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06/11/2024 | FRANCE | N°24DA00730

France | France, Cour administrative d'appel de DOUAI, 3ème chambre, 06 novembre 2024, 24DA00730


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif d'Amiens, d'une part, d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 30 novembre 2023 par lequel la préfète de l'Oise a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement, d'autre part, d'enjoindre à la préfète de l'Oise de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et famil

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif d'Amiens, d'une part, d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 30 novembre 2023 par lequel la préfète de l'Oise a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement, d'autre part, d'enjoindre à la préfète de l'Oise de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", subsidiairement de réexaminer sa situation, dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir.

Par un jugement n° 2400069 du 14 mars 2024, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés le 15 avril 2024, le 24 juillet 2024 et le 14 août 2024, M. B..., représenté par Me Kati, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 30 novembre 2023 par lequel la préfète de l'Oise a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement ;

3°) d'enjoindre à la préfète de l'Oise de lui délivrer une carte de séjour temporaire l'autorisant à travailler, sous astreinte de 100 euros par jour de retard dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir ;

4°) à défaut, d'enjoindre à la préfète de l'Oise de réexaminer sa situation sous les mêmes conditions de délai et d'astreinte, et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat, la somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

- sa requête est recevable ;

- la décision lui refusant un titre de séjour est entachée d'insuffisance de motivation, en méconnaissance de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration ;

- elle a été prise en violation du droit d'être entendu ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale au sens des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision l'obligeant à quitter le territoire français doit être annulée par voie de conséquence de l'illégalité de la décision refusant un titre de séjour ;

- elle a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- la décision fixant le pays de destination est dépourvue de base légale compte tenu de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par une décision du 23 mai 2024, M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Par une ordonnance du 28 août 2024, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 17 septembre 2024 à 12 heures.

Un mémoire présenté par la préfète de l'Oise a été enregistré le 11 octobre 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Frédéric Malfoy, premier conseiller,

- et les observations de Me Niang, représentant M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. A... B..., ressortissant pakistanais né le 15 janvier 2005 qui déclare être entré en France en octobre 2021, a été placé auprès de l'aide sociale à l'enfance du département de l'Oise. Le 22 mai 2023, il a saisi la préfète de l'Oise d'une demande de titre de séjour présentée sur le fondement de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 30 novembre 2023, la préfète de l'Oise a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. B... relève appel du jugement du 14 mars 2024 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la décision de refus de titre de séjour :

2. En premier lieu, M. B... réitère le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration Il y a lieu, par adoption des motifs suffisamment circonstanciés figurant au point 3 du jugement attaqué, d'écarter ce moyen.

3. En deuxième lieu, M. B... a sollicité son admission au séjour en invoquant sa qualité de mineur placé auprès de l'aide sociale à l'enfance et en joignant à sa demande toutes les pièces requises, ainsi que celles qu'il estimait utile de fournir. Il a donc été mis à même de faire valoir, avant l'intervention de l'arrêté qui lui a refusé l'admission au séjour et l'a également obligé à quitter le territoire français, tous éléments d'information ou arguments de nature à influer sur le contenu de ces mesures et de formuler toute observation ou complément utiles sur les pièces qu'il avait lui-même fournies à l'appui de sa demande. Par suite, la garantie consistant dans le droit à être entendu préalablement à la mesure de refus de séjour, telle qu'elle est notamment protégée par le droit de l'Union, en particulier par l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, n'a pas été méconnue.

4. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A titre exceptionnel, l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance ou du tiers digne de confiance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle peut, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "salarié" ou "travailleur temporaire", sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil ou du tiers digne de confiance sur l'insertion de cet étranger dans la société française (...) ".

5. Lorsqu'il examine une demande d'admission exceptionnelle au séjour en qualité de " salarié " ou " travailleur temporaire ", présentée sur le fondement de ces dispositions, le préfet vérifie tout d'abord que l'étranger est dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, qu'il a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et dix-huit ans, qu'il justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle et que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public. Il lui revient ensuite, dans le cadre du large pouvoir dont il dispose, de porter une appréciation globale sur la situation de l'intéressé, au regard notamment du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Il appartient au juge administratif, saisi d'un moyen en ce sens, de vérifier que le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation ainsi portée.

6. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a fait l'objet d'une mesure de placement à l'aide sociale à l'enfance de l'Oise à compter de la fin de l'année 2021. Depuis le 1er septembre 2022, il est inscrit dans une formation pour l'obtention d'un certificat d'aptitude professionnelle (CAP), mention " production et service en restauration ", toutefois, ses médiocres résultats scolaires tant au cours du premier semestre que du second semestre de l'année scolaire 2022-2023 au cours duquel un manque de travail a été relevé, démontrent un manque d'investissement et de sérieux de M. B... dans ses études, que le défaut de maîtrise de la langue française ne suffit à justifier. Dès lors, quand bien même la note sociale aurait estimé favorablement ses chances d'insertion dans la société française, en lui refusant la délivrance du titre de séjour prévu par les dispositions précitées du L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la préfète de l'Oise n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle.

7. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ". En outre, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

8. M. B... soutient que la décision de refus de titre de séjour méconnaît son droit au respect de sa vie privée et familiale et fait valoir, à cet effet, qu'il a été pris en charge par le service de l'aide sociale à l'enfance dès son arrivée en France et s'est impliqué dans son parcours de formation. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé, qui est présent en France depuis deux ans à la date de l'arrêté contesté, est célibataire et sans enfant à charge. Il ne fait état d'aucune relation familiale en France, n'établit pas l'intensité de ses relations privées ou amicales et ne justifie pas être isolé au Pakistan où il a vécu au moins jusqu'à l'âge de seize ans et où réside toujours sa famille. Enfin, les formations suivies dans le cadre de son apprentissage ne suffisent pas à établir que l'intéressé aurait fixé le centre de ses intérêts privés en France. Dans ces conditions, et en dépit des efforts d'intégration professionnelle de M. B..., la préfète de l'Oise, en rejetant sa demande de titre de séjour, n'a pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale au regard des buts poursuivis par cette décision, ni entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

9. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré, par la voie de l'exception, de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour doit être écarté.

10. En second lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés précédemment, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celui tiré de l'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision sur la situation personnelle de M. B... doivent être écartés.

Sur la décision fixant le pays de renvoi :

11. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit plus haut que M. B..., à l'appui de ses conclusions tendant à l'annulation de la décision fixant le pays de renvoi, n'est pas fondé à invoquer, par la voie de l'exception, l'illégalité de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français.

12. En second lieu, aux termes de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut désigner comme pays de renvoi : / 1° Le pays dont l'étranger a la nationalité (...) ; / 2° Un autre pays pour lequel un document de voyage en cours de validité a été délivré en application d'un accord ou arrangement de réadmission européen ou bilatéral ; / 3° Ou, avec l'accord de l'étranger, tout autre pays dans lequel il est légalement admissible. / Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ". L'article 3 de cette convention stipule que : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants ".

13. M. B... soutient que le contexte sécuritaire au Pakistan s'est fortement dégradé au cours de l'année 2023 du fait de l'augmentation des actes terroristes. En dépit de la gravité de la situation dans cet Etat, rendue publique par des rapports émanant d'organisations non gouvernementales et d'instances officielles, il n'est toutefois pas établi qu'il y règnerait une situation de violence généralisée telle qu'un civil de nationalité pakistanaise devrait de ce seul fait être regardé comme personnellement soumis à des risques de traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Dans ces conditions, M. B... n'est pas fondé à soutenir que la décision fixant le pays de destination a été prise en méconnaissance de ces stipulations. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 721-4 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut qu'être écarté.

14. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 14 mars 2024 attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa requête. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles qu'il présente sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., au ministre de l'intérieur et à Me Kati.

Copie en sera transmise, pour information, à la préfète de l'Oise.

Délibéré après l'audience publique du 15 octobre 2024 à laquelle siégeaient :

- Mme Marie-Pierre Viard, présidente de chambre,

- M. Jean-Marc Guérin-Lebacq, président-assesseur,

- M. Frédéric Malfoy, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 novembre 2024.

Le rapporteur,

Signé : F. Malfoy

La présidente de chambre,

Signé : M.-P. Viard

La greffière,

Signé : C. Huls-Carlier

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

Pour la greffière en chef,

par délégation,

La greffière,

C. Huls-Carlier

N° 24DA00730 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 24DA00730
Date de la décision : 06/11/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Viard
Rapporteur ?: M. Frédéric Malfoy
Rapporteur public ?: M. Carpentier-Daubresse
Avocat(s) : KATI

Origine de la décision
Date de l'import : 24/11/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-11-06;24da00730 ?
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