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19/09/2024 | FRANCE | N°24DA00333

France | France, Cour administrative d'appel de DOUAI, 4ème chambre, 19 septembre 2024, 24DA00333


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. E... C... a demandé au tribunal administratif de Lille, par deux demandes successives, d'une part, d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 20 septembre 2022 par lequel le préfet du Pas-de-Calais a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office, ainsi que l'arrêté du 27 avril 2023 par lequel la même autorité a prolongé

son assignation à résidence pour une durée de six mois, d'autre part, d'enjoindre au préfet du...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... C... a demandé au tribunal administratif de Lille, par deux demandes successives, d'une part, d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 20 septembre 2022 par lequel le préfet du Pas-de-Calais a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office, ainsi que l'arrêté du 27 avril 2023 par lequel la même autorité a prolongé son assignation à résidence pour une durée de six mois, d'autre part, d'enjoindre au préfet du Pas-de-Calais de mettre fin à toute mesure de surveillance le concernant et de lui délivrer le titre de séjour sollicité ou, à défaut, de procéder à un nouvel examen de sa demande de titre de séjour après l'avoir mis en possession d'une autorisation provisoire de séjour, sous astreinte de 155 euros par jour de retard, enfin, de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme globale de 3 000 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ou le versement à M. C... de la même somme sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement nos 22009722, 2305875 du 6 février 2024, le tribunal administratif de Lille, d'une part, a annulé les arrêtés des 20 septembre 2022 et 27 avril 2023 du préfet du Pas-de-Calais, d'autre part, a enjoint à cette autorité de délivrer à M. C... un titre de séjour pour raisons médicales dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent jugement, par ailleurs, a mis à la charge de l'Etat le versement, à M. C..., de la part des frais exposés par lui, non compris dans les dépens et laissés à sa charge par le bureau d'aide juridictionnelle dans la limite de 1 500 euros, enfin, a mis à la charge de l'Etat le versement, au conseil de M. C... ou, selon la décision du bureau d'aide juridictionnelle, à ce dernier, d'une somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ou sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 20 février 2024, le préfet du Pas-de-Calais demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il prononce l'annulation de son arrêté du 20 septembre 2022, qu'il lui fait injonction de délivrer un titre de séjour à M. C... et qu'il met à la charge de l'Etat le versement, à M. C... ou à son conseil, des frais exposés en première instance ;

2°) de rejeter la demande présentée à l'encontre de cet arrêté par M. C... devant le tribunal administratif de Lille.

Il soutient que :

- les premiers juges ont retenu à tort que la décision refusant de délivrer un titre de séjour à M. C... était entachée d'une erreur d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- pour les motifs exposés dans les écritures produites au nom de l'Etat en première instance, les autres moyens soulevés par M. C... devant le tribunal administratif de Lille à l'encontre de l'arrêté du 20 septembre 2022 ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 août 2024, M. C..., représenté par Me Navy, conclut au rejet de la requête, à la confirmation du jugement attaqué et à ce que la somme de 1 500 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

- les premiers juges ont retenu à bon droit que la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour était entachée d'une erreur d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- cette décision méconnaît ces mêmes dispositions ;

- il appartient au juge, s'il l'estime nécessaire, de susciter une intervention de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à la procédure, afin que l'entier dossier au vu duquel le collège de médecins de l'Office a établi son avis soit versé au dossier et sans que l'Office puisse utilement invoquer, pour refuser de joindre certaines pièces, des exceptions prévues par le droit de l'Union pour régir des situations sans rapport avec les questions posées par le présent litige et avec la nature des pièces en cause ;

- la décision de refus de séjour a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français est elle-même contraire à ces mêmes stipulations.

Par une décision du 18 avril 2024, M. C... a été maintenu de plein droit à l'aide juridictionnelle partielle au taux de 25%.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller, a été entendu, au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

Sur l'objet du litige :

1. M. E... C..., ressortissant ivoirien né le 12 avril 1990 à Abidjan (Côte d'Ivoire), est entré en France le 7 avril 2017, selon ses déclarations. En raison des difficultés de santé dont il a fait état, M. C... s'est vu délivrer, le 7 décembre 2019, une carte de séjour temporaire valable jusqu'au 16 décembre 2020, qui a été renouvelée jusqu'au 5 mai 2022. M. C... a sollicité du préfet du Pas-de-Calais, le 19 avril 2022, un autre renouvellement de ce titre. Après avoir retenu, au vu notamment d'un avis émis le 15 septembre 2020 par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, que l'état de santé de M. C... rendait nécessaire une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner, pour l'intéressé, des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais qu'il pourrait bénéficier d'un traitement approprié en cas de retour dans son pays d'origine, le préfet du Pas-de-Calais a refusé, par un arrêté du 20 septembre 2022, d'accorder à M. C... le renouvellement de titre de séjour qu'il sollicitait, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office. Le préfet du Pas-de-Calais relève appel du jugement du 6 février 2024 du tribunal administratif de Lille en tant que, sur la demande de M. C..., il a annulé son arrêté du 20 septembre 2022, lui a enjoint de délivrer à l'intéressé le titre de séjour qu'il sollicitait et a mis à la charge de l'Etat le versement, à M. C... ou à son conseil, des frais exposés en première instance.

Sur le motif d'annulation retenu par les premiers juges :

2. Aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat./ Sous réserve de l'accord de l'étranger et dans le respect des règles de déontologie médicale, les médecins de l'office peuvent demander aux professionnels de santé qui en disposent les informations médicales nécessaires à l'accomplissement de cette mission. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé. / Si le collège de médecins estime dans son avis que les conditions précitées sont réunies, l'autorité administrative ne peut refuser la délivrance du titre de séjour que par une décision spécialement motivée. / (...) ".

3. Pour annuler, par le jugement attaqué, la décision refusant d'accorder à M. C... le renouvellement de son titre de séjour et, par voie de conséquence, les autres décisions prises par l'arrêté du 20 septembre 2022 du préfet du Pas-de-Calais, le tribunal administratif de Lille a retenu, d'une part, qu'il ressortait des éléments produits par M. C..., qui avait entendu lever le secret médical, et non utilement contredits par le préfet et par l'Office français de l'immigration et de l'intégration, que l'un des trois collyres destinés à diminuer la tension intraoculaire, prescrits à l'intéressé pour la prise en charge du glaucome chronique à angle ouvert de l'œil droit dont il est atteint, n'était pas disponible en Côte d'Ivoire, non plus que certains des principes actifs entrant dans sa composition, et, d'autre part, que l'examen annuel consistant en une tomographie à cohérence optique (OCT), également indispensable à la prise en charge de la pathologie dont demeure atteint l'intéressé, n'était pas pris en charge dans le cadre de la couverture maladie garantie aux patients ivoiriens et que son coût était élevé. Les premiers juges ont tiré de cette analyse la conclusion que, pour refuser d'accorder à M. C... le renouvellement de la carte de séjour temporaire qui lui avait été précédemment délivrée pour raisons de santé, le préfet du Pas-de-Calais avait commis une erreur d'appréciation au regard des dispositions précitées de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

4. Toutefois, d'une part, au soutien de la requête qu'il a introduite contre ce jugement, le préfet du Pas-de-Calais produit des extraits de la fiche issue de l'application MedCoi (medical country of origin information), édités le 27 mai 2020 et relatifs à la Côte d'Ivoire. Il ressort de ces extraits, d'une part, que les principes actifs entrant dans la composition du Combigan, qui est l'un des collyres prescrits à M. C..., à savoir la brimonidine et le timolol, sont disponibles, en combinaison dans un médicament générique, en Côte d'Ivoire, tandis que le chlorure benzalkonium, autre molécule entrant dans la composition de ce collyre et indisponible dans ce pays, n'est qu'un adjuvant non essentiel. En outre, il ressort des mêmes extraits que le dorzolamide, entrant, avec le timolol, dans la composition du Cosidime, autre collyre prescrit à M. C..., est également disponible en Côte d'Ivoire. Enfin, il ressort des mêmes extraits que le latanoprost, substance active entrant dans la composition du dernier collyre prescrit à l'intéressé, à savoir du Monoprost, est lui aussi disponible en Côte d'Ivoire. Dans ces conditions, par les éléments qu'il produit en appel, le préfet du Pas-de-Calais établit que les premiers juges ont retenu à tort l'indisponibilité de certains de ces principes actifs.

5. D'autre part, il ressort des pièces du dossier et n'est pas contesté, que la prise en charge de la pathologie dont est atteint M. C... implique nécessairement, afin d'en suivre l'évolution, la réalisation, à un rythme annuel dans le cas de l'intéressé, d'une évaluation du champ visuel ainsi que d'une tomographie à cohérence optique (OCT) et que, si ces examens peuvent être pratiqués, comme l'a confirmé l'Office français de l'immigration et de l'intégration dans ses observations devant les premiers juges, dans cinq des établissements de soins exerçant à Abidjan, la consultation correspondante est facturée au prix de 25 000 francs CFA et, sous réserve qu'elle soit réalisée au sein d'un établissement public ou privé conventionné, n'est prise en charge par l'assurance maladie, au titre de la couverture maladie universelle, que dans la limite de 5 000 francs CFA. Ainsi, en tenant même pour vraisemblable qu'il sera éligible à ce niveau de couverture, M. C... conserverait à sa charge une somme de 20 000 francs CFA. Cependant, si le préfet ne conteste pas que le revenu mensuel moyen des habitants de la Côte d'Ivoire s'élevait, en 2021, à 171 euros, il ne peut être tenu pour établi que ce niveau de revenu, qui équivaut à 112 189,94 francs CFA mensuels, ferait obstacle à ce que M. C..., alors même que sa capacité de travail est amoindrie par la cécité de l'œil gauche et le glaucome à l'œil droit dont il souffre et même si cette situation a justifié que la qualité de travailleur handicapé lui soit reconnue en France, puisse avoir effectivement accès, en cas de retour dans son pays d'origine, à cet examen, dont le reste à charge pour l'intéressé correspond à 30 euros mais qui est seulement nécessaire à une fréquence annuelle, et à son traitement. Dans ces conditions, sans qu'il ait été nécessaire de recueillir de nouvelles observations de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, le préfet du Pas-de-Calais est fondé à soutenir que c'est à tort que, pour annuler la décision refusant de délivrer un titre de séjour à M. C... et, par voie de conséquence, les autres décisions prises par son arrêté du 20 septembre 2022, le tribunal administratif a retenu que ce refus de séjour était entaché d'une erreur d'appréciation au regard de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

6. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par M. C... devant le tribunal administratif de Lille, ainsi, en outre, que ceux que l'intéressé soulève devant elle.

Sur les autres moyens :

En ce qui concerne le refus de séjour :

S'agissant de la compétence de son auteur :

7. L'arrêté contesté du 20 septembre 2022 a été signé par M. D... A..., attaché principal, chef du bureau du contentieux du droit des étrangers de la préfecture du Pas-de-Calais, qui a agi dans le cadre de la délégation de signature qui lui avait été donnée par un arrêté du 10 août 2022 publié le même jour au n°97 spécial du recueil des actes administratifs de la préfecture du Pas-de-Calais et qui habilitait notamment M. A... à signer, en cas d'absence ou d'empêchement de M. B..., directeur des migrations et de l'intégration, les décisions de refus de titre de séjour. Il ne ressort pas des pièces du dossier que M. B... n'aurait pas été absent ou empêché. Il suit de là que le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision refusant de délivrer un titre de séjour à M. C... manque en fait.

S'agissant de sa motivation :

8. Les motifs de l'arrêté du 20 septembre 2022 comportent, sous le visa des dispositions et stipulations pertinentes au regard de la situation de M. C... et dans des termes suffisamment précis, l'énoncé des considérations de droit et de fait sur lesquels le préfet du Pas-de-Calais a fondé la décision refusant de délivrer un titre de séjour à l'intéressé. Par suite et alors même que ces motifs n'exposent pas l'ensemble des éléments de fait caractérisant la situation de M. C..., cette décision est suffisamment motivée, en droit comme en fait.

S'agissant de la régularité de l'avis du collège de médecins :

9. Aux termes de l'article R. 425-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour l'application de l'article L. 425-9, le préfet délivre la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'office et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. / (...) ". Et aux termes de l'article R. 425-12 de ce code : " Le rapport médical mentionné à l'article R. 425-11 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement le demandeur ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné au deuxième alinéa du même article. Le médecin de l'office peut solliciter, le cas échéant, le médecin qui suit habituellement le demandeur ou le médecin praticien hospitalier. Il en informe le demandeur. Il peut également convoquer le demandeur pour l'examiner et faire procéder aux examens estimés nécessaires. (...) ".

10. En premier lieu, il ressort des termes de l'avis, versé au dossier de première instance, émis le 15 septembre 2020 par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration que cet avis, au vu duquel, notamment, le préfet du Pas-de-Calais a apprécié la situation de M. C..., comporte la signature électronique des médecins qui l'ont établi et que ces médecins sont identifiés par la mention de leur nom sous chacune de ces signatures. Il suit de là que le moyen tiré de l'irrégularité de cet avis en raison d'une absence de possibilité d'identification de ses auteurs manque en fait.

11. En deuxième lieu, comme en a justifié le préfet du Pas-de-Calais devant les premiers juges, ces trois médecins étaient au nombre de ceux qui avaient été désignés pour siéger au sein du collège de médecins à compétence nationale par une décision du 1er août 2022 du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration.

12. En troisième lieu, il ressort des pièces versées au dossier de première instance par le préfet du Pas-de-Calais, notamment d'une copie du rapport médical au vu duquel se sont prononcés les médecins, membres du collège, que l'auteur de ce rapport n'a pas siégé au sein de ce collège.

S'agissant des autres moyens dirigés contre le refus de séjour :

13. Eu égard notamment à ce qui a été dit au point 8, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet du Pas-de-Calais ne se serait pas livré à un examen suffisamment attentif de la situation de M. C... avant de refuser de lui délivrer un titre de séjour.

14. Eu égard aux motifs énoncés aux points 4 et 5, il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision refusant de délivrer un titre de séjour à M. C... aurait été prise en méconnaissance des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

15. M. C..., qui, ainsi qu'il a été dit, a déclaré être entré en France le 7 avril 2017, fait état des liens privilégiés qu'il entretient avec sa nièce et les enfants de celle-ci, auprès desquels il précise suppléer à l'absence de son frère défunt. Toutefois, il n'est pas contesté que l'intéressé n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine, où il a lui-même habituellement vécu jusqu'à l'âge de vingt-sept ans et où résident ses trois enfants mineurs. Dans ces conditions et malgré l'engagement bénévole de M. C... au sein d'une association humanitaire, dont, au demeurant, l'objet est de venir en aide aux ressortissants de son pays d'origine, ce qui ne peut suffire à témoigner d'une intégration notable dans la société française, la décision refusant de délivrer un titre de séjour à l'intéressé n'a pas, eu égard à la durée et aux conditions de son séjour en France, porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Par suite, cette décision ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs et eu égard aussi à ce qui été dit aux points 4 et 5, pour refuser de délivrer un titre de séjour à M. C..., le préfet du Pas-de-Calais n'a pas commis d'erreur dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'intéressé.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

16. L'arrêté de délégation de signature mentionné au point 7 habilitait M. A..., signataire de l'arrêté contesté, à l'effet de signer, en cas d'absence ou d'empêchement de M. B..., directeur des migrations et de l'intégration de la préfecture du Pas-de-Calais, laquelle situation n'est pas contestée, les " décisions relatives aux obligations de quitter le territoire français avec ou sans délai de départ volontaire ". Il suit de là que le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision faisant obligation à M. C... de quitter le territoire français manque en fait.

17. Si, en vertu des dispositions de l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision faisant obligation à un étranger de quitter le territoire français doit être motivée, ces dispositions n'imposent pas qu'elle le soit de façon spécifique lorsqu'elle est adossée à un refus de titre de séjour. Or, il ressort des motifs de l'arrêté contesté que ceux-ci comportent, comme il a été dit, l'énoncé des considérations de droit et de fait sur lesquelles le préfet du Pas-de-Calais s'est fondé pour refuser de délivrer un titre de séjour à M. C.... La décision de refus de titre de séjour doit donc être regardée comme suffisamment motivée, de sorte que la décision portant obligation de quitter le territoire français doit également être tenue comme telle.

18. Ainsi qu'il a été dit, les moyens dirigés contre le refus de titre de séjour doivent être écartés. Il en résulte que le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français devrait être annulée par voie de conséquence de l'annulation de ce refus de titre de séjour n'est pas fondé.

19. Pour les motifs énoncés aux points 4 et 5, le moyen tiré, par M. C..., de ce qu'il figurait, à la date à laquelle l'arrêté contesté a été pris, parmi les ressortissants étrangers, visés au 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui ne peuvent, eu égard à leur état de santé, faire légalement l'objet d'une obligation de quitter le territoire français, n'est pas fondé.

20. Pour les motifs énoncés au point 15, les moyens tirés de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français aurait été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 et, eu égard aussi à ce qui été dit aux points 4 et 5, serait entachée d'erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M. C... doivent être écartés.

En ce qui concerne la décision refusant d'accorder un délai de départ volontaire supérieur à trente jours :

21. L'arrêté de délégation de signature mentionné aux points 7 et 16 habilitait M. A..., signataire de l'arrêté contesté, à l'effet de signer, en cas d'absence ou d'empêchement de M. B..., directeur des migrations et de l'intégration de la préfecture du Pas-de-Calais, laquelle situation n'est pas contestée, les décisions fixant le délai imparti aux ressortissants étrangers pour se soumettre volontairement à l'obligation de quitter le territoire français dont ils font l'objet. Il suit de là que le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision refusant d'accorder à M. C... un délai de départ volontaire supérieur à trente jours manque en fait.

22. Aux termes de l'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger faisant l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de cette décision. / L'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. / (...) ".

23. En retenant, dans les motifs de l'arrêté contesté, que M. C... n'a pas fait état, auprès de ses services, de difficultés auxquelles il serait confronté, ni de circonstances particulières justifiant qu'un délai de départ volontaire supérieur au délai de droit commun de trente jours prévu par les dispositions de l'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile lui soit accordé, le préfet du Pas-de-Calais a donné à sa décision, sur ce point, une motivation suffisante.

24. Ainsi qu'il a été dit, les moyens dirigés contre la décision portant obligation de quitter le territoire français doivent être écartés. Il en résulte que le moyen tiré de ce que la décision portant refus d'octroi d'un délai de départ volontaire supérieur à trente jours devrait être annulée par voie de conséquence de l'annulation de cette mesure d'éloignement n'est pas fondé.

25. Il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en accordant, dans les circonstances de l'espèce, le délai de droit commun de trente jours prévu à l'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile à M. C... pour se conformer volontairement à l'obligation de quitter le territoire français qui lui était faite, le préfet du Pas-de-Calais, auprès duquel l'intéressé n'établit, ni d'ailleurs n'allègue avoir fait état de circonstances particulières justifiant qu'un délai supérieur lui soit accordé, aurait commis, en tenant compte de l'état de santé de l'intéressé, une erreur manifeste d'appréciation.

Sur la décision fixant le pays de destination :

26. M. A..., signataire de l'arrêté contesté, qui, ainsi qu'il a été dit au point 16, avait régulièrement reçu délégation à l'effet de signer, en cas d'absence ou d'empêchement de M. B..., directeur des migrations et de l'intégration de la préfecture de la Seine-Maritime, laquelle situation n'est pas contestée, les décisions relatives aux obligations de quitter le territoire français, tenait de cette délégation compétence pour signer les décisions fixant le pays de destination de ces mesures d'éloignement. Il suit de là que le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision fixant le pays à destination duquel M. C... pourra être reconduit d'office manque en fait.

27. Ainsi qu'il a été dit, les moyens dirigés contre la décision portant obligation de quitter le territoire français doivent être écartés. Il en résulte que le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de destination devrait être annulée par voie de conséquence de l'annulation de cette mesure d'éloignement n'est pas fondé.

28. Il ne ressort pas des pièces du dossier, ainsi qu'il a été dit aux points 4 et 5, que M. C... ne pourrait effectivement accéder, en cas de retour dans son pays d'origine, à un traitement approprié à son état de santé. En outre, M. C... n'apporte aucun élément probant, ni aucune précision, au soutien de ses allégations selon lesquelles il encourrait des traitements inhumains et dégradants en cas de retour dans son pays d'origine. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance, par la décision fixant le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office, des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

29. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Pas-de-Calais est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a annulé, pour excès de pouvoir, la décision, prise par son arrêté du 20 septembre 2022, refusant de délivrer un titre de séjour à M. C... et, par voie de conséquence, les autres décisions prises par cet arrêté, faisant obligation à l'intéressé de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office, qu'il lui a enjoint de délivrer un titre de séjour à l'intéressé et qu'il a, dans les circonstances de l'espèce, regardé l'Etat comme la partie perdante pour l'application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et de celles de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

30. Par voie de conséquence, les demandes présentées par M. C... devant le tribunal administratif de Lille doivent être rejetées.

Sur les frais de procédure :

31. Par voie de conséquence de l'ensemble de ce qui précède, doivent être rejetées les conclusions de M. C... tendant à la mise à la charge de l'Etat, sur le fondement des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et de celles de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, des frais exposés, en cause d'appel, par son conseil et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement nos 22009722, 2305875 du 6 février 2024 du tribunal administratif de Lille est annulé.

Article 2 : Les demandes présentées par M. C... devant le tribunal administratif de Lille sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer, au préfet du Pas-de-Calais, ainsi qu'à M. E... C... et à Me Navy.

Copie sera adressée à l'Office français de l'immigration et de l'intégration.

Délibéré après l'audience publique du 5 septembre 2024 à laquelle siégeaient :

- M. Marc Heinis, président de chambre,

- M. François-Xavier Pin, président-assesseur,

- M. Jean-François Papin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 septembre 2024.

Le rapporteur,

Signé : J.-F. PapinLe président de chambre,

Signé : M. HeinisLe président de la formation de jugement,

F.-X. Pin

La greffière,

Signé : E. Héléniak

La greffière,

E. Héléniak

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Pour la greffière en chef,

Par délégation,

La greffière,

Elisabeth Héléniak

1

2

No24DA00333


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 24DA00333
Date de la décision : 19/09/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Heinis
Rapporteur ?: M. Jean-François Papin
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : NAVY

Origine de la décision
Date de l'import : 29/09/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-09-19;24da00333 ?
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