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16/10/2024 | FRANCE | N°22DA00301

France | France, Cour administrative d'appel de DOUAI, 3ème chambre, 16 octobre 2024, 22DA00301


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société par actions simplifiée (SAS) Sogea Nord Hydraulique a demandé au tribunal administratif de Lille de condamner la Métropole européenne de Lille (MEL) à lui verser, au titre du solde du marché portant sur la construction d'une conduite de décharge des eaux pluviales vers la Lys à Armentières - Quai Beauvais, la somme de 1 079 719,73 euros hors taxes, assortie des intérêts moratoires à compter du 23 janvier 2018 et de la capitalisation des intérêts.



Par un jugement n° 1904347 du 29 novembre 2021, le tribunal administratif de Lille a rejeté...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) Sogea Nord Hydraulique a demandé au tribunal administratif de Lille de condamner la Métropole européenne de Lille (MEL) à lui verser, au titre du solde du marché portant sur la construction d'une conduite de décharge des eaux pluviales vers la Lys à Armentières - Quai Beauvais, la somme de 1 079 719,73 euros hors taxes, assortie des intérêts moratoires à compter du 23 janvier 2018 et de la capitalisation des intérêts.

Par un jugement n° 1904347 du 29 novembre 2021, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 14 février 2022 et le 13 février 2023, la société par actions simplifiée (SAS) Sogea Nord Hydraulique, représentée par Me Griffiths, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) à titre principal, de condamner la Métropole européenne de Lille (MEL), à lui verser la somme de 1 079 719,73 euros hors taxes augmentée des intérêts moratoires à compter du 23 janvier 2018, capitalisés s'ils sont dus pour une année entière, en raison du caractère définitif du décompte général notifié le 30 juillet 2018 ;

3°) à titre subsidiaire, de condamner la MEL à lui verser la somme de 1 079 719,73 euros hors taxes augmentée des intérêts moratoires à compter du 23 janvier 2018, capitalisés s'ils sont dus pour une année entière, en raison du bien-fondé des demandes de rémunération complémentaires qu'elle a présentées ;

4°) de mettre à la charge de la MEL le versement d'une somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- en retenant qu'elle ne pouvait bénéficier d'un décompte général et définitif (DGD) tacite sur le fondement de l'article 13.4.4 du cahier des clauses administratives

générales (CCAG) - Travaux dans sa version issue de l'arrêté du 8 septembre 2009 approuvant ce cahier, modifié par l'arrêté du 3 mars 2014, les premiers juges ont commis une erreur de droit et dénaturé les pièces du dossier ; l'article 5-1 du cahier des clauses administratives particulières (CCAP) ne dérogeant pas intégralement aux dispositions de l'article 13

du CCAG - Travaux, il ne saurait être regardé comme excluant l'application de l'article 13.4.4 de ce document général ; le silence gardé par le maître d'ouvrage sur son projet de décompte final, puis sur son projet de décompte général a ainsi rendu définitif ce dernier, conformément à l'article 13.4.4 du CCAG - Travaux ;

- c'est également à tort que le tribunal a retenu que sa requête était irrecevable faute d'avoir présenté le mémoire en réclamation conformément aux dispositions de l'article 50

du CCAG - Travaux ; un tel mémoire ne peut être exigé dès lors que l'article 5.1 du CCAP régit de manière exhaustive la procédure d'établissement du DGD ; en tout état de cause, par son courrier du 26 octobre 2018 elle doit nécessairement être regardée comme ayant entendu contester le décompte général de sorte qu'il tient lieu de mémoire en réclamation ;

- contrairement à ce que les premiers juges ont encore retenu, par son comportement, la MEL a méconnu le principe de loyauté des relations contractuelles ; dans ces circonstances particulières, il ne peut être exigé la production d'un mémoire en réclamation ;

- elle est fondée à demander la rémunération des travaux supplémentaires indispensables ou modificatifs qu'elle a dû effectuer, parmi lesquels la rémunération des métrés réels, évaluée à 216 819,25 euros, la rémunération de la mission géotechnique G3 et des essais complémentaires évalués à 17 394,37 euros, les frais supplémentaires liés au changement de microtunnelier et au surcoût lié à l'abandon de palplanches que l'avenant n° 1 n'a pas intégralement rémunéré et dont la MEL, qui a d'ailleurs validé les méthodologies proposées, a été informée, évalués à 44 728,60 euros, le montant des études réalisées en conséquence de la mission géotechnique G3 concernant les ouvrages de génie civil évalué à 14 427 euros, les frais liés au rabattement complémentaire de la nappe autour des puits évalués à 16 073,81 euros ainsi que le coût correspondant à la modification de l'ouvrage de rejet rendue nécessaire par la présence de tirants actifs et d'une épaisse dalle de béton destinée à les retenir, évalué à 136 366,02 euros ;

- elle doit aussi être indemnisée de la différence entre les prix provisoires proposés au titre des ordres de service 6,7,9 et 11, sur lesquels elle a émis des réserves, et le montant réel des travaux supplémentaires ;

- enfin, elle est fondée à demander l'indemnisation des préjudices que lui ont causé les différents évènements intervenus et qui ont bouleversé l'économie générale du contrat comprenant l'augmentation de ses frais fixes de matériel et de personnel, la perte de bénéfices et la perte d'industrie évaluées respectivement à 148 624,04 euros, 322 321,13 euros et 138 517,12 euros ; en signant l'avenant n° 1, elle n'a pas renoncé à être indemnisée de l'ensemble des conséquences résultant pour elle de l'allongement du chantier.

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 octobre 2022, la Métropole européenne de Lille, représentée par Me Sagalovitsch, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 6 000 euros soit mise à la charge de la SAS Sogea Nord Hydraulique en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par la SAS Sogea Nord Hydraulique ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 13 février 2023, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 10 mars 2023 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des marchés publics ;

- l'arrêté du 8 septembre 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales (CCAG) applicables aux marchés publics de travaux ;

- l'arrêté du 3 mars 2014 modifiant l'arrêté du 8 septembre 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales applicables (CCAG) aux marchés publics de travaux ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Frédéric Malfoy, premier conseiller,

- les conclusions de M. Nil Carpentier-Daubresse, rapporteur public,

- et les observations de Me Roche, représentant la SAS Sogea Nord Hydraulique et de Me Schwartz, représentant la MEL.

Considérant ce qui suit :

1. Par un acte d'engagement du 13 avril 2015, la communauté urbaine de Lille, devenue la métropole européenne de Lille (MEL), a conclu avec la société Sogea Nord Hydraulique un marché en vue de la construction d'une conduite de décharge des eaux pluviales vers la Lys à Armentières - Quai Beauvais, pour un montant initial de 2 587 032,91 euros hors taxes (HT), soit 3 104 439,49 euros toutes taxes comprises (TTC). La durée d'exécution du marché était fixée à douze mois, comprenant deux mois de préparation du chantier et quinze jours d'intempéries potentielles. Par un avenant n° 1 du 8 décembre 2016, les parties ont décidé de prolonger le délai d'exécution des travaux de huit mois et d'augmenter la masse initiale des travaux dont le montant a été porté à la somme de 504 975,97 euros HT. Les travaux ont été réceptionnés avec réserves le 9 décembre 2016, lesquelles ont été levées le 4 janvier 2017. Par un courrier du 23 janvier 2018, la société titulaire a adressé à la MEL un projet de décompte final. En l'absence de réponse de la MEL, et par un courrier du 27 juillet 2018 reçu le 30 juillet, la société Sogea Nord Hydraulique lui a adressé un projet de décompte général. Par un courrier du 8 octobre suivant, la MEL a transmis à la société Sogea Nord Hydraulique un ordre de service n° 14 portant notification du décompte général. Par une lettre datée du 26 octobre 2018, la société titulaire a fait connaître à la MEL qu'un décompte général et définitif était né du silence gardé sur son envoi du 27 juillet précédent, que le décompte joint à l'ordre de service n° 14 ne pouvait constituer un tel décompte général et définitif et qu'elle refusait en conséquence de signer ce dernier document. La société Sogea Nord Hydraulique relève appel du jugement du 29 novembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la MEL à lui verser, au titre du solde du marché précité, la somme de 1 079 719,73 euros HT, assortie des intérêts moratoires à compter du 23 janvier 2018 et de la capitalisation des intérêts.

Sur la régularité du jugement attaqué :

En ce qui concerne l'existence d'un décompte général et définitif tacite :

2. D'une part, aux termes de l'article 1er du cahier des clauses administratives générales (CCAG) applicable aux marchés publics de travaux, dans sa version applicable au marché en litige, issue de l'arrêté du 8 septembre 2009 approuvant ce cahier, modifié par l'arrêté du 3 mars 2014 : " Les stipulations du présent cahier des clauses administratives générales (CCAG) s'appliquent aux marchés qui s'y réfèrent expressément. Ces marchés peuvent prévoir de déroger à certaines de ces stipulations. Ces dérogations doivent figurer dans le cahier des clauses administratives particulières (CCAP) qui comporte une liste récapitulative des articles du CCAG auxquels il est dérogé ". Aux termes de l'article 51 du même CCAG : " Le dernier article du CCAP indique la liste récapitulative des articles du CCAG auxquels il est dérogé ".

3. D'autre part, en vertu de l'article 2 du cahier des clauses administratives particulières (CCAP) applicable au marché litigieux : " les pièces constitutives du marché sont les suivantes par ordre de priorité / : a) Pièces particulières (...) le présent cahier des clauses administratives particulières (...) / b) Pièces générales (...) cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux (CCAG) approuvé par arrêté du 8 septembre 2009 et publié le 1er octobre 2009 au JORF (...) ". Le dernier alinéa de ce même article stipule par ailleurs : " Les dérogations aux dispositions générales sont récapitulées au CCAP ".

4. Par ailleurs, aux termes de l'article 13.4.2 du cahier des clauses administratives générales (CCAG) : " Le projet de décompte général est signé par le représentant du pouvoir adjudicateur et devient alors le décompte général. / Le représentant du pouvoir adjudicateur notifie au titulaire le décompte général à la plus tardive des deux dates ci-après : / -trente jours à compter de la réception par le maître d'œuvre de la demande de paiement finale transmise par le titulaire ; / - trente jours à compter de la réception par le représentant du pouvoir adjudicateur de la demande de paiement finale transmise par le titulaire. (...) ". Selon l'article 13.4.4 de ce cahier : " Si le représentant du pouvoir adjudicateur ne notifie pas au titulaire le décompte général dans les délais stipulés à l'article 13.4.2, le titulaire notifie au représentant du pouvoir adjudicateur, avec copie au maître d'œuvre, un projet de décompte général signé (...) / Dans un délai de dix jours à compter de la réception de ces documents, le représentant du pouvoir adjudicateur notifie le décompte général au titulaire. Le décompte général et définitif est alors établi dans les conditions fixées à l'article 13.4.3. / Si, dans ce délai de dix jours, le représentant du pouvoir adjudicateur n'a pas notifié au titulaire le décompte général, le projet de décompte général transmis par le titulaire devient le décompte général et définitif. Le délai de paiement du solde, hors révisions de prix définitives, court à compter du lendemain de l'expiration de ce délai. / Le décompte général et définitif lie définitivement les parties, sauf en ce qui concerne les montants des révisions de prix et des intérêts moratoires afférents au solde. (...) ".

5. Il ressort des énonciations du dernier alinéa de l'article 5.1 du CCAP, intitulé " Modalités de règlement " que " Par dérogation au CCAG - Travaux, le règlement des prestations s'effectue dans les conditions suivantes : / 5-1-1. - Décomptes mensuels (...) / 5-1-2. - Décompte général (...) ". En outre, l'article 13 de ce CCAP, intitulé " Dérogations / Aménagements aux documents généraux " indique que " Le CCAP prévoit des dispositions particulières dérogatoires aux documents généraux " et notamment que " L'article 5.1 déroge à l'article 13

du CCAG-Travaux ".

6. La société Sogea Nord Hydraulique soutient que si l'article 13 du CCAP récapitulant les dérogations apportées aux documents généraux, et en particulier au CCAG, mentionne l'article 13 de ce dernier dans son intégralité, cette circonstance ne rend pour autant pas inapplicable au marché litigieux toutes les dispositions de l'article 13 du CCAG, et notamment celles de l'article 13.4.4 relatives à l'établissement d'un décompte général et définitif tacite. Selon l'appelante, les stipulations de l'article 5.1 du CCAP ne peuvent être regardées comme s'appliquant seules, à l'exclusion de toutes les stipulations de l'article 13 du CCAG -Travaux.

7. Il ressort des termes mêmes de son dernier alinéa, mentionnés au point 5, que l'article 5.1 du CCAP déroge expressément au CCAG - Travaux en ce qui concerne le règlement des prestations, ainsi que le rappelle l'article 13 du même CCAP. Ce document, signé par les parties, prévoit donc de façon exhaustive les modalités de règlement, d'une part, des demandes de paiement mensuelles et des acomptes mensuels à l'article 5.1.1 et, d'autre part, de la demande de paiement final et du décompte général à l'article 5.1.2. La circonstance qu'il ne soit pas expressément précisé à l'article 5.1 que les parties ont entendu déroger aux dispositions du CCAG - Travaux relatives à l'établissement d'un décompte général et définitif tacite est sans incidence sur son application dès lors que ses stipulations se suffisent à elles-mêmes pour assurer le règlement des prestations, notamment dans le cadre du décompte général. A cet égard, et ainsi que le reconnaît la société appelante, l'article 5.1.2 du CCAP prévoit d'ailleurs des délais qui ne sont pas compatibles avec ceux prévus par l'article 13.4.4 du CCAG se rapportant à l'établissement d'un décompte général et définitif tacite. De même, si l'article 5.1 mentionne expressément qu'il est fait application de l'article 13.2.2 du CCAG pour les cas de contestation sur le montant d'empêchement relatif au paiement et de suspension du délai de paiement et que, par dérogation à l'article 13.3.2 du même document, il est fait application des dispositions de son article 41.6 en ce qui concerne la date du procès-verbal de levée des réserves, il ne se déduit pas de ces stipulations la volonté des parties de rendre applicables toutes les autres dispositions de l'article 13 du CCAG auxquelles il n'est pas également expressément dérogé à l'article 5.1 du CCAP. Dans ces conditions, c'est à bon droit que le tribunal a retenu que l'article 5.1 du CCAP régissant de manière exhaustive la procédure d'établissement du décompte général et définitif du marché, la société Sogea Nord Hydraulique ne pouvait se prévaloir de l'acquisition d'un décompte général et définitif tacite dans les conditions fixées à l'article 13.4.4 du CCAG.

En ce qui concerne la présentation d'un mémoire en réclamation :

8. Aux termes de l'article 50 du CCAG - Travaux, dans sa version approuvée par l'arrêté du 8 septembre 2009 : " 50.1.1. Si un différend survient entre le titulaire et le maître d'œuvre, sous la forme de réserves faites à un ordre de service ou sous toute autre forme, ou entre le titulaire et le représentant du pouvoir adjudicateur, le titulaire rédige un mémoire en réclamation. / Dans son mémoire en réclamation, le titulaire expose les motifs de son différend, indique, le cas échéant, les montants de ses réclamations et fournit les justifications nécessaires correspondant à ces montants. Il transmet son mémoire au représentant du pouvoir adjudicateur et en adresse copie au maître d'œuvre. / Si la réclamation porte sur le décompte général du marché, ce mémoire est transmis dans le délai de trente jours à compter de la notification du décompte général. / (...) 50.1.2. Après avis du maître d'œuvre, le représentant du pouvoir adjudicateur notifie au titulaire sa décision motivée dans un délai de trente jours à compter de la date de réception du mémoire en réclamation. / 50.1.3. L'absence de notification d'une décision dans ce délai équivaut à un rejet de la demande du titulaire. / (...) 50.3.1. A l'issue de la procédure décrite à l'article 50.1, si le titulaire saisit le tribunal administratif compétent, il ne peut porter devant cette juridiction que les chefs et motifs énoncés dans les mémoires en réclamation ".

9. Aux termes de l'article 5.1.2 du CCAP : " (...) Le décompte général est notifié au titulaire dans un délai de 40 (quarante) jours suivant la date de remise par celui-ci du projet de décompte final (...). Dans un délai de 45 (quarante-cinq) jours suivant cette notification, le titulaire doit le retourner signé au représentant du pouvoir adjudicateur. Si la signature du décompte général est donnée sans réserve par le titulaire, il devient le décompte général et définitif du marché. En cas de refus de signature, il doit préciser par écrit les raisons qui le motivent ".

10. D'une part, contrairement à ce que soutient la société Sogea Nord Hydraulique, les stipulations de l'article 5.1.2 du CCAP qui exigent seulement du titulaire qu'il précise par écrit les motifs de son refus de signer le décompte général, ne constituent pas une dérogation aux stipulations de l'article 50.1.1 du CCAG imposant à ce même titulaire de rédiger un mémoire en réclamation exposant les motifs de son différend et indiquant, le cas échéant, les montants de ses réclamations et les justifications nécessaires correspondant à ces montants.

11. D'autre part, un mémoire du titulaire du marché ne peut être regardé comme une réclamation au sens des stipulations précitées de l'article 50.1 du CCAG - Travaux que s'il comporte l'énoncé d'un différend et expose, de façon précise et détaillée, les chefs de la contestation en indiquant, d'une part, les montants des sommes dont le paiement est demandé et, d'autre part, les motifs de ces demandes, notamment les bases de calcul des sommes réclamées. Si ces éléments ainsi que les justifications nécessaires peuvent figurer dans un document joint au mémoire, celui-ci ne peut pas être regardé comme une réclamation lorsque le titulaire se borne à se référer à un document antérieurement transmis au représentant du pouvoir adjudicateur ou au maître d'œuvre sans le joindre à son mémoire.

12. Il résulte de l'instruction que le 8 octobre 2018, la MEL a adressé à la société Sogea Nord Hydraulique l'ordre de service n° 14 portant notification du décompte général du marché. Par un courrier du 26 octobre 2018, la société titulaire a fait connaître à la collectivité qu'elle rejetait l'ordre de service au motif qu'un décompte général et définitif tacite avait résulté, sur le fondement de l'article 13.4.4 du CCAG, du silence gardé par le maître d'ouvrage sur son courrier précédent du 27 juillet 2018. Si, par son courrier du 26 octobre 2018, la société appelante doit être regardée comme ayant exposé la nature du différend l'opposant à la MEL, elle s'est toutefois bornée à se référer, sans le joindre, à son courrier du 27 juillet 2018 notifiant son projet de décompte général, sans exposer de façon précise et détaillée, les chefs de contestation en indiquant les motifs de ses demandes, notamment les bases de calcul des sommes réclamées et les justifications nécessaires correspondant à ces montants. Ce faisant, et alors au surplus que la MEL fait valoir sans être contestée sur ce point, que la société a adressé son courrier du 26 octobre 2018 au représentant du pouvoir adjudicateur sans l'adresser au maître d'œuvre, ce courrier ne peut être regardé comme un mémoire en réclamation au sens de l'article 50 du CCAG - Travaux.

13. Enfin, si la société Sogea Nord Hydraulique soutient que, dans les circonstances de l'espèce, le principe de loyauté des relations contractuelles fait obstacle à l'application rigoureuse des stipulations précitées de l'article 50.1 du CCAG - Travaux, il découle de ce qui a été dit au point 7, qu'en faisant application des seules stipulations de l'article 5-1 du CCAP qui, par dérogation à l'article 13 du CCAG, s'opposent à l'établissement d'un décompte général et définitif tacite, la MEL n'a pas méconnu l'exigence de loyauté contractuelle.

14. Dans ces conditions, la société Sogea Nord Hydraulique ne peut pas être regardée comme ayant transmis, dans le délai et dans les formes prévues par l'article 50.1.1 précité du CCAG - Travaux, un mémoire en réclamation. Par suite, sa demande tendant à la condamnation de la MEL, au titre du solde du marché portant sur la construction d'une conduite de décharge des eaux pluviales vers la Lys à Armentières - Quai Beauvais, de la somme de 1 079 719,73 euros hors taxe (HT), assortie des intérêts moratoires à compter du 23 janvier 2018 et de la capitalisation des intérêts ne peut qu'être rejetée.

15. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la société Sogea Nord Hydraulique n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande comme irrecevable.

Sur les frais de l'instance :

16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la MEL qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la société Sogea Nord Hydraulique réclame à ce titre. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la société Sogea Nord Hydraulique une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la MEL et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Sogea Nord Hydraulique est rejetée.

Article 2 : La société Sogea Nord Hydraulique versera à la MEL la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiée Sogea Nord Hydraulique et à la Métropole européenne de Lille.

Délibéré après l'audience publique du 1er octobre 2024 à laquelle siégeaient :

- Mme Marie-Pierre Viard, présidente de chambre,

- M. Jean-Marc Guérin-Lebacq, président-assesseur,

- M. Frédéric Malfoy, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 octobre 2024.

Le rapporteur,

Signé : F. Malfoy

La présidente de chambre,

Signé : M.-P. Viard

La greffière,

Signé : C. Huls-Carlier

La République mande et ordonne au préfet du Nord en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Pour la greffière en chef,

par délégation,

La greffière,

C. Huls-Carlier

N° 22DA00301 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22DA00301
Date de la décision : 16/10/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme Viard
Rapporteur ?: M. Frédéric Malfoy
Rapporteur public ?: M. Carpentier-Daubresse
Avocat(s) : SCP LONQUEUE-SAGALOVITSCH- EGLIE RICHTERS & ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 27/10/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-10-16;22da00301 ?
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