Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... C... a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler l'arrêté du préfet du Nord du 19 avril 2024 portant transfert aux autorités croates en vue de l'examen de sa demande d'asile.
Par un jugement n° 2401688 du 2 juillet 2024, la magistrate désignée du tribunal administratif de Lille a annulé cet arrêté et enjoint au préfet de réexaminer la situation de Mme C....
Procédure devant la cour :
I - Par une requête enregistrée le 24 juillet 2024 sous le numéro 24DA01481, le préfet du Nord, représenté par Me Nicolas Rannou, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter la demande de Mme C... devant le tribunal administratif.
Il soutient que son arrêté n'était pas entaché d'incompétence, d'insuffisance de motivation, de défaut d'examen, d'erreur de fait, d'erreur de droit ou de violation des articles 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3 et 17 du règlement 604/2013.
La requête a été communiquée à Mme C... qui n'a pas produit de mémoire.
II - Par une requête enregistrée le 28 août 2024 sous le numéro 24DA01763, le préfet du Nord, représenté par Me Nicolas Rannou, demande à la cour de surseoir à l'exécution de ce jugement.
La requête a été communiquée à Mme C... qui n'a pas produit de mémoire.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, dit " règlement Dublin III " ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le décret n° 2004-374 du 29 avril 2004 relatif aux pouvoirs des préfets, à l'organisation et à l'action des services de l'Etat dans les régions et départements ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Marc Heinis, président de chambre, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Il y a lieu de joindre les requêtes susvisées pour y statuer par une seule décision.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne les moyens d'annulation retenus par le tribunal :
2. Conformément à l'article 4 du règlement 604/2013, les brochures A " J'ai demandé l'asile dans l'Union européenne - Quel pays sera responsable de ma demande ' " et B " Je suis sous procédure Dublin - Qu'est-ce que cela signifie ' " en langue française ont été remises et expliquées à Mme C... lors de l'entretien individuel du 2 janvier 2024.
3. Il ressort du résumé de l'entretien individuel que cet entretien a bien été mené, dans les conditions prévues à l'article 5 du règlement 604/2013.
4. Dans ces conditions, contrairement à ce qu'a jugé la magistrate désignée du tribunal administratif, l'arrêté n'a pas violé les articles 4 et 5 du règlement 604/2013.
En ce qui concerne les autres moyens invoqués par Mme C... :
5. Toutefois, il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par Mme C....
S'agissant de la légalité externe :
6. Il ressort des pièces du dossier que le moyen tiré de ce que la Croatie n'a pas été destinataire d'une demande de reprise en charge et n'a pas accepté de reprendre en charge Mme C... manque en fait.
7. L'auteur de l'arrêté, chef du bureau de l'asile, bénéficiait d'une délégation de signature, sur le fondement de l'article 43 du décret du 29 avril 2004 et d'un arrêté du 4 avril 2024 signé par le préfet et publié au recueil des actes administratifs de la préfecture le lendemain.
8. L'arrêté, qui s'est référé à l'article 18, 1 b) du règlement 604/2013 et a relevé que Mme C... avait demandé l'asile en Croatie, était suffisamment motivé au sens des articles L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration et L. 572-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
S'agissant de la légalité interne :
9. Il ressort de la motivation de l'arrêté que le préfet a procédé à un examen sérieux des éléments relatifs à la situation de l'intéressée alors portés à sa connaissance.
10. Mme C... invoque des défaillances systémiques en Croatie, dans la procédure d'asile ou les conditions d'accueil des demandeurs et quant à des refoulements vers la Bosnie.
11. Si la Commission européenne a adressé à la Croatie une mise en demeure en 2015 puis un avis motivé en 2017 lui demandant de mettre en œuvre intégralement l'enregistrement des empreintes des demandeurs d'asile et migrants en situation irrégulière, cette procédure a été classée en 2021. Aucune autre procédure d'infraction n'a été engagée à l'encontre de la Croatie en ce qui concerne la procédure d'asile ou les conditions d'accueil des demandeurs.
12. Mme C... s'est bornée à invoquer des articles de presse et rapports rédigés en termes généraux, non produits à l'instance pour être soumis au contradictoire et dont la pertinence de la méthodologie ne ressort pas des pièces du dossier, sans exposer aucun fait personnalisé, daté et localisé, alors qu'avant de rejoindre la France elle a traversé la Croatie où, contrairement à ce qu'elle a indiqué lors de l'entretien individuel, elle a demandé l'asile ainsi qu'il ressort du relevé Eurodac.
13. Mme C..., originaire de République Démocratique du Congo où résident ses quatre enfants, n'a aucun membre de sa famille en France. Si elle a affirmé en première instance être " gravement malade ", ce dire n'a pas été documenté et elle avait déclaré auparavant lors de l'entretien individuel " ne pas avoir de problème de santé ".
14. Dans ces conditions, l'arrêté n'était pas entaché d'erreur manifeste d'appréciation et n'a pas violé les articles 3 et 17 du règlement 604/2013.
15. Il résulte de ce qui précède que tous les moyens ci-dessus invoqués par Mme C... doivent être écartés.
16. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet est fondé à soutenir que c'est à tort que la magistrate désignée du tribunal administratif a annulé son arrêté.
Sur les conclusions à fin de sursis à exécution :
17. Il résulte de ce qui précède qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ces conclusions.
Sur l'application des articles L. 911-1 et suivants du code de justice administrative :
18. La présente décision n'implique aucune mesure d'exécution.
Sur l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
19. La demande présentée par Mme C... et son conseil, partie perdante, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens doit être rejetée.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du 2 juillet 2024 est annulé.
Article 2 : La demande de Mme C... devant le tribunal administratif est rejetée.
Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions du préfet à fin de sursis à exécution.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié sera notifié au préfet du Nord, au ministre de l'intérieur et à Mme A... C....
Délibéré après l'audience publique du 19 septembre 2024 à laquelle siégeaient :
M. Marc Heinis, président de chambre,
M. François-Xavier Pin, président assesseur,
Mme Alice Minet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 octobre 2024.
Le président-rapporteur,
Signé : M. B...
Le président-assesseur,
Signé : F.-X. Pin
La greffière,
Signé : E. Héléniak
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
La greffière en chef,
Par délégation,
La greffière,
Elisabeth Héléniak
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N°24DA01481, 24DA01763