Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision du 22 mai 2023 par laquelle le préfet du Nord a ordonné son transfert auprès des autorités roumaines, responsables de l'examen de sa demande d'asile.
Par un jugement n° 2304632 du 1er juin 2023, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé cette décision.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 5 août 2023, le préfet du Nord, représenté par Me Jean-Alexandre Cano, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter la demande de M. B....
Il soutient que :
- sa requête d'appel est recevable, même s'il n'est pas en mesure de fournir l'adresse de l'intimé qui est sorti du centre de rétention administrative et n'est plus localisable ;
- le moyen d'annulation retenu par le tribunal n'est pas fondé dans la mesure où il n'est pas démontré que le transfert de M. B... en Roumanie l'exposera à des traitements inhumains et dégradants au sens des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision du 22 mai 2023 a été signée par une autorité bénéficiant d'une délégation de signature régulière et publiée ;
- elle est suffisamment motivée ;
- elle ne méconnaît pas les dispositions des articles 3 et 17 du règlement (UE) n° 604/103 du 26 juin 2013.
La requête a été communiquée le 10 août 2023 à M. B... qui n'a pas produit de mémoire.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le règlement UE n° 604/2013 du parlement européen et du conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Isabelle Legrand, présidente-assesseure, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B..., ressortissant indien né le 4 août 1998, déclare être entré en France le 1er mai 2023. Il a été interpellé le 5 mai 2023 à l'occasion d'un contrôle d'identité et placé en centre de rétention administrative, faute de pouvoir justifier de son droit à circuler et séjourner régulièrement en France. Le préfet du Nord a constaté que M. B... avait fait l'objet d'un enregistrement dans la base de données dactyloscopiques centrale informatisée du système Eurodac à l'occasion de demandes d'asile formulées, les 14 et 27 juillet 2022, respectivement en Roumanie et en Autriche. Après l'acceptation implicite des autorités roumaines de le reprendre en charge, le préfet du Nord a, par une décision du 22 mai 2023, ordonné son transfert auprès des autorités roumaines, responsables de l'examen de sa demande d'asile. Par la présente requête, le préfet demande l'annulation du jugement n° 2304632 du 1er juin 2023 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé cette décision.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. D'une part, aux termes du paragraphe 1 de l'article 29 du règlement (UE) du 26 juin 2013 visé ci-dessus : " Le transfert du demandeur ou d'une autre personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point c) ou d), de l'État membre requérant vers l'État membre responsable s'effectue (...) au plus tard, dans un délai de six mois à compter de l'acceptation par un autre État membre de la requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge de la personne concernée ou de la décision définitive sur le recours (...) ". Aux termes du paragraphe 2 du même article : " Si le transfert n'est pas exécuté dans le délai de six mois, l'État membre responsable est libéré de son obligation de prendre en charge ou de reprendre en charge la personne concernée et la responsabilité est alors transférée à l'État membre requérant. Ce délai peut être porté à un an au maximum s'il n'a pas pu être procédé au transfert en raison d'un emprisonnement de la personne concernée ou à dix-huit mois au maximum si la personne concernée prend la fuite ".
3. D'autre part, aux termes du premier alinéa de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve du second alinéa de l'article L. 742-1, l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre État peut faire l'objet d'un transfert vers l'État responsable de cet examen ". Aux termes du I de l'article L. 742-4 du même code : " L'étranger qui a fait l'objet d'une décision de transfert mentionnée à l'article L. 742-3 peut, dans le délai de quinze jours à compter de la notification de cette décision, en demander l'annulation au président du tribunal administratif. / Le président ou le magistrat qu'il désigne à cette fin (...) statue dans un délai de quinze jours à compter de sa saisine (...) ". Aux termes du second alinéa de l'article L. 742-5 du même code : " La décision de transfert ne peut faire l'objet d'une exécution d'office ni avant l'expiration d'un délai de quinze jours (...) ni avant que le tribunal administratif ait statué, s'il a été saisi ".
4. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que l'introduction d'un recours devant le tribunal administratif contre la décision de transfert a pour effet d'interrompre le délai de six mois fixé à l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013, qui courait à compter de l'acceptation du transfert par l'Etat requis, délai qui recommence à courir intégralement à compter de la date à laquelle le jugement du tribunal administratif statuant au principal sur cette demande, a été notifié à l'administration, quel que soit le sens de sa décision. Ni un appel ni le sursis à exécution du jugement accordé par le juge d'appel sur une demande présentée en application de l'article R. 811-15 du code de justice administrative n'ont pour effet d'interrompre ce nouveau délai. Son expiration a pour conséquence qu'en application des dispositions du paragraphe 2 de l'article 29 du règlement précité, l'Etat requérant devient responsable de l'examen de la demande de protection internationale.
5. La requête du préfet du Nord devant le tribunal administratif de Lille a interrompu le délai de six mois fixé à l'article 29 du règlement (UE) du 26 juin 2013, qui a couru à compter de l'acceptation implicite par les autorités roumaines de son transfert. Ce délai a recommencé à courir à compter de la notification, le 4 juillet 2023, au préfet du Nord du jugement rendu par ce tribunal le 1er juin 2023 et n'a pas été interrompu par l'appel du préfet devant la présente cour. Il ne ressort pas des pièces du dossier que ce délai aurait fait l'objet d'une prolongation, ni que, dans ce délai, l'arrêté attaqué aurait été exécuté. Il s'ensuit qu'à la date du présent arrêt, la France est devenue, en application des dispositions précitées de l'article 29 du règlement (UE) du 26 juin 2013, responsable de l'examen de la demande de protection internationale de M. A... B... et que l'arrêté de transfert est devenu caduc et ne pouvait plus être légalement exécuté.
6. Par suite et sans qu'il soit besoin d'examiner la recevabilité de la requête, les conclusions du préfet du Nord tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Lille et de l'arrêté de transfert du 22 mai 2023 sont devenues sans objet et il n'y a plus lieu d'y statuer.
DÉCIDE :
Article 1er : Il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de la requête aux fins d'annulation du jugement du 1er juin 2023 du tribunal administratif de Lille et de l'arrêté du 22 mai 2023 du préfet du Nord.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. A... B....
Copie en sera transmise au préfet du Nord.
Délibéré après l'audience publique du 26 septembre 2024 à laquelle siégeaient :
- Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre,
- Mme Isabelle Legrand, présidente-assesseure,
- M. Vincent Thulard, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 octobre 2024.
La présidente-rapporteure,
Signé : I. LegrandLa présidente de la 1ère chambre,
Signé : G. Borot
La greffière,
Signé : N. Roméro
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
La greffière en chef,
Par délégation,
La greffière,
Nathalie Roméro
N°23DA01595 2