Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif d'Amiens, d'une part, de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2014, 2015 et 2016, d'autre part, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 7 200 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 2102217 du 9 novembre 2023, le tribunal administratif d'Amiens, d'une part, a prononcé la décharge, en droits et pénalités, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 2014, d'autre part, a mis à la charge de l'Etat une somme de 750 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, enfin, a rejeté le surplus des conclusions de cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 9 janvier 2024, et par un mémoire, enregistré le 19 septembre 2024 et qui n'a pas été communiqué, M. A..., représenté par la SELARL Guidet et Associés, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il ne lui donne pas entière satisfaction ;
2°) de prononcer, en droits et pénalités, la décharge des suppléments d'impôt sur le revenu auxquels il a été assujetti au titre des années 2015 et 2016 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- dès lors que l'administration n'établit pas qu'il aurait été préalablement informé par la notification régulière d'un avis l'informant que son activité individuelle ferait l'objet d'une vérification de comptabilité, les impositions en litige ont été émises à l'issue d'une procédure irrégulière ;
- dans ces conditions, l'administration n'a pu à bon droit retenir qu'il aurait fait volontairement obstacle à la tenue du contrôle, ni évaluer d'office, en application des dispositions de l'article L. 74 du livre des procédures fiscales, les bases d'imposition qui lui ont été assignées ;
- l'administration n'ayant donné aucune suite, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales, à la demande de communication des renseignements obtenus de tiers qu'il avait formulées dans ses observations sur la proposition de rectification datée du 23 mars 2018, les impositions en litige ont été émises à l'issue d'une procédure irrégulière ; à cet égard, aucun objectif d'intérêt général ne justifie qu'un contribuable qui se voit imputer une opposition à contrôle fiscal ne puisse obtenir communication des éléments d'information sur lesquels l'administration a fondé les rehaussements qu'elle entend appliquer à ses revenus imposables, une telle interprétation de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales constituant une méconnaissance des stipulations du paragraphe 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des principes protégés par les articles 16 et 13 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ;
- si la charge de la preuve du caractère exagéré des impositions en litige lui incombe, dès lors que celles-ci ont été établies d'office, l'abstention de l'administration de lui communiquer les relevés de comptes bancaire que le service vérificateur s'est procuré dans le cadre de l'exercice de son droit de communication le place dans l'impossibilité d'apporter la preuve attendue, faute, en particulier de pouvoir s'assurer du caractère professionnel des crédits bancaires retenus comme des recettes par l'administration, cette attitude procédant d'une méconnaissance des principes du contradictoire et de respect des droits de la défense et d'une violation des stipulations de l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le taux de charges de 50 % dont le service vérificateur a fait arbitrairement application pour déterminer les bénéfices imposables de son activité au titre des années 2015 et 2016 est notoirement insuffisant au regard de la réalité des conditions d'exploitation des entreprises du secteur du bâtiment, plusieurs entreprises de ce secteur dont le mode d'exploitation est comparable connaissant des taux de charges supérieurs à 94 % ;
- la majoration d'assiette de 25 % dont l'administration a fait application sur le fondement du 1° du 7 de l'article 158 du code général des impôts au motif qu'il n'était pas adhérent à un organisme de gestion agréé est contraire à l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que la cour européenne des droits de l'homme l'a jugé le 7 décembre 2023 (n°26604/16, affaire Waldner c. France) ;
- la situation d'opposition à contrôle fiscal qui lui est imputée n'étant pas caractérisée, la majoration de 100% dont ont été assorties les impositions en litige, en application de l'article 1732 du code général des impôts n'est pas fondée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 7 juin 2024, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut à ce que la cour constate qu'il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête à concurrence du dégrèvement prononcé en cours d'instance et au rejet du surplus des conclusions de cette requête.
Il soutient que :
- si l'administration n'entend pas contester l'analyse du tribunal administratif selon laquelle il n'est pas établi que l'avis de vérification a été régulièrement notifié à la commune de rattachement qui était encore celle de M. A..., il n'en demeure pas moins que cet avis a parallèlement été adressé à M. A... à l'adresse de son cabinet d'expertise comptable à Chilly-Mazarin, que le pli a été réceptionné et qu'un courrier électronique adressé par ce cabinet, qui l'assiste dans la gestion de son entreprise, à l'administration révèle que le contribuable a effectivement eu connaissance de l'engagement du contrôle, de sorte qu'à supposer cette notification irrégulière, M. A... n'a été privé, comme l'a retenu le tribunal, d'aucune garantie de procédure ;
- dès lors qu'il est suffisamment établi que, par son inertie, M. A... a fait obstacle, en dépit des diligences du vérificateur et de deux mises en garde l'informant des conséquences susceptibles d'être tirées de ce comportement, à la tenue des opérations de contrôle, l'administration a pu à bon droit procéder, en application des dispositions de l'article L. 74 du livre des procédures fiscales, à l'évaluation d'office des bases imposables assignées à M. A... au titre des années 2015 et 2016 en litige ; au surplus, eu égard à l'importance de la différence relevée entre les crédits identifiés sur les relevés des comptes bancaires utilisés par M. A... pour des besoins de son activité et les recettes déclarées par lui à ce titre, l'administration était fondée à procéder à cette évaluation d'office sur le fondement des dispositions du 1° bis de l'article L. 73 du même livre ;
- dès lors que l'article L. 76 du livre des procédures fiscales dispense l'administration de son obligation de faire connaître au contribuable les bases ou éléments de calcul des impositions d'office dans le cas où une contrôle fiscal n'a pu avoir lieu par son fait, il en résulte que l'administration n'est pas davantage tenue, dans cette situation, de porter à la connaissance de l'intéressé la teneur et l'origine des informations obtenues de tiers sur lesquelles elle fonde les impositions contestées, M. A..., qui d'ailleurs n'établit pas avoir demandé, avant la mise en recouvrement des impositions qu'il conteste, la communication de ses relevés de compte bancaire, dont il indique au demeurant lui-même pouvoir obtenir des duplicatas, ne peut, tant au regard des dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales, que du principe du respect des droits de la défense, utilement faire grief à l'administration de ne pas lui avoir communiqué les documents en cause ;
- les impositions en litige ayant été déterminées d'office, M. A... supporte, en application de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales, la charge de la preuve et il lui incombe dans ce cadre, en application de l'article R. 193-1 de ce livre, de démontrer le caractère exagéré de ces impositions ;
- le taux de charges de 50% retenu par le service pour évaluer d'office les résultats imposables de l'activité de M. A... correspond au taux prévu par l'article 50-0 du code général des impôts, appliqué par l'intéressé, au cours des années antérieures au contrôle, dans le cadre du régime dit de micro-BIC dont il bénéficiait et n'est donc pas irréaliste par principe ; en outre, M. A..., qui supporte la charge de la preuve et qui n'a produit aucune comptabilité durant le contrôle, ni aucun justificatif de charges, n'établit pas avoir exercé son activité selon un fonctionnement identique à celui des entreprises auxquelles il se réfère, alors qu'il résulte des éléments portés à la connaissance de l'administration qu'il faisait acheter les matériaux par ses clients ;
- l'administration abandonne la majoration d'assiette de 25% prévue au 1° du 7 de l'article 158 du code général des impôts appliquée aux bénéfices reconstitués pour absence d'adhésion à un organisme de gestion agréé et prononcera prochainement les dégrèvements correspondants ;
- la situation d'opposition à contrôle fiscal dans laquelle M. A... s'est sciemment placé étant suffisamment caractérisée, la majoration de 100 % prévue à l'article 1732 du code général des impôts est fondée.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la constitution, notamment son préambule ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- la loi n°2017-86 du 27 janvier 2017 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller,
- les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public,
- et les observations de Me Guey-Balgairies, substitutant Me Guidet, représentant M. A....
Considérant ce qui suit :
Sur l'objet du litige :
1. M. B... A... exerce l'activité d'artisan couvreur ambulant et dispose, à ce titre, d'une domiciliation professionnelle à Albert (Somme). Cette activité individuelle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période s'étendant du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2016. Cependant, ce contrôle sur place n'a pu avoir lieu, pour des motifs qui ont été regardés comme imputables à M. A... et qui ont conduit le vérificateur à établir, le 27 juillet 2017, un procès-verbal d'opposition à contrôle fiscal, ainsi qu'un procès-verbal de défaut de présentation de la comptabilité que les contribuables relevant, à l'instar de M. A..., du régime dit des micro-BIC doivent tenir. Dans ces conditions, le vérificateur a reconstitué les recettes taxable générées par l'activité à partir des crédits identifiés sur les relevés de comptes bancaires obtenus auprès des établissements bancaires détenteurs, puis, après avoir constaté que le montant de ces recettes excédait, pour les trois exercices vérifiés, le plafond au-delà duquel le régime dit de micro-BIC ne peut plus bénéficier au contribuable, le vérificateur a reconstitué les bénéfices imposables de l'activité individuelle de M. A... au titre de ces trois exercices, après avoir estimé, en l'absence de débat oral et contradictoire avec le contribuable, que l'application d'un taux de charges de 50 % serait de nature à traduire fidèlement le niveau des charges inhérentes à l'activité.
2. L'administration a fait connaître à M. A... son analyse par deux propositions de rectification qu'elle lui a adressées le 11 décembre 2017, pour ce qui concerne l'année 2014, et le 23 mars 2018, pour ce qui concerne les années 2015 et 2016. M. A... a formulé, sur la seconde proposition de rectification, des observations qui n'ont pas convaincu l'administration de reconsidérer son appréciation. Les suppléments d'impôt sur le revenu résultant, au titre des années 2014, 2015 et 2016, des rehaussements notifiés ont, dans ces conditions, été mis en recouvrement le 30 septembre 2018, à hauteur d'un montant total, en droits et pénalités, de 162 462 euros.
3. Ses réclamations ayant été rejetées, M. A... a porté le litige devant le tribunal administratif d'Amiens en lui demandant, d'une part, de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2014, 2015 et 2016, d'autre part, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 7 200 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
4. Par un jugement du 9 novembre 2023, le tribunal administratif d'Amiens, d'une part, a prononcé la décharge, en droits et pénalités, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 2014, au motif qu'elle était atteinte par la prescription, d'autre part, a mis à la charge de l'Etat une somme de 750 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, enfin, a rejeté le surplus des conclusions de cette demande. M. A... relève appel de ce jugement en tant qu'il ne lui donne pas entière satisfaction.
Sur l'étendue du litige :
5. Par une décision prise le 10 juin 2024, après l'introduction de la requête, le directeur départemental des finances publiques de la Somme a prononcé le dégrèvement, d'une part, à concurrence des sommes de 7 726 euros en droits et 8 313 euros en pénalités, et, d'autre part, à concurrence des sommes de 7 564 euros en droits et 7 776 euros en pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles M. A... a été assujetti au titre, respectivement, des années 2015 et 2016. Dès lors, il n'y a pas lieu, à concurrence de ces montants, de statuer sur les conclusions de la requête de M. A... tendant à la décharge de ces suppléments d'impôt.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
En ce qui concerne la réception d'un avis de vérification :
6. D'une part, en vertu des dispositions de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales, une vérification de comptabilité ne peut être engagée sans que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification, qui doit préciser les années soumises à vérification et comporter les informations selon lesquelles le contribuable a la faculté de se faire assister par un conseil de son choix et a la possibilité de consulter la charte des droits et obligations du contribuable vérifié sur le site internet de l'administration fiscale ou d'en demander à cette dernière la communication. Il incombe à l'administration d'apporter la preuve de la notification au contribuable d'un avis de vérification répondant aux exigences posées par ces dispositions préalablement au début des opérations de contrôle.
7. D'autre part, aux termes du I de l'article 194 de la loi du 27 janvier 2017 relative à l'égalité et à la citoyenneté : " (...) pendant une durée de deux ans à compter de la promulgation de la présente loi, les personnes précédemment rattachées à une commune en application de la loi n° 69-3 du 3 janvier 1969 relative à l'exercice des activités ambulantes et au régime applicable aux personnes circulant en France sans domicile ni résidence fixe et qui n'ont pas établi de domicile ou de domiciliation auprès d'un autre organisme sont de droit domiciliées auprès du centre communal d'action sociale de cette commune ou du centre intercommunal d'action sociale dont dépend cette commune. ".
8. Il ressort des documents versés au dossier de première instance par l'administration fiscale qu'un avis de vérification comportant les mentions prévues par les dispositions, rappelées au point 6, de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales et proposant une première intervention sur place le 27 juin 2017 à 10 h 30, a été envoyé le 7 juin 2017 par le service vérificateur à M. A..., à l'adresse du centre communal d'action sociale de la commune d'Albert, auprès duquel il était domicilié pour l'exercice de son activité ambulante conformément aux dispositions précitées du I de l'article 194 de la loi du 27 janvier 2017. Cependant, ni les mentions portées sur l'avis de réception postal dont l'administration a versé une copie à l'instruction devant les premiers juges, lequel comporte seulement une étiquette autocollante, apposée par le service distributeur et comportant une case " Pli avisé et non réclamé ", qui a été cochée, ainsi qu'une date de retour au service expéditeur, ni l'édition tirée de l'application informatique de suivi des envois mise à la disposition des usagers du service de distribution, que l'administration a produite en première instance, ne peuvent suffire, par leurs seules mentions, à établir qu'un avis de mise à disposition du pli au bureau de distribution d'Albert a effectivement été délivré à l'attention de M. A... auprès du centre communal d'action sociale de la commune d'Albert.
9. Toutefois, il ressort des éléments produits par le ministre en cause d'appel qu'une copie de l'avis de vérification a été envoyée le 7 juin 2017 par le service vérificateur à M. A..., à l'adresse, sise à Chilly-Mazarin (Essonne), du cabinet d'expertise comptable qui assiste l'intéressé dans la gestion de son activité individuelle. Il ressort des mentions portées sur l'avis de réception postal dont l'administration a versé une copie à l'instruction devant les premiers juges et qui, lui aussi, comporte, dans le cadre réservé aux références, la mention " 3927 ", qui correspond au numéro du formulaire utilisé par l'administration pour établir les avis de vérification préalables à l'engagement d'une vérification de comptabilité, que le pli recommandé correspondant à cet avis de réception a été distribué le 12 juin 2017, ainsi qu'en attestent les indications portées dans le cadre réservé au destinataire, où a également été apposée une signature. En outre, il ressort des autres éléments produits par le ministre en appel que, par un message électronique adressé le 26 juin 2017 au cabinet d'expertise comptable à l'attention de M. A..., auquel était joint une copie numérisée de l'avis de vérification, le vérificateur a rappelé qu'il se proposait d'effectuer sa première intervention le lendemain, 27 juin 2017 à l'adresse de domiciliation du siège de l'entreprise de M. A..., et demandait de lui confirmer que cette adresse correspondait à celle de la mairie d'Albert. En réponse à ce message, le cabinet d'expertise comptable a répondu, le même jour, au vérificateur par un courrier électronique donnant la confirmation attendue, mais précisant que M. A... souhaitait que la première intervention se tienne dans les bureaux de l'administration et qu'elle soit reportée à une autre date au cours du mois de juillet 2017.
10. Le courrier électronique, mentionné au point précédent, adressé au vérificateur le 26 juin 2017 par le cabinet d'expertise comptable assistant M. A..., révèle que ce dernier a été informé de l'engagement d'une vérification de comptabilité concernant son activité individuelle et que ce conseil a disposé, avant l'engagement du contrôle, de l'ensemble des informations utiles, notamment de l'avis de vérification, afin de pouvoir éclairer M. A..., qui, durant la suite de la procédure d'imposition, a précisé à l'administration qu'il ne savait ni lire ni écrire, sur l'étendue de ses droits. Dès lors, en admettant même que la notification de l'avis de vérification à l'adresse, connue par le service, de domiciliation du siège de l'entreprise de M. A..., à savoir celle du centre communal d'action sociale de la commune d'Albert, ni les deux notifications successives de l'avis de vérification à un cabinet que M. A... conteste avoir mandaté pour le représenter durant la procédure d'imposition, ne puissent être regardées comme régulières au regard des dispositions, rappelées au point 6, de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales, ces irrégularités de procédure n'ont, dans les circonstances de l'espèce, privé M. A..., qui a été mis à même de prendre part aux opérations de contrôle et de s'y faire assister ou représenter, d'aucune des garanties conférées par la loi aux contribuables dont l'entreprise individuelle fait l'objet d'une vérification de comptabilité.
En ce qui concerne la situation d'opposition à contrôle fiscal :
11. Aux termes de l'article L. 74 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable au présent litige : " Les bases d'imposition sont évaluées d'office lorsque le contrôle fiscal ne peut avoir lieu du fait du contribuable ou de tiers. / (...) ".
12. Il ressort des mentions de la proposition de rectification envoyée le 23 mars 2018 à l'adresse du domicile personnel de M. A... que, dans les conditions qui ont été exposées au point 9, l'intéressé a été informé de la date du 27 juin 2017 proposée par le vérificateur pour une première intervention sur place, à l'adresse de domiciliation du siège de l'entreprise individuelle de M. A... à Albert. Ainsi qu'il a été dit, l'intéressé a demandé le report de cette première intervention à une autre date au cours du mois de juillet 2017 et que celle-ci se tienne dans les bureaux de l'administration. Une nouvelle date d'intervention, le 6 juillet 2017, a donc été proposée par le vérificateur, par deux courriers recommandés avec avis de réception datés du 27 juin 2017, l'un envoyé à l'adresse située à Albert, l'autre à l'adresse du cabinet d'expertise comptable qui conseille l'intéressé, à Chilly-Mazarin, ce dernier courrier ayant également fait l'objet d'un envoi par courrier électronique à l'adresse de l'interlocutrice du cabinet qui avait répondu au vérificateur. En dépit du fait que le second envoi recommandé a été reçu à l'adresse de Chilly-Mazarin, M. A... ne s'est pas présenté, ni n'était représenté, au rendez-vous fixé. Dans ces conditions, une première mise en garde préalable à la constatation d'une situation d'opposition à contrôle fiscal rappelant les termes des dispositions précitées de l'article L. 74 du livre des procédures fiscales et précisant les conséquences susceptibles d'en être tirées a été adressée le 6 juillet 2017 à M. A..., selon les mêmes modalités que les courriers du 27 juin 2017. Cette mise en garde proposait que la première intervention se tienne le 18 juillet 2017.
13. Cependant, selon les termes de la même proposition de rectification, M. A... a décliné, par un courrier électronique adressé au vérificateur le 13 juillet 2017 par les soins de son cabinet d'expertise comptable et versé à l'instruction par le ministre, le rendez-vous fixé, en précisant qu'il ne s'y rendrait pas et qu'il n'avait aucun document à fournir à l'administration. Le vérificateur a répondu, le 17 juillet 2017, à M. A... par un courrier électronique qui lui rappelait que la vérification de comptabilité constituait une procédure contraignante et qui lui précisait que le rendez-vous fixé pour le lendemain, 18 juillet 2017, était maintenu. M. A... n'étant présent ni représenté à ce rendez-vous, le vérificateur lui a adressé, le jour même, une seconde mise en garde préalable à la constatation d'une situation d'opposition à contrôle fiscal, par lettres recommandées envoyées aux adresses d'Albert et de Chilly-Mazarin et doublées par des envois en lettre simple et par un courrier électronique à l'adresse de l'interlocutrice du cabinet d'expertise comptable. Cette seconde mise en garde proposait de tenir la première intervention sur place le 25 juillet 2017. M. A... ne s'étant pas rendu à cet ultime rendez-vous et n'y étant pas davantage représenté, le vérificateur a établi, le 27 juillet 2017, un procès-verbal d'opposition à contrôle fiscal notifié à M. A... selon les mêmes modalités que précédemment et précisant que l'administration entendait faire application des dispositions des articles L. 74 du livre des procédures fiscales et 1732 du code général des impôts.
14. Dans ces conditions, dont la matérialité n'est pas contestée par M. A..., c'est sans commettre d'irrégularité de procédure que l'administration a estimé que la vérification de comptabilité entreprise à l'égard de l'activité individuelle de l'intéressé n'avait pu utilement se poursuivre du fait du contribuable et qu'il y avait, en conséquence, lieu d'évaluer d'office, en application des dispositions précitées de l'article L. 74 du livre des procédures fiscales, les bases assujetties à l'impôt sur le revenu qu'il convenait d'assigner à M. A... au titre des années comprises dans la période vérifiée.
En ce qui concerne l'exercice par l'administration de son droit de communication :
15. Aux termes de l'article L. 76 du livre des procédures fiscales : " Les bases ou éléments servant au calcul des impositions d'office et leurs modalités de détermination sont portées à la connaissance du contribuable trente jours au moins avant la mise en recouvrement des impositions. (...) / Les dispositions du présent article ne sont pas applicables dans les cas prévus au deuxième alinéa de l'article L. 67. ". Le deuxième alinéa de l'article L. 67 de ce livre vise notamment dans lequel " un contrôle fiscal n'a pu avoir lieu du fait du contribuable ou de tiers ". Enfin, aux termes de l'article L. 76 B du même livre : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande. ".
16. Il résulte de l'ensemble de ces dispositions et de celles, citées au point 11, de l'article L. 74 du livre des procédures fiscales, que, lorsque les bases de l'imposition d'un contribuable ont été évaluées d'office à la suite de son opposition au contrôle fiscal, le législateur a entendu priver l'intéressé, qui s'est de lui-même placé en dehors des règles applicables à la procédure d'imposition, des garanties dont bénéficient les contribuables, qu'ils soient imposés selon la procédure contradictoire ou selon une procédure d'imposition d'office, et notamment de celle tenant à l'obligation qui pèse sur le service d'informer l'intéressé de la teneur et de l'origine des renseignements qu'il a pu recueillir par l'exercice de son droit de communication ou qu'il a utilisés pour arrêter les bases de l'imposition.
17. Il résulte de ce qui vient d'être dit au point précédent que M. A..., dont les bases entrant dans la détermination des impositions en litige ont été, à bon droit, ainsi qu'il a été dit au point 14, évaluées d'office, en application des dispositions, citées au point 11, de l'article L. 74 du livre des procédures fiscales, à la suite de l'opposition de l'intéressé au contrôle fiscal diligenté en ce qui concerne son activité individuelle, s'est lui-même placé, en dépit des mises en garde qui lui ont été adressées, hors du champ d'application des règles de la procédure d'imposition et qu'il ne peut, dès lors, se prévaloir des garanties que la loi confère aux contribuables faisant l'objet d'une vérification de comptabilité, notamment de celles prévues par les dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales, ni, par suite, utilement soutenir que ces garanties auraient été méconnues par l'administration pour établir les impositions en litige.
18. M. A... ne peut utilement, pour critiquer la régularité de la procédure à l'issue de laquelle les impositions en litige ont été établies, invoquer les moyens tirés de la méconnaissance, par l'administration, des stipulations du 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, protégeant le droit à un procès équitable, ni les dispositions des articles 13 et 16 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 énonçant, respectivement, les principes d'égalité devant l'impôt et les charges publiques, ainsi que le principe de séparation des pouvoirs.
19. Enfin, à supposer que M. A... puisse être regardé comme ayant, par les observations qu'il a formulées le 27 avril 2018 sur la proposition de rectification qui lui a été adressée le 23 mars 2018, pour ce qui concerne les années 2015 et 2016, demandé à l'administration, dans des termes suffisamment précis et explicites, la communication des documents obtenus de tiers sur lesquels le service avait entendu fonder la reconstitution de ses recettes, à savoir les relevés de ses propres comptes bancaires obtenus par l'exercice de son droit de communication à l'égard des établissements détenteurs, il ne résulte pas de l'instruction, ni n'est même allégué, que M. A... n'était pas à même de se procurer lui-même, dans les mêmes conditions que le service, un duplicata de ces relevés auprès des établissements bancaires détenteurs, ni même les documents originaux auprès de son expert-comptable, avant la mise en recouvrement des impositions contestées. Il suit de là que les moyens tirés de la méconnaissance, par l'administration, des principes du contradictoire et de respect des droits de la défense et de la violation des stipulations de l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés.
Sur le bien-fondé des suppléments d'impôt sur le revenu en litige :
En ce qui concerne la charge de la preuve :
20. Ainsi qu'il a été dit précédemment, notamment au point 14, les suppléments d'impôt sur le revenu en litige ont, à bon droit, été évalués d'office par l'administration, en application de l'article L. 74 du livre des procédures fiscales, en conséquence de la situation d'opposition à contrôle fiscal dans laquelle M. A... s'est placé. Il s'ensuit que M. A... supporte, en application de l'article L. 193 du même livre, la charge de la preuve et qu'il lui appartient, en vertu de l'article R. 193-1 de ce livre, d'établir que les impositions mises ainsi à sa charge présentent un caractère exagéré et il ne résulte pas, en tout état de cause, de l'instruction que l'intéressé se trouverait dans l'impossibilité d'administrer cette preuve, en produisant devant la cour, avec l'aide de son expert-comptable et par l'intermédiaire de son conseil, tous éléments utiles tirés des données de son exploitation.
En ce qui concerne le caractère exagéré des suppléments d'impôt en litige :
21. Ainsi qu'il a été dit aux points 1 et 14, dans un contexte que l'administration a regardé, à bon droit, comme constitutif d'une opposition à contrôle fiscal, le vérificateur, qui n'a eu accès à aucune comptabilité afférente à l'activité vérifiée pour ce qui concerne les exercices clos en 2015 et en 2016, a reconstitué les recettes taxable générées par cette activité au cours de la période correspondant à ces exercices à partir des crédits identifiés sur les relevés des comptes bancaires utilisés pour les besoins de cette activité, obtenus auprès des établissements bancaires détenteurs, puis, après avoir constaté que le montant de ces recettes excédait, pour les deux exercices en cause, le plafond au-delà duquel le régime dit de micro-BIC ne peut plus bénéficier au contribuable, le vérificateur a reconstitué les bénéfices imposables de l'activité individuelle de M. A... au titre de ces deux exercices, après avoir estimé, en l'absence de débat oral et contradictoire avec le contribuable, que l'application d'un taux de charges de 50 % permettrait de tenir compte d'une manière réaliste du niveau des charges inhérentes à l'activité.
22. Si M. A... conteste que le taux de charges de 50 % ainsi retenu par l'administration ait été de nature à traduire fidèlement le niveau de charges que son activité individuelle d'artisan couvreur a supportées au titre des deux exercices vérifiés, clos en 2015 et en 2016, il ne verse au dossier, alors que la charge de la preuve lui incombe ainsi qu'il a été dit, aucun document comptable, ni aucun autre élément tiré des données de son exploitation et de nature à permettre de déterminer l'importance des charges que celle-ci a effectivement supportées au cours de ces deux exercices et même d'appréhender les conditions précises dans lesquelles cette exploitation a été conduite. Dans ces conditions, si M. A... propose, sous la forme d'un tableau, des données tirées de l'exploitation de plusieurs autres entreprises exerçant l'activité de couvreur, desquelles il tire la conclusion qu'un taux de charges au moins égal à 94 % serait de nature à traduire plus fidèlement le niveau de charges ayant pesé sur son exploitation au cours des deux exercices en cause, il ne peut être regardé comme rapportant, par ses seules allégations, la preuve, qui lui incombe, du caractère exagéré des suppléments d'impôt sur le revenu mis à sa charge, dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux, en conséquence des rehaussements apportés aux bénéfices imposables reconstitués, pour son activité individuelle, au titre des exercices en cause, clos en 2015 et en 2016.
En ce qui concerne la majoration d'assiette pour non affiliation à un organisme de gestion agréé :
23. M. A... conteste le bien-fondé de la majoration d'assiette de 1,25 prévue au a) du 1° du 7 de l'article 158 du code général des impôts, dont l'administration a fait application pour l'établissement des suppléments d'impôt sur le revenu restant en litige, auxquels il a été assujetti au titre des années 2015 et 2016, au motif qu'il n'avait pas justifié être affilié, pour son activité individuelle, à un centre de gestion ou à une association agréés. Toutefois, par le dégrèvement mentionné au point 5, l'administration a renoncé à percevoir les sommes correspondant à l'application de cette majoration, de sorte que la contestation introduite sur ce point par M. A... est sans portée.
Sur les pénalités :
24. Aux termes de l'article 1732 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au présent litige : " La mise en œuvre de la procédure d'évaluation d'office prévue à l'article L. 74 du livre des procédures fiscales entraîne : / a. L'application d'une majoration de 100 % aux droits rappelés ou aux créances de nature fiscale qui doivent être restituées à l'Etat ; / (...) ".
25. Ainsi qu'il a été dit au point 14, pour reconstituer les résultats imposables issus de l'activité individuelle de M. A... au titre des exercices clos en 2015 et en 2016, l'administration a mis, à bon droit, en œuvre la procédure d'évaluation d'office prévue à l'article L. 74 du livre des procédures fiscales, après avoir retenu que la vérification de comptabilité entreprise à l'égard de cette activité n'avait pu utilement se poursuivre du fait du contribuable. Dès lors qu'ainsi qu'il a également été dit, M. A... ne conteste pas la matérialité des circonstances ayant conduit l'administration à porter cette appréciation et à décider de mettre en œuvre cette procédure, l'application, aux cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu en litige, de la majoration de 100 % prévue par les dispositions précitées de l'article 1732 du code général des impôts doit être regardée comme fondée.
26. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens n'a fait que partiellement droit aux conclusions de ses demandes et que, sous réserve de ce qui a été dit au point 5, ses conclusions tendant à la décharge, en droits et pénalités, des suppléments d'impôt sur le revenu auxquels il a été assujetti au titre des années 2015 et 2016 doivent être rejetées.
Sur les frais de procédure :
27. Par voie de conséquence de l'ensemble de ce qui précède, les conclusions que M. A... présente sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : A concurrence des montants, d'une part, de 7 726 euros en droits et 8 313 euros en pénalités et, d'autre part, de 7 564 euros en droits et 7 776 euros en pénalités, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de M. A... tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre, respectivement, des années 2015 et 2016.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête présentée par M. A... est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à B... A... et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Copie en sera transmise à l'administratrice générale de l'Etat chargée de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.
Délibéré après l'audience publique du 19 septembre 2024 à laquelle siégeaient :
- M. Marc Heinis, président de chambre,
- M. François-Xavier Pin, président-assesseur,
- M. Jean-François Papin, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 octobre 2024.
Le rapporteur,
Signé : J.-F. PapinLe président de chambre,
Signé : M. C...Le rapporteur,
J.-F. PapinLe président de la formation de jugement,
F.-X. Pin
La greffière,
Signé : E. Héléniak
La greffière,
E. Héléniak
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
Pour la greffière en chef,
Par délégation,
La greffière,
Elisabeth Héléniak
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N°24DA00042
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N°"Numéro"