Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lille :
1°) d'annuler la décision du 16 août 2022 par laquelle le préfet du Nord a rejeté sa demande de certificat de résidence algérien " vie privée et familiale " ;
2°) d'enjoindre, sous astreinte, au préfet du Nord, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour ;
3°) d'enjoindre, sous astreinte, au préfet du Nord, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa demande de titre de séjour et de prendre une nouvelle décision et, dans l'attente de ce réexamen, de lui délivrer une autorisation provisoire ou un récépissé de demande de titre de séjour l'autorisant à travailler ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à son conseil au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 contre renonciation de la part de ce conseil au bénéfice de l'indemnité versée au titre de l'aide juridictionnelle.
Par un jugement n° 2209765 du 2 juillet 2024, le tribunal administratif de Lille a annulé la décision du 16 août 2022 (article 1), a enjoint au préfet du Nord, d'une part, de statuer à nouveau sur la demande de certificat de résidence algérien " vie privée et familiale " présentée par M. B..., d'autre part, de lui délivrer, dans l'attente, un récépissé de demande de titre de séjour (article 2), a mis à la charge de l'Etat le versement à Me Cabaret, conseil de M. B..., d'une somme de 900 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, contre renonciation de la part de ce conseil au bénéfice de l'indemnité versée au titre de l'aide juridictionnelle (article 3) et a rejeté la surplus des conclusions de la requête (article 4).
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 4 juillet 2024, le préfet du Nord demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 2 juillet 2024 en ses articles 1 à 3 ;
2°) de confirmer la légalité de la décision du 16 août 2022.
Il soutient que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration n'est pas fondé et ne pouvait être accueilli par le tribunal.
Par un mémoire en défense enregistré le 29 août 2024, M. A... B..., représenté par Me Oriane Cabaret, demande à la cour :
- de confirmer le jugement ;
- d'annuler la décision du préfet du Nord du 16 août 2022 ;
- en cas d'admission à l'aide juridictionnelle totale, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Il soutient qu'il n'est pas justifié de la compétence de l'auteur de la décision qui n'est pas signée.
M. A... B... a été maintenu au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 22 août 2024 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Douai.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;
- l'ordonnance n°2005-1516 du 8 décembre 2005 ;
- le décret n° 2004-374 du 29 avril 2004 ;
- le décret n° 2010-112 du 2 février 2010 ;
- l'arrêté du 13 juin 2014 portant approbation du référentiel général de sécurité et précisant les modalités de mise en œuvre de la procédure de validation des certificats électroniques ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme Isabelle Legrand, présidente-assesseure, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B..., né le 28 novembre 1957 à Draa-Ben-Khedda (Algérie), de nationalité algérienne, est entré en France en provenance d'Espagne, sous couvert d'un visa de type C " Etats Schengen ", en qualité d'ascendant non à charge, délivré le 10 mars 2022 par les autorités consulaires françaises à Alger et valable du 20 mars 2022 au 15 septembre 2022. Le 2 mai 2022, il a sollicité un certificat de résidence algérien " vie privée et familiale ". Par un courriel du 16 août 2022, l'administration, faisant suite à sa demande du 2 mai 2022, a explicitement rejeté sa demande de titre de séjour. Par la présente requête, le préfet du Nord demande l'annulation du jugement n° 2209765 du 2 juillet 2024, par lequel le tribunal administratif de Lille a, à la demande de M. B..., annulé sa décision du 16 août 2022, lui a enjoint de réexaminer la demande de l'intéressé, et a mis à la charge de l'Etat la somme de 900 euros à verser à son conseil au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 contre renonciation de la part de ce conseil au bénéfice de l'indemnité versée au titre de l'aide juridictionnelle.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne le moyen d'annulation accueilli par le tribunal administratif de Lille :
2. Pour annuler la décision du 16 août 2022, le tribunal administratif de Lille s'est fondé sur le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration, en l'absence de signature de la décision.
3. Aux termes de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Toute décision prise par une administration comporte la signature de son auteur ainsi que la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci (...) ". Aux termes de l'article L. 212-2 du même code : " Sont dispensés de la signature de leur auteur, dès lors qu'il comportent ses prénom, nom et qualité ainsi que la mention du service auquel celui-ci appartient, les actes suivants : 1° les décisions administratives qui sont notifiées au public par l'intermédiaire d'un téléservice conforme à l'article L. 112-9 et aux articles 9 à 12 de l'ordonnance n°2005-1516 du 8 décembre 2005 relative aux échanges électroniques entre les usagers et les autorités administratives et entre les autorités administratives ainsi que les actes préparatoires à ces décisions ; / 2° Les décisions administratives relatives à la gestion de leurs agents produites par les administrations sous forme électronique dans le cadre de systèmes d'information relatifs à la gestion ou à la dématérialisation de processus de gestion des ressources humaines (...) ; / 3° Quelles que soient les modalités selon lesquelles ils sont portés à la connaissance des intéressés, les saisies administratives à tiers détenteur, adressées tant au tiers saisi qu'au redevable, les lettres de relance relatives à l'assiette ou au recouvrement, les avis de mise en recouvrement, les mises en demeure de souscrire une déclaration ou d'effectuer un paiement, les décisions d'admission totale ou partielle d'une réclamation et les demandes de documents et de renseignements pouvant être obtenus par la mise en œuvre du droit de communication prévu au chapitre II du titre II de la première partie du livre des procédures fiscales ; / 4° Les visas délivrés aux étrangers. ". Aux termes de l'article L. 212-3 de ce code : " Les décisions de l'administration peuvent faire l'objet d'une signature électronique. Celle-ci n'est valablement apposée que par l'usage d'un procédé, conforme aux règles du référentiel général de sécurité mentionné au I de l'article 9 de l'ordonnance n° 2005-1516 du 8 décembre 2005 relative aux échanges électroniques entre les usagers et les autorités administratives et entre les autorités administratives, qui permette l'identification du signataire, garantisse le lien de la signature avec la décision à laquelle elle s'attache et assure l'intégrité de cette décision. ".
4. Il ressort des pièces du dossier que la décision du 16 août 2022 portant refus de titre de séjour a été notifiée au conseil de M. B... par courriel, par le truchement d'une boîte de messagerie fonctionnelle générique émanant de la préfecture du Nord, ainsi que cela ressort du suffixe de l'adresse de messagerie utilisée. Cette décision, qui n'a, en particulier, pas été notifiée par l'intermédiaire d'un téléservice, n'est pas au nombre des décisions dispensées de la signature de leur auteur en vertu de l'article L. 212-2 du code des relations entre le public et l'administration précité. Si la décision attaquée mentionne l'identité, la qualité et le service de rattachement de son auteur, elle n'est pas signée, ni de manière manuscrite, ni de manière électronique. M. B..., qui a ainsi été privé d'une garantie, est fondé à soutenir que cette décision, qui a été prise en méconnaissance de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration, est entachée d'un vice de forme et doit être annulée.
5. Il résulte de ce qui précède que le préfet du Nord n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a annulé la décision du 16 août 2022, a enjoint au préfet du Nord, d'une part, de statuer à nouveau sur la demande de certificat de résidence algérien " vie privée et familiale " présentée par M. B..., d'autre part, de lui délivrer, dans l'attente, un récépissé de demande de titre de séjour et a mis à la charge de l'Etat le versement à Me Cabaret, conseil de M. B..., d'une somme de 900 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, contre renonciation de la part de ce conseil au bénéfice de l'indemnité versée au titre de l'aide juridictionnelle.
Sur les frais liés au litige :
6. Dès lors que M. B... a obtenu le maintien du bénéfice de l'aide juridictionnelle totale, son avocate peut se prévaloir du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce et sous réserve que Me Oriane Cabaret renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'État le versement à ce conseil de la somme de 1 000 euros.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête du préfet du Nord est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera à Me Oriane Cabaret, avocat de M. B..., la somme de 1 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que ce conseil renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à Me Oriane Cabaret et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera transmise au préfet du Nord.
Délibéré après l'audience publique du 10 octobre 2024 à laquelle siégeaient :
- Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre,
- Mme Isabelle Legrand, présidente-assesseure,
- M. Vincent Thulard, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 31 octobre 2024.
La présidente-rapporteure,
Signé : I. LegrandLa présidente de la 1ère chambre,
Signé : G. Borot
La greffière,
Signé : N. Roméro
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
La greffière en chef,
Par délégation,
La greffière,
Nathalie Roméro
N°24DA01278 2