Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme B... et E... A... ont demandé au tribunal administratif de Rouen de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2015, 2016 et 2017 et des pénalités correspondantes.
Par un jugement n° 2101796 du 30 mai 2023, le tribunal administratif de Rouen a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 27 juillet 2023 et 28 novembre 2023, M. et Mme A..., représentés par Me Stéphane Campanaro, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2016 et 2017 et des pénalités correspondantes ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens.
Ils soutiennent que :
- la proposition de rectification faisant état d'un rehaussement de salaires au titre des années 2016 et 2017 n'est pas suffisamment motivée et méconnaît ainsi l'article L. 57 du livre des procédures fiscales ;
- la procédure de taxation d'office est irrégulière dès lors que l'administration s'est fondée sur leur absence de réponse à sa demande de justifications du 15 mars 2019 alors qu'ils avaient déjà demandé dès janvier 2019 un délai de réponse supplémentaire à la suite des propositions de rectification du 20 décembre 2018 au titre de l'année 2015 ;
- l'administration n'apporte pas la preuve que les sommes réhaussées leur ont été versées alors qu'elles n'apparaissent pas sur leurs comptes bancaires et ne figurent pas dans leurs relevés de carrière et que la caisse des retraites CARSAT a estimé que les déclarations annuelles de données sociales (DADS) correspondant à ces salaires étaient fausses ;
- la taxation d'office des revenus d'origine indéterminée n'est pas fondée dès lors que les sommes en cause correspondent à des revenus professionnels, à un recouvrement de créance et à des aides familiales de nature alimentaire dans le cadre d'une tontine familiale ;
- les pénalités et majorations de 40 % fondées sur la dissimulation de revenus ne sont pas justifiées dès lors qu'ils n'ont jamais fait preuve de mauvaise foi et ont coopéré avec le service vérificateur.
Par un mémoire en défense, enregistré le 9 novembre 2023 et un mémoire, enregistré le 22 décembre 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au non-lieu à statuer à hauteur des sommes dégrevées en cours d'instance et au rejet du surplus des conclusions de la requête.
Il soutient que :
- le service, après avoir admis qu'il était établi que le rehaussement de 120 771 euros au titre des traitements et salaires de l'année 2016 n'était pas justifié, a, par une décision du 27 décembre 2023, prononcé un dégrèvement, en droits et pénalités, des compléments d'impôts sur le revenu et de contributions sociales mis à la charge de M. et Mme A... à hauteur de 62 896 euros au titre de l'année 2016 ;
- les moyens de la requête autres que ceux qui ont conduit aux dégrèvements prononcés en cours d'instance ne sont pas fondés ;
- à défaut de constituer des revenus d'origine indéterminée, les sommes versées à M. A... par la société G2P sont imposables dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux par substitution de base légale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Alice Minet, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme B... et E... A... ont fait l'objet d'un examen contradictoire de leur situation fiscale personnelle portant sur les revenus 2015 à 2017 à l'issue duquel l'administration a notamment procédé au rehaussement des bénéfices non commerciaux au titre des années 2015, 2016 et 2017 et des traitements et salaires au titre des années 2016 et 2017 et a soumis à la procédure de taxation d'office des revenus d'origine indéterminée au titre de ces deux années.
2. M. et Mme A... ont en conséquence été assujettis, par des avis d'imposition du 12 novembre 2019, à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales, assorties d'une majoration de 10 % sur le fondement de l'article 1758 A du code général des impôts et d'une majoration de 40 % pour manquements délibérés sur le fondement du a de l'article 1729 du code général des impôts.
3. M. et Mme A... relèvent appel du jugement du tribunal administratif de Rouen du 30 mars 2023 qui a rejeté leur demande tendant à la décharge de ces impositions.
Sur l'étendue du litige :
4. Par une décision du 27 décembre 2023, postérieure à l'introduction de la requête, le directeur régional des finances publiques de la région Normandie et du département de la Seine-Maritime a prononcé le dégrèvement, à concurrence des sommes de 44 564 euros en droits et 18 332 euros en pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu mises à la charge de M. et Mme A... au titre de l'année 2016. Les conclusions de la requête de M. et Mme A... sont, dans cette mesure, devenues sans objet. Dès lors, il n'y a pas lieu d'y statuer.
Sur la régularité de la procédure d'imposition
En ce qui concerne la reconstitution des traitements et salaires au titre de l'année 2017 :
5. En vertu de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, l'administration, lorsqu'elle met en œuvre la procédure de rectification contradictoire, adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. L'article R. 57-1 du même livre précise que la proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée. Il résulte de ces dispositions que l'administration doit indiquer au contribuable, dans la proposition de rectification, les motifs et le montant des rehaussements envisagés, leur fondement légal et la catégorie de revenus dans laquelle ils sont opérés, ainsi que les années d'imposition concernées.
6. Il ressort des mentions mêmes de la proposition de rectification qui a été adressée le 18 juillet 2019 à M. et Mme A..., que ce document, qui précise les impôts ainsi que les années et périodes d'imposition qu'il concerne, comporte, en outre, la mention des dispositions du code général des impôts sur lesquelles se fondent ces rectifications.
7. Par ailleurs, cette proposition de rectification précise le montant des traitements et salaires perçus par chaque membre du foyer en 2017 au regard des bulletins des tiers déclarants et des relevés de comptes bancaires transmis par M. et Mme A... et de ceux obtenus auprès des établissements bancaires en application des articles L. 81, L. 83 et L. 85 du livre des procédures fiscales et indique que compte tenu des sommes déclarées par les intéressés, un rehaussement des traitements et salaires au titre de l'année 2017 doit être réalisé à hauteur de 510 euros. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la proposition de rectification au regard de l'exigence posée par l'article L. 57 du livre des procédures fiscales doit être écarté.
En ce qui concerne la régularité de la procédure de taxation d'office :
8. Aux termes de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales : " En vue de l'établissement de l'impôt sur le revenu, l'administration peut demander au contribuable des éclaircissements. (...) / Elle peut également lui demander des justifications lorsqu'elle a réuni des éléments permettant d'établir que le contribuable peut avoir des revenus plus importants que ceux qu'il a déclarés (...). / Les demandes visées aux alinéas précédents doivent indiquer explicitement les points sur lesquels elles portent et mentionner à l'intéressé le délai de réponse dont il dispose en fonction des textes en vigueur ". Aux termes de l'article L. 69 de ce livre : " (...) sont taxés d'office à l'impôt sur le revenu les contribuables qui se sont abstenus de répondre aux demandes d'éclaircissements ou de justifications prévues à l'article L. 16 ".
9. Il résulte de ces dispositions que, lorsque l'administration a demandé des justifications à un contribuable sur le fondement de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales, elle est fondée à l'imposer d'office, sans mise en demeure préalable, à raison des sommes au sujet desquelles il s'est abstenu de répondre dans le délai requis ou n'a apporté que des réponses imprécises ou invérifiables, sans les assortir d'éléments de justification.
10. En l'espèce, les requérants, qui ne contestent pas s'être abstenus de répondre à la demande de justification du 15 mars 2019, ne sauraient utilement se prévaloir des courriers qu'ils ont adressés à l'administration en janvier 2019 en vue d'obtenir un délai supplémentaire pour répondre aux propositions de rectification au titre de l'année 2015. Par suite, le moyen tiré de ce que la procédure de taxation d'office serait irrégulière doit être écarté.
Sur le bien-fondé des impositions demeurant en litige :
En ce qui concerne la reconstitution des traitements et salaires au titre de l'année 2017 :
11. Aux termes de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales : " Lorsque, ayant donné son accord à la rectification ou s'étant abstenu de répondre dans le délai légal à la proposition de rectification, le contribuable présente cependant une réclamation faisant suite à une procédure contradictoire de rectification, il peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition, en démontrant son caractère exagéré ".
12. Il résulte de l'instruction que M. et Mme A... se sont abstenus de répondre à la proposition de rectification du 18 juillet 2019 dans le délai de trente jours prévu par les dispositions précitées de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales. Par suite, les requérants supportent, en application de ces mêmes dispositions, la charge de la preuve de l'exagération des impositions en litige.
13. Il résulte de l'instruction que l'administration s'est fondée sur les bulletins de tiers déclarants pour considérer que les traitements et salaires du foyer fiscal de M. et Mme A... au titre de l'année 2017 s'élevaient à la somme de 49 813 euros alors que les requérants ont déclaré un montant de 49 303 euros. M. et Mme A... n'apportent aucun élément de preuve permettant d'établir que le montant de ce rehaussement de 510 euros qui concerne les traitements et salaires de M. D... A... ne serait pas fondé.
En ce qui concerne les revenus d'origine indéterminée :
14. Selon l'article L. 192 du livre des procédures fiscales : " (...) la charge de la preuve (...) incombe également au contribuable (...) en cas de taxation d'office à l'issue d'un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle en application des dispositions des articles L. 16 et L. 69. ". Selon l'article L. 193 du même code : " Dans tous les cas où une imposition a été établie d'office la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition ".
15. Il résulte des mentions de la proposition de rectification adressée le 18 juillet 2019 à M. et Mme A... que l'examen de leurs comptes bancaires a permis d'identifier des crédits bancaires d'un montant de 89 687 euros pour 2016 et de 101 171 euros pour 2017 dont l'origine et la nature sont restés inexpliquées et que l'administration a imposés en qualité de revenus d'origine indéterminée sur le fondement de l'article L. 69 du livre des procédures fiscales. Par suite, la charge de la preuve du caractère exagéré de l'imposition incombe au contribuable en vertu des dispositions des articles L. 192 et L. 193 précités du livre des procédures fiscales.
16. Si M. et Mme A... soutiennent que ces sommes correspondent pour certaines à des revenus professionnels de M. A... et pour d'autres à des versements de nature alimentaire dans le cadre d'une tontine familiale, les tableaux qu'ils produisent à l'appui de leurs allégations se bornent à lister les sommes en cause et à préciser leur provenance et leur nature et ne sont accompagnés d'aucune pièce justificative. Dans ces conditions, ils ne sauraient suffire à conférer aux sommes concernées les origines invoquées.
17. En revanche, il résulte de l'instruction que M. A... a conclu avec la société G2P le 28 décembre 2015 un contrat en vue de la délivrance de prestations de conseil à compter du 1er janvier 2016 en contrepartie de versement d'acomptes mensuels de 1 000 euros et que la société G2P a procédé à plusieurs versements mensuels de ce montant sur les comptes bancaires de M. A... au cours des années 2016 et 2017 pour un montant respectif de 7 500 euros et de 9 200 euros soit un montant total de 16 700 euros.
18. Dans ces conditions, M. et Mme A... doivent être regardés comme apportant la preuve, qui leur incombe, de ce que ces sommes constituent des recettes professionnelles et ne correspondaient pas à des revenus d'origine indéterminée de sorte qu'elles ont, en conséquence, été soumises à tort, dans cette catégorie, à l'impôt sur le revenu et aux prélèvements sociaux.
19. Toutefois, le ministre demande, en cause d'appel, que soient substituées à la base légale de l'imposition de ces sommes comme des revenus d'origine indéterminée, initialement retenue par l'administration, les dispositions des articles 34 et suivants du code général des impôts relatives à l'imposition des bénéfices industriels et commerciaux.
20. Il appartient à l'administration, si elle l'estime utile, de demander au juge, dans le cadre de la procédure de taxation d'office, une imposition des sommes en litige selon les règles applicables à la catégorie d'imposition concernée. La procédure d'imposition d'office suivie par l'administration sur le fondement de l'article L. 69 du livre des procédures fiscales à l'encontre des requérants demeurant régulière sur ce nouveau fondement, il n'y a pas lieu de subordonner cette demande de substitution de base légale au respect de la procédure contradictoire.
21. Selon l'article 34 du code général des impôts : " Sont considérés comme bénéfices industriels et commerciaux, pour l'application de l'impôt sur le revenu, les bénéfices réalisés par des personnes physiques et provenant de l'exercice d'une profession commerciale, industrielle ou artisanale ".
22. Il résulte de l'instruction que les sommes versées par la société G2P à M. A... en 2016 et 2017 constituent la contrepartie de prestations de conseils fournies par M. A... à cette société. Par suite, il y a lieu d'accueillir la demande de substitution de base légale présentée par le ministre, qui n'emporte la privation d'aucune garantie procédurale, en vertu de laquelle ces sommes, à hauteur d'un montant total de 16 700 euros, sont imposables dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux au titre des années 2016 et 2017.
Sur les pénalités :
23. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré ; / (...) ".
24. Pour justifier l'application de la majoration de 40 % aux droits en litige, l'administration fait valoir que M. et Mme A... ont perçu, sur leurs comptes bancaires, au cours des années 2016 et 2017, les sommes respectivement de 89 687 euros et de 101 171 euros dont ils n'ont été en mesure de justifier ni de la nature ni de la cause et qu'ils n'ont pas mentionnées sur leurs déclarations de revenus souscrites pour ces deux années, lesquelles ne faisaient état que des sommes de 58 504 euros pour l'année 2016 et 70 003 euros pour l'année 2017. Ces éléments, qui ne sont pas sérieusement contestés par les requérants qui se bornent à invoquer leur coopération au cours de l'examen contradictoire de leur situation fiscale, sont de nature à établir l'intention délibérée de M. et Mme A... d'éviter le paiement de l'impôt dû.
25. En conséquence, c'est à bon droit que l'administration a fait application aux droits en litige de la majoration de 40 % prévue, en cas de manquement délibéré, par les dispositions précitées de l'article 1729 du code général des impôts.
26. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté leur demande. Par voie de conséquence, leurs conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu, à concurrence du dégrèvement de 44 564 euros en droits et 18 332 euros en pénalités, prononcé en cours d'instance, de statuer sur les conclusions de la requête de M. et Mme A... tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux mis à leur charge au titre de l'année 2016.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. et Mme A... est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A... et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Copie en sera adressée à l'administratrice générale de l'Etat chargée de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.
Délibéré après l'audience publique du 3 octobre 2024 à laquelle siégeaient :
- M. Marc Heinis, président de chambre,
- M. François-Xavier Pin, président assesseur,
- Mme Alice Minet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 octobre 2024.
La rapporteure,
Signé : A. Minet Le président de chambre,
Signé : M. C...
La greffière,
Signé : Sophie Cardot
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
Pour la greffière en chef,
Par délégation,
La greffière,
Sophie Cardot
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N°23DA01513