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03/10/2024 | FRANCE | N°24DA01207

France | France, Cour administrative d'appel de DOUAI, 4ème chambre, 03 octobre 2024, 24DA01207


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du préfet du Nord du 20 mars 2024 portant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixation du pays de renvoi et interdiction de retour en France pendant un an.



Par un jugement n° 2402959 du 19 avril 2024, le magistrat désigné du tribunal administratif de Lille a annulé cet arrêté, enjoint au préfet de délivrer une autorisation provisoire de séjour à M. A..

. et de réexaminer sa situation et condamné l'Etat à verser une somme de 900 euros au titre des frais ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du préfet du Nord du 20 mars 2024 portant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixation du pays de renvoi et interdiction de retour en France pendant un an.

Par un jugement n° 2402959 du 19 avril 2024, le magistrat désigné du tribunal administratif de Lille a annulé cet arrêté, enjoint au préfet de délivrer une autorisation provisoire de séjour à M. A... et de réexaminer sa situation et condamné l'Etat à verser une somme de 900 euros au titre des frais de justice.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 20 juin 2024, le préfet du Nord, représenté par Me Nicolas Rannou, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande de M. A... devant le tribunal administratif.

Il invoque une substitution de base légale et soutient que l'arrêté n'est pas entaché d'incompétence, de défaut de motivation, de défaut d'examen, d'erreur de droit, d'erreur manifeste d'appréciation ou de violation des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire enregistré le 13 septembre 2024, M. A..., représenté par Me Maëliss Guillaud, demande à la cour l'aide juridictionnelle à titre provisoire, le rejet de la requête et la condamnation de l'Etat à verser une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

M. B... A... a été maintenu de plein droit au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 17 septembre 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord entre la Communauté européenne et la République de Maurice relatif à l'exemption de visa pour les séjours de courte durée, modifié par l'accord entre l'Union européenne et la République de Maurice publié le 21 janvier 2019 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le décret n° 2004-374 du 29 avril 2004 relatif aux pouvoirs des préfets, à l'organisation et à l'action des services de l'Etat dans les régions et départements ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Marc Heinis, président de chambre, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

Sur l'aide juridictionnelle :

1. L'article 8 de la loi du 10 juillet 1991 dispose : " Toute personne admise à l'aide juridictionnelle en conserve de plein droit le bénéfice pour se défendre en cas d'exercice d'une voie de recours ". M. A... a déjà été admis à l'aide juridictionnelle en première instance et il n'y a donc pas lieu de statuer sur sa demande en appel.

Sur les moyens d'annulation retenus par le tribunal :

2. L'accord entre la Communauté puis l'Union européenne et la République de Maurice relatif à l'exemption de visa pour les séjours de courte durée autorise le séjour en France sans visa d'un ressortissant mauricien pendant 90 jours sur une période de 180 jours. L'arrêté est ainsi [PFX1]entaché d'erreur de fait et de défaut d'examen de la situation en ce qu'il a relevé que M. A... était entré irrégulièrement en France et qu'il pouvait donc être éloigné sur le fondement du 1° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

3. Toutefois, le préfet a demandé à l'audience devant le tribunal, soit avant la clôture de l'instruction prévue aux articles R. 776-13-2 et R. 776-26 du code de justice administrative alors applicables, puis en appel que soit substitué au 1° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile son 2° qui autorise l'éloignement de l'étranger lorsque " n'étant pas soumis à l'obligation du visa ", il est entré en France " plus de trois mois auparavant " et s'y est maintenu " sans être titulaire d'un titre de séjour ".

4. M. A... est entré en France en juin 2022 et s'y est maintenu sans être titulaire d'un titre de séjour jusqu'à son interpellation lors d'un contrôle d'identité le 20 mars 2024. L'arrêté trouve ainsi son fondement au 2° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui confère à l'intéressé les mêmes garanties que son 1° et au préfet le même pouvoir d'appréciation.

5. Dans ces conditions, contrairement à ce qu'a jugé le magistrat désigné du tribunal, les moyens tirés de l'erreur de fait et du défaut d'examen de la situation doivent être écartés.

Sur les autres moyens invoqués par M. A... :

6. Toutefois, il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par M. A... devant le tribunal et devant la cour.

En ce qui concerne la légalité externe :

7. L'auteure de l'arrêté, cheffe du bureau de la lutte contre l'immigration irrégulière, bénéficiait d'une délégation de signature en vertu de l'article 43 du décret du 29 avril 2004 et d'un arrêté du 5 février 2024 signé par le préfet et publié au recueil des actes administratifs de la préfecture du même jour.

8. Conformément aux articles L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration et L. 613-1 et L. 613-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'arrêté a énoncé dans ses visas, ses considérants ou son dispositif les motifs de droit et de fait qui ont fondé ses différentes décisions.

En ce qui concerne la légalité interne :

9. Il résulte de ce qui a été dit aux points 2 et 3 que le moyen tiré de ce que l'arrêté est entaché d'erreur de droit en ce qu'il s'est fondé sur le 1° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

10. M. A... s'est maintenu irrégulièrement en France pendant un an et demi sans solliciter un titre de séjour. Né en mai 1999, il a vécu la majeure partie de sa vie à l'île Maurice. Il est célibataire sans enfant. S'il a travaillé à partir d'août 2022 dans les restaurants de son oncle de nationalité française, c'était sans formation préalable ni autorisation, à mi-temps et sur un emploi sans qualification particulière d'aide cuisinier polyvalent de niveau I.

11. Dans ces conditions, même si M. A... a pu, d'ailleurs après l'arrêté, présenter un passeport et même si son oncle l'héberge, l'arrêté n'était pas entaché d'erreur manifeste d'appréciation, n'a pas violé les articles L. 612-1, L. 612-2, L. 612-3, L. 612-6 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et n'a pas porté une atteinte disproportionnée à la vie privée et familiale garantie par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

12. Si M. A... soutient qu'il a été victime de discriminations et d'agressions à l'île Maurice en raison de son orientation sexuelle, il n'a pas demandé l'asile en France et le récit qu'il a présenté à l'appui de ce dire est resté sommaire. L'arrêté n'a donc pas violé l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

13. Il résulte de ce qui précède que tous les moyens ci-dessus invoqués par M. A..., par voie d'action ou d'exception, doivent être écartés.

14. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet est fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné du tribunal a annulé son arrêté.

Sur l'application des articles L. 911-1 et suivants du code de justice administrative :

15. La présente décision n'implique aucune mesure d'exécution.

Sur l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

16. La demande présentée par M. A... et son conseil, partie perdante, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens doit être rejetée.

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande d'admission à l'aide juridictionnelle.

Article 2 : Le jugement du 19 avril 2024 est annulé.

Article 3 : Les conclusions de M. A... à fin d'annulation, à fin d'injonction et au titre des frais exposés et non compris dans les dépens sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au préfet du Nord, au ministre de l'intérieur, à M. B... A... et Me Maëliss Guillaud.

Délibéré après l'audience publique du 3 octobre 2024 à laquelle siégeaient :

M. Marc Heinis, président de chambre,

M. François-Xavier Pin, président assesseur,

Mme Alice Minet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 octobre 2024.

Le président-rapporteur,

Signé : M. Heinis L'assesseur le plus ancien,

Signé : F-X. Pin

La greffière,

Signé : E. Héléniak

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur[PFX2], en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Pour la greffière en chef,

Par délégation,

La greffière,

Elisabeth Héléniak

[PFX1]Pour éviter la répétition avec l'autre " donc " de la même phrase

[PFX2]Cf. nouvelle dénomination issue du décret du 21 septembre 2024 relatif à la composition du Gouvernement

2

N°24DA01207


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 24DA01207
Date de la décision : 03/10/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Heinis
Rapporteur ?: M. Marc Heinis
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : GUILLAUD

Origine de la décision
Date de l'import : 13/10/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-10-03;24da01207 ?
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