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26/09/2024 | FRANCE | N°23DA02137

France | France, Cour administrative d'appel de DOUAI, 1ère chambre, 26 septembre 2024, 23DA02137


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme B... A... a demandé au tribunal administratif d'Amiens :



- d'annuler l'arrêté du 1er juin 2022 par lequel la maire de Chaumont-en-Vexin a délivré à la société à responsabilité limitée (SARL) La Troesne un permis de construire un bâtiment collectif composé de dix-sept logements et deux locaux commerciaux sur une parcelle cadastrée section AB598 située Grande Rue sur le territoire de la commune ;

- de mettre à la charge de la comm

une de Chaumont-en-Vexin et de la SARL La Troesne la somme de 3 000 euros en application des dispositions de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif d'Amiens :

- d'annuler l'arrêté du 1er juin 2022 par lequel la maire de Chaumont-en-Vexin a délivré à la société à responsabilité limitée (SARL) La Troesne un permis de construire un bâtiment collectif composé de dix-sept logements et deux locaux commerciaux sur une parcelle cadastrée section AB598 située Grande Rue sur le territoire de la commune ;

- de mettre à la charge de la commune de Chaumont-en-Vexin et de la SARL La Troesne la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 2203792 du 19 septembre 2023, le tribunal administratif d'Amiens a annulé cet arrêté et mis à la charge de la commune de Chaumont-en-Vexin et de la SARL La Troesne la somme de 1 500 euros à verser à Mme A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 17 novembre 2023, et un mémoire complémentaire enregistré le 1er juillet 2024 et non communiqué, la commune de Chaumont-en-Vexin et la SARL La Troesne, représentées par Me Paul-Guillaume Balaÿ, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande d'annulation de l'arrêté du 1er juin 2022 ;

3°) de mettre à la charge de Mme A... la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- le jugement est irrégulier, faute de viser, en méconnaissance de l'article R. 741-2 du code de justice administrative, la note en délibéré enregistrée le 7 septembre 2023 ;

- c'est sans volonté de dissimulation que la société n'a pas mentionné l'état de boisement du terrain ;

- si le tribunal a considéré que l'absence de description de l'état du terrain, et notamment de la végétation, tel qu'il existait antérieurement à la délivrance du permis de construire du 4 février 2020 n'avait pas permis aux services instructeurs d'apprécier le respect des dispositions de l'article UA13 du règlement du PLU, le dossier de permis pouvait être complété par une notice et un plan décrivant la végétation existante avant le permis du 4 février 2020 et l'abattage des arbres ;

- si le tribunal a considéré que, faute d'une représentation dans le dossier de permis de construire des 27 arbres préexistants sur la parcelle en cause à la date de la délivrance du permis de construire du 4 février 2020, l'arrêté portant permis de construire du 1er juin 2022 ne pouvait être regardé comme ayant eu pour effet d'autoriser leur abattage, l'abattage des arbres n'était soumis à aucune autorisation, ni même déclaration et une régularisation était possible par un permis modificatif ;

- si le tribunal a considéré que l'inexactitude quant à la description de l'état initial de la végétation présente sur la parcelle en cause n'avait pas permis à l'architecte des bâtiments de France d'appréhender l'impact du projet sur l'église de Chaumont-en-Vexin, protégée au titre des abords, l'ABF avait donné un avis favorable lors du premier permis de construire, dont le dossier mentionnait clairement l'abattage des 27 arbres et le vice est régularisable ;

- si le tribunal a retenu la méconnaissance de l'autorité absolue de chose jugée du jugement n° 2001456 du 26 mai 2021 devenu définitif annulant le permis de construire pour méconnaissance de l'article UA6 du PLU, un changement de la situation de droit résultant de l'arrêté d'alignement individuel du 6 septembre 2023 faisait obstacle à ce que l'autorité de la chose jugée soit invoquée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 mai 2024, Mme B... A..., représentée par Me Yohann Laplante conclut au rejet de la requête, à l'annulation de l'arrêté du 1er juin 2022 et à la mise à la charge de la SARL La Troesne et de la commune de Chaumont-en-Vexin de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les moyens invoqués dans la requête ne sont pas fondés ;

- l'arrêté du 1er juin 2022 est illégal en raison du caractère incomplet du dossier de permis de construire, du caractère irrégulier de l'avis de l'ABF et méconnaît les dispositions des articles UA6, UA7, UA11, UA12 et UA13 du règlement du PLU et de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme.

Par une ordonnance du 14 juin 2024, la clôture de l'instruction a été fixée avec effet immédiat en application des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative.

Par une lettre du 23 juillet 2024 et en application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, la cour a invité les parties à présenter, avant le 23 août 2024, leurs observations sur l'éventuelle régularisation du vice tiré de l'incomplétude, en méconnaissance de l'article R. 431-8 du code de l'urbanisme, du dossier de demande de permis de construire quant à la présence des 27 arbres abattus et du vice tiré de l'implantation seulement partielle de la construction en limite séparative en méconnaissance de l'article UA7 du règlement du PLU.

La commune de Chaumont-en-Vexin et la SARL La Troesne, représentées par Me Paul Guillaume Balaÿ, ont présenté le 8 août 2024 un mémoire d'observations en réponse.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du patrimoine ;

- le code de l'environnement ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de la voirie routière ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Isabelle Legrand, présidente-assesseure,

- les conclusions de M. Stéphane Eustache, rapporteur public,

- et les observations de Me Paul-Guillaume Balaÿ représentant la Sarl La Troesne et la Commune de Chaumont-en-Vexin et de Me Camille Mascaro, substituant Me Laplante, représentant Mme B... A....

Considérant ce qui suit :

1. La société à responsabilité limitée (SARL) La Troesne a déposé le 12 novembre 2021 une demande de permis de construire un bâtiment collectif composé de dix-sept logements et deux locaux commerciaux sur une parcelle cadastrée section AB 598 située Grande Rue à Chaumont-en-Vexin (60240). Par un arrêté du 1er juin 2022, la maire de la commune lui a délivré le permis sollicité. Par la présente requête, la SARL La Troesne et la commune de Chaumont-en-Vexin demandent l'annulation du jugement n° 2203792 du 19 septembre 2023 par lequel le tribunal administratif d'Amiens, à la demande de Mme A..., a annulé cet arrêté et mis à leur charge la somme de 1 500 euros à verser à Mme A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes de l'article R. 741-2 du code de justice administrative : " La décision mentionne que l'audience a été publique (...). / Elle contient le nom des parties, l'analyse des conclusions et mémoires ainsi que les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont elle fait application. / (...) / Mention est également faite de la production d'une note en délibéré (...). ". En vertu de ces dispositions, l'absence de mention de la production d'une note en délibéré dans la décision juridictionnelle entache celle-ci d'irrégularité.

3. Il ressort des pièces du dossier que le conseil de la SARL La Troesne et de la commune de Chaumont-en-Vexin a produit le 7 septembre 2023 une note en délibéré adressée à la juridiction par l'application " Télérecours " et dûment enregistrée le même jour. Le jugement du 19 septembre 2023 ne fait pas mention de cette note en délibéré et est entaché, pour ce motif, d'irrégularité. Par suite, la SARL La Troesne et la commune de Chaumont-en-Vexin sont fondées à demander l'annulation de ce jugement.

4. Il y a lieu pour la cour d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme A... devant le tribunal administratif d'Amiens.

Sur les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 1er juin 2022 :

En ce qui concerne le moyen tiré de l'incomplétude du dossier de permis de construire :

5. Aux termes de l'article R.431-4 du code de l'urbanisme : " La demande de permis de construire comprend : / a) Les informations mentionnées aux articles R. 431-5 à R. 431-12 ; (...) ". Aux termes de l'article R. 431-8 de ce code : " Le projet architectural comprend une notice précisant : / 1° L'état initial du terrain et de ses abords indiquant, s'il y a lieu, les constructions, la végétation et les éléments paysagers existants ; / 2° Les partis retenus pour assurer l'insertion du projet dans son environnement et la prise en compte des paysages, faisant apparaître, en fonction des caractéristiques du projet : / a) L'aménagement du terrain, en indiquant ce qui est modifié ou supprimé ; / b) L'implantation, l'organisation, la composition et le volume des constructions nouvelles, notamment par rapport aux constructions ou paysages avoisinants ; (...) / e) Le traitement des espaces libres, notamment les plantations à conserver ou à créer (...) ". Aux termes de l'article R.431-9 du même code : " Le projet architectural comprend également un plan de masse des constructions à édifier ou à modifier coté dans les trois dimensions. Ce plan de masse fait apparaître (...) les plantations maintenues, supprimées ou créées (...) ". Aux termes de l'article R. 431-10 de ce code : " Le projet architectural comprend également : / a) Le plan des façades et des toitures ; lorsque le projet a pour effet de modifier les façades ou les toitures d'un bâtiment existant, ce plan fait apparaître l'état initial et l'état futur ; / b) Un plan en coupe précisant l'implantation de la construction par rapport au profil du terrain ; lorsque les travaux ont pour effet de modifier le profil du terrain, ce plan fait apparaître l'état initial et l'état futur ; / c) Un document graphique permettant d'apprécier l'insertion du projet de construction par rapport aux constructions avoisinantes et aux paysages, son impact visuel ainsi que le traitement des accès et du terrain ; / d) Deux documents photographiques permettant de situer le terrain respectivement dans l'environnement proche et, sauf si le demandeur justifie qu'aucune photographie de loin n'est possible, dans le paysage lointain. Les points et les angles des prises de vue sont reportés sur le plan de situation et le plan de masse ".

6. La circonstance que le dossier de demande de permis de construire ne comporterait pas l'ensemble des documents exigés par les dispositions du code de l'urbanisme, ou que les documents produits seraient insuffisants, imprécis ou comporteraient des inexactitudes, n'est susceptible d'entacher d'illégalité le permis de construire qui a été accordé que dans le cas où les omissions, inexactitudes ou insuffisances entachant le dossier ont été de nature à fausser l'appréciation portée par l'autorité administrative sur la conformité du projet à la réglementation applicable.

7. En premier lieu, Mme A... soutient que la société pétitionnaire aurait dû mentionner dans sa demande l'abattage des arbres précédemment présents sur le terrain.

8. D'une part, lorsqu'une construction a été édifiée sans autorisation en méconnaissance des prescriptions légales alors applicables ou en méconnaissance des autorisations d'urbanisme délivrées, il appartient au propriétaire qui envisage d'y faire de nouveaux travaux de présenter une demande d'autorisation portant sur l'ensemble de la construction, même si ces nouveaux travaux ne prennent pas appui sur des parties irrégulières.

9. D'autre part, aux termes de l'article R. 421-23 du code de l'urbanisme : " Doivent être précédés d'une déclaration préalable les travaux, installations et aménagements suivants : (...) / g) Les coupes et abattages d'arbres dans les bois, forêts ou parcs situés sur le territoire de communes où l'établissement d'un plan local d'urbanisme a été prescrit, ainsi que dans tout espace boisé classé en application de l'article L. 113-1 (...) ".

10. Il ressort des pièces du dossier que, par un arrêté du 4 février 2020, le maire de Chaumont-en-Vexin a délivré à la SARL Sogeco, sur la même parcelle d'assiette, anciennement cadastrée AB580, que celle du projet porté par la SARL La Troesne, un permis, ultérieurement transféré à la SARL La Troesne le 12 juin 2020, de construire une résidence comprenant vingt-deux logements et deux cellules d'activité. Le projet prévoyait également l'abattage de 27 arbres présents sur le terrain et leur remplacement intégral. Par un jugement définitif n° 2001456 du 26 mai 2021, le tribunal administratif d'Amiens a annulé le permis délivré le 4 février 2020. Or, la nouvelle demande de permis présentée par la SARL La Troesne le 12 novembre 2021 ne mentionne pas l'abattage des 27 arbres auparavant présents.

11. Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'abattage des arbres en cause aurait nécessité une décision de non-opposition à déclaration de travaux en vertu de l'article R. 421-23 g) précité du code de l'urbanisme, dès lors, d'une part, que la parcelle n'est pas couverte par un espace boisé classé identifié par le plan local d'urbanisme (PLU) de Chaumont-en-Vexin, d'autre part, qu'en dépit de sa qualité de " bois " avant l'abattage, aucun PLU n'était en cours d'élaboration à la date de ces travaux. En outre, il n'apparaît pas que l'abattage des arbres aurait été soumis à une autorisation en vertu d'une autre disposition du code de l'urbanisme. Est à cet égard sans incidence la circonstance que l'abattage des arbres ne nécessitait pas l'obtention d'une autorisation de défrichement au titre du code forestier, comme l'a indiqué le préfet de l'Oise dans un courrier du 8 décembre 2016.

12. Par suite, alors même que le permis délivré le 4 février 2020 a été annulé par un jugement définitif du tribunal administratif d'Amiens, l'abattage en cause n'était pas irrégulier et la SARL La Troesne n'était pas tenue de le mentionner dans sa demande de permis de construire déposée le 12 novembre 2021. Mme A... n'est ainsi pas fondée à soutenir que la demande de permis de construire aurait dû concerner également les travaux d'abattage et serait lacunaire sur ce point.

13. En deuxième lieu, Mme A... soutient que la société pétitionnaire aurait dû mentionner dans sa demande la présence des 27 arbres initialement présents sur le terrain en application des articles R. 431-8 et R.431-9 du code de l'urbanisme.

14. Il ressort des pièces du dossier que l'abattage des 27 arbres se trouvant sur le terrain avant le dépôt de la première demande de permis de construire par la SARL Sogeco n'était pas justifié par l'état maladif ou dangereux des arbres, mais a été réalisé pour les seuls besoins du projet de construction autorisé par le permis de construire du 4 février 2020. Par l'effet de l'annulation de ce permis prononcée par un jugement définitif du tribunal administratif d'Amiens, l'abattage des arbres mentionné dans la demande de la SARL Sogeco, et implicitement accepté par le maire, est réputé n'être jamais intervenu, et ce même si la coupe de tous les arbres a été réalisée avant l'annulation du permis du 4 février 2020. Compte tenu de la similarité, en termes d'emprise au sol et de localisation, du projet présenté par la SARL La Troesne avec celui autorisé au profit de la SARL Sogeco, sa réalisation aurait nécessité également d'abattre les arbres existant sur la parcelle.

15. Or, la nouvelle demande de permis présentée par la SARL La Troesne mentionne, dans la notice décrivant le terrain et présentant le projet, une parcelle " composée de végétation basse spontanée et d'arbustes ". Aucune pièce de cette demande ne fait apparaître, directement ou par référence à la précédente demande déposée par la SARL Sogeco, " l'état initial " de la végétation présente sur le terrain exempte des modifications requises par le projet de construction, sans que la société pétitionnaire ne puisse utilement se prévaloir de ce que l'abattage pouvait être réalisé sans autorisation d'urbanisme. Dans les circonstances particulières de l'espèce, eu égard à la finalité de l'abattage, à la similitude des deux projets de construction et au bref délai qui s'est écoulé entre l'annulation du permis déliré à la SARL Sogeco et la demande présentée par la SARL La Troesne, cette dernière aurait dû mentionner dans sa demande l'état du terrain prévalant avant le dépôt de la demande de permis de la SARL Sogeco.

16. Par suite, l'absence de description de la végétation qui aurait dû être présente sur le terrain n'a pas permis à l'autorité administrative d'apprécier, d'une part, les plantations maintenues ou supprimées, conformément aux dispositions des articles R. 431-8 et R. 431-9 du code de l'urbanisme, d'autre part, si le projet permettait de préserver le plus grand nombre de plantations de qualité existantes, conformément aux dispositions de l'article UA13 du règlement du PLU de Chaumont-en-Vexin.

17. Mme A... est donc fondée à soutenir qu'en l'absence de description de l'état initial du terrain, le permis de construire litigieux a été délivré en méconnaissance des dispositions précitées des articles R. 431-8 et R. 431-9 du code de l'urbanisme.

18. En troisième lieu, Mme A... soutient que la demande présente à tort le projet comme implanté à l'alignement avec la voie publique.

19. Il ressort des pièces du dossier que la commune, qui avait le projet d'étendre le parc de stationnement situé à proximité de la Poste, a identifié à cette fin, en annexe de son PLU, un emplacement réservé n° 20 sur une parcelle désormais cadastrée AB597, située entre la parcelle d'assiette du projet cadastrée AB598 et le parc de stationnement existant situé sur la parcelle AB579. A la date de dépôt de sa demande de permis par la SARL La Troesne, le projet d'étendre le parking sur la parcelle AB597 était certain, puisqu'il avait fait l'objet d'un permis d'aménager le 29 mai 2019 puis d'un permis d'aménager modificatif le 11 juillet 2021. Il est vrai que le nouveau tracé du domaine public n'a fait l'objet d'un arrêté individuel d'alignement au droit de la parcelle d'assiette du projet que le 6 septembre 2023, mais cet arrêté n'a fait que constater, en application de l'article L. 112-1 du code de la voirie routière, sans révéler aucune manœuvre frauduleuse, l'état de droit préexistant résultant de l'intégration de la parcelle AB597 dans le domaine public pour les besoins de l'extension du parc de stationnement. La circonstance que, par le jugement du 26 mai 2021, devenu définitif, le tribunal administratif d'Amiens a annulé le permis de construire accordé à la SARL Sogeco au motif, notamment, de son absence d'implantation à l'alignement est sans incidence sur le présent litige, car cette appréciation, revêtue de l'autorisation absolue de la chose jugée, ne portait pas sur la complétude du dossier de demande, mais sur le respect de l'article UA6 du règlement du PLU.

20. Par suite, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que la demande présente à tort le projet comme implanté à l'alignement avec la voie publique.

21. En quatrième lieu, Mme A... soutient que la demande est lacunaire en ce qui concerne l'insertion du projet dans son environnement et l'indication de la surface de plancher.

22. Il ressort pourtant du dossier de demande que celui-ci comporte des éléments photographiques permettant d'apprécier, d'une manière suffisamment précise et complète, l'insertion du projet dans son environnement proche et lointain. En outre, la surface de plancher, qui est dûment précisée dans le formulaire de demande, n'a pas à figurer sur les documents graphiques ou photographiques prévus à l'article R. 431-10 du code de l'urbanisme.

23. Mme A... n'est donc pas fondée à critiquer les lacunes de la demande de permis de construire en ce qui concerne l'insertion du projet dans son environnement et l'indication de la surface de plancher.

En ce qui concerne le moyen tiré de l'irrégularité de l'avis de l'architecte des bâtiments de France (ABF) :

24. Mme A... soutient que l'ABF s'est prononcé sur la base d'une demande incomplète, en l'absence de mention des 27 arbres abattus.

25. D'une part, aux termes de l'article R.425-30 du code de l'urbanisme : " Lorsque le projet est situé dans un site inscrit, la demande de permis ou la déclaration préalable tient lieu de la déclaration exigée par l'article L. 341-1 du code de l'environnement. Les travaux ne peuvent être entrepris avant l'expiration d'un délai de quatre mois à compter du dépôt de la demande ou de la déclaration. /La décision prise sur la demande de permis ou sur la déclaration préalable intervient après consultation de l'architecte des Bâtiments de France. ".

26. D'autre part, aux termes de l'article R.425-1 du code de l'urbanisme : " Lorsque le projet est situé dans les abords des monuments historiques, le permis de construire (...) tient lieu de l'autorisation prévue à l'article L. 621-32 du code du patrimoine si l'architecte des Bâtiments de France a donné son accord, le cas échéant assorti de prescriptions motivées, ou son avis pour les projets mentionnés à l'article L. 632-2-1 du code du patrimoine. ". Aux termes de l'article L. 621-30 du code du patrimoine : " I. - Les immeubles ou ensembles d'immeubles qui forment avec un monument historique un ensemble cohérent ou qui sont susceptibles de contribuer à sa conservation ou à sa mise en valeur sont protégés au titre des abords (...). / II. - La protection au titre des abords s'applique à tout immeuble, bâti ou non bâti, situé dans un périmètre délimité par l'autorité administrative dans les conditions fixées à l'article L. 621-31. (...) / En l'absence de périmètre délimité, la protection au titre des abords s'applique à tout immeuble, bâti ou non bâti, visible du monument historique ou visible en même temps que lui et situé à moins de cinq cents mètres de celui-ci. (...) ". Aux termes de l'article L. 621-32 du même code : " Les travaux susceptibles de modifier l'aspect extérieur d'un immeuble, bâti ou non bâti, protégé au titre des abords sont soumis à une autorisation préalable. / L'autorisation peut être refusée ou assortie de prescriptions lorsque les travaux sont susceptibles de porter atteinte à la conservation ou à la mise en valeur d'un monument historique ou des abords (...) ". Aux termes de l'article L. 632-2 de ce code, dans sa rédaction applicable au litige : " I. - L'autorisation prévue à l'article L. 632-1 est (...) subordonnée à l'accord de l'architecte des Bâtiments de France, le cas échéant assorti de prescriptions motivées. (...) / Le permis de construire (...) tient lieu de l'autorisation prévue à l'article L. 632-1 du présent code si l'architecte des Bâtiments de France a donné son accord, dans les conditions prévues au premier alinéa du présent I. (...) ".

27. Enfin, si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie. L'application de ce principe n'est pas exclue en cas d'omission d'une procédure obligatoire, à condition toutefois qu'une telle omission n'ait pas pour effet d'affecter la compétence de l'auteur de l'acte.

28. Il ressort des pièces du dossier que le projet de construction porté par la SARL La Troesne est situé dans le site inscrit du Vexin français, aux abords et à moins de cinq cents mètres de l'église Saint-Jean-Baptiste de Chaumont-en-Vexin. Dans ses avis des 10 juillet et 13 novembre 2019 sur le projet de construction porté par la SARL Sogeco, considérant ce projet hors champ de visibilité de l'église, en raison des 27 arbres présents sur la parcelle d'assiette du projet, l'ABF avait émis un avis simple, favorable avec prescriptions, en retenant que le projet était susceptible d'altérer l'aspect du site inscrit. Dans son avis du 9 avril 2022, alors qu'en raison de l'abattage des arbres, le projet est désormais dans un rapport de visibilité avec l'église, il a donné son accord au projet.

29. Par leur nombre et leur hauteur, les 27 arbres constituaient, avant leur abattage, un écran végétal important entre le terrain du projet et l'église Saint-Jean-Baptiste. La lacune entachant la demande est donc susceptible d'avoir exercé une influence sur l'accord émis par l'ABF, qui devait apprécier les incidences du projet au regard de l'état initial avant l'abattage et en tenant compte de la disparition ou de la recomposition de cet écran végétal. Mme A... est donc fondée à soutenir que l'incomplétude du dossier entache d'illégalité l'accord exprimé par l'ABF.

En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance de l'article UA6 du règlement du PLU :

30. Mme A... soutient que le projet méconnaît les dispositions de l'article UA6 du règlement du PLU.

31. D'une part, aux termes de l'article UA6 du règlement du PLU : " (...) - De manière à préserver l'implantation traditionnelle des constructions formant un front bâti continu depuis la rue, les nouvelles constructions seront implantées à l'alignement, notamment lorsque le terrain est compris entre deux terrains où la construction est à l'alignement. / - Si la construction ne vient pas à l'alignement, elle sera implantée avec un retrait d'au moins 5 mètres par rapport à l'emprise des voies ouvertes à la circulation publique, et une clôture minérale de pierres ou de moellons de 1,50 mètre de hauteur minimale et de 2,20 mètres de hauteur maximale devra être édifiée sur au moins les 2/3 de la façade afin de conserver une continuité visuelle (...) ".

32. D'autre part, l'autorité de chose jugée s'attachant au dispositif d'un jugement, devenu définitif, annulant un permis de construire ainsi qu'aux motifs qui en sont le support nécessaire fait obstacle à ce que, en l'absence de modification de la situation de droit ou de fait, le permis de construire sollicité soit à nouveau accordé.

33. Il est constant que les bâtiments dont la construction est envisagée par la SARL La Troesne présentent une implantation strictement identique au projet porté par la SARL Sogeco qui a fait l'objet d'un permis de construire le 4 février 2020. Or, ainsi qu'il a été dit précédemment, ce permis a été annulé par un jugement définitif du 26 mai 2021 du tribunal administratif d'Amiens, au motif que ce projet, qui était implanté sur la limite séparant les parcelles AB597 et AB598, n'était pas implanté à l'alignement.

34. Toutefois, entre cette annulation et la date du dépôt de la demande de permis par la SARL La Troesne, plusieurs circonstances nouvelles, de droit et de fait, sont intervenues, qui ont une incidence directe sur l'appréciation de la conformité du projet à l'article UA6 du règlement du PLU, à l'instar de la délivrance des permis d'aménager, initial et modificatif, visant à créer le nouveau parc de stationnement, puis de la réalisation de ce parc, attestée par les photographies jointes au dossier. L'arrêté d'alignement individuel du 6 septembre 2023 constate d'ailleurs, de manière recognitive, l'intégration de la parcelle AB597 dans l'emprise de la voie publique. A cet égard, Mme A... ne peut utilement contester, par la voie de l'exception, l'illégalité de cet arrêté d'alignement, dès lors que le permis attaqué n'est pas pris pour son application ou sur son fondement. En tout état de cause, elle ne démontre pas la fausseté des constatations matérielles contenues dans cet arrêté. Par suite, et alors même que le projet litigieux présente la même implantation par rapport à la voie publique que celui autorisé par le permis précédemment annulé, ces changements de circonstances font obstacle à ce que s'impose l'autorité absolue de chose jugée, qui s'attache aux motifs qui sont le support nécessaire du dispositif d'annulation du jugement du 26 mai 2021.

35. Mme A... n'est ainsi pas fondée à soutenir que l'arrêté du 1er juin 2022 méconnaît les dispositions de l'article UA6 du règlement du PLU.

En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance de l'article UA7 du règlement du PLU :

36. Mme A... soutient que le projet méconnaît les dispositions de l'article UA7 du règlement du PLU relatives à l'implantation par rapport aux limites séparatives.

37. Aux termes de l'article UA 7 du règlement du PLU : " Dans une bande de 30 mètres à compter de l'emprise des voies ouvertes à la circulation publique : - Les constructions implantées à l'alignement ou en retrait par rapport à l'alignement seront implantées sur au moins une des limites séparatives. - Les constructions non contiguës aux limites séparatives seront implantées avec une marge minimale de 3 mètres par rapport à ces limites. / Au-delà de la bande de 30 mètres : - Un bâtiment annexe isolé de moins de 30 m2 de SHOB et d'une hauteur totale n'excédant pas 3,50 mètres à l'adossement, édifié en complément d'une construction principale, pourra s'implanter sur une des limites séparatives. (...) / Les constructions nouvelles supérieures à 20m2 de SHOB doivent être implantées avec un retrait (R) d'au moins 20 mètres par rapport aux espaces boisés classés. ". Le glossaire annexé au règlement du PLU définit " l'implantation (...) par rapport aux limites séparatives " comme " la distance observée entre tous les points du bâtiment et les limites du terrain (limites latérales et fond de parcelles) (...) ". Il résulte de ces dispositions que dans la bande des 30 mètres, le constructeur doit implanter au moins une façade sur une limite séparative et peut implanter les autres façades soit sur les autres limites séparatives, soit en retrait, d'au moins 3 mètres, de ces limites.

38. D'une part, la règle de retrait de 20 mètres par rapport aux espaces boisés classés, posée par cet article, n'est pas applicable au projet qui ne sera pas situé à proximité d'un tel espace.

39. D'autre part, il ressort des plans joints à la demande de permis de construire que le projet s'inscrit entièrement dans la bande des 30 mètres de la zone UA. Il présente une construction en forme de " T " dont le premier bâtiment est aligné sur la voie publique et sur une limite séparative, tandis que le second bâtiment n'est implanté sur aucune limite séparative. Ces deux bâtiments forment une seule et même construction, dès lors que, par leur accès commun et leurs parties communes, ils présentent des liens fonctionnels importants et indispensables. Les plans montrent que la construction est implantée intégralement en retrait par rapport à la limite nord de fond de parcelle et intégralement à l'alignement (par rapport au parc de stationnement) au sud. En revanche, à l'est et à l'ouest, si un bâtiment est implanté sur les deux limites séparatives, le second bâtiment est implanté en retrait par rapport à ces deux limites, mais à une distance supérieure à la distance minimale d'éloignement fixée à trois mètres par l'article UA7 du règlement du PLU.

40. Dans ces conditions, eu égard à la configuration particulière de la construction et à la finalité poursuivie par la règle de prospect, qui est de protéger les constructions voisines des éventuelles vues, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté du 1er juin 2022 méconnaît les dispositions de l'article UA7 du règlement du PLU.

En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance de l'article UA11 du règlement du PLU :

41. Mme A... soutient que le projet méconnaît les dispositions de l'article UA 11 du règlement du PLU.

42. Aux termes de l'article UA11 du règlement du PLU : " Les constructions doivent par leur dimension, leur architecture, la nature de leur matériau, conserver le caractère spécifique des lieux afin de préserver l'intérêt du secteur. (...) ". L'article comprend ensuite de nombreuses prescriptions détaillées sur les façades, les ouvertures, la toiture, les garages, annexes et vérandas et les clôtures.

43. D'une part, il ressort des pièces du dossier que, contrairement à ce qu'affirme la requérante, la couleur jaune et beige des enduits, et la couleur grise des menuiseries sont conformes à la gamme chromatique prévue à l'article UA11 qui indique les couleurs et nuances " sable " ou " ocré " pour les façades et " gris " clair pour les menuiseries. En outre, si le projet prévoit des volets métalliques et des volets en PVC, l'article UA11, qui se borne sur ce point à exprimer une simple préférence, préconise les premiers et n'interdit pas les seconds.

44. D'autre part, il ressort des plans du permis que, conformément aux exigences posées par l'article UA11 s'agissant des dimensions et de l'ordonnancement des ouvertures, les baies " visibles depuis les voies publiques " sont " rectangulaires et plus hautes que larges " et que " les ouvertures dans la toiture " sont alignées sur celles de la façade, y compris pour les deux châssis de toit.

45. Enfin, il ne ressort pas des photographies produites à l'appui de la demande que la hauteur du projet ne serait pas cohérente avec celle des constructions avoisinantes, alors que si les bâtiments les plus proches présentent seulement un ou deux niveaux, plusieurs bâtiments de la rue Émile Deschamps comportent, comme le projet, trois niveaux, avec un étage surmonté de combles habitables. L'hétérogénéité des hauteurs dans le secteur et la présence de gabarits similaires à celui du projet suffisent à établir que ce dernier ne méconnaît pas le caractère spécifique des lieux, ainsi que cela ressort d'ailleurs de l'accord de l'ABF et sans que puisse y faire obstacle le porter à connaissance du préfet à la commune recommandant une " continuité dans l'ordonnancement des élévations " au cours de l'élaboration du PLU.

En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance de l'article UA12 du règlement du PLU :

46. Mme A... soutient que le projet méconnaît les dispositions de l'article UA12 du règlement du PLU relatif au stationnement des véhicules au seul motif que la demande ne préciserait pas la surface de plancher créée.

47. Aux termes de l'article UA 12 du règlement du PLU : " Le stationnement des véhicules correspondant aux besoins des constructions et installations doit être assuré en dehors des emprises des voies ouvertes à la circulation publique. En particulier, il est exigé : / pour les constructions à usage d'habitation : une place par tranche de 60m2 de SHON de construction avec au minimum 1 place par logement, (...) / pour les constructions à usage de commerces de plus de 300 m2 de surface de vente : au moins 1 place de stationnement par tranche de 25m2 de surface de vente. (...) ".

48. Ainsi qu'il a été dit précédemment, la surface de plancher est mentionnée dans la demande de permis de construire dans un document intitulé " tableaux de surfaces de plancher " ; elle se décompose en 1 166,94 m² de logements et 124,94 m² de surfaces commerciales, impliquant la création de 20 places au titre des logements et d'un maximum de 5 places au titre des commerces, à supposer qu'ils dépassent 300 m2 de surface de vente. Dès lors que le projet comporte 26 places de stationnement, Mme A... n'est pas fondée à soutenir qu'il méconnaît les dispositions de l'article UA 12 du règlement du PLU.

En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme :

49. Mme A... soutient qu'eu égard à son secteur d'implantation, dans une zone humide et meuble, le projet est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publiques au sens de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme.

50. Aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations. ". En vertu de ces dispositions, lorsqu'un projet de construction est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique, le permis de construire ne peut être refusé que si l'autorité compétente estime, sous le contrôle du juge, qu'il n'est pas légalement possible, au vu du dossier et de l'instruction de la demande de permis, d'accorder le permis en l'assortissant de prescriptions spéciales qui, sans apporter au projet de modification substantielle nécessitant la présentation d'une nouvelle demande, permettraient d'assurer la conformité de la construction aux dispositions législatives et réglementaires dont l'administration est chargée d'assurer le respect.

51. Si la requérante produit des photographies, au demeurant non datées, montrant un terrain détrempé et une carte des milieux aquatiques et humides à Chaumont-en-Vexin, elle ne démontre ni que le terrain d'assiette serait susceptible d'être inondé, alors que le projet est situé dans une zone identifiée comme constructible par le PLU, ni que ce risque d'inondation serait d'une importance telle qu'il constituerait un risque pour la sécurité publique justifiant que le permis soit refusé ou autorisé en étant assorti de prescriptions spéciales. Mme A... n'est donc pas fondée à soutenir que le projet méconnaît l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme.

Sur l'application des articles L. 600-5 et L.600-5-1 du code de l'urbanisme :

52. Aux termes de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme : " Sans préjudice de la mise en œuvre de l'article L. 600-5-1, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager ou contre une décision de non-opposition à déclaration préalable, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice n'affectant qu'une partie du projet peut être régularisé, limite à cette partie la portée de l'annulation qu'il prononce et, le cas échéant, fixe le délai dans lequel le titulaire de l'autorisation pourra en demander la régularisation, même après l'achèvement des travaux. Le refus par le juge de faire droit à une demande d'annulation partielle est motivé ". Aux termes de l'article L. 600-5-1 de ce code : " Sans préjudice de la mise en œuvre de l'article L. 600-5, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager ou contre une décision de non-opposition à déclaration préalable estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé, sursoit à statuer, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation, même après l'achèvement des travaux. Si une mesure de régularisation est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. Le refus par le juge de faire droit à une demande de sursis à statuer est motivé ".

53. Il résulte de ces dispositions que lorsque le ou les vices affectant la légalité de l'autorisation d'urbanisme dont l'annulation est demandée sont susceptibles d'être régularisés, le juge doit surseoir à statuer sur les conclusions dont il est saisi contre cette autorisation, sauf à ce qu'il fasse le choix de recourir à l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme si les conditions posées par cet article sont réunies ou que le bénéficiaire de l'autorisation lui ait indiqué qu'il ne souhaitait pas bénéficier d'une mesure de régularisation. Lorsqu'il décide de recourir à l'article L. 600-5-1, il lui appartient, avant de surseoir à statuer sur le fondement de ces dispositions, de constater préalablement qu'aucun des autres moyens n'est fondé et n'est susceptible d'être régularisé et d'indiquer dans sa décision de sursis pour quels motifs ces moyens doivent être écartés.

54. Un vice entachant le bien-fondé de l'autorisation d'urbanisme est susceptible d'être régularisé, même si cette régularisation implique de revoir l'économie générale du projet en cause, dès lors que les règles d'urbanisme en vigueur à la date à laquelle le juge statue permettent une mesure de régularisation qui n'implique pas d'apporter à ce projet un bouleversement tel qu'il en changerait la nature même. Le juge ne peut pas fonder son appréciation sur le seul projet existant, sans tenir compte de la possibilité pour le pétitionnaire de faire évoluer celui-ci et d'en revoir, le cas échéant, l'économie générale sans en changer la nature.

55. En l'état de l'instruction, les vices tirés de l'incomplétude du dossier de demande de permis faute de description de l'état initial du terrain et de l'irrégularité de l'avis rendu par l'ABF sur le fondement d'un dossier incomplet apparaissent susceptibles de régularisation par la délivrance d'un arrêté portant permis de construire modificatif délivré après le dépôt de la notice présentant l'état initial du terrain, en ce compris les vingt-sept arbres qui ont été abattus, et après un nouvel avis de l'ABF rendu au vu d'un dossier de demande complet. Cette régularisation n'implique pas d'apporter au projet un bouleversement tel qu'il en changerait la nature même. A l'initiative de la cour, les parties ont présenté leurs observations sur cette question. Il y a donc lieu, en l'espèce, d'impartir à la SARL La Troesne un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt, aux fins d'obtenir la régularisation de l'arrêté du 1er juin 2022.

56. Mme A... soutient aussi que le projet méconnaît les dispositions de l'article UA 13 du règlement du PLU aux termes duquel : " L'implantation des constructions nouvelles doit être choisie de façon à préserver le plus grand nombre possible des plantations de qualité existantes. (...). ".

57. Ainsi qu'il a été dit précédemment, l'état initial du terrain n'a pas été décrit, alors que la parcelle comportait 27 arbres qui ont été abattus. L'examen de ce moyen doit être réservé dans l'attente de la réponse apportée sur la régularisation des deux vices précédemment identifiés.

Sur les frais liés aux instances :

58. Les conclusions présentées en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative par la commune de Chaumont-en-Vexin et la SARL La Troesne, d'une part, Mme A..., d'autre part, dans le cadre de la première instance et de la requête d'appel sont réservées jusqu'à la fin de la présente instance.

DÉCIDE :

Article 1er : Il est sursis à statuer sur la légalité de l'arrêté du 1er juin 2022 par lequel la maire de Chaumont-en-Vexin a délivré à la SARL La Troesne un permis de construire un bâtiment collectif composé de dix-sept logements et deux locaux commerciaux sur une parcelle cadastrée section AB598 située Grande Rue sur le territoire de la commune, jusqu'à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt, dans lequel la régularisation de ce permis doit être notifiée à la cour par la commune de Chaumont-en-Vexin et la SARL La Troesne.

Article 2 : Tous droits et moyens des parties sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'à la fin de l'instance d'appel.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A..., à la société à responsabilité limitée (SARL) La Troesne et à la commune de Chaumont-en-Vexin.

Délibéré après l'audience publique du 12 septembre 2024 à laquelle siégeaient :

- Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre,

- Mme Isabelle Legrand, présidente-assesseure,

- M. Vincent Thulard, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 septembre 2024.

La présidente-rapporteure,

Signé : I. LegrandLa présidente de la 1ère chambre,

Signé : G. Borot

La greffière,

Signé : N. Roméro

La République mande et ordonne au préfet de l'Oise en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

La greffière en chef,

Par délégation,

La greffière,

Nathalie Roméro

N°23DA02137 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23DA02137
Date de la décision : 26/09/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Borot
Rapporteur ?: Mme Isabelle Legrand
Rapporteur public ?: M. Eustache
Avocat(s) : LAPLANTE

Origine de la décision
Date de l'import : 13/10/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-09-26;23da02137 ?
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