Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 24 juin 2023 par lequel le préfet du Nord l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination en cas d'exécution d'office de cette mesure et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans.
Par un jugement n° 2305890 du 13 novembre 2023, le tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 15 février 2024, M. B..., représenté par Me Sophie Danset-Vergoten, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet de réexaminer sa situation et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à son conseil sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;
- elle méconnaît les dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que son état de santé nécessite des soins qui ne sont pas disponibles dans son pays d'origine ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'il est entré en France depuis 2016 et qu'il est bénévole au sein de plusieurs associations ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences sur sa situation personnelle.
En ce qui concerne la décision refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire :
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;
- elle procède d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;
- elle est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 19 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences sur sa situation personnelle.
En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;
- elle est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 612-6 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle procède d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation.
Le préfet du Nord, auquel la requête a été communiquée, a produit des pièces le 15 mars 2024.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Douai du 25 janvier 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Alice Minet, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B..., ressortissant guinéen, né le 1er janvier 1997, est entré irrégulièrement en France, selon ses déclarations le 11 novembre 2016. A la suite de son interpellation par les services de police le 24 juin 2023, le préfet du Nord l'a obligé, par un arrêté du même jour, à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans. M. B... relève appel du jugement du 13 novembre 2023 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
2. En premier lieu, la décision attaquée comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, alors même que l'ensemble des éléments relatifs à la situation personnelle de M. B... ne sont pas mentionnés, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de cette décision doit être écarté.
3. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet du Nord aurait entaché sa décision d'un défaut d'examen sérieux de la situation de M. B....
4. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : (...) 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ".
5. Il ne ressort pas des pièces du dossier que M. B..., qui souffre de troubles neurologiques, ne pourrait pas effectivement bénéficier d'un traitement et d'un suivi médical appropriés à son état de santé en cas de retour en Guinée. Par suite, le préfet du Nord n'a pas méconnu les dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en prononçant une obligation de quitter le territoire français à l'encontre de l'intéressé.
6. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ".
7. Si M. B... se prévaut de son entrée en France en 2016 et de son investissement au sein d'associations, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. B..., célibataire et sans enfant, disposerait d'attache familiale ou personnelle en France. Par ailleurs, il n'est ni établi, ni même allégué, qu'il serait dépourvu de toute attache familiale dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de 19 ans. Dans ces conditions, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la décision attaquée méconnaîtrait les dispositions de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de l'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision attaquée sur la situation personnelle du requérant doit être écarté.
Sur la décision refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire :
8. En premier lieu, la décision attaquée, qui vise l'article L. 612-2 et les 5° et 8° de l'article L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, précise que M. B... s'est soustrait à une précédente mesure d'éloignement et ne peut justifier d'une résidence effective et permanente, ni présenter de documents d'identité ou de voyage en cours de validité. Ainsi, la décision lui refusant un délai de départ volontaire est suffisamment motivée en droit et en fait.
9. En deuxième lieu, il résulte de l'examen de la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire que M. B... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de cette décision à l'encontre de la décision refusant de lui accorder un délai de départ volontaire.
10. En troisième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet du Nord aurait entaché sa décision d'un défaut d'examen sérieux de la situation de M. B....
11. En quatrième lieu, le moyen tiré de ce que la décision attaquée serait entachée d'une erreur d'appréciation n'est pas assorti des précisions suffisantes pour en apprécier le bien-fondé.
Sur la décision fixant le pays de destination :
12. En premier lieu, la décision attaquée fait mention de la nationalité de M. B... et précise que l'intéressé n'établit pas être exposé à des traitements prohibés par les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.
13. En deuxième lieu, il résulte de l'examen de la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire que M. B... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de cette décision à l'encontre de la décision fixant le pays de renvoi.
14. En troisième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet du Nord aurait entaché sa décision d'un défaut d'examen sérieux de la situation de M. B....
15. En quatrième lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 7, M. B... n'est pas fondé à soutenir que la décision attaquée méconnaîtrait les dispositions de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
16. En cinquième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ". Aux termes du 2. de l'article 19 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Nul ne peut être éloigné, expulsé ou extradé vers un État où il existe un risque sérieux qu'il soit soumis à la peine de mort, à la torture ou à d'autres peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
17. Ainsi qu'il a été dit précédemment, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. B... ne pourrait pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié à son état de santé en cas de retour en Guinée. Les moyens tirés de ce que la décision attaquée méconnaîtrait les dispositions et stipulations précitées doivent donc être écartés. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de l'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision attaquée sur la situation personnelle du requérant doit être écarté.
Sur la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :
18. En premier lieu, la décision attaquée, qui vise les articles L. 612-6 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, indique qu'elle est justifiée par les conditions d'entrée et de séjour de M. B... sur le territoire français, sa situation familiale et la circonstance qu'il s'est soustrait à une précédente mesure d'éloignement. Ainsi, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.
19. En deuxième lieu, il résulte de l'examen de la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire que M. B... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de cette décision à l'encontre de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français.
20. En troisième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet du Nord aurait entaché sa décision d'un défaut d'examen sérieux de la situation de M. B....
21. En quatrième lieu, en vertu de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction en vigueur à la date de l'arrêté contesté, lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français et que des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. Le même article précise que les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. En outre, en vertu de l'article L. 612-10 de ce code, pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées à l'article L. 612-6 du même code, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français.
22. Si M. B... se prévaut de son état de santé, il ne ressort pas des pièces du dossier, ainsi qu'il a été dit précédemment, qu'il ne pourrait pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié à son état de santé en Guinée. Dans ces conditions, sa situation ne caractérise pas l'existence de circonstances humanitaires au sens de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur, qui justifieraient que le préfet n'édicte pas d'interdiction de retour sur le territoire français à son encontre. Par ailleurs, M. B... ne conteste pas être entré irrégulièrement sur le territoire français en 2016 et s'être soustrait à une mesure d'éloignement en mai 2022 et n'établit pas avoir des attaches familiales et personnelles en France. Au vu de l'ensemble de ces circonstances, le préfet n'a pas fait une inexacte application de l'article L. 612 10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en prononçant à l'encontre de M. B... une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.
23. En dernier lieu, en l'absence de toute argumentation supplémentaire, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 7, le moyen tiré de la méconnaissance, par la décision attaquée, des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que celui tiré de ce que la décision attaquée serait entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle doivent être écartés.
24. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction, ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., au ministre de l'intérieur et à Me Sophie Danset-Vergoten.
Copie en sera adressée au préfet du Nord.
Délibéré après l'audience publique du 19 septembre 2024 à laquelle siégeaient :
- M. Marc Heinis, président de chambre,
- M. François-Xavier Pin, président assesseur,
- Mme Alice Minet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 octobre 2024.
La rapporteure,
Signé : A. Minet Le président de chambre,
Signé : M. C...
La greffière,
Signé : Elisabeth Héléniak
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
Pour la greffière en chef,
Par délégation,
La greffière,
Elisabeth Héléniak
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N°24DA00301