation. (...). / IV. -Le demandeur d'une autorisation d'exploitation commerciale doit démontrer, dans l'analyse d'impact mentionnée au III, qu'aucune friche existante en centre-ville ne permet l'accueil du projet envisagé. En l'absence d'une telle friche, il doit démontrer qu'aucune friche existante en périphérie ne permet l'accueil du projet envisagé. / (...) ".
8. Il appartient aux commissions d'aménagement commercial, lorsqu'elles statuent sur les dossiers de demande d'autorisation, d'apprécier la conformité du projet aux objectifs énoncés par la loi, au vu des critères d'évaluation mentionnés à l'article L. 752-6 du code de commerce. L'autorisation d'exploitation commerciale ne peut être refusée que si, eu égard à ses effets, le projet contesté compromet la réalisation de ces objectifs.
Quant au motif lié à l'insertion paysagère et architecturale :
9. Il ressort, d'une part, des pièces du dossier, et notamment de l'étude d'impact, que le projet de supermarché sera bordé au sud par l'avenue Barrois et que la limite sud du terrain d'assiette se situera à 20 mètres des premières habitations de la cité Barrois, qui est inscrite sur la liste du patrimoine mondial établie par l'UNESCO et fait l'objet d'une opération de rénovation d'ampleur portant sur les logements et les espaces publics. Le projet litigieux sera implanté dans la " zone tampon " autour de ce site, conçue comme " une aire entourant le bien (...), dont l'usage et l'aménagement sont soumis à des restrictions juridiques et/ou coutumières, afin d'assurer un surcroît de protection à ce bien. Cela doit inclure l'environnement immédiat du bien (...), les perspectives visuelles importantes et d'autres aires ou attributs ayant un rôle fonctionnel important en tant que soutien apporté au bien et à sa protection ", d'après le paragraphe 104 des orientations du Compendium des politiques générales du patrimoine mondial de l'UNESCO.
10. Il ressort, d'autre part, des pièces du dossier, et notamment de l'étude d'impact, que " la modification du paysage sera particulièrement forte pour les habitations proches de l'emprise d'aménagement du site, notamment celles dont les façades s'ouvrent sur le site (cité Barrois au sud de l'avenue Barrois) et le groupe scolaire au sud-est ". Certes, la société pétitionnaire a prévu, d'une part, de limiter la hauteur des bâtiments à 9 mètres maximum, d'autre part, de les édifier en retrait de 70 mètres par rapport à l'avenue Barrois avec des " façades (...) travaillées de manière qualitative " et, enfin, de créer des transitions végétales et des " cheminements piétonniers " depuis les entrées du site. Cependant, il ressort du photomontage pris depuis l'avenue Barrois en direction de l'ouest que le projet sera covisible avec les habitations de la cité Barrois et qu'en dépit des arbres présents le long de l'avenue et de l'implantation en retrait du projet, le caractère massif, la hauteur équivalent à trois étages et les matériaux des façades du projet, qui seront principalement couvertes de verres et de bardages gris, dépareront les pavillons de la cité Barrois qui, de type rez-de-chaussée + combles, sont intégralement construits dans un style traditionnel en brique. Dès lors, la SCI Tilloy Pecquencourt est fondée à soutenir que l'insertion paysagère et architecturale du projet est insuffisante eu égard à la proximité et à la qualité de la cité Barrois.
Quant au motif lié à la consommation économe de l'espace et à la préservation de l'environnement :
11. Il ressort des pièces du dossier que le projet prend place sur un terrain de 106 153 m², situé en entrée de ville de Pecquencourt dans une zone d'aménagement concerté en cours d'urbanisation. Premièrement, si la parcelle a fait l'objet par le passé d'une exploitation minière, celle-ci s'est arrêtée en 1984, les installations industrielles ont été démantelées en 1991, le terrain a été reboisé dans les années 2000 et est revenu à l'état naturel. Le projet ne procède donc pas à la réhabilitation d'une friche, ni à la reprise de locaux vacants. Deuxièmement, le projet envisage d'occuper concrètement plus de la moitié de la parcelle, sans fournir aucune garantie sur la pérennité en espaces verts perméables d'un délaissé à l'est de près de 50 000 m2. S'il prévoit que près de 70 % de la portion du terrain d'assiette occupée par le projet reste en pleine terre, il diminue de près de 26 000 m2, soit d'environ 30 %, la superficie des espaces verts perméables. En dépit de sa surface de plancher de 8 140 m2, la construction envisagée ne comprend ni étage, ni sous-sol mais une surface de vente de seulement 2 490 m² et un parc de stationnement de plain-pied d'une surface de 10 000 m2. Si la mise en œuvre de pavés drainants est prévue pour la quasi-totalité des places de stationnement, elle ne représente que 14 % de la surface imperméabilisée. Troisièmement, la parcelle d'assiette du projet est située au sein de la Zone Naturelle d'Intérêt Écologique, Faunistique et Floristique (ZNIEFF) de type 1 " Terril de Germignies-Nord et de Rieulay-Pecquencourt, bois de Montigny et marais avoisinants " et de la ZNIEFF de type 2 " Plaine alluviale de la Scarpe entre Flines-lez-Râches et la confluence avec l'Escaut ". Elle abrite deux espèces floristiques protégées, la réglisse sauvage (astragalus glycyphyllos) et l'œillet sauvage (dianthus arméria), sans que le dossier de demande ne précise les actions qui seront entreprises pour les préserver. Quant aux boisements présents sur le site, ils seront partiellement détruits, alors qu'ils servent d'abris à l'avifaune et au grillon des bois. Dès lors, la SCI Tilloy Pecquencourt est fondée à soutenir que le projet ne satisfait pas aux critères et objectifs de préservation de l'environnement et de consommation économe de l'espace.
12. Par suite, la CNAC était fondée à opposer les motifs tirés de l'insuffisance d'insertion paysagère et architecturale du projet, de consommation excessive de l'espace et d'atteinte à l'environnement, en méconnaissance de l'article L. 752-6 du code de l'urbanisme.
En ce qui concerne l'incompatibilité du projet avec les orientations et objectifs du schéma de cohérence territoriale du grand Douaisis :
13. Aux termes de l'article L. 752-6 du code de commerce : " I.- L'autorisation d'exploitation commerciale mentionnée à l'article L. 752-1 est compatible avec le document d'orientation et d'objectifs des schémas de cohérence territoriale (...). ". Aux termes de l'article L. 141-4 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction alors applicable : " Le document d'orientation et d'objectifs (...) définit les orientations générales d'organisation de l'espace, de coordination des politiques publiques et de valorisation des territoires. / L'ensemble de ces orientations s'inscrit dans un objectif de développement équilibré du territoire et des différents espaces, urbains et ruraux, qui le composent (...). ". Aux termes des articles L. 141-5 et L. 141-6 du même code, " le document d'orientation et d'objectifs fixe les orientations et les objectifs en matière de : / (...) 3° localisations préférentielles des commerces dans les polarités existantes " et " comprend un document d'aménagement artisanal et commercial déterminant les conditions d'implantation des équipements commerciaux qui, en raison de leur importance, sont susceptibles d'avoir un impact significatif sur l'aménagement du territoire, le commerce de centre-ville et le développement durable. ". Si de tels objectifs peuvent être pour partie exprimés sous forme quantitative, il appartient aux commissions d'aménagement commercial non de vérifier la conformité des projets d'exploitation commerciale qui leur sont soumis aux énonciations des schémas de cohérence territoriale, mais d'apprécier la compatibilité de ces projets avec les orientations générales et les objectifs qu'ils définissent.
14. D'une part, le document d'orientation et d'objectifs (DOO) du schéma de cohérence territoriale (SCoT) du grand Douaisis mentionne, dans l'orientation consacrée à l'organisation territoriale, un axe 3 qui tend à limiter sensiblement l'extension de l'urbanisation et la consommation foncière en favorisant la mobilisation du foncier en renouvellement urbain (3.1.1) et la reconquête des friches (3.1.9) et en recherchant la qualité environnementale et énergétique (3.1.5). Il mentionne également, dans l'orientation consacrée à l'économie, un axe 8 qui tend à un développement économique exemplaire sur le plan énergétique et environnemental en promouvant un aménagement des zones d'activité leur garantissant une bonne insertion urbaine, paysagère et environnementale (8.1.5), en imposant une production d'énergie renouvelable dans toutes les nouvelles constructions à vocation économique (8.1.8), incluant le commerce, sauf en cas d'incapacité technique ou réglementaire, et la compacité des formes urbaines pour la conception des nouveaux bâtiments. Enfin, dans l'orientation consacrée au commerce, il prévoit comme axe 1 d'encadrer la localisation des commerces, après avoir défini les polarités commerciales existantes, et comme axe 4 de limiter et d'encadrer l'extension du commerce en périphérie, qualifiée de site à forts enjeux en matière d'aménagement du territoire et de développement durable (4.1.5).
15. D'autre part, le document d'aménagement artisanal et commercial (DAAC) dresse plus particulièrement les principes relatifs à l'aménagement du territoire et au développement durable que doit respecter l'implantation des commerces dans les secteurs périphériques : implantation prioritaire dans les locaux vacants, friches et dents creuses, démonstration de la contribution à la revitalisation du tissu commercial et à la préservation des centralités urbaines proches, exemplarité énergétique et environnementale, compacité des formes urbaines et des espaces de stationnement.
16. Outre ce qui a été dit au point 11 au sujet du manque de consommation économe de l'espace par le projet et de son absence de compacité, notamment des espaces de stationnement, il ressort des pièces du dossier que le projet sera surmonté d'une toiture d'une superficie totale de 9 035 m2 qui sera recouverte sur environ 13 % par des panneaux photovoltaïques et sur environ 25 % par de la végétation. Certes, la proportion d'un tel traitement de la toiture est supérieure à celle de 30 % posée par l'arrêté du 19 décembre 2023 pour les constructions faisant l'objet de demandes d'autorisations d'urbanisme déposées à compter du 1er janvier 2024, qui n'est d'ailleurs pas applicable au projet. Cependant, elle n'est pas suffisante pour répondre à l'objectif d' " exemplarité énergétique et environnementale " posée par le DOO et le DAAC du SCoT du grand Douaisis, alors, d'une part, que n'est pas expliquée l'absence de traitement de la toiture sur les 62 % restants, d'autre part, que le projet n'indique pas la quantité d'énergie renouvelable qui sera produite. En outre, si le projet apparaît conforme aux exigences de la réglementation thermique 2012 (RT 2012), elle n'anticipe pas la mise en œuvre de la réglementation environnementale 2020 (RE 2020) qui ne se satisfait plus de bâtiments à basse consommation mais exige des bâtiments à énergie positive, assurant le confort des occupants pendant les fortes chaleurs et à faible empreinte environnementale sur tout son cycle de vie. A cet égard, l'arrêté du 4 août 2021 visé ci-dessus précisait déjà les exigences de performance énergétique et environnementale lorsque la SCI Tilloy Pecquencourt a déposé sa demande. Enfin, les aménagements et équipements prévus de précâblage de 24 places de stationnement, d'implantation de bornes pour véhicules électriques, d'éclairages à diode électroluminescente (LED), de mats photovoltaïques, de chauffage de l'aire de vente par une pompe à chaleur électrique air/air et de récupération des eaux de pluie sont désormais des équipements standards de ce type de construction. Par suite, la CNAC était fondée à opposer le motif tiré de l'incompatibilité du projet avec les orientations et objectifs du SCoT du grand Douaisis.
En ce qui concerne la demande de substitution de motifs présentée par la société D3SHOP :
17. Si la société D3SHOP fait valoir d'autres motifs qui pourraient fonder l'avis défavorable de la CNAC tenant notamment à l'absence de satisfaction à d'autres sous-critères de l'aménagement du territoire et du développement durable et au critère de la protection du consommateur, il n'y a en tout état de cause, pas lieu de faire droit à cette demande de substitution de motifs, qui n'émane pas de la CNAC, autrice de la décision attaquée, et n'a pas été reprise par elle.
18. Il résulte de tout ce qui précède que les motifs tirés de la méconnaissance des objectifs d'aménagement du territoire et de développement durable posés par l'article L. 752-6 du code de commerce et de la méconnaissance des orientations et objectifs posés par le SCoT du Grand Douaisis en termes d'exemplarité énergétique et environnementale suffisent à justifier le refus opposé le 5 janvier 2023 par le maire de Pecquencourt à la demande de permis de construire valant autorisation commerciale présentée par la SCI Tilloy Pecquencourt. Dès lors, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, la SCI Tilloy Pecquencourt n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du 5 janvier 2023 du maire de Pecquencourt, qui était en situation de compétence liée, en vertu de l'article L. 752-4 du code de l'urbanisme, pour refuser de délivrer le permis de construire sollicité sur un projet ayant reçu l'avis défavorable de la CNAC.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
19. Le rejet des conclusions à fin d'annulation implique le rejet corrélatif des conclusions de la SCI Tilloy Pecquencourt tendant à ce que la cour enjoigne à la CNAC et au maire de Pecquencourt de se prononcer à nouveau sur sa demande.
Sur les frais liés au litige :
20. Partie perdante à l'instance, la SCI Tilloy Pecquencourt ne peut voir accueillies ses conclusions présentées en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
21. Il y a, en revanche, lieu de mettre à sa charge, sur le même fondement, la somme de 1 000 euros à verser à chacune des quatre sociétés défenderesses, à savoir la société Supermarchés Match, la société Capama, la société Jassan et la société D3SHOP.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la SCI Tilloy Pecquencourt est rejetée.
Article 2 : La SCI Tilloy Pecquencourt versera la somme de 1 000 euros à la société Supermarchés Match, la somme de 1 000 euros à la société Capama, la somme de 1 000 euros à la société Jassan et la somme de 1 000 euros à la société D3SHOP en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société la SCI Tilloy Pecquencourt, à la commune de Pecquencourt, à la société Supermarchés Match, à la société Capama, à la société Jassan, à la société D3SHOP, au préfet du Nord et à la Commission nationale d'aménagement commercial.
Délibéré après l'audience publique du 31 octobre 2024 à laquelle siégeaient :
- Mme Ghislaine Borot, président de chambre,
- Mme Isabelle Legrand, présidente-assesseure,
- M. Vincent Thulard, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 novembre 2024.
La présidente-rapporteure,
Signé : I. LegrandLa présidente de la 1ère chambre,
Signé : G. Borot
La greffière,
Signé : N. Roméro
La République mande et ordonne au préfet du Nord et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chacun en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
La greffière en chef,
Par délégation,
La greffière,
Nathalie Roméro
N°23DA00356 2