La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

19/09/2024 | FRANCE | N°23DA00298

France | France, Cour administrative d'appel de DOUAI, 4ème chambre, 19 septembre 2024, 23DA00298


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... C... a demandé au tribunal administratif d'Amiens de prononcer la décharge des cotisations primitives d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2015, ainsi que des pénalités correspondantes, de lui accorder le bénéfice du sursis de paiement, de prononcer la mainlevée des mesures de mise en recouvrement de ces impositions et de condamner l'Etat à lui payer la somme de 250 000 euros à titre de dommages-intér

êts.



Par un jugement n° 2002831 du 15 décembre 2022, le tribunal administratif d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif d'Amiens de prononcer la décharge des cotisations primitives d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2015, ainsi que des pénalités correspondantes, de lui accorder le bénéfice du sursis de paiement, de prononcer la mainlevée des mesures de mise en recouvrement de ces impositions et de condamner l'Etat à lui payer la somme de 250 000 euros à titre de dommages-intérêts.

Par un jugement n° 2002831 du 15 décembre 2022, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 16 février 2023 et des mémoires, enregistrés le 16 février 2024 et le 12 mars 2024, ce dernier mémoire n'ayant pas été communiqué, M. C..., représenté par Me Detrez-Cambrai, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge de ces impositions et des pénalités correspondantes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros, à verser à son conseil, au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

- la requête, qui satisfait aux dispositions de l'article R. 431-2 du code de justice administrative, est recevable ;

- dès lors que la proposition de rectification du 12 décembre 2018 relative à des impositions établies au titre de l'année 2015 ne lui a été remise que le 21 janvier 2019, le délai de reprise de l'administration prévu aux articles L. 169 et L. 189 du livre des procédures fiscales était prescrit ;

- il n'est pas démontré qu'un pli recommandé contenant la proposition de rectification du 12 décembre 2018 lui aurait été présenté le 17 décembre suivant ;

- les observations qu'il a formulées le 24 janvier 2019, soit dans le délai de trente jours à compter de la notification de cette proposition de rectification, n'étaient pas tardives ;

- il se prévaut des énonciations contenues dans les paragraphes 60, 80, 90, 100 et 130 de la documentation administrative référencée BOI-CF-IOR-10-30 ;

- la somme en cause, versée sur son compte personnel, est relative à son compte courant d'associé et non à une distribution de dividendes et ne saurait ainsi être regardée comme un revenu distribué dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 décembre 2023, et un mémoire, enregistré le 22 février 2024, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- à titre principal, la requête méconnaît les dispositions des articles R. 431-2 et R. 811-7 du code de justice administrative et est, dès lors, irrecevables ;

- à titre subsidiaire, les conclusions de la requête afférentes à la procédure de recouvrement ainsi que les conclusions indemnitaires sont irrecevables ;

- les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 22 février 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 14 mars 2024.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 18 avril 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pin, président-assesseur,

- les conclusions de M. Arruebo-Mannier, rapporteur public,

- et les observations de M. C....

Considérant ce qui suit :

1. M. C... a fait l'objet d'un contrôle sur pièces de son dossier fiscal personnel à l'issue duquel il a été assujetti, au titre de l'année 2015, sur le fondement des dispositions du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts, à des cotisations primitives d'impôt sur le revenu et de contributions sociales, à raison de revenus distribués par la SARL Setace dont l'intéressé était l'associé-gérant, assorties de la majoration pour manquement délibéré. M. C... relève appel du jugement du tribunal administratif d'Amiens du 15 décembre 2022 en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, de ces impositions.

Sur la prescription du droit de reprise de l'administration :

2. Aux termes de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales : " Pour l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés, le droit de reprise de l'administration des impôts s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due. (...) ". Aux termes de l'article L. 189 de ce livre : " La prescription est interrompue par la notification d'une proposition de rectification (...) ".

3. Eu égard à l'objet de ces dispositions, relatives à la détermination du délai dont dispose l'administration pour exercer son droit de reprise, la date d'interruption de la prescription est celle à laquelle le pli contenant la proposition de rectification a été présenté à l'adresse du contribuable. Il en va de même lorsque le pli n'a pu lui être remis lors de sa présentation et que le contribuable a été avisé de sa mise en instance, qu'il l'ait retiré ultérieurement ou ait négligé de le retirer.

4. Si le contribuable conteste qu'une décision lui a bien été notifiée, il incombe à l'administration fiscale d'établir qu'une telle notification lui a été régulièrement adressée et, lorsque le pli contenant cette notification a été renvoyé par le service postal au service expéditeur, de justifier de la régularité des opérations de présentation à l'adresse du destinataire. La preuve qui lui incombe ainsi peut résulter soit des mentions précises, claires et concordantes figurant sur les documents, le cas échéant électroniques, remis à l'expéditeur conformément à la règlementation postale soit, à défaut, d'une attestation de l'administration postale ou d'autres éléments de preuve établissant la délivrance par le préposé du service postal d'un avis de passage prévenant le destinataire de ce que le pli est à sa disposition au bureau de poste. Compte tenu des modalités de présentation des plis recommandés prévues par la réglementation postale, doit être regardé comme portant des mentions précises, claires et concordantes suffisant à constituer la preuve d'une notification régulière le pli recommandé retourné à l'administration auquel est rattaché un volet " avis de réception " sur lequel a été apposée la date de vaine présentation du courrier et qui porte, sur l'enveloppe ou l'avis de réception, l'indication du motif pour lequel il n'a pu être remis.

5. M. C... soutient que la proposition de rectification, modèle n° 2120, du 12 décembre 2018 résultant du contrôle sur pièces opéré sur ses revenus de l'année 2015, ne lui a été remise qu'à l'occasion d'un entretien avec la vérificatrice qui s'est tenu le 21 janvier 2019 dans le cadre de la procédure d'examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle dont il faisait l'objet au titre des années 2016 et 2017, et, qu'à cette date, le délai de reprise de l'administration applicable à l'impôt sur le revenu de l'année 2015 était expiré.

6. Il résulte toutefois de l'instruction que le pli recommandé contenant la proposition de rectification du 12 décembre 2018, expédié à l'adresse exacte de M. C..., a été retourné à l'administration, accompagné d'un avis de réception comportant la mention : " présenté / avisé le 17/12/18 ". En outre, l'enveloppe du pli recommandé était revêtue d'une étiquette intitulée : " restitution de l'information à l'expéditeur " sur laquelle la case " pli avisé et non réclamé ", correspondant au motif de non-distribution, était cochée. Si M. C... soutient qu'un tel avis ne permet pas de tenir pour établi que le pli recommandé qui lui correspond contenait la proposition de rectification en cause, il n'apporte aucun élément au soutien de l'allégation selon laquelle ce pli aurait contenu un autre document, alors au demeurant que l'avis de réception du pli recommandé portait, dans l'encart intitulé " référence ", la mention " 2120-2015 ", correspondant au modèle de la proposition de rectification et à l'année d'imposition, suivi du nom de l'inspectrice des finances publiques ayant signé cette proposition de rectification. Compte tenu de ces mentions précises, claires et concordantes, la proposition de rectification du 12 décembre 2018 doit être regardée comme ayant été régulièrement notifiée à M. C... le 17 décembre 2018. La circonstance que l'administration a remis à M. C... le 21 janvier 2019, pour information, une copie de cette proposition de rectification est ainsi sans incidence sur la régularité de la notification de ce document le 17 décembre 2018. Par suite, le moyen tiré de la prescription du délai de reprise dont disposait l'administration, faute de notification de la proposition de rectification dans le délai fixé aux articles L. 169 et L. 189 du livre des procédures fiscales doit être écarté.

7. M. C... ne peut utilement se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, des énonciations contenues dans la documentation administrative référencée sous le numéro BOI-CF-IOR-10-30 qui porte sur la procédure d'imposition et ne comportent aucune interprétation de la loi fiscale.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

8. Aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. A moins qu'un délai ne soit prévu par le présent livre, le délai accordé aux contribuables pour répondre aux demandes de renseignements, de justifications ou d'éclaircissements et, d'une manière générale, à toute notification émanant d'un agent de l'administration des impôts est fixé à trente jours à compter de la réception de cette notification ".

9. Il résulte de ces dispositions qu'un contribuable dispose d'un délai franc de trente jours pour faire connaître ses observations sur la proposition de rectification et que la durée de ce délai peut être portée à soixante jours à sa demande.

10. Il résulte de ce qui a été dit précédemment que le pli contenant la proposition de rectification du 12 décembre 2018 a été régulièrement notifié à M. C... le 17 décembre 2018. Il résulte en outre de l'instruction que cette proposition de rectification mentionnait que M. C... disposait d'un délai de trente jours pour présenter ses observations et que le contribuable n'a adressé aucune observation dans le délai qui lui était ainsi accordé. Les observations présentées par l'intéressé et parvenues à l'administration le 24 janvier 2019, sont intervenues au-delà du délai de trente jours imparti par les dispositions du 2ème aliéna de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales. Par suite, les observations présentées par M. C... en réponse à la proposition de rectification du 12 décembre 2018 étaient, ainsi que l'a considéré l'administration dans sa réponse du 31 janvier 2019, tardives de sorte que l'appelant n'a pas été privé des garanties attachées à la procédure contradictoire.

Sur le bien-fondé des impositions :

11. M. C... n'ayant pas présenté d'observations dans le délai de trente jours suivant la notification de la proposition de rectification, celui-ci supporte, en application de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales, la charge de la preuve de l'exagération des impositions qu'il conteste.

12. Aux termes du 1 de l'article 109 du code général des impôts : " Sont considérés comme revenus distribués : 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital. (...) ". Aux termes du premier alinéa de l'article 110 du même code : " Pour l'application du 1° du 1 de l'article 109, les bénéfices s'entendent de ceux qui ont été retenus pour l'assiette de l'impôt sur les sociétés. ". Aux termes de l'article 47 de l'annexe II à ce code : " Toute rectification du bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés au titre d'une période sera prise en compte au titre de la même période pour le calcul des sommes distribuées ".

13. Il résulte de l'instruction que la SARL Setace n'ayant pas souscrit sa déclaration de résultats au titre de l'exercice clos en 2015, le service a procédé à la reconstitution du bénéfice de la société qui a été évalué, pour cet exercice, à la somme non contestée de 224 877 euros.

14. Pour établir l'appréhension par M. C... de la somme de 224 877 euros correspondant au bénéfice rectifié de la SARL Setace au titre de l'exercice 2015, l'administration a constaté, à la suite de l'exercice de son droit de communication auprès d'établissements bancaires, qu'une somme de 244 500 euros avait été virée le 2 juin 2015 sur le compte bancaire personnel de M. C..., depuis le compte de la société et que cette somme n'avait fait l'objet d'aucun reversement au cours de cet exercice. Si M. C... soutient que cette somme correspond à une créance inscrite au crédit du compte courant d'associé qu'il détenait dans cette société, il n'apporte, pas davantage en appel qu'en première instance, de précision ni d'élément utile au soutien de cette allégation. Par suite, l'administration doit être regardée comme rapportant la preuve qui lui incombe de l'existence et du montant des recettes non déclarées par la SARL Setace à hauteur de 224 877 euros, lesquelles, n'ayant été ni mises en réserve ni incorporées au capital, ne sont pas demeurées investies dans la société, sont ainsi constitutives de distributions consenties par cette dernière et imposables sur le fondement du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts entre les mains de M. C....

15. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée en défense, que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à la décharge des impositions en litige. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C..., au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et à Me Detrez-Cambrai.

Copie en sera transmise à l'administratrice de l'Etat chargée de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.

Délibéré après l'audience du 5 septembre 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Marc Heinis, président de chambre,

- M. François-Xavier Pin, président-assesseur,

- Mme Alice Minet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 septembre 2024.

Le président-rapporteur,

Signé : F.-X. Pin

Le président de chambre,

Signé : M. B...La greffière,

Signé : E. Héléniak

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Pour la greffière en chef,

Par délégation,

La greffière,

Elisabeth Héléniak

2

N°23DA00298


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23DA00298
Date de la décision : 19/09/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. Heinis
Rapporteur ?: M. François-Xavier Pin
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : DETREZ-CAMBRAI

Origine de la décision
Date de l'import : 29/09/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-09-19;23da00298 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award