Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La commune de La Madeleine a demandé au tribunal administratif de Lille, à titre principal, de condamner la société à responsabilité limitée (SARL) Damien Surroca Architectes (DSA), la société par actions simplifiée (SAS) Artelia Bâtiment et Industrie, la société coopérative à responsabilité limitée (SCRL) agence Tribu, la SAS PhD Ingénierie et la SARL société d'étude et de réalisation en génie acoustique (SERGA), sur le fondement de leur responsabilité contractuelle, à lui verser la somme de 772 618,95 euros toutes taxes comprises (TTC) en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis lors de la réalisation du complexe comprenant un pôle des sports de raquettes ainsi qu'un lieu d'accueil des services municipaux et, à titre subsidiaire, d'ordonner avant-dire-droit une expertise aux fins d'évaluer le surcoût lié à l'absence d'anticipation par le groupement de maîtrise d'œuvre des travaux supplémentaires réalisés.
Par un jugement n° 1909158 du 14 juin 2022, le tribunal administratif de Lille, après avoir rejeté les conclusions d'appel en garantie présentées par la SAS Artelia Bâtiment et Industrie contre la société Hexa Ingénierie comme présentées devant un ordre de juridiction incompétent, a condamné la SARL DSA, la SAS Artelia Bâtiment et Industrie, la SCRL agence Tribu, la SAS PhD Ingénierie et la SARL SERGA à verser solidairement à la commune de La Madeleine la somme de 207 955,48 euros TTC, a condamné la société DSA-Damien Surroca Architectes à relever et garantir la société Artelia Bâtiment et Industrie à hauteur de 60 % de ces condamnations, a décidé qu'il serait procédé à une expertise, a réservé jusqu'en fin d'instance tous les droits et moyens des parties sur lesquels il n'avait pas été statué et a rejeté le surplus des conclusions des parties sur lesquelles il a été expressément statué.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 17 août 2022, et des mémoires, enregistrés le 27 octobre 2022, le 2 février 2023 et le 24 avril 2023, la SCRL Agence Tribu et la SARL DSA, représentées par Me Ducloy, demandent à la cour, dans le dernier état de leurs écritures :
1°) à titre principal, d'annuler ce jugement en ce qu'il a accueilli les conclusions de la commune de La Madeleine ;
2°) de rejeter les conclusions incidentes de la commune de La Madeleine ;
3°) à titre subsidiaire, de condamner les sociétés Artelia Bâtiment et Industrie, Id Verde, Donnini et C... à les relever et garantir de toutes les condamnations qui pourraient être prononcées à leur égard ;
4°) d'étendre la mission confiée à l'expert désigné par le tribunal administratif aux causes et imputabilités concernant le raccordement de la chaufferie au complexe sportif ;
5°) de mettre à la charge de la commune de La Madeleine la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elles soutiennent que :
- la réception des travaux ayant été prononcée le 27 septembre 2017, les conditions d'engagement de la responsabilité contractuelle des maîtres d'œuvre ne sont pas remplies ;
- la gestion des vestiges de l'usine Rhodia a été effectuée conformément au marché de sorte que la responsabilité de la maîtrise d'œuvre ne saurait être engagée ;
- à titre subsidiaire, si la cour estimait que la société DSA devait être condamnée au titre d'un manquement à son devoir de conseil dans le cadre de la gestion des vestiges de l'usine Rhodia, elle sera garantie et relevée par la société Artelia d'une part, et par les sociétés Id Verde et Donnini d'autre part, sur le fondement de l'article 1240 du code civil ;
- la conception de l'ouvrage a été réalisée conformément aux documents transmis à la maîtrise d'œuvre par la métropole européenne de Lille, lesquels étaient erronés ; leur responsabilité dans l'étude de faisabilité du raccordement de la chaufferie à la salle Dhinnin ne saurait ainsi être engagée ;
- la commune a participé à son propre préjudice en n'apportant pas de réponse aux trois solutions alternatives proposées par la société Artelia Bâtiment et Industrie, seule en charge des études techniques ;
- à titre subsidiaire, si la cour estimait que la société DSA devait être condamnée au titre d'un manquement contractuel dans le cadre de l'étude de la faisabilité du raccordement de la chaufferie à la salle Dhinnin, elle sera intégralement garantie et relevée par la société Artelia Bâtiment et Industrie ;
- à titre très subsidiaire, la responsabilité de la société DSA ne saurait raisonnablement excéder 20 % au regard de la répartition des tâches au sein du groupement de maîtrise d'œuvre ;
- la mission confiée à l'expert doit être élargie à la question des causes et imputabilités relatives au raccordement de la chaufferie à la salle Dhinnin et notamment à la question de savoir si les plans transmis à la maîtrise d'œuvre étaient dotés d'informations exactes quant aux profondeurs et aux canalisations existantes ;
- la répartition des tâches et des honoraires au sein de l'acte d'engagement, les mentions du tableau contenu dans la proposition de mission de la maîtrise d'œuvre ainsi que la convention de groupement permettent de répartir les tâches entre les différents membres du groupement de maîtrise d'œuvre ;
- les frais de location d'un terrain destiné à accueillir les déblais issus des travaux de purge des vestiges de l'usine Rhodia sont sans lien avec une faute de la maîtrise d'œuvre ;
- les sujétions liées aux installations de chantier nécessaires en période hivernale doivent être regardées comme incluses dans le prix global et forfaitaire des marchés ;
- un dispositif d'étanchéité du silo à bois avait été prévu par la maîtrise d'œuvre ;
- la finition de la date du centre technique était prévue brute ;
- le maître d'ouvrage a modifié, au cours des travaux, les modalités du passage des canalisations et fourreaux, initialement prévu par la voie aérienne, en conformité avec la règlementation en vigueur ; ce surcoût ne saurait être mis à la charge de la maîtrise d'œuvre ;
- une zone de stockage avait été prévue par la maîtrise d'œuvre ;
- les prestations supplémentaires réclamées par le maître d'ouvrage en cours de chantier ne résultent pas d'un oubli ou d'une faute de la maîtrise d'œuvre ;
- la commune ne démontre pas que le prix des travaux supplémentaires a été supérieur à celui qu'elle aurait pu obtenir dans des conditions normales de mise en concurrence ;
- l'allongement des délais d'exécution n'est pas imputable à la maîtrise d'œuvre.
Par des mémoires, enregistrés le 27 septembre 2022 et le 4 novembre 2022, la société C..., représentée par Me Grardel, conclut, à titre principal au rejet de la requête, à titre subsidiaire à ce que les sociétés DSA, Agence Tribu, Artelia Bâtiment et Industrie, PhD Ingénierie et SERGA la garantissent solidairement des sommes qu'elle pourrait être condamnée à payer, et à ce que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge des sociétés DSA et Agence Tribu au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- sa responsabilité n'est pas engagée ;
- elle ne faisait pas partie du groupement solidaire de maîtrise d'œuvre ;
- les conclusions d'appel en garantie présentées à son encontre par les sociétés DSA et Agence Tribu sont tardives et, par suite, irrecevables.
Par des mémoires, enregistrés le 12 décembre 2022 et le 2 mai 2023, la société anonyme (SA) D... concept, représentée par Me Thorrignac, conclut au rejet de la requête, à la réformation du jugement attaqué en ce qu'il a ordonné la mesure d'expertise à son contradictoire et à ce que la somme de 7 000 euros soit mise la charge des sociétés DSA, Agence Tribu et Artelia Bâtiment et Industrie ou de tout autre succombant au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les sociétés requérantes n'ont formé aucune demande à son encontre ;
- l'appel en garantie formé par la société Artelia Bâtiment et Industrie à son encontre n'est pas motivé et ne repose pas sur une faute qu'elle aurait commise ;
- en l'absence de faute reprochée à son encontre, il n'y avait pas lieu d'étendre les opérations d'expertise à son contradictoire.
Par un mémoire en défense, enregistré le 30 mars 2023, et un mémoire, enregistré le 3 octobre 2023, la commune de La Madeleine, représentée par Me Nahmias, conclut :
1°) au rejet de la requête ;
2°) par la voie de l'appel incident, à la réformation du jugement attaqué en ce qu'il n'a pas fait intégralement droit à ses prétentions ;
3°) à la condamnation du groupement de maîtrise d'œuvre à lui verser les intérêts moratoires majorés sur la somme de 353 742,66 euros ;
4°) à ce qu'une somme de 8 000 euros soit mise à la charge du groupement de maîtrise d'œuvre au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les moyens soulevés par la société Agence Tribu et la société DSA ne sont pas fondés ;
- le défaut de conseil du groupement de maîtrise d'œuvre, notamment de la société Artelia, ainsi que la faute commise dans l'étude de faisabilité du raccordement de la chaufferie à la salle Dhinnin sont à l'origine du préjudice qu'elle a subi ;
- dès lors que l'exécution de la mission de maîtrise d'œuvre a entraîné des travaux supplémentaires et des retards, elle est recevable à engager la responsabilité contractuelle du groupement de maîtrise d'œuvre ;
- la location d'un terrain destiné à accueillir les déblais issus des travaux de purge des vestiges a été rendue nécessaire par la découverte de ceux-ci, de sorte qu'elle a droit à ce titre à une indemnisation de 4 800 euros TTC ;
- en s'abstenant de la conseiller sur l'absence de nécessité de faire réaliser des travaux d'étanchéité du silo et de les rémunérer, le groupement de maîtrise d'œuvre a commis un manquement à son obligation de conseil, dont l'indemnisation du préjudice se chiffre à 54 963,86 euros TTC ;
- la maîtrise d'œuvre n'a pas apporté de conseil ni de remarque sur la circonstance que la finition brute prévue de la dalle du centre technique de maintenance serait adaptée alors qu'elle a rémunéré des travaux de finition de cette dalle à hauteur de 5 244 euros TTC ;
- elle a réglé un surcoût de 15 491,25 euros TTC au titre de travaux supplémentaires pour les canalisations et les fourreaux sous dalle imputables à la maîtrise d'œuvre ;
- le surcoût des installations de chantier nécessaires en période hivernale, à hauteur de 33 010,44 euros TTC, est imputable au groupement de maîtrise d'œuvre ;
- le groupement de maîtrise d'œuvre a commis une faute dans la conception du marché, en oubliant de prévoir le plancher d'une mezzanine, dont le préjudice sera indemnisé à hauteur de 9 484,80 euros TTC ;
- elle a supporté, à hauteur de 52 140,48 euros TTC des surcoûts imputables à la maîtrise d'œuvre liés à la pose d'équipements silo après étanchéité, à des travaux supplémentaires relatifs aux réseaux " chauffage-ventilation-climatisation " (CVC), aux attentes au sol et aux descentes d'eaux pluviales, à la modification de l'implantation de la centrale de traitement d'air, ainsi qu'à la modification du dimensionnement des attentes d'eaux pluviales du tennis couvert ;
- les travaux supplémentaires réalisés en cours d'exécution du marché du fait des manquements de la maîtrise d'œuvre ont coûté à la commune une somme supérieure de 20 %, soit 76 618,06 euros TTC, à celle dont elle se serait acquittée s'ils avaient été inclus dès l'origine dans la consultation des entreprises travaux ;
- elle est fondée à demander une indemnisation à hauteur de 71 989,77 euros TTC correspondant aux surcoûts liés à l'allongement des délais d'exécution, imputable aux fautes commises par la maîtrise d'œuvre ;
- elle a subi un préjudice de 30 000 euros résultant des fautes de la maîtrise d'œuvre dans l'accomplissement des missions liées à l'ordonnancement, au pilotage et à la coordination du chantier ainsi qu'à la direction de de l'exécution des travaux.
Par des mémoires, enregistrés le 4 avril 2023 et le 20 octobre 2023, ce dernier mémoire n'ayant pas été communiqué, la SAS Artelia, venant aux droits de la SAS Artelia Bâtiment et Industrie, représentée par Me Mauduy-Dolfi, conclut :
1°) à titre principal, au rejet de la requête et de l'appel incident de la commune de la Madeleine ;
2°) par la voie de l'appel incident, à l'annulation du jugement attaqué ;
3°) à ce qu'elle soit mise hors de cause ;
4°) à titre subsidiaire, à ce que la mission confiée à l'expert soit complétée ;
5°) à ce que les sociétés Agence Tribu, DSA, SERGA, PhD ingénierie, Donnini, Id verde, Caner, Van Henis Marcel et Fils, D... B... et C... sécurité la garantissent solidairement des sommes qu'elle pourrait être condamnée à payer ;
6°) à ce que la somme de 6 000 euros soit mise à la charge de la commune de La Madeleine ou de tout autre succombant au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le groupement de maîtrise d'œuvre n'a pas commis de manquement quant à l'existence de vestiges ;
- subsidiairement, elle est fondée à demander que les sociétés SDA, Agence Tribu, Donnini et Id Verde, ces deux dernières ayant connaissance de l'existence des difficultés liées aux vestiges qu'elles ont sous-évaluées dans leurs devis, la garantissent des condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre ;
- la conception du projet de raccordement du complexe Dhinnin à la chaufferie du nouveau pôle raquettes était conforme aux documents graphiques qui lui ont été transmis par les services compétents ;
- la mission confiée à l'expert par le tribunal administratif doit être étendue à la détermination des causes relatives au raccordement de la chaufferie à la salle Dhinnin et aux imputabilités encourues ainsi qu'à l'évaluation des préjudices chiffrés par les autres parties ;
- il ressort du cahier des clauses techniques paritaires du lot n°1 qu'un système d'étanchéité du silo à bois avait été prévu ;
- la finition de la dalle était initialement prévue brute, son traitement au quartz s'analysant en une plus-value pour le maître d'ouvrage ;
- s'agissant du passage des canalisations et des fourreaux, aucun surcoût n'a été supporté par la commune ;
- la zone de stockage avait été prise en compte dans les plans établis par la maîtrise d'œuvre ;
- le maître d'ouvrage était informé de l'existence de vestiges ;
- les prestations supplémentaires exécutées par la société D... concept ne résultent pas d'un défaut d'anticipation ni de carences de la maîtrise d'œuvre ;
- l'allongement des délais d'exécution n'est pas imputable à la maîtrise d'œuvre ;
- le groupement de maîtrise d'œuvre n'a pas commis de défaillance dans sa mission d'ordonnancement, de pilotage et de coordination des travaux ;
- elle est fondée à solliciter la garantie des sociétés Agence Tribu, DSA, SERGA et PhD Ingénierie, qui sont notamment intervenues au titre de la mission de direction et d'exécution des travaux ;
- elle est également fondée à solliciter la garantie des sociétés Donnini, Id Verde, Caner, Van Henis Marcel et Fils, C... sécurité et D... concept auxquelles ont été confiés des lots en lien avec les travaux supplémentaires dont la commune sollicite la réparation ;
- la présence de la société D... concept aux opérations d'expertise est indispensable.
Par un mémoire, enregistré le 6 avril 2023, la SAS Id Verde et la SAS Donnini, représentées par Me Spriet, concluent au rejet de la requête, à la réformation du jugement attaqué en ce qu'il a ordonné la mesure d'expertise à leur contradictoire et à ce que la somme de 7 000 euros soit mise la charge des sociétés DSA et Agence Tribu au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elles soutiennent que :
- les conclusions d'appel en garantie présentées par les sociétés DSA et Agence Tribu à leur encontre ne sont pas motivées en droit ;
- les travaux qu'elles ont exécutés sont en dehors du champ de l'expertise ordonnée par le tribunal administratif.
Par une ordonnance du 19 septembre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 20 octobre 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des marchés publics ;
- la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 ;
- le décret n°93-1268 du 29 novembre 1993 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Pin, président-assesseur,
- les conclusions de M. Arruebo-Mannier, rapporteur public,
- et les observations de Me Hugueny, représentant la commune de La Madeleine, Me Benhalima, représentant la société Artelia et Me Lecat, représentant la société C....
Considérant ce qui suit :
Sur l'objet du litige :
1. Pour la construction d'un pôle de sports de raquettes, d'un bâtiment destiné à accueillir les services techniques municipaux ainsi que d'un système de production de chauffage et d'eau chaude sanitaire afin d'alimenter ces installations ainsi qu'un complexe sportif existant, la commune de La Madeleine a confié la maîtrise d'œuvre de l'opération à un groupement solidaire formé entre les sociétés Damien Surroca Architectes (DSA), Artelia Bâtiment et Industrie, aux droits de laquelle vient la société Artelia, Agence Tribu, PhD Ingénierie et la société d'étude et de réalisation en génie acoustique (SERGA). La réception de l'ouvrage a été prononcée avec réserves par des décisions du 28 septembre 2017.
2. La commune de La Madeleine, attribuant aux membres du groupement de maîtrise d'œuvre des manquements dans la conception de l'ouvrage et dans leurs obligations de conseil au cours de l'exécution des travaux, a recherché l'engagement solidaire de leur responsabilité contractuelle. Par un jugement du 14 juin 2022, le tribunal administratif de Lille a condamné solidairement les membres du groupement de maîtrise d'œuvre à verser à la commune de La Madeleine la somme de 207 955,48 euros TTC en réparation du préjudice ayant résulté d'un manquement à leur devoir de conseil du fait de l'absence d'observations formulées à l'occasion de demandes de paiement de travaux supplémentaires en lien avec la présence dans le sol de fondations d'une ancienne usine chimique Rhodia en ce que de tels travaux étaient prévisibles, et a condamné la société DSA à garantir la société Artelia Bâtiment et Industrie à hauteur de 60 % de cette condamnation. Le tribunal administratif de Lille a, en outre, décidé qu'il serait procédé à une expertise afin de déterminer le montant du préjudice subi par la commune en raison de l'abandon, au cours des travaux, du projet de raccordement du système de production de chauffage au complexe sportif préexistant et a rejeté les autres demandes indemnitaires présentées par la commune de La Madeleine.
3. Les sociétés DSA et Agence Tribu relèvent appel de ce jugement. Par la voie de l'appel incident, la commune de La Madeleine demande la réformation de ce jugement en tant qu'il n'a que partiellement fait droit à sa demande.
Sur l'appel principal :
En ce qui concerne la responsabilité contractuelle du groupement de maîtrise d'œuvre envers la commune de la Madeleine :
4. La réception d'un ouvrage est l'acte par lequel le maître de l'ouvrage déclare accepter l'ouvrage avec ou sans réserve. Elle vaut pour tous les participants à l'opération de travaux, même si elle n'est prononcée qu'à l'égard de l'entrepreneur, et met fin aux rapports contractuels entre le maître de l'ouvrage et les constructeurs en ce qui concerne la réalisation de l'ouvrage. Si elle interdit, par conséquent, au maître de l'ouvrage d'invoquer, après qu'elle a été prononcée, et sous réserve de la garantie de parfait achèvement, des désordres apparents causés à l'ouvrage ou des désordres causés aux tiers, dont il est alors réputé avoir renoncé à demander la réparation, elle ne met fin aux obligations contractuelles des constructeurs que dans cette seule mesure.
5. Ainsi la réception demeure, par elle-même, sans effet sur les droits et obligations financiers nés de l'exécution du marché, à raison notamment de retards ou de travaux supplémentaires, dont la détermination intervient définitivement lors de l'établissement du solde du décompte définitif. Seule l'intervention du décompte général et définitif du marché a pour conséquence d'interdire au maître de l'ouvrage toute réclamation à cet égard.
6. Indépendamment de la décision du maître d'ouvrage de réceptionner les prestations de maîtrise d'œuvre prévue par les stipulations de l'article 32 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés de prestations intellectuelles, la réception de l'ouvrage met fin aux rapports contractuels entre le maître d'ouvrage et le maître d'œuvre en ce qui concerne les prestations indissociables de la réalisation de l'ouvrage, au nombre desquelles figurent, notamment, les missions de conception de cet ouvrage.
7. La commune de La Madeleine a recherché l'engagement de la responsabilité contractuelle du groupement solidaire de maîtrise d'œuvre à raison de fautes dans la conception de l'ouvrage, de manquements au devoir de conseil et de fautes dans l'exécution des missions de direction d'exécution des travaux et d'ordonnancement, pilotage et coordination du chantier.
8. Si les maîtres d'œuvre soutiennent que la réception de l'ouvrage le 28 septembre 2017 a eu pour effet de mettre fin, à compter de cette date, aux rapports contractuels qu'ils entretenaient avec le maître d'ouvrage, il résulte de l'instruction que les procès-verbaux de réception des travaux comportent, pour certains des lots, des réserves, lesquelles ont eu pour effet de maintenir les rapports contractuels au-delà de la date de réception, pour l'ensemble des malfaçons concernées par ces réserves. Les parties s'étant abstenues de produire la liste des réserves annexées aux procès-verbaux de réception des travaux ainsi que la date à laquelle elles ont été levées, il ne résulte pas de l'instruction que ces réserves ne concernaient pas les fautes relevées par la commune de la Madeleine ni que celles-ci auraient été levées à la date d'enregistrement de sa demande devant le tribunal administratif de Lille, le 21 octobre 2019. Il suit de là que les sociétés DSA et Agence Tribu ne sont pas fondées à soutenir que la réception de l'ouvrage, avec réserves, faisait obstacle à ce que la commune recherche l'engagement de leur responsabilité contractuelle.
9. De plus, l'action en responsabilité contractuelle de la commune de La Madeleine porte pour partie, notamment quant au surcoût ayant résulté de travaux supplémentaires qu'elle impute à la maîtrise d'œuvre, sur les droits et obligations financiers nés de l'exécution du marché. La créance ainsi invoquée, née de l'exécution du marché de maîtrise d'œuvre, doit être inscrite dans le décompte de ce marché. Seul le caractère définitif de ce décompte pourrait faire obstacle à ce que le maître de l'ouvrage recherche la responsabilité de la maîtrise d'œuvre. Or il n'est pas contesté que le décompte du marché de maîtrise d'œuvre n'a pas eu lieu.
En ce qui concerne la solidarité du groupement de maîtrise d'œuvre :
10. Les membres d'un groupement solidaire sont responsables, à l'égard du maître d'ouvrage, de l'exécution de la totalité des obligations contractuelles. Ils sont, en outre, réputés s'être donnés mandat pour se représenter mutuellement en justice. Il ne peut être fait échec à cette solidarité que si une répartition des tâches entre les entreprises a été signée par le maître d'ouvrage auquel elle est alors opposable.
11. Il ne résulte pas de l'instruction, et, notamment, de l'acte d'engagement auquel est uniquement annexé le tableau de répartition des honoraires, qu'une répartition des tâches ait été opérée dans un acte contractuel opposable au maître de l'ouvrage entre cotraitants de la maîtrise d'œuvre. Le tableau de proposition de rémunération de la maîtrise d'œuvre annexé à la convention de groupement, outre le fait qu'il n'a pas été rendu opposable au maître d'ouvrage, ne comporte pas davantage de répartition précise des missions.
12. Dans ces conditions, chacun des membres du groupement solidaire de maîtrise d'œuvre doit répondre de la totalité des manquements commis dans la mesure où ils sont imputables à l'un quelconque des membres du groupement. Par suite, les sociétés DSA et Agence Tribu ne peuvent utilement soutenir que leur propre responsabilité, recherchée par le maître d'ouvrage au titre d'un défaut de conception de l'ouvrage et d'un défaut de conseil dans le suivi de l'exécution des travaux, ne saurait être engagée au titre de la garantie contractuelle au motif que les dommages auraient une cause étrangère à leurs interventions.
En ce qui concerne les travaux en lien avec la présence dans le sol de fondations d'une ancienne usine chimique :
13. L'entrepreneur a le droit d'être indemnisé du coût des travaux supplémentaires s'ils ont été prescrits par ordre de service ou s'ils sont indispensables à la réalisation d'un ouvrage dans les règles de l'art. La charge définitive de l'indemnisation incombe, en principe, au maître de l'ouvrage. Toutefois, le maître d'ouvrage est fondé, en cas de faute du maître d'œuvre, à engager la responsabilité de ce dernier. Il en va ainsi lorsque la nécessité de procéder à ces travaux n'est apparue que postérieurement à la passation du marché, en raison d'une mauvaise évaluation initiale par le maître d'œuvre, et qu'il établit qu'il aurait renoncé à son projet de construction ou modifié celui-ci s'il en avait été avisé en temps utile. Il en va de même lorsque, en raison d'une faute du maître d'œuvre dans la conception de l'ouvrage ou dans le suivi de travaux, le montant de l'ensemble des travaux qui ont été indispensables à la réalisation de l'ouvrage dans les règles de l'art est supérieur au coût qui aurait dû être celui de l'ouvrage si le maître d'œuvre n'avait commis aucune faute, à hauteur de la différence entre ces deux montants.
14. Pour apprécier s'il y a lieu d'indemniser les travaux supplémentaires dans le cadre d'un marché à prix global et forfaitaire, il appartient au juge de rechercher si, compte tenu des pièces constitutives du marché, les travaux supplémentaires pouvaient être regardés comme compris dans le prix global et forfaitaire. Le principe même du forfait implique que le titulaire assume le risque des aléas de l'exécution du marché. Ne sont donc indemnisables que les travaux non prévus dans le marché et indispensables à son exécution.
15. Aux termes de l'article 2 de la loi du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d'ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d'œuvre privée, applicable au litige : " I. Le maître de l'ouvrage est la personne morale, mentionnée à l'article premier, pour laquelle l'ouvrage est construit. Responsable principal de l'ouvrage, il remplit dans ce rôle une fonction d'intérêt général dont il ne peut se démettre. Il lui appartient, après s'être assuré de la faisabilité et de l'opportunité de l'opération envisagée, d'en déterminer la localisation, d'en définir le programme, d'en arrêter l'enveloppe financière prévisionnelle, d'en assurer le financement, de choisir le processus selon lequel l'ouvrage sera réalisé et de conclure, avec les maîtres d'œuvre et entrepreneurs qu'il choisit, les contrats ayant pour objet les études et l'exécution des travaux. (...) Le programme et l'enveloppe financière prévisionnelle, définis avant tout commencement des avant-projets, pourront toutefois être précisés par le maître de l'ouvrage avant tout commencement des études de projet. (...) Les conséquences de l'évolution du programme et de l'enveloppe financière prévisionnelle sont prises en compte par voie d'avenant. (...) ".
16. Aux termes de l'article 9 du décret du 29 novembre 1993 relatif aux missions de maîtrise d'œuvre confiées par des maîtres d'ouvrage publics à des prestataires de droit privé, applicable au litige : " La direction de l'exécution du ou des contrats de travaux a pour objet : a) De s'assurer que les documents d'exécution ainsi que les ouvrages en cours de réalisation respectent les dispositions des études effectuées ; b) De s'assurer que les documents qui doivent être produits par l'entrepreneur, en application du contrat de travaux ainsi que l'exécution des travaux sont conformes audit contrat ; c) De délivrer tous ordres de service, établir tous procès-verbaux nécessaires à l'exécution du contrat de travaux, procéder aux constats contradictoires et organiser et diriger les réunions de chantier ; d) De vérifier les projets de décomptes mensuels ou les demandes d'avances présentés par l'entrepreneur, d'établir les états d'acomptes, de vérifier le projet de décompte final établi par l'entrepreneur, d'établir le décompte général ; e) D'assister le maître de l'ouvrage en cas de différend sur le règlement ou l'exécution des travaux ".
17. En vertu de l'article 3.1 du cahier des clauses administratives particulières du marché, les ouvrages et prestations faisant l'objet du marché sont réglés, pour chacun des lots, par un prix global et forfaitaire porté à l'acte d'engagement du titulaire, ce prix étant réputé tenir compte de toutes les sujétions d'exécution des travaux qui sont normalement prévisibles et résultant, notamment, de la nature hétérogène du sol (remblai) et de la possibilité de présence de reste de fondations.
18. Il résulte de ces stipulations du cahier des clauses administratives particulières du marché que, contrairement à ce que soutient la société Artelia, l'ensemble des travaux en lien avec la présence de vestiges dans le sol devaient être regardés comme compris dans le prix global et forfaitaire et non comme des travaux non prévus par le marché.
19. Par deux avenants aux lots n° 1 " Gros œuvre " et n° 12 " VRD - Clôtures ", passés respectivement les 8 et 26 juin 2016, il a été convenu, entre le maître d'ouvrage et les sociétés Donini et Id Verde, que la démolition des vestiges rencontrés lors des travaux de réalisation de pieux et de terrassement entraînait un renchérissement du prix global et forfaitaire du marché de travaux pour un montant total de 207 955,48 euros TTC.
20. Il appartenait aux titulaires de ces deux lots de faire preuve de prudence et d'assumer le risque des aléas, décrits à l'article 3 du cahier des clauses administratives particulières, de l'exécution du marché en s'assurant de la présence dans le sol des vestiges auxquels ils étaient susceptibles de s'exposer. Ainsi, les travaux prévus par ces avenants ne présentaient pas le caractère de travaux supplémentaires.
21. Il résulte de l'instruction, notamment de courriers électroniques des 14 et 16 mars 2016 émis par la société Artelia et dont la commune de la Madeleine était au nombre des destinataires, que la maîtrise d'œuvre était informée de ce que les entrepreneurs souhaitaient bénéficier, en plus du forfait prévu au marché initial, d'une indemnisation complémentaire au titre des travaux d'exhumation des fondations préexistantes.
22. Or la conduite de la mission " direction de l'exécution des travaux " qui avait été confiée à la maîtrise d'œuvre, conformément à la définition que donnent de cette mission les dispositions de l'article 9 du décret du 29 novembre 1993 alors applicable, impliquait que les maîtres d'œuvre, au titre de leur devoir de conseil, alertent le maître d'ouvrage, avant la conclusion de ces avenants, de ce que les travaux en cause, déjà inclus dans le marché à forfait, n'avaient pas à faire l'objet de tels avenants.
23. Il suit de là que la maîtrise d'œuvre, qui a d'ailleurs pris l'initiative de solliciter elle-même des entrepreneurs la fourniture de devis complémentaires, a méconnu son devoir de conseil, ce qui a entraîné le paiement de sommes indues par la commune de La Madeleine.
24. Dans ces conditions, les sociétés DSA et Agence Tribu ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que les premiers juges les ont condamnées à indemniser la commune de la Madeleine, à hauteur de la somme de 207 955,48 euros TTC, du coût des travaux prévus par ces avenants.
En ce qui concerne le défaut de conception dans la faisabilité du raccordement de la chaufferie au complexe sportif existant :
25. En vertu du cahier des clauses techniques paritaires du marché de maîtrise d'œuvre, la réalisation du système de production de chauffage et d'eau chaude sanitaire, destiné à alimenter les bâtiments objets du marché ainsi que le complexe sportif municipal existant, dénommé Claude Dhinnin, devait être précédée d'une étude de faisabilité technique et économique, proposant des solutions techniques innovantes et adaptées au contexte ainsi qu'aux possibilités offertes par le site, afin de juger de l'opportunité de créer un tel réseau de chaleur.
26. Pour proposer que le raccordement de la chaufferie au complexe sportif existant, situé de l'autre côté de la voirie publique, passerait au-dessus de la plus large des canalisations se trouvant sous cette voie, ainsi qu'il résulte du cahier des clauses techniques paritaires du lot n° 12 " VRD - Clôtures ", le groupement de maîtrise d'œuvre s'est fondé sur un plan des réseaux qui lui a été transmis le 13 février 2015 par la métropole européenne de Lille.
27. Toutefois, il résulte de l'instruction, notamment d'un échange du 1er septembre 2017 entre les sociétés Artelia Bâtiment et Industrie et DSA, que ce plan était, à lui seul, insuffisant en ce qu'il ne permettait pas d'estimer l'épaisseur réelle de la canalisation ni l'espace disponible au-dessus de celle-ci pour permettre le passage des conduites du réseau de chaleur et que la maîtrise d'œuvre ne l'ignorait pas. Il n'est pas contesté que le groupement de maîtrise d'œuvre, en dépit de la mission d'études de projet qui lui incombait, n'a pas procédé à d'autres investigations, notamment des sondages, afin de pallier aux insuffisances de ce plan. Or il résulte de l'instruction que les travaux de raccordement n'ont finalement pas pu être réalisés compte tenu de l'insuffisance de l'espace disponible entre la canalisation existante et la chaussée.
28. En s'abstenant de vérifier la faisabilité technique de sa proposition de raccordement de la chaufferie au complexe sportif, le groupement de maîtrise d'œuvre a ainsi commis une faute dans sa mission de conception de cet ouvrage qui a conduit à l'abandon, au cours du chantier, du projet de raccorder le complexe existant à la chaufferie.
29. Contrairement à ce qui est soutenu, aucune faute ne saurait être reprochée à la commune de La Madeleine pour la fourniture, par la métropole européenne de Lille, d'un relevé topographique trop imprécis, cette circonstance n'étant imputable, comme il vient d'être dit, qu'à la négligence des maîtres d'œuvre.
30. Dès lors, les sociétés DSA, Agence Tribu et Artelia ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que les premiers juges leur ont imputé le préjudice subi par la commune de La Madeleine à raison des coûts qu'elle a exposés en vue du raccordement initialement prévu.
31. Le préjudice effectivement subi par la commune n'ayant pas pu être établi par les éléments versés à l'instruction, c'est à bon droit que le tribunal administratif a, pour ce motif, prescrit, avant dire droit sur ce point du litige, une mesure d'expertise.
32. En revanche, compte tenu de ce qui a été dit précédemment, ce préjudice résultant d'une faute commise par le groupement de maîtrise d'œuvre dans sa mission de conception de l'ouvrage, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions des membres de ce groupement tendant à ce que la mission de l'expert soit élargie aux différentes causes de ce préjudice.
Sur l'appel incident de la commune de la Madeleine :
En ce qui concerne la location d'un terrain destiné à accueillir les déblais issus des travaux de purge des vestiges :
33. Si la commune de La Madeleine soutient qu'elle a été contrainte, au cours du chantier, de louer à la métropole européenne de Lille un terrain, pour un montant de 4 800 euros TTC, afin d'y entreposer les déblais issus des fondations de l'ancienne usine se trouvant sur le terrain d'assiette du projet, elle n'apporte aucun élément de nature à établir que le coût de cette location serait directement lié à une faute commise par le groupement de maîtrise d'œuvre.
En ce qui concerne les travaux d'étanchéité du silo de stockage de bois de la chaufferie :
34. En application du point 4.10.1 du cahier des clauses techniques paritaires du lot n° 1, la fosse du silo à bois est réalisée en béton armé et ses faces intérieures sont entièrement cristallisées.
35. Alors que la maîtrise d'œuvre avait ainsi prévu une technique d'étanchéité de la fosse du silo à bois, au cours du chantier, la société Donnini, titulaire du lot n° 1, a proposé au maître de l'ouvrage une autre technique d'étanchéité, entraînant un renchérissement du prix du marché de 45 803,22 euros HT soit 54 963,86 euros TTC. Le maître d'ouvrage a accepté cette proposition du titulaire qui a donné lieu, le 5 juillet 2016, à la conclusion d'un avenant avec la société Donnini.
36. L'obligation de conseil de la maîtrise d'œuvre, qui ne saurait s'entendre comme un devoir général de conseil dans la négociation des avenants avec les titulaires du marché, n'impliquait pas qu'elle appelle l'attention du maître d'ouvrage sur la circonstance que la variante d'étanchéité du silo, proposée par le titulaire du lot en cours de chantier, entraînait un renchérissement du coût initialement prévu.
37. Dans ces conditions, la responsabilité des maîtres d'œuvre pour défaut de conseil ne saurait être engagée à ce titre.
En ce qui concerne le revêtement de la dalle du bâtiment des services techniques :
38. Il résulte de l'instruction, notamment du point 2.2.1.3.3 du cahier des clauses techniques paritaires du lot n° 1, que la surface de la dalle du centre technique municipal devait demeurer brute.
39. La société Donnini, titulaire du lot n° 1, a proposé à la commune, en cours de chantier, de réaliser, sur la dalle du centre technique municipal une finition " quartzée " afin d'éviter la poussière. Le maître d'ouvrage a accepté cette proposition, qui a donné lieu à la conclusion le 5 juillet 2016 d'un avenant au lot n° 1 prévoyant un surcoût à ce titre de 4 370 euros HT, soit 5 244 euros TTC.
40. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés précédemment, les maîtres d'œuvre n'ont pas méconnu leur devoir de conseil en s'abstenant d'informer le maître d'œuvre que cette finition de la dalle, qui n'était pas indispensable au regard des règles de l'art, apportait une plus-value à l'ouvrage.
En ce qui concerne les travaux des canalisations et fourreaux sous dalle :
41. La commune de La Madeleine reproche à la maîtrise d'œuvre de ne pas avoir prévu, dans la conception de l'ouvrage, le tracé des fourreaux et canalisations sous le dallage du bâtiment.
42. Par un avenant au lot n° 1, conclu le 29 mars 2017 entre le maître d'ouvrage et le titulaire de ce lot, l'entreprise Donnini s'est engagée à effectuer des travaux de passage sous la dalle des fourreaux et canalisations, moyennant une augmentation du montant initial du marché de 15 491,25 euros TTC.
43. Toutefois, il n'est pas contesté que le projet initial prévoyait le passage, par voie aérienne, des fourreaux et canalisations, ce qui était conforme à la réglementation existante. La circonstance que le maître d'ouvrage a, au cours de l'exécution des travaux, choisi une variante visant à enterrer les canalisations et fourreaux sous la dalle, n'est pas de nature à caractériser une faute de la maîtrise d'œuvre.
En ce qui concerne les installations de chantier nécessaires en période hivernale :
44. La commune fait valoir que le maître d'œuvre a omis, au titre des missions qui lui étaient imparties, de prévoir des installations permettant aux entreprises de disposer d'un sol stable pour pouvoir intervenir en période hivernale et qu'elle a été contrainte, à cet effet, de conclure les 27 juin 2016 et 14 avril 2017 des avenants aux lots n° 12 et n° 1 avec les entreprises Id Verde et Donnini, pour un montant de 33 010,44 euros TTC, afin de mettre en place une couche de matériaux concassés permettant d'assurer la stabilité du sol et de purger la boue sur le chantier.
45. Toutefois, il résulte de rapports géotechniques qui, en vertu de l'article 2 du cahier des clauses administratives particulières, étaient au nombre des pièces contractuelles constitutives du marché, que compte tenu de la nature du sol limoneux et sableux, peu à moyennement consistant et sensible à l'eau, les " travaux devront être réalisés dans des conditions météorologiques favorables ", au risque que le chantier ne devienne " rapidement (...) impraticable " et nécessitant alors " la mise en place de surépaisseurs en matériaux insensibles à l'eau ".
46. Ainsi, les entrepreneurs n'ignoraient pas les aléas susceptibles d'être rencontrés pour la circulation des engins sur le chantier en période d'intempéries. Il leur appartenait, dès lors, d'en tenir compte dans le prix global et forfaitaire et ils ne sauraient ainsi se prévaloir d'un surcoût imputable à un manque de prudence de leur part.
47. Il ne résulte de l'instruction ni que la maîtrise d'œuvre aurait insuffisamment défini, au titre des études d'avant-projet définitif, les conditions de circulation des engins sur le chantier en période hivernale, ni que la maîtrise d'œuvre, qui n'a au demeurant pas visé les avenants mentionnés au point 44, aurait été informée de cette demande de paiement formulée par les entreprises Id Verde et Donnini ou de la conclusion de ces avenants.
48. Dans ces conditions, alors qu'il n'est pas établi que les maîtres d'œuvre auraient eu connaissance de la situation en cause, leur responsabilité à raison d'un défaut de conseil ne saurait être engagée.
En ce qui concerne les travaux de création d'une zone de stockage :
49. Si la commune fait valoir qu'elle a été contrainte, en cours de chantier, de conclure un avenant le 14 avril 2017 avec la société Van Henis, titulaire du lot n° " cloisons - doublage - faux-plafonds - menuiseries intérieures bois ", pour un montant de 9 484,80 euros TTC, concernant la fourniture et la pose d'un plancher d'une mezzanine afin de compléter la zone de stockage, elle n'apporte aucun élément au soutien de son allégation selon laquelle la conception initiale par la maîtrise d'œuvre de la zone de stockage aurait été sous-dimensionnée. Dès lors, la responsabilité des maîtres d'œuvre à raison d'un défaut de conception de l'ouvrage doit être écartée.
En ce qui concerne le surcoût des travaux réalisés par la société D... concept :
50. Si la commune fait valoir qu'elle a supporté des surcoûts, à hauteur de 52 140,48 euros TTC, liés à la pose " d'équipements silo après étanchéité ", à des travaux relatifs aux réseaux " chauffage-ventilation-climatisation ", aux attentes au sol et aux descentes d'eaux pluviales, à la modification de l'implantation de la centrale de traitement d'air, ainsi qu'à la modification du dimensionnement des attentes d'eaux pluviales du tennis couvert, elle ne précise pas, dans ses écritures d'appel, en quoi ces travaux résulteraient d'une faute de nature à engager la responsabilité contractuelle des maîtres d'œuvre.
En ce qui concerne le surcoût induit par l'allongement des délais d'exécution et par la réalisation de travaux supplémentaires en cours d'exécution du marché :
51. Il résulte de ce qui précède que, contrairement à ce que soutient l'appel incident de la commune, aucune faute contractuelle commise par la maîtrise d'œuvre n'est à l'origine de surcoûts, à les supposer même établis, liés à des travaux supplémentaires ou d'un allongement des délais d'exécution. Si la commune soutient que l'allongement des délais d'exécution est également imputable à la maîtrise d'œuvre en ce que celle-ci a méconnu son obligation de coordination des entreprises sur le chantier et ne l'a pas correctement assistée lors des opérations de réception, elle n'apporte, au soutien de ce moyen, aucune précision.
En ce qui concerne les fautes commises par la maîtrise d'œuvre dans l'accomplissement des missions d'ordonnancement de pilotage et de coordination (OPC) et de direction de l'exécution du contrat de travaux (DET) :
52. En se bornant à faire état de la désorganisation des maîtres d'œuvre et à produire, à cet égard, des courriers électroniques du représentant du maître d'ouvrage faisant état des incidences du retard pris dans l'exécution des travaux, la commune de La Madeleine ne démontre pas que les maîtres d'œuvre auraient commis des fautes dans l'accomplissement des missions OPC et DET.
Sur les conclusions des sociétés D... concept, Id Verde et Donnini tendant à être mises hors de cause de l'expertise :
53. Les sociétés Donnini, D... concept et Id Verde, respectivement titulaires des lots n° 1 " gros œuvre, charpente métallique, revêtement de sols rigides ", n° 6 " plomberie sanitaire, chauffage, ventilation " et nos 10, 12 et 13 " courts de tennis ", " voirie et réseaux divers - clôtures " et " espaces verts ", ne sont pas totalement étrangères au litige, qui n'est pas définitivement tranché, relatif à la détermination du montant du préjudice subi par la commune de La Madeleine résultant de l'abandon du raccordement de la chaufferie au complexe existant.
54. Dans ces conditions, les conclusions de ces sociétés tendant à ce qu'elles soient entièrement mises hors de cause de l'expertise ordonnée par le tribunal, laquelle ne préjuge en rien de la solution qui sera donnée au fond au litige, ne peuvent qu'être rejetées.
55. Il résulte de tout ce qui précède, d'une part, que les sociétés DSA, Agence Tribu et Artelia ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a mis à leur charge le versement à la commune de La Madeleine d'une somme de 207 955,48 euros TTC et a ordonné une expertise, d'autre part, que la commune de La Madeleine n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le même jugement, le tribunal administratif de Lille a, à l'exception des droits et moyens sur lesquels il n'a pas expressément statué, rejeté le surplus de sa demande.
Sur les appels en garantie :
En ce qui concerne les conclusions d'appel en garantie présentées par les membres du groupement de maîtrise d'œuvre :
56. En premier lieu, il résulte de l'instruction, en particulier du tableau de répartition des honoraires des membres du groupement de maîtrise d'œuvre, que la société DSA, mandataire, était plus particulièrement chargée de la mission architecture, que la société Artelia intervenait en tant que bureau d'études techniques tous corps d'état, en particulier structure et voirie et réseaux divers, la société Agence Tribu en qualité de bureau d'études techniques " haute qualité environnementale ", la société PhD Ingénierie en qualité d'économiste et la société Serga en qualité d'acousticien.
57. Compte tenu de la nature de la faute commise par la maîtrise d'œuvre ayant conduit au paiement de sommes indues par le maître d'ouvrage en lien avec les travaux liés à la démolition des fondations d'une ancienne usine, des missions respectives des membres du groupement et, ainsi qu'il a été dit précédemment, de l'implication particulière de la société Artelia, laquelle a accepté la prise en compte de coûts au-delà du forfait, il y a lieu de fixer à 70 % du montant de ces sommes indues s'élevant à 207 955,48 euros TTC, la part de responsabilité de la société Artelia et à 30 % la part de responsabilité de la société DSA.
58. Il suit de là qu'il y a lieu de condamner la société Artelia à garantir la société DSA à hauteur de 70 % et de condamner la société DSA à garantir la société Artelia à hauteur de 30 % des condamnations prononcées à leur encontre.
59. En revanche, la responsabilité des autres membres du groupement de maîtrise d'œuvre n'étant pas engagée, les conclusions d'appel en garantie de la société Artelia présentées à leur encontre doivent être rejetées. Il en va de même des conclusions d'appel en garantie des sociétés Artelia et DSA dirigées contre les sociétés Donnini, Id verde, Caner, Van Henis Marcel et Fils, D... B... et C... sécurité, dont la responsabilité n'est pas engagée.
60. En second lieu, par son article 8, le jugement attaqué, a réservé les droits et moyens des parties sur lesquels il n'a pas expressément statué aux autres articles. Au nombre de ces demandes figurent les appels en garantie croisés présentés par les membres du groupement de maîtrise d'œuvre au titre d'erreurs dans la conception du raccordement de la chaufferie au complexe sportif existant. Faute de litige en cause d'appel, les conclusions d'appel en garantie présentées à ce titre par les sociétés DSA, Agence Tribu et Artelia doivent donc être rejetées.
En ce qui concerne les autres conclusions d'appel en garantie :
61. En l'absence de toute condamnation prononcée à son encontre, les conclusions d'appel en garantie formées par la société C... sont sans objet.
Sur les frais liés au litige :
62. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de laisser à la charge de chacune des parties les frais exposés par elles et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La société Artelia est condamnée à garantir la société DSA à hauteur de 70 % des condamnations mises à la charge solidaire du groupement de maîtrise d'œuvre par l'article 2 du jugement du 14 juin 2022 du tribunal administratif de Lille.
Article 2 : La société DSA est condamnée à garantir la société Artelia à hauteur de 30 % des condamnations mises à la charge solidaire du groupement de maîtrise d'œuvre par l'article 2 du jugement du 14 juin 2022 du tribunal administratif de Lille.
Article 3 : Le jugement du 14 juin 2022 du tribunal administratif de Lille est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de La Madeleine, à la société Artelia, à la société Agence Tribu, à la société Damien Surroca Architectes, à la société Phd Ingénierie, à la société d'étude et de réalisation en génie acoustique, à la société Hexa Ingénierie, à la société D... B..., à la société Donnini, à la société C..., à la société Id Verde, à la société Van Henis et à la société Caner.
Délibéré après l'audience du 3 octobre 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Marc Heinis, président de chambre,
- M. François-Xavier Pin, président-assesseur,
- Mme Alice Minet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 octobre 2024.
Le président-rapporteur,
Signé : F.-X. Pin
Le président de chambre,
Signé : M. A...La greffière,
Signé : S. Cardot
La République mande et ordonne au préfet du Nord, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
Pour la greffière en chef,
Par délégation,
La greffière,
Sophie Cardot
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N°22DA01801