Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... D... B... a demandé au tribunal administratif de Lille, d'une part, d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 13 juillet 2023 en tant que le préfet du Nord a rejeté sa demande de renouvellement de titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, d'autre part, d'enjoindre au préfet du Nord de lui délivrer une carte de séjour temporaire mention " étudiant " dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ou à défaut, de procéder au réexamen de sa demande et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ou un récépissé le temps de ce réexamen sous les mêmes conditions de délai et d'astreinte.
Par un jugement n° 2306805 du 12 février 2024, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 11 mars 2024, Mme D... B..., représentée par Me Pacheco, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du 13 juillet 2023 par lequel le préfet du Nord a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement ;
3°) d'enjoindre au préfet du Nord de lui délivrer un titre de séjour, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de cent euros par jour de retard ;
4°) à défaut, d'enjoindre au préfet du Nord de procéder à un nouvel examen de sa situation et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat, la somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'il renonce au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Elle soutient que :
- la décision refusant le renouvellement de son titre de séjour " étudiant " a été signée par une autorité incompétente ;
- elle est insuffisamment motivée en méconnaissance des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen réel et sérieux de sa situation ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision l'obligeant à quitter le territoire français a été signée par une autorité incompétente ;
- elle est insuffisamment motivée, en méconnaissance des dispositions des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen sérieux de sa situation personnelle ;
- elle a été prise en violation du principe général du droit d'être entendu ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision fixant le pays de destination doit être annulée par voie de conséquence de l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire français ;
- elle a été signée par une autorité incompétente ;
- elle est insuffisamment motivée, en méconnaissance des dispositions des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen sérieux de sa situation personnelle ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 13 mai 2024, le préfet du Nord conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme D... B... ne sont pas fondés.
Mme D... B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 11 avril 2024.
Par une ordonnance du 5 juin 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 5 juillet 2024 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. Frédéric Malfoy, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... D... B..., ressortissante camerounaise née le 22 juin 2001, est entrée régulièrement sur le territoire français le 3 octobre 2019 munie de son passeport revêtu d'un visa de type D portant la mention " étudiant ", valable du 28 septembre 2019 au 28 septembre 2020. A l'expiration de son visa, elle a été mise en possession d'une carte de séjour temporaire portant la mention " étudiant ", valable du 21 janvier 2021 au 20 janvier 2022, renouvelée jusqu'au 18 février 2023. Par une demande formulée le 26 novembre 2022, Mme D... B... a sollicité le renouvellement de son titre de séjour " étudiant ". Par un arrêté du 13 juillet 2023, le préfet du Nord a rejeté sa demande de renouvellement de titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Mme C... relève appel du jugement du 12 février 2024 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui établit qu'il suit un enseignement en France ou qu'il y fait des études et qui justifie disposer de moyens d'existence suffisants se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " étudiant " d'une durée inférieure ou égale à un an. (...) Cette carte donne droit à l'exercice, à titre accessoire, d'une activité professionnelle salariée dans la limite de 60 % de la durée de travail annuelle ". Aux termes de l'article L. 433-4 du même code : " Au terme d'une première année de séjour régulier en France accompli au titre d'un visa de long séjour tel que défini au 2° de l'article L. 411-1 ou, sous réserve des exceptions prévues à l'article L. 433-5, d'une carte de séjour temporaire, l'étranger bénéficie, à sa demande, d'une carte de séjour pluriannuelle dès lors que : 1° Il justifie de son assiduité, sous réserve de circonstances exceptionnelles, et du sérieux de sa participation aux formations prescrites par l'Etat dans le cadre du contrat d'intégration républicaine conclu en application de l'article L. 413-2 et n'a pas manifesté de rejet des valeurs essentielles de la société française et de la République ; 2° Il continue de remplir les conditions de délivrance de la carte de séjour temporaire dont il était précédemment titulaire. / La carte de séjour pluriannuelle porte la même mention que la carte de séjour temporaire dont il était précédemment titulaire. (...) ". Aux termes de l'article L. 411-4 du même code : " La carte de séjour pluriannuelle a une durée de validité de quatre ans, sauf lorsqu'elle est délivrée : (...) 8° Aux étrangers mentionnés aux articles L. 422-1, L. 422-2 et L. 422-5 ; dans ce cas, sa durée est égale à celle restant à courir du cycle d'études dans lequel est inscrit l'étudiant, sous réserve du caractère réel et sérieux des études, apprécié au regard des éléments produits par les établissements de formation et par l'intéressé, un redoublement par cycle d'études ne remettant pas en cause, par lui-même, le caractère sérieux des études ; (...) ". Il résulte de ces dispositions que le renouvellement de la carte de séjour temporaire ou pluriannuelle portant la mention " étudiant " est conditionné par le caractère réel et sérieux du suivi de ses études par l'étranger.
3. Il ressort des pièces du dossier que Mme D... B..., admise à suivre un enseignement en cycle préparatoire intégré de deux années au CESI, École d'Ingénieurs à Nanterre au titre de l'année universitaire 2019-2020, est entrée en France sous couvert d'un visa étudiant expirant le 28 septembre 2020. Ayant validé sa première année, elle s'est ensuite inscrite, au titre de l'année universitaire 2020-2021 à l'École supérieure d'ingénieurs Léonard de Vinci de Paris, pour suivre la deuxième année du cycle préparatoire à la formation d'ingénieur. Si les résultats obtenus par Mme D... B... durant sa seconde année de cycle préparatoire ne lui ont pas permis de passer en année supérieure toutefois, le jury l'a autorisée à redoubler. Pour cela, Mme C... s'est inscrite en deuxième année du cycle préparatoire intégré d'école d'ingénieur dans un nouvel établissement, l'école d'ingénieurs Junia Isen à Lille, mais n'a pas validé ses examens. Le jury ayant préconisé sa réorientation, Mme D... B... s'est inscrite en première année de brevet de technicien supérieur " banque, conseil de clientèle " pour l'année 2022-2023 au sein du lycée industriel et commercial privé EIC-sup de Tourcoing, année à l'issue de laquelle elle a obtenu une moyenne de 12,49 / 20, l'autorisant à s'inscrire en seconde année. S'il est constant que la réorientation de Mme D... B... dans une filière des métiers de la banque n'est pas en cohérence avec le cycle d'études qu'elle avait initialement engagé dans la filière ingénieur, l'obtention de sa première année de BTS après un échec dans un cycle préparatoire supérieur atteste cependant de sa volonté de poursuivre ses études dans un cycle plus court avec des perspectives réelles de réussite. Il en résulte, dans les circonstances de l'espèce et alors qu'aucun élément du dossier n'est de nature à révéler que le suivi d'études ne serait pas le principal motif du séjour de l'intéressée en France, qu'en retenant que Mme D... B... n'établissait pas le caractère réel et sérieux du suivi de ses études et en lui refusant pour ce motif le renouvellement du titre de séjour portant la mention " étudiant " qu'elle sollicitait, le préfet du Nord a méconnu les dispositions citées au point précédent du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
5. Aux termes de l'article L. 614-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Si la décision portant obligation de quitter le territoire français est annulée (...) l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas ".
6. Le présent arrêt implique, eu égard au motif sur lequel il se fonde, que le préfet du Nord délivre à Mme D... B... un titre de séjour portant la mention " étudiant ", sous réserve d'un changement de situation. Il y a lieu, par suite, d'enjoindre au préfet du Nord de procéder à cette mesure dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer durant cette attente une autorisation provisoire de séjour.
Sur les frais liés à l'instance :
7. Mme D... B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocate peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Pacheco, avocate de Mme D... B..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Pacheco de la somme de 1 000 euros.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lille n° 2306805 du 12 février 2024 est annulé.
Article 2 : L'arrêté du 13 juillet 2023 du préfet du Nord est annulé.
Article 3 : Il est enjoint au préfet du Nord de délivrer à Mme D... B... un titre de séjour portant la mention " étudiant ", sous réserve d'un changement de sa situation, dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer, durant cette attente, une autorisation provisoire de séjour.
Article 4 : L'Etat versera à Me Pacheco une somme de 1 000 euros, sous réserve que celle-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... D... B..., au ministre de l'intérieur, à Me Pacheco et au préfet du Nord.
Délibéré après l'audience publique du 17 septembre 2024 à laquelle siégeaient :
- Mme Marie-Pierre Viard, présidente de chambre,
- M. Jean-Marc Guérin-Lebacq, président-assesseur,
- M. Frédéric Malfoy, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 octobre 2024.
Le rapporteur,
Signé : F. Malfoy
La présidente de chambre,
Signé : M.-P. Viard
La greffière,
Signé : C. Huls-Carlier
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
Pour la greffière en chef,
par délégation,
La greffière,
C. Huls-Carlier
N° 24DA00505 2