Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Rouen, d'une part, d'annuler pour excès de pouvoir la décision, contenue dans l'arrêté du 4 décembre 2021, par laquelle le préfet de la Seine-Maritime lui a retiré sa carte de séjour pluriannuelle valable du 26 juin 2021 au 25 juin 2023, d'autre part, d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime de lui délivrer une carte de séjour pluriannuelle ou, subsidiairement, de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter du jugement à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard.
Par un jugement n° 2200884 du 25 octobre 2023, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 9 février 2024, M. A..., représenté par Me Seyrek, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du 4 décembre 2021, par lequel le préfet de la Seine-Maritime lui a retiré sa carte de séjour pluriannuelle valable du 26 juin 2021 au 25 juin 2023 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime de lui délivrer un titre de séjour pluriannuel dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de cent euros par jour de retard ;
4°) à défaut, d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime de réexaminer sa demande sous les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat, la somme de 2 000 euros à verser à son conseil en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la décision lui retirant sa carte de séjour pluriannuelle méconnaît les dispositions de l'article L. 432-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- compte tenu de l'ancienneté de ses condamnations pénales, il ne représente pas une menace réelle, actuelle et suffisamment grave à l'ordre public de sorte que la décision est entachée d'une erreur de droit et d'une erreur d'appréciation ;
- elle porte une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale dès lors qu'il vit en France depuis plus de dix années et qu'il y a fixé ses intérêts personnels et familiaux.
Par un mémoire en défense, enregistré le 9 avril 2024, le préfet de la Seine-Maritime conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle par une décision du 14 décembre 2023.
Par une ordonnance du 4 juin 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 4 juillet 2024 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Frédéric Malfoy, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1.M. B... A..., ressortissant nigérian né en 1985, déclare être entré irrégulièrement en France le 10 novembre 2011. Il a bénéficié de cartes de séjour temporaires, régulièrement renouvelées, du 16 janvier 2013 au 5 juin 2017, puis d'une carte de séjour pluriannuelle à compter du 26 juin 2017, renouvelée le 26 juin 2019 et, en dernier lieu, le 26 juin 2021.Par un arrêté du 4 décembre 2021, le préfet de la Seine-Maritime lui a retiré sa carte de séjour pluriannuelle et l'a remplacée par une carte de séjour temporaire d'un an. M. A... relève appel du jugement du 25 octobre 2023 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision par laquelle le préfet de la Seine-Maritime lui a retiré sa carte de séjour pluriannuelle.
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 432-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle peut, par une décision motivée, être retirée à tout étranger dont la présence en France constitue une menace pour l'ordre public ".
3. Pour retirer à M. A... la carte de séjour pluriannuelle valable deux ans qu'il lui avait délivré le 26 juin 2021, le préfet de la Seine-Maritime s'est fondé sur la circonstance que l'intéressé est défavorablement connu des services de police pour avoir fait l'objet, entre 2016 et 2020, de trois condamnations pénales prononcées par le tribunal correctionnel du Havre. En l'occurrence, M. A... a été condamné une première fois le 31 mai 2016 à une amende correctionnelle de 400 euros pour des faits de conduite d'un véhicule sans permis et sans assurance, une deuxième fois le 15 janvier 2018 à une peine de quinze mois d'emprisonnement avec sursis pour des faits de violence sans incapacité sur un mineur de quinze ans par un ascendant ou une personne ayant autorité sur la victime puis une troisième fois le 12 février 2020, à une peine de six mois d'emprisonnement avec sursis pour des faits de violence sans incapacité par une personne étant ou ayant été conjoint, concubin ou partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité.
4. D'une part, dès lors que, par les dispositions précitées, le législateur a donné à l'autorité administrative le pouvoir de retirer une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle, celles-ci ne font pas obstacle, comme l'a d'ailleurs retenu le tribunal, à ce que l'autorité préfectorale se fonde sur des condamnations pénales prononcées antérieurement à la délivrance ou au renouvellement du titre de séjour pour décider que la présence d'un étranger en France constitue une menace pour l'ordre public.
5. D'autre part, les deux condamnations pénales dont M. A... a fait l'objet dans un intervalle de temps de deux ans seulement et qui ont été prononcées pour des faits de violence commises dans le cercle familial caractérisent la persistance d'un comportement violent de la part de l'appelant. Compte tenu de la nature des faits commis et de leur gravité, et alors que la dernière condamnation présentait encore un caractère récent à la date de la décision attaquée, le préfet de la Seine-Maritime n'a dès lors pas fait une inexacte application des dispositions précitées de l'article L. 432-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en estimant que la présence en France de M. A... constituait une menace pour l'ordre public. Par suite, l'appelant n'est pas fondé à soutenir qu'en lui retirant, pour ce motif, sa carte de séjour pluriannuelle le préfet de la Seine-Maritime a entaché sa décision d'une erreur de droit et d'une erreur d'appréciation.
6. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
7. M.A... se prévaut de sa présence sur le territoire français depuis 2011, du fait que ses deux enfants sont nés et vivent en France et qu'il exerce une activité professionnelle. Toutefois, alors que les avis d'imposition sur le revenu qu'il produit ne font pas apparaître le rattachement de ses enfants au foyer fiscal et qu'il a fait l'objet d'une condamnation pour des faits de violence sur un mineur de quinze ans par un ascendant ou une personne ayant autorité sur victime, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il entretiendrait des relations suivies avec ses enfants. Par ailleurs, si ses avis d'imposition sur les revenus de 2019 et 2020 font mention d'une activité salariée, il ne justifie pas d'une insertion professionnelle stable et durable dès lors qu'il ne produit que trois bulletins de paye pour l'année 2021 et un contrat à durée déterminée de cinq jours signé le 9 décembre 2021, soit postérieurement à la décision contestée. En tout état de cause, comme l'a relevé le tribunal, l'arrêté contesté, par son article 2, a également pour objet de délivrer à l'intéressé une carte de séjour temporaire, garantissant ainsi la continuité de son séjour régulier sur le territoire.
8. Dans ces conditions, au regard tant de la menace pour l'ordre public que représente M. A... que des éléments relatifs à sa vie privée et familiale, le préfet de
la Seine-Maritime, en retirant la carte de séjour pluriannuelle qui lui avait été délivrée pour la période du 26 juin 2021 au 25 juin 2023, n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 25 octobre 2023 attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa requête. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles qu'il présente sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Me Seyrek.
Copie en sera transmise, pour information, au préfet de la Seine-Maritime.
Délibéré après l'audience publique du 3 septembre 2024 à laquelle siégeaient :
- Mme Marie-Pierre Viard, présidente de chambre,
- M. Jean-Marc Guérin-Lebacq, président-assesseur,
- M. Frédéric Malfoy, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 septembre 2024.
Le rapporteur,
Signé : F. Malfoy
La présidente de chambre,
Signé : M.-P. Viard
La greffière,
Signé : C. Huls-Carlier
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
Pour la greffière en chef,
par délégation,
La greffière,
C. Huls-Carlier
N° 24DA00261 2