Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du
5 avril 2023 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un certificat de résidence, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé son pays de destination.
Par un jugement n°2301785 du 25 octobre 2023, le tribunal administratif de Rouen a annulé l'arrêté du 5 avril 2023 et enjoint au préfet territorialement compétent de lui délivrer un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale ".
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 20 novembre 2023, le préfet de la Seine-Maritime demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 25 octobre 2023 ;
2°) de rejeter la demande de M. C....
Il soutient que :
En ce qui concerne le moyen d'annulation retenu par le tribunal :
- la décision par laquelle il a refusé de délivrer à M. C... un certificat de résidence n'a pas porté une atteinte disproportionnée à son droit à sa vie privée et familiale.
En ce qui concerne les autres moyens d'annulation :
- ils ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 3 juin 2024, M. A... C..., représenté par Me Castioni, demande à la cour :
1°) de rejeter la requête d'appel du préfet de la Seine-Maritime ;
2°) de confirmer le jugement d'annulation du 25 octobre 2023 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que :
- les éléments relatifs à son insertion professionnelle et sociale, à la durée de son séjour et à la présence en France de son frère justifient l'annulation de l'arrêté du 5 avril 2023 pour atteinte excessive à sa vie privée et familiale ;
En ce qui concerne la décision de refus de certificat de résidence :
- elle est insuffisamment motivée,
- elle méconnaît manifestement les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,
- elle méconnaît les stipulations du 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968,
- elle est entachée d'une erreur de fait.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour,
- elle est insuffisamment motivée,
- elle est entachée d'un défaut d'examen,
- elle méconnaît les stipulations du 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien,
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
Par ordonnance du 13 juin 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 11er juillet 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales,
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié,
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Thulard, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... C..., ressortissant algérien né le 1er janvier 1990 à M'Chedallah, a fait l'objet le 5 avril 2023 d'un arrêté du préfet de la Seine-Maritime rejetant sa demande d'admission exceptionnelle au séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant son pays de destination.
2. M. C... a sollicité l'annulation de cet arrêté auprès du tribunal administratif de Rouen, qui, par un jugement du 25 octobre 2023, a fait droit à sa demande et enjoint au préfet territorialement compétent de lui délivrer un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale ". Par la présente requête, le préfet de la Seine-Maritime interjette appel de ce jugement.
Sur le moyen d'annulation accueilli par le tribunal :
3. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
4. M. C... est célibataire et sans enfant. Il ne conteste pas l'affirmation du préfet de la Seine-Maritime selon laquelle il ne serait pas isolé en cas de retour en Algérie, pays dans lequel il a vécu jusqu'à ses 25 ans et dans lequel il a nécessairement tissé des liens. La présence régulière en France de son frère et de la famille de celle-ci ne lui confère aucun droit au séjour sur le territoire national. Enfin, s'il est vrai que M. C... donne entière satisfaction à son employeur et à plusieurs de ses collègues, il ne justifie pas de liens privés d'une particulière intensité en dehors de ce cercle professionnel. Dans ces conditions, quand bien même l'intéressé est présent en France depuis environ huit ans à la date de la décision de refus de certificat de résidence contestée et y est inséré professionnellement en qualité de plombier depuis environ six ans et demi, en dernier lieu sous couvert d'un contrat de travail à durée indéterminée conclu en novembre 2020, la décision lui refusant la délivrance d'un certificat de résidence n'a pas porté à son droit à sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels elle a été prise.
5. Il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal administratif s'est fondé, pour annuler la décision du 5 avril 2023 du préfet de la Seine-Maritime portant refus de certificat de résidence, sur le motif tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
6. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par M. C....
Sur les autres moyens de M. C... :
En ce qui concerne la décision portant refus de certificat de résidence :
7. En premier lieu, la décision contestée comporte l'exposé des considérations de droit et de fait sur lesquelles s'est fondé le préfet de la Seine-Maritime pour rejeter la demande de certificat de résidence. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de sa motivation doit être écarté.
8. En deuxième lieu, lorsqu'il est saisi d'une demande de délivrance d'un certificat de résidence sur le fondement d'une des stipulations de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié, le préfet n'est pas tenu, en l'absence de stipulations expresses en ce sens, d'examiner d'office si l'intéressé peut prétendre à une autorisation de séjour sur le fondement d'une autre stipulation de cet accord, même s'il lui est toujours loisible de le faire à titre gracieux, notamment en vue de régulariser la situation de l'intéressé.
9. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations du 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien susvisé doit être écarté dès lors que M. C... n'a pas présenté de demande de certificat de résidence sur leur fondement.
10. En troisième lieu, l'accord franco-algérien susvisé du 27 décembre 1968 régit d'une manière complète les conditions dans lesquelles les ressortissants algériens peuvent être admis à séjourner en France et y exercer une activité professionnelle, ainsi que les règles concernant la nature des titres de séjour qui peuvent leur être délivrés. Il en résulte que M. C... ne peut utilement faire valoir que la décision contestée méconnaîtrait manifestement les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui ne lui sont pas applicables. En tout état de cause, au regard des conditions de son séjour en France telles que rappelées au point 4, M. C... n'est pas fondé à soutenir que la décision litigieuse méconnaîtrait manifestement lesdites dispositions ni qu'elle serait entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle par le préfet au regard de son pouvoir de régularisation.
11. En quatrième et dernier lieu, si le requérant fait valoir que la décision de refus de certificat de résidence qui lui a été opposée serait entachée d'une erreur de fait quant à son insertion professionnelle, le préfet de la Seine-Maritime a au contraire précisé qu'il avait joint à sa demande l'ensemble de ses bulletins de salaire entre septembre 2015 et février 2023 et a indiqué sans erreur la nature de ses contrats de travail. Ce moyen doit ainsi être écarté.
12. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à demander à la cour l'annulation de la décision par laquelle le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un certificat de résidence.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
13. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que la décision de refus de certificat de résidence n'est pas entachée d'illégalité. Par suite, le requérant ne saurait se prévaloir, par voie d'exception, de l'illégalité de cette décision pour demander l'annulation de la décision l'obligeant à quitter le territoire français.
14. En deuxième lieu, en application des dispositions de l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision l'obligeant à quitter le territoire français dont est assortie la décision en date du 5 avril 2023 portant refus de délivrer un certificat de résidence à M. C..., dûment motivée, n'a pas à faire l'objet d'une motivation spécifique.
15. En troisième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier, au regard notamment de la motivation retenue par le préfet de la Seine-Maritime dans son arrêté du 5 avril 2023, qu'il n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de M. C... avant de l'obliger à quitter le territoire français.
16. En quatrième lieu, eu égard aux conditions du séjour en France du requérant telles que rappelées au point 4, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. De même, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de police aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision d'éloignement sur la situation personnelle de M. C....
17. Enfin, en cinquième et dernier lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien susvisé : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : / (...) / 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ; /(...). ".
18. Eu égard aux conditions de son séjour en France et de la nature de ses liens avec l'Algérie, telles qu'énoncées au point 4 du présent arrêt, M. C... n'est pas fondé à faire valoir à l'appui de ses conclusions tendant à l'annulation de la décision l'obligeant à quitter le territoire français qu'il devrait se voir délivrer de plein droit un certificat de résidence en application des stipulations précitées.
19. Il résulte de ce qui précède que le préfet de la Seine-Maritime est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a annulé l'arrêté du 5 avril 2023 portant refus de certificat de résidence, obligation de quitter le territoire français, et fixation du pays de destination.
Sur les frais de l'instance :
20. Les conclusions présentées par M. C... en appel au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées dès lors qu'il a la qualité de partie perdante dans la présente instance.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Rouen du 25 octobre 2023 est annulé.
Article 2 : Les demandes présentées par M. C... devant le tribunal administratif de Rouen sont rejetées.
Article 3 : Les conclusions de M. C... présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. A... C....
Copie en sera transmise pour information au préfet de la Seine-Maritime.
Délibéré après l'audience du 12 septembre 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre,
- Mme Isabelle Legrand, présidente-assesseure,
- M. Vincent Thulard, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 septembre 2024.
Le rapporteur,
Signé : V. Thulard
La présidente de la 1ère chambre
Signé : G. Borot
La greffière,
Signé : N. Roméro
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière en chef,
Par délégation,
La greffière,
Nathalie Roméro
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N°23DA02143