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18/09/2024 | FRANCE | N°24DA00296

France | France, Cour administrative d'appel de DOUAI, 3ème chambre, 18 septembre 2024, 24DA00296


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. D... A..., alias M. E... C..., a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler pour excès de pouvoir, d'une part, l'arrêté du 29 septembre 2023 par lequel le préfet de la Seine-Maritime l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourrait être éloigné d'office et lui a interdit le retour sur le territoire français pendant une durée de six mois et, d'autre part, l'arrêté en date du même jour par lequel cett

e même autorité l'a assigné à résidence. Il a par ailleurs demandé au tribunal d'enjoindre au...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A..., alias M. E... C..., a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler pour excès de pouvoir, d'une part, l'arrêté du 29 septembre 2023 par lequel le préfet de la Seine-Maritime l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourrait être éloigné d'office et lui a interdit le retour sur le territoire français pendant une durée de six mois et, d'autre part, l'arrêté en date du même jour par lequel cette même autorité l'a assigné à résidence. Il a par ailleurs demandé au tribunal d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 2303832 du 6 octobre 2023, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 15 février 2024, M. D... A..., alias M. E... C..., représenté par Me Elatrassi-Diome, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 29 septembre 2023 par lequel le préfet de la Seine-Maritime l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourrait être éloigné d'office et lui a interdit le retour sur le territoire français pendant une durée de six mois ;

3°) d'annuler l'arrêté du 29 septembre 2023 par lequel le préfet de la Seine-Maritime l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours ;

4°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat, sous réserve de la renonciation de son avocate à percevoir l'aide juridictionnelle, une somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 ;

6°) subsidiairement, de mettre à la charge de l'Etat, une somme de 1 500 euros, à lui verser sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision l'obligeant à quitter le territoire français est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'incompétence ;

- elle a été prise en violation du droit d'être entendu consacré par l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen sérieux de sa situation personnelle ;

- la décision portant refus de délai de départ volontaire est entachée d'insuffisance de motivation ;

- elle est entachée d'incompétence ;

- elle méconnaît l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen sérieux de sa situation personnelle ;

- elle doit être annulée par voie d'exception d'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;

- la décision fixant le pays de renvoi est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'incompétence ;

- elle a été prise en violation du droit d'être entendu consacré par l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- elle méconnaît l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- elle doit être annulée par voie d'exception d'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen sérieux de sa situation personnelle ;

- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'incompétence ;

- elle a été prise en méconnaissance de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen sérieux de sa situation personnelle ;

- elle est illégale dès lors qu'elle est fondée sur une décision portant obligation de quitter le territoire elle-même illégale ;

- la décision portant assignation à résidence est insuffisamment motivée, en méconnaissance de l'article L. 732-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'incompétence ;

- elle a été prise en méconnaissance de l'article L. 731-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen sérieux de sa situation personnelle ;

- elle est illégale dès lors qu'elle est fondée sur des décisions portant obligation de quitter le territoire français et refusant un délai de départ volontaire qui sont elles-mêmes illégales.

La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Maritime qui n'a pas produit d'observations.

Par une ordonnance du 4 juin 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 5 juillet 2024 à 12 heures.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 16 janvier 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Frédéric Malfoy, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M D... A..., alias M. E... C..., ressortissant algérien né le 4 novembre 1985, serait entré en France en 2019 selon ses déclarations. A la suite d'un contrôle d'identité à l'issue duquel il a été constaté que l'intéressé était en situation irrégulière, le préfet de la Seine-Maritime l'a, par un arrêté du 6 mars 2021, obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il sera éloigné. Par un jugement n° 2100954 du 23 avril 2021, devenu définitif, le tribunal administratif de Rouen a rejeté la requête introduite par M. A... à l'encontre de cet arrêté. Le 27 septembre 2023, l'intéressé a été interpelé par les services de police et placé en garde à vue pour des faits de détention de produits stupéfiants, vente à la sauvette et vente de tabac sans autorisation. Par un arrêté du 29 septembre 2023, le préfet de la Seine-Maritime l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de six mois. Par un second arrêté signé le même jour, le préfet de la Seine-Maritime l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours. M. A... relève appel du jugement du 6 octobre 2023 par lequel la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Rouen a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de ces deux arrêtés.

Sur les conclusions à fins d'annulation de l'arrêté du 29 septembre 2023 portant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixant le pays de destination et prononçant une interdiction de retour sur le territoire français :

En ce qui concerne les moyens communs aux décisions contestées :

2. Dans la mesure où l'appelant réitère en tous points, sans y ajouter, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté du 29 septembre 2023 et celui tiré de la méconnaissance des dispositions des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration, il y a lieu, par adoption des motifs figurant aux points 2 et 3 du jugement attaqué, d'écarter ces deux moyens.

En ce qui concerne les autres moyens dirigés contre la décision portant obligation de quitter le territoire français :

3. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier, notamment du procès-verbal d'audition signé par le requérant dans le cadre de la procédure de retenue administrative instituée par les dispositions de l'article L. 813-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que M. A... a été entendu le 28 septembre 2023 par les services de police. Au cours de cet entretien, il a, en particulier, été interrogé sur son âge, sa nationalité, sa situation de famille, les raisons et les conditions de son départ de son pays d'origine et de son arrivée et de son séjour sur le territoire français, sur l'existence d'une demande de protection internationale ainsi que sur l'éventualité d'une mesure d'éloignement et la perspective d'un retour dans son pays d'origine, puis a été invité à formuler toute remarque complémentaire. Le requérant a ainsi eu la possibilité de faire valoir utilement les éléments pertinents susceptibles d'influencer la décision du préfet de

la Seine-Maritime sur son éloignement. Il n'est, dès lors, pas fondé à soutenir que l'obligation de quitter le territoire français a été prise à son encontre en violation du droit de toute personne d'être entendue préalablement à toute mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement, principe général du droit de l'Union européenne et qui implique seulement qu'il ait été mis en mesure de faire valoir, soit oralement soit par écrit ses observations.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir d'ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

5. Il ressort des pièces du dossier que M. A..., entré en France en 2019, y réside avec son épouse, compatriote en situation irrégulière, ainsi que leurs quatre enfants mineurs, nés respectivement le 6 janvier 2017, le 3 août 2018, le 2 mai 2020 et le 26 décembre 2022. Si les trois premiers enfants sont scolarisés, pour autant ces éléments sont insuffisants pour établir par eux-mêmes que l'appelant justifie de solides centres d'intérêts familiaux et privés sur le territoire français. A cet égard, outre que son épouse et lui-même sont en situation irrégulière, il ne justifie pas d'une insertion sociale ou professionnelle particulièrement intense et stable sur le territoire français, dans la mesure notamment où il n'est employé que depuis le 20 février 2023 en qualité de coiffeur. En outre, il n'allègue d'aucune autre attache privée ou familiale en France que son foyer et n'établit pas non plus être isolé dans son pays d'origine où résident encore notamment son oncle, sa tante et son grand-père. Dans ces conditions, le préfet de la Seine-Maritime, en lui faisant obligation de quitter le territoire français, n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels cette décision a été prise. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation et du défaut d'examen sérieux de sa situation personnelle doivent être écartés.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale (...) ".

7. Ainsi qu'il a été dit plus haut, si M. A... vit en France avec son épouse de même nationalité et en situation irrégulière, rien ne fait obstacle, eu égard notamment au jeune âge de leurs quatre enfants mineurs, à la reconstitution de la cellule familiale en Algérie. A cet égard, il n'est pas établi que l'aînée des enfants inscrite en CP, ni que ses deux frère et sœur inscrits en classe de maternelle ne pourraient poursuivre leur scolarité dans ce même pays. Enfin, si deux des enfants de M. A... font l'objet d'un suivi médical régulier en France pour une pathologie asthmatique, rien n'établit qu'ils ne pourraient suivre ce traitement en Algérie. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision l'obligeant à quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

En ce qui concerne les autres moyens dirigés contre la décision refusant d'accorder un délai de départ volontaire :

8. En premier lieu, aux termes de l'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger faisant l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de cette décision. (...) ". Aux termes de l'article L. 612-2 du même code : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : / (...) / 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet ". Enfin, l'article L. 612-3 de ce code précise que : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / 1° L'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; / (...) / 8° L'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, qu'il a refusé de communiquer les renseignements permettant d'établir son identité ou sa situation au regard du droit de circulation et de séjour ou a communiqué des renseignements inexacts, qu'il a refusé de se soumettre aux opérations de relevé d'empreintes digitales ou de prise de photographie prévues au 3° de l'article L. 142-1, qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues aux articles L. 721-6 à L. 721-8, L. 731-1, L. 731-3, L. 733-1 à L. 733-4, L. 733-6, L. 743-13 à L. 743-15 et L. 751-5 ".

9. Il ressort des termes mêmes de la décision attaquée que, pour refuser à M. A... l'octroi d'un délai de départ volontaire, le préfet s'est notamment fondé sur la circonstance qu'il est dépourvu de tout document d'identité ou de voyage en cours de validité, n'a engagé aucune démarche en vue de la régularisation de sa situation administrative et qu'il a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français de sorte qu'il ne présente ainsi aucune garantie de représentation. Dans ces conditions, le préfet a pu estimer à bon droit, quand bien même il aurait indiqué une adresse connue de la préfecture et ne constituerait pas une menace pour l'ordre public, qu'il ne présentait pas de garanties de représentation suffisantes au regard des seuls critères fixés par les dispositions précitées des 1° et 8° de l'article L. 612-3. Par suite, c'est sans entacher sa décision d'une erreur d'appréciation dans l'application des dispositions des articles L. 612-2 et L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que le préfet a refusé d'accorder à M. A... un délai de départ volontaire.

10. En deuxième lieu et pour les mêmes motifs, les moyens tirés de l'erreur manifeste d'appréciation et du défaut d'examen de sa situation personnelle doivent être écartés.

11. En dernier lieu, il résulte de ce qui a été dit aux points 3 à 10 que le moyen tiré de l'exception d'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français qui fonde la décision refusant d'accorder un délai de départ ne peut qu'être écarté.

En ce qui concerne les autres moyens dirigés contre la décision fixant le pays de destination :

12. En premier lieu, aux termes de l'article L. 721-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative fixe, par une décision distincte de la décision d'éloignement, le pays à destination duquel l'étranger peut être renvoyé en cas d'exécution d'office d'une décision portant obligation de quitter le territoire français, d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une décision de mise en œuvre d'une décision prise par un autre État, d'une interdiction de circulation sur le territoire français, d'une décision d'expulsion, d'une peine d'interdiction du territoire français ou d'une interdiction administrative du territoire français ". Et aux termes de l'article L. 721-4 de ce même code : " L'autorité administrative peut désigner comme pays de renvoi : / 1° Le pays dont l'étranger a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile lui a reconnu la qualité de réfugié ou lui a accordé le bénéfice de la protection subsidiaire ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile ; / 2° Un autre pays pour lequel un document de voyage en cours de validité a été délivré en application d'un accord ou arrangement de réadmission européen ou bilatéral ; / 3° Ou, avec l'accord de l'étranger, tout autre pays dans lequel il est légalement admissible. / Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ".

13. En outre, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumaines ou dégradants ".

14. Il ressort des énonciations de l'arrêté attaqué que le préfet a estimé que M.A... " ne prouve pas être exposé à des peines ou traitements contraires à la convention européenne des droits de l'homme en cas de retour dans son pays d'origine ". Alors qu'il ne répond à aucune des situations prévues par les dispositions de l'article L. 721-4 précitées, M. A... ne fait valoir aucun élément précis et personnel susceptible d'établir le bien-fondé des craintes pour sa sécurité en cas de retour en Algérie. Par suite, le préfet a suffisamment motivé sa décision et ne l'a entachée d'aucune erreur d'appréciation des risques encourus par l'appelant en cas de retour dans son pays d'origine. Dès lors les moyens tirés de l'insuffisance de motivation, de la violation de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés.

15. En deuxième lieu, pour ces mêmes motifs, le moyen tiré du défaut d'examen sérieux de la situation personnelle de M. A... doit être écarté.

16. En troisième lieu, compte tenu de ce qui a été dit aux points 5 à 7, les moyens tirés de ce que la décision attaquée aurait été prise en violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du premier paragraphe de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doivent être écartés.

17. En dernier lieu, il résulte de ce qui a été dit aux points 3 à 7 que le moyen tiré de l'exception d'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français qui fonde la décision fixant le pays de destination ne peut qu'être écarté.

En ce qui concerne la décision d'interdiction de retour sur le territoire français :

18. En premier lieu, aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. (...) ". En outre, aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français ".

19. L'interdiction de retour sur le territoire français en litige cite les articles L. 612-6 et L.612-10 précités et fait état des conditions de l'entrée et du séjour de M. A... en France, notamment de ce qu'il déclare y être entré en 2019, de sa situation d'homme marié et père de quatre enfants, de la circonstance qu'il travaille en toute illégalité, ainsi que de la menace pour l'ordre public qu'il pourrait constituer eu égard aux faits pour lesquels il a été placé en garde à vue. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation ne peut qu'être écarté.

20. Il ressort des pièces du dossier que M. A... se trouve en situation irrégulière sur le territoire national depuis l'année 2019. S'il dispose d'attaches familiales sur le territoire français, toutefois, comme il a été dit précédemment aucune circonstance particulière ne fait obstacle à ce que sa cellule familiale se reconstitue dans son pays d'origine. En outre, il est constant qu'il n'a pas déféré à une première mesure d'éloignement prononcée par le préfet de Seine-Maritime le 6 mars 2021. Par suite, en l'absence de toute circonstance humanitaire qui serait liée à sa situation médicale et familiale, le préfet de la Seine-Maritime n'a pas fait une inexacte application des dispositions citées au point précédent en lui interdisant le retour sur le territoire français pendant une durée de six mois.

21. En deuxième lieu, pour ces mêmes motifs, l'interdiction de retour prononcée n'est entachée ni d'une erreur manifeste d'appréciation, ni d'un défaut d'examen sérieux de la situation personnelle de M. A....

22. En dernier lieu, il résulte de ce qui a été dit plus haut que le moyen tiré de l'exception d'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français et de celle refusant un délai de départ, qui fondent la décision prononçant l'interdiction de retour, ne peut qu'être écarté.

En ce qui concerne la décision portant assignation à résidence :

23. En premier lieu, par un arrêté n° 23-033 du 30 janvier 2023, publié le même jour au recueil spécial n° 76-2023-009 des actes administratifs de la préfecture, le préfet de

la Seine-Maritime a donné délégation à Mme B... F..., attachée, cheffe du bureau de l'éloignement, à l'effet de signer les décisions telles que les mesures d'assignation à résidence. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de la signataire de la décision doit être écarté.

24. En deuxième lieu, la décision attaquée a été prise aux visas des articles L. 731-1 et L.732-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui prévoient les conditions dans lesquelles un étranger peut être assigné à résidence. Elle expose par ailleurs les motifs justifiant le prononcé de cette mesure, notamment la circonstance que l'intéressé ne détenait aucun titre l'autorisant à séjourner sur le territoire français. La décision fixe également la durée et les conditions d'exécution de la mesure prise à l'encontre de M. A.... Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de cette décision doit être écarté.

25. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 731-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut assigner à résidence l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, dans les cas suivants : / 1° L'étranger fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français, prise moins d'un an auparavant, pour laquelle le délai de départ volontaire est expiré ou n'a pas été accordé ; (...) ". Aux termes de l'article L. 732-3 de ce code : " L'assignation à résidence prévue à l'article L. 731-1 ne peut excéder une durée de quarante-cinq jours. / Elle est renouvelable une fois dans la même limite de durée ".

26. M. A... faisant l'objet d'une obligation de quitter le territoire français sans délai pour n'être détenteur d'aucun titre l'autorisant à séjourner régulièrement en France, il peut être assigné à résidence. En réitérant, devant la cour, qu'il est en possession d'un passeport délivré par les autorités sénégalaises valable jusqu'au 11 février 2025, l'appelant n'apporte aucun élément de nature à établir que son éloignement ne demeurait pas une perspective raisonnable. Par ailleurs, il ne fait état d'aucune circonstance de nature à démontrer que les modalités d'exécution de cette mesure, en l'occurrence une obligation de présentation tous les lundis et jeudis dans les locaux des services de la police aux frontières de Rouen entre 9 h 00 et 12 h 00 ou entre 14 h et 17 h 00, seraient disproportionnées. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'erreur d'appréciation et du défaut d'examen de sa situation personnelle doivent être écartés.

27. En dernier lieu, compte tenu de ce qui a été dit précédemment, le moyen tiré de l'exception d'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français et de celle refusant un délai de départ volontaire, qui fondent la décision prononçant l'assignation à résidence, ne peut qu'être écarté.

28. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. D... A..., alias M. E... C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Rouen a rejeté ses demandes. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction, assorties d'astreinte, ainsi que celles présentées au titre des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. D... A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A..., alias M. E... C..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Me Elatrassi-Diome.

Copie en sera adressée pour information au préfet de la Seine-Maritime.

Délibéré après l'audience publique du 3 septembre 2024 à laquelle siégeaient :

- Mme Marie-Pierre Viard, présidente de chambre,

- M. Jean-Marc Guérin-Lebacq, président-assesseur,

- M. Frédéric Malfoy, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 septembre 2024.

Le rapporteur,

Signé : F. MalfoyLa présidente de chambre,

Signé : M.-P. Viard

La greffière,

Signé : C. Huls-Carlier

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

Pour la greffière en chef,

par délégation,

La greffière,

C. Huls-Carlier

N° 24DA00296 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 24DA00296
Date de la décision : 18/09/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Viard
Rapporteur ?: M. Frédéric Malfoy
Rapporteur public ?: M. Carpentier-Daubresse
Avocat(s) : ELATRASSI-DIOME

Origine de la décision
Date de l'import : 28/09/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-09-18;24da00296 ?
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